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QUELQUES THEMES DU LIVRE DES PROVERBES (5)

 
 
LES QUERELLES
 
            « Celui qui marche, la perversité dans sa bouche, est un homme de Bélial, un homme inique… il sème des querelles » (Prov. 6 : 12, 14).
            « L'Eternel hait ces six choses, et il y en a sept qui sont en abomination à son âme… celui qui sème des querelles entre des frères » (v. 16, 19).
            L'une et l'autre de ces deux énumérations se terminent par les querelles. Semer des querelles, c'est toujours faire le travail de l'ennemi, mais que dire de « celui qui sème des querelles entre des frères », des frères que Dieu veut voir habiter « unis ensemble » ? (Ps. 133 : 1). Il fait ce qui Lui est « en abomination » ! Peut-être hésiterions-nous à nous servir d'une expression semblable, mais Dieu l'emploie pour porter un jugement moral sur celui qui accomplit une aussi vile besogne. Que cela parle à nos consciences, afin que nous soyons gardés de faire ou dire quoi que ce soit qui pourrait troubler la paix et la communion par l'introduction de germes de querelles entre des frères !
            Lorsque « Moïse, étant devenu grand, sortit vers ses frères », type du Seigneur dans son abaissement volontaire, « voici deux hommes hébreux se querellaient » (Ex. 2 : 11-13). « Il se montra à eux comme ils se battaient ; et il les engagea à la paix, en disant : Vous êtes frères ; pourquoi vous maltraiter l'un l'autre ? » (Act. 7 : 26). Comme il est triste de voir des frères, qui ont même vie et même espérance parce qu'ils ont un même Sauveur et Seigneur, se quereller entre eux au lieu de vivre en paix, « unis ensemble » !
            Ce que Moïse avait vu parmi les Hébreux, Paul l'avait appris au sujet des Corinthiens. Eux aussi se faisaient tort l'un à l'autre, bien qu'ils fussent frères, de sorte que l'apôtre doit leur écrire : « C'est, de toute manière, déjà une faute de votre part d'avoir des procès entre vous. Pourquoi ne supportez-vous pas plutôt des injustices ? Pourquoi ne vous laissez-vous pas plutôt causer du tort ? Mais c'est vous qui faites des injustices et qui causez du tort, et cela à des frères ! Ne savez-vous pas que les injustes n'hériteront point du royaume de Dieu ? » (1 Cor. 6 : 7-9).
           
            Nous avons rappelé le passage bien connu de Proverbes 6. Dans la partie du livre où nous sont donnés les proverbes proprement dits, nous trouvons encore de nombreux enseignements à propos des querelles. Ils nous paraissent répondre à quatre questions.
 
 
D'où vient la querelle ?
 
