QUELQUES THEMES DU LIVRE DES PROVERBES (6)
LA REPREHENSION
« Un anneau d'or et un joyau d'or fin, tel est, pour l'oreille qui écoute, celui qui reprend sagement » (Prov. 25 : 12).
Dans un langage imagé, ce verset des Proverbes met en évidence la grande valeur d'une répréhension sagement donnée et humblement reçue.
Il y a en effet ces deux aspects importants du sujet. Nous nous arrêterons d'abord sur le second, qui nous concerne tous de façon prioritaire.
Écouter la répréhension
Le livre des Proverbes, à de nombreuses reprises, place devant nous la nécessité de recevoir la répréhension. L'homme qui ne l'écoute pas, la méprise ou la hait est « stupide » (12 : 1) ; il s'identifie au « moqueur » (13 : 1) : il s'expose à être brisé subitement et inexorablement (29 : 1). Par contre, celui qui l'écoute, qui l'accepte, qui a égard à elle, montre déjà par là de la sagesse : « Reprends le sage, et il t'aimera » (9 : 8). « La répréhension fait plus d'impression sur l'homme intelligent que cent coups sur le sot » (17 : 10). Cet homme croîtra encore en sagesse : « Celui qui a égard à la répréhension devient avisé » (15 : 5) ; il « acquiert du sens » (15 : 32). « La verge et la répréhension donnent la sagesse » (29 : 15).
Le psaume 141 décrit en termes admirables une répréhension bien acceptée : « Que le juste me frappe, c'est une faveur ; qu'il me reprenne, c'est une huile excellente ; ma tête ne la refusera pas » (v. 5).
Si nous sommes toujours persuadés d'avoir raison et d'être à l'abri de tout reproche, non seulement nous faisons preuve d'orgueil - chose que Dieu hait (Prov. 8 : 13) - mais nous nous privons de l'aide spirituelle que nos frères et soeurs pourraient nous apporter de la part du Seigneur en mettant le doigt sur nos manquements ou nos tendances fâcheuses. En outre, comment pourrions-nous être aptes à accomplir envers eux ce même service, si nous ne sommes pas disposés à l'accepter pour nous-mêmes ?
Relever, ramener
Les hommes de ce monde, à notre époque peut-être plus qu'à toute autre, prônent la liberté : liberté de pensée, de parole, de croyance et de comportement. Comme chrétiens, nous pourrions être influencés par cet esprit, et demeurer indifférents à l'état spirituel de nos frères et soeurs - même s'ils s'éloignent de Dieu - sous prétexte de respecter leur liberté. La Parole nous conduit à une attitude bien différente.
On trouve déjà dans la loi de Moïse : « Tu ne manqueras pas à reprendre ton prochain, et tu ne porteras pas de péché à cause de lui » (Lév. 19 : 17). Le livre des Proverbes aussi nous encourage : « Celui qui reprend un homme trouvera la faveur dans la suite, plutôt que celui qui flatte de la langue » (28 : 23 ; voir aussi 24 : 24, 25). Mais il y a des cas, hélas, où l'orgueil et l'entêtement rendent ce service difficile ou impossible (Prov. 9 : 7, 8 ; 15 : 12).
Si nous aimons réellement nos frères et soeurs, nous avons à coeur leur progrès spirituel ; nous nous réjouissons quand nous les voyons prospérer, et nous sommes inquiets quand nous les voyons se refroidir ou s'engager sur un mauvais chemin. Lorsque nous voyons quelqu'un s'éloigner, la première chose à faire est sans doute de prier pour lui, mais le Seigneur peut nous conduire à faire plus.
L'apôtre Paul écrit : « Frères, même si un homme s'est laissé surprendre par quelque faute, vous qui êtes spirituels, relevez un tel homme dans un esprit de douceur, - prenant garde à toi-même de peur que toi aussi tu ne sois tenté » (Gal. 6 : 1). La responsabilité d'avertir est là, mais les conditions posées pour accomplir ce service sont là aussi, pénétrantes comme une flèche pour nos consciences. « Vous qui êtes spirituels... » - cela implique beaucoup ! En particulier, que nous n'ayons pas laissé, dans notre vie ou dans notre coeur, quelque chose qui ne soit pas en ordre devant le Seigneur.