            « Ce n'est que de l'orgueil que vient la querelle, mais la sagesse est avec ceux qui se laissent conseiller » (Prov. 13 : 10).
            Celui qui est pénétré de sa propre importance et de sa supériorité défend son point de vue avec opiniâtreté et n'accepte jamais de reconnaître qu'il a tort, tellement il est persuadé qu'il ne peut pas avoir tort ! Il ne manifeste rien de cette humilité qui fait estimer son frère supérieur à soi-même ; tout au contraire, il agit « par esprit de parti, ou par vaine gloire » (Phil. 2 : 3).
            Le mot qui a été traduit par « esprit de parti » en Philippiens 1 : 17 et 2 : 3 l'a été par « esprit de querelle » en Jacques 3 : 14 et 16. L'orgueil donne naissance à la querelle et la querelle, à son tour, conduit généralement à la formation de partis. C'est un même esprit qui anime « querelleurs » et « partisans » et, si Dieu n'intervient en grâce, querelles et partis mèneront à la ruine une assemblée locale ! Une assemblée où les querelles se sont développées à un point tel qu'elle se trouve divisée en plusieurs partis est en danger de perdre, par cela même, si elle persiste à demeurer dans cet état, son caractère d'assemblée de Dieu : l'unité de l'Esprit n'y est plus « gardée », le « lien de la paix » ayant été brisé (voir Eph. 4 : 1-3). L'existence de partis dans l'assemblée, c'est le reniement pratique de la vérité fondamentale de l'unité du Corps.
            L'apôtre exhortait les Corinthiens « à parler tous le même langage », et à ce « qu'il n'y ait pas de divisions » parmi eux, à être « parfaitement unis dans un même sentiment et dans un même avis » (1 Cor. 1 : 10). Il y avait des « dissensions » dans cette assemblée et cette activité charnelle – « jalousies et querelles », frères « enflés d'orgueil » (1 Cor. 1 : 11 ; 3 : 3 ; 5 : 2) - y avait provoqué la constitution de partis : « N'êtes-vous pas charnels, et ne marchez-vous pas à la manière des hommes ? En effet, quand l'un dit : Moi, je suis de Paul ; et un autre : moi, d'Apollos, n'êtes-vous pas des hommes ? » (v. 3-4).
            Si déjà dans sa première épître, l'apôtre stigmatise cette tendance des Corinthiens à se réclamer d'un chef de parti, dans la seconde, il s'exprime avec plus de force encore. En laissant espérer aux Corinthiens une nouvelle visite, il leur dit ses craintes « qu'il n'y ait des querelles, des jalousies, des colères, des intrigues, des médisances, des insinuations, des enflures d'orgueil, des désordres... » (2 Cor. 12 : 20). Il ajoute : « Si je viens encore une fois, je n'épargnerai pas » (v. 2). Il souhaite ardemment pouvoir user de l'autorité que le Seigneur lui a donnée « pour édifier », mais si les Corinthiens se refusaient à écouter, ne devrait-il pas s'en servir « pour détruire » ? (v. 10).
            Chez celui qui agit « par esprit de parti ou par vaine gloire », il n'y a aucun sentiment d'humilité, bien que, peut-être, il en parle beaucoup. Un tel comportement sera, tôt ou tard, à l'origine de querelles, avec tous les fruits amers qui en découlent ; il est la preuve certaine d'un manque de sagesse, de cette « sagesse qui descend d'en haut », qui est « premièrement pure, ensuite paisible, modérée, conciliante, pleine de miséricorde et de bons fruits, sans partialité, sans hypocrisie ». Avoir dans son coeur «  une jalousie amère et un esprit de querelle », c'est mentir contre la vérité et cela produit « du désordre et toute espèce de mauvaises actions » (Jac. 3 : 13-18).
            « La sagesse est avec ceux qui se laissent conseiller ». Pour accepter de se laisser conseiller, il faut être animé d'autres sentiments que l'orgueil ! Comprendre que nous sommes sujets à l'erreur, que nos frères sont susceptibles de juger des choses avec plus de discernement que nous n'en avons souvent et que plusieurs d'entre eux peuvent nous faire bénéficier des fruits de leur longue expérience chrétienne, nous amènera à rechercher un utile conseil. Nous ferons alors preuve de sagesse, nous montrerons que ce qui nous anime, c'est « la sagesse d'en haut... premièrement pure, ensuite paisible... ». Si nous agissions toujours dans cet esprit, y aurait-il jamais des querelles entre frères ?
            « Quand vient l'orgueil, la honte vient aussi ; mais la sagesse est avec les hommes modestes » (Prov. 11 : 2). « Celui qui écoute le conseil est sage » (12 : 15). « Il y a salut dans le grand nombre des conseillers » (11 : 14 ; 24 : 6). Les conseillers qu'il convient d'écouter sont ceux qui nous montrent ce que Dieu enseigne par sa Parole et son Esprit. Pourrait-il y avoir, en effet, un sage conseil qui ne viendrait pas de Dieu ? Qu'il nous soit accordé de dire, en vérité, comme le Psalmiste : « Tes témoignages sont aussi mes délices, les hommes de mon conseil » (Ps. 119 : 24).
 
 
Qui sème les querelles ?
 
            « L'homme pervers sème les querelles et le rapporteur divise les intimes amis » (Prov. 16 : 28).
            L'homme pervers poursuit le mal et trouve, à le produire, une certaine satisfaction (v. 27). Pour « récolter » ce fruit, il « sème les querelles » ! Mettre en avant des sujets de discorde, soulever des questions susceptibles de faire éclater des heurts, provoquer des querelles de quelque manière que ce soit, telle est son habituelle occupation et il est souvent « le rapporteur » qui « divise les intimes amis ».
            « Les paroles du rapporteur sont comme des friandises et elles descendent jusqu'au dedans des entrailles » (Prov. 18 : 8). Ce verset est répété, mot pour mot, au chapitre 26 (v. 22) - fait assez rare, dans le livre des Proverbes - pour attirer spécialement notre attention. Dans le chapitre 18, il est question des paroles du sot, conduisant à la dispute (v. 6-7) ; dans le chapitre 26, de l'homme querelleur, échauffant les disputes par l'activité qu'il déploie.
            Quelle perversité, généralement consciente, dans « les paroles du rapporteur » ! Il présentera les choses sous un jour particulier, de telle sorte que ce qui était bon apparaîtra foncièrement mauvais ; et si même il ne déforme pas les faits rapportés, il dira, sans aucune hésitation, ce qu'il aurait été préférable de ne pas révéler. Le résultat de son travail est la plupart du temps celui-ci : là où il y avait des relations fraternelles confiantes et heureuses, surviennent le trouble et la querelle avec toutes leurs tristes et douloureuses conséquences !
            Si « les paroles du rapporteur sont comme des friandises », si on éprouve du plaisir à les entendre, c'est parce qu'elles répondent aux désirs du coeur naturel. Quoi de surprenant alors à ce qu'elles produisent ce qui fait partie des « oeuvres de la chair » ? (Gal. 5 : 19-21).
 
 
Comment se développent les querelles ?
 
            La querelle « semée », selon l'expression de Prov. 16 : 28, l'ennemi va s'employer activement à faire lever la semence. Quels moyens utilise-t-il pour cela ?
 
                        - La haine : « La haine excite les querelles, mais l'amour couvre toutes les transgressions » (Prov. 10 : 12).
            Il est bien vrai que la haine excite les querelles. Un tel sentiment peut se trouver, hélas, dans le coeur d'un enfant de Dieu. La première épître de Jean nous enseigne que l'amour est le fruit de la nouvelle naissance, tandis qu'il est complètement étranger au vieil homme. Le vieil homme ne peut aimer d'un amour selon Dieu, il ne peut que haïr ; de sorte que si nous ne jugeons pas l'activité de la chair en nous, si nous ne nous tenons pas pour « morts au péché », suivant l'expression de Rom. 6 : 11, nous pourrons être amenés à éprouver, à l'égard de nos frères eux-mêmes, une véritable haine, ferment actif pour favoriser le développement des querelles !
            Dans le verset 12 de Proverbes 10, nous avons le même contraste que dans la première épître de Jean entre l'amour et la haine. Si « la haine excite la querelle », par contre « l'amour couvre toutes les transgressions ». Cela ne veut pas dire que l'amour tolère le mal, car l'amour selon Dieu « a en horreur le mal » (Rom. 12 : 9) et ne peut le supporter ; seulement, il s'en occupe selon les enseignements de la Parole, dans l'exercice d'un service de sacrificateur. Jamais l'amour ne poussera à colporter, ici ou là, tel ou tel manquement ; bien au contraire, il « couvre toutes les transgressions » et conduit à réaliser Matthieu 5 : 23-24, ou 18 : 15, ou encore Galates 6 : 1, suivant le cas.
 