L'apôtre attire ensuite notre attention sur la manière dont ce service doit être accompli : « Relevez... dans un esprit de douceur ». Le coeur et la conscience sont davantage touchés par l'amour et la douceur que par la dureté et la vérité. Cette douceur est aussi le fruit de l'humilité de celui qui est profondément conscient qu'il pourrait lui-même être « tenté » et tomber dans la faute qu'il reprend, ou dans n'importe quelle autre.
Jacques nous donne cet encouragement : « Mes frères, si quelqu'un parmi vous s'égare de la vérité et que quelqu'un le ramène, qu'il sache que celui qui aura ramené un pécheur de son égarement sauvera une âme de la mort et couvrira une multitude de péchés » (Jac. 5 : 19-20).
Ne jugez pas
Le Seigneur Jésus a dit : « Ne jugez pas, afin que vous ne soyez pas jugés ; car du jugement dont vous jugerez, vous serez jugés ; et de la mesure dont vous mesurez, il vous sera mesuré. Pourquoi regardes-tu la paille qui est dans l'oeil de ton frère, et ne t'aperçois-tu pas de la poutre qui est dans ton oeil ? Ou comment peux-tu dire à ton frère : Permets, je vais ôter la paille de ton oeil ; et voici, la poutre est dans ton oeil ? Hypocrite, ôte d'abord la poutre de ton oeil, et alors tu verras clair pour ôter la paille de l'oeil de ton frère » (Matt. 7 : 1-5).
Le Seigneur ne veut certes pas dire que nous ne devions pas discerner le mal qui apparaît devant nous, soit pour nous en garder, soit pour reprendre ceux qui s'y laissent entraîner. Il demeure toujours vrai que « la crainte de l'Eternel, c'est de haïr le mal » (Prov. 8 : 13). Le prophète Esaïe déclare : « Malheur à ceux qui appellent le mal bien, et le bien mal, qui mettent les ténèbres pour lumière, et la lumière pour les ténèbres, qui mettent l'amer pour le doux, et le doux pour l'amer » (Es. 5 : 20).
Mais notre Seigneur nous met ici en garde contre l'esprit de jugement, contre cette fâcheuse tendance de nos coeurs à voir le mal qu'il peut y avoir chez les autres et à fermer les yeux sur celui qui se trouve en nous. Cette tendance était développée à son point culminant chez les chefs religieux d'Israël, notamment chez les pharisiens. Nous éprouvons une juste répugnance vis-à-vis de leur attitude, mais ne pensons pas que nous soyons à l'abri de ce danger.
Dans ce passage, Jésus rappelle aussi que, selon le gouvernement de Dieu, nous moissonnons ce que nous avons semé, et que nous nous exposons à être jugés avec la sévérité dont nous avons nous-mêmes usé dans nos jugements.
Enfin, il attire notre attention sur le fait que tout ce qui n'est pas en ordre dans notre propre vie ou dans notre propre coeur obscurcit notre discernement spirituel, nous empêche de voir clair, et par conséquent nous disqualifie pour une sainte appréciation des choses.
La responsabilité propre du serviteur
L'Ecriture fournit tous les principes qui doivent gouverner notre marche chrétienne. Elle nous donne aussi, et en abondance, des exemples de la vie de la foi, sans cacher les défaillances de ceux dont elle nous entretient. Tout cela forme notre jugement spirituel. Mais dans la mise en pratique de cet enseignement divin, nous sommes souvent placés dans des situations où le chemin à suivre n'est pas évident. Dieu veut nous exercer et nous apprendre à rechercher sa volonté. Quant à notre chemin, nous pouvons compter sur la promesse de Dieu de le tracer devant nous, mais quant au chemin de nos frères et soeurs, il est juste que nous leur laissions le soin de le discerner. C'est leur responsabilité devant Dieu. Nous devons donc observer une grande réserve dans nos jugements à ce sujet.
Cela est tout particulièrement nécessaire en ce qui concerne le service chrétien. « Qui es-tu, toi qui juges le domestique d'autrui ? C'est pour son propre maître qu'il se tient debout ou qu'il tombe ; et il sera maintenu debout, car le Seigneur est puissant pour le maintenir debout » (Rom. 14 : 4 ; voir aussi v. 12-13). Le serviteur doit être exercé à recevoir ses consignes directement du Maître. Si quelqu'un est persuadé d'être appelé par le Seigneur à accomplir tel service, sommes-nous fondés à intervenir à ce sujet sur la base de nos appréciations personnelles ? Si un frère a eu à coeur de lire en assemblée et de commenter tel passage de l'Écriture, ou d'exprimer telle prière, qui est habilité à évaluer le bien-fondé de son action ? Il nous appartient toujours de discerner ce qui n'est pas conforme à la Parole ou ce qui est inconvenant, mais en dehors de cela, laissons le serviteur à sa responsabilité devant son Maître. Le Saint Esprit ne conduira jamais quelqu'un à agir de manière contraire aux Écritures, mais il peut le conduire à agir d'une manière différente de ce que nous pensions opportun, ou différente des habitudes. Celles-ci ne sont pas un critère. Seules les Écritures nous fournissent les vrais critères d'appréciation.
La Parole de Dieu contient de nombreux exemples de répréhensions, plus ou moins données, et plus ou moins bien reçues. Parmi elles, citons les deux exemples très contrastés que nous présente le livre de Job : les propos déplacés d'Eliphaz, Bildad et Tsophar, qui n'ont servi qu'à irriter Job, et les propos sages et pesés d'Elihu, dont Dieu s'est servi pour accomplir un travail réel et profond dans le coeur de son serviteur. Les premiers sont allés jusqu'à dire « des choses iniques » en pensant le faire « pour Dieu » (Job 13 : 7) - du moins c'est ainsi qu'elles ont été perçues. Le second a été le messager de Dieu, et ses paroles ont été acceptées.
J.-A. M.
DISCIPLINE ET RÉPRÉHENSION
« Aucune discipline, pour le présent, ne semble être un sujet de joie, mais plutôt de tristesse ; cependant, plus tard, elle rend le fruit paisible de la justice à ceux qui sont exercés par elle » (Héb. 12 : 11).
Le grand but de la discipline est d'amener le croyant à participer « à la sainteté du Père des esprits » (v. 10). Elle n'est pas toujours un châtiment, loin de là ; mais elle fait partie de notre éducation, pour que nous apprenions à combattre contre le péché, à poursuivre la paix avec tous et la sainteté, et que nous retenions la grâce par laquelle nous servions Dieu « d'une manière qui lui soit agréable, avec révérence et avec crainte » (v. 28).
Nous passons tous par quelque discipline, plus ou moins sévère, plus ou moins douloureuse, plus ou moins longue ; chacun en a fait l'expérience, nous pouvons dire l'heureuse expérience, si du moins il s'est courbé et humilié sous la puissante main de Dieu, sachant qu'Il a soin de nous. Si nous vivons dans la communion du Seigneur, nous comprendrons vite pourquoi Il a jugé utile de nous faire passer par la discipline, et au milieu de la tristesse qu'elle provoque, nous goûterons son fruit paisible, et nous pourrons rendre grâces. Mais son but est de nous faire participer à la sainteté de Dieu, à nous séparer de plus en plus de ce monde et des choses de ce monde pour le servir d'une manière qui Lui plaise, avec une sainte crainte, en attendant le retour du Seigneur.
Nous acceptons moins facilement, beaucoup moins volontiers la répréhension, c'est-à-dire un reproche ou un blâme. Nous n'aimons pas du tout qu'un frère, même un frère âgé, nous reprenne pour notre conduite personnelle ou collective, alors que notre conscience n'a peut-être pas encore été réveillée, ou qu'elle n'est pas en état d'alerte comme il faudrait qu'elle le soit toujours, et que notre coeur est rempli d'excuses. Paul a dû reprendre Pierre devant tous, mais nous sommes en droit de conclure d'après 2 Pierre 3 : 15, que ce dernier a eu égard à la répréhension (Prov. 13 : 18 et 15 : 5) et n'en a que davantage aimé et estimé celui qui le reprenait si sévèrement de la part de Dieu.
La répréhension n'est pas préventive ; elle vient pour corriger une faute, blâmer ou condamner un état de choses, reprendre celui qui ne marche pas droit. Et quand le Seigneur l'exerce, combien de fois l'avons-nous méprisée (Prov. 1 : 30), combien de fois n'en avons-nous pas voulu (v. 25), alors que sa voix nous invitait à revenir afin de pouvoir faire couler pour nous son Esprit et nous faire entendre ses paroles (v. 23) ?
L'apôtre Paul ordonnait à Tite de reprendre « sévèrement » les Crétois (1 : 13), parmi lesquels il y avait des contredisants, des désobéissants, qui n'étaient pas sains dans la foi, qui discouraient pour ne rien dire, et séduisaient des âmes en leur enseignant des commandements d'homme, les détournant de la vérité. La verge et la répréhension pouvaient leur donner la sagesse (Prov. 29 : 15) de revenir à la saine doctrine, à ce qu'ils avaient entendu dès le commencement. Combien de fois devrions-nous être repris sévèrement, nous aussi, qui sommes si peu obéissants, qui par amour - très sincère je n'en doute pas - pour les âmes, leur trouvons des excuses au relâchement des principes ; et même à l'abandon de la sainteté, et à une marche de plus en plus conforme à ce siècle. Timothée aussi était invité à « reprendre », et ce mot se trouve intercalé entre « convaincs » et « exhorte ». Si nous sommes intelligents, la répréhension nous fera comprendre la connaissance, et cela en vaut certes bien la peine. David ne disait-il pas : « Que le juste me reprenne, c'est une huile excellente » (Ps. 141 : 5) ?
A Tite encore Paul disait : « Exhorte et reprends, avec toute autorité » (2 : 15) ; la répréhension s'accompagnait d'autorité, cette autorité apostolique que l'apôtre déléguait à son « véritable enfant » selon leur « commune foi » (1 : 4). Aujourd'hui où il n'y a plus d'apôtres ni de délégués des apôtres, nous ne manquons néanmoins d'aucune ressource, car la Parole est là, et le Saint Esprit pour nous la faire comprendre. Et nous devons nous incliner devant l'autorité de la Parole de Dieu.
Comment se fait-il qu'on trouve si fréquemment des individus ou des assemblées auxquels la Parole de répréhension a dû être solennellement présentée, et qui n'en tiennent pas compte ? Ils font passer leurs petits intérêts personnels, leurs petites rancunes, leurs petites blessures d'amour-propre avant la gloire du Seigneur, et en fait méprisent son autorité ! On tremble en se souvenant que « l'homme qui, étant souvent repris, roidit son cou, sera brisé subitement, et il n'y a pas de remède » (Prov. 29 : 1).
Que ces avertissements ne nous laissent pas indifférents. Nous sommes dans les « derniers jours », ayant dépassé déjà les « derniers temps ». Dans ceux-ci « certains » se sont détournés de la foi et se sont attachés à des esprits séducteurs (1 Tim. 4 : 1). Dans ceux-là « les hommes » ont renié la puissance de la piété et n'en ont gardé que la forme. Et aujourd'hui combien de dizaines de millions d'êtres humains ont rejeté même la forme de la piété ! Le Seigneur est proche ; Il ne tarde pas. Nous proclamons que nous l'attendons. Mais bien souvent nous agissons comme si l'attente de sa venue n'avait aucune influence sur notre marche, et nous avons « abandonné » et même « haï » la répréhension. Et pourtant, frères, « les répréhensions de la discipline sont le chemin de la vie » (Prov. 6 : 23).
A. R.