                        -  La violence : « L'homme violent excite la querelle, mais celui qui est lent à la colère apaise la dispute » (Prov. 15 : 18).
            L'homme violent nous est présenté en opposition avec celui qui est « lent à la colère ». Quand une querelle a pris naissance, des paroles violentes, fruit de la chair, ne pourront que l'exciter et les choses iront de mal en pis. Celui qui est gardé de répondre à la chair par la chair, qui est « lent à la colère » - la colère fait partie des « oeuvres de la chair », tout comme les querelles (Gal. 5 : 19-24) - pourra exercer une action d'apaisement, travailler à ramener la paix. Mais s'il n'est pas possible d'agir dans cet esprit, il faut s'en tenir à l'injonction de Proverbes 17 : 14 : « Le commencement d'une querelle, c'est comme quand on laisse couler des eaux ; avant que la dispute s'échauffe, va-t-en ».
            « L'homme colère excite les querelles, et l'homme qui se met en fureur abonde en transgressions » (Prov. 29 : 22).  « La pression de la colère excite la querelle » (30 : 33).
 
                        -  L'orgueil : « Celui qui a l'âme altière excite la querelle ; mais qui se confie en l'Eternel sera engraissé » (Prov. 28 : 25).
            Ce n'est que de l'orgueil que vient la querelle, avons-nous déjà lu (Prov. 13 : 10) et c'est encore l'orgueil - « l'âme altière » - qui l'excite. L'orgueil attise la haine de ceux qu'il a blessés, par conséquent la querelle qu'il a fait naître, et les conséquences peuvent être sans remède. « Un frère offensé est plus difficile à gagner qu'une ville forte, et les querelles sont comme les verrous d'un palais » (Prov. 18 : 19).
            Dans le verset 25 de Proverbes 28, l'homme orgueilleux, hautain, est vu en opposition avec celui « qui se confie en l'Eternel ». Se confier en Dieu est l'expression de la dépendance ; c'est reconnaître sa faiblesse et sentir le besoin d'être secouru et dirigé ; c'est le propre de l'humilité et, dans ce chemin, la prospérité est promise par le Dieu dans lequel on ne met pas en vain sa confiance. Tandis qu'il ne peut y avoir aucun enrichissement spirituel pour « celui qui a l'âme altière » et qui « excite la querelle ».
            Haine, violence, orgueil, trois manifestations d'activité de la chair !
 
 
Comment s'apaisent les querelles ?
 
            Nous l'avons vu, « l'amour couvre toutes les transgressions » et « celui qui est lent à la colère apaise la dispute » (Prov. 10 : 12 ; 15 : 18). Proverbes 26 : 20 nous dit encore : « Faute de bois, le feu s'éteint ; et quand il n'y a plus de rapporteurs, la querelle s'apaise ». Que cesse l'activité des « rapporteurs » et la querelle, tout aussitôt, perdra de sa vigueur, puis prendra fin, de la même manière que s'éteint le feu lorsqu'il n'est plus alimenté !
            Mais pour apaiser les querelles, une chose est primordiale et nous ne saurions mieux faire, pour en parler, que de rappeler un très sérieux avertissement de l'un de nos conducteurs : L'état des âmes est en réalité la chose en question, et jusqu'à ce que tous soient humiliés, la paix ne se fera pas... Que deviendra le témoignage si l'esprit de parti se propage et si l'Esprit de Dieu est ainsi contristé ? X. a son opinion, Y. a la sienne ; l'une et l'autre peut être juste ; je ne prétends pas en juger dans ce moment ; mais, quoi qu'il en soit, ce n'est pas l'état des âmes, seule chose importante. L'humiliation au sujet de l'état des choses, voilà ce qui montrerait la grâce. On n'est pas devant Dieu quand même on aurait une opinion juste, et tant qu'on n'y est pas, il n'y a pas de paix (J-N. D).
            Pourrait-on assez souligner l'importance de ces remarques ? N'est-il pas vrai que des querelles survenant entre frères sont toujours l'indice d'un mauvais état d'âme chez les uns et les autres ? N'est-ce pas Dieu qui les permet pour que cet état soit manifesté et puisse être jugé ? Aussi, le point capital n'est pas tant de savoir qui a raison et qui a tort, mais d'amener les âmes « devant Dieu ». Du moment où la chose est réalisée, les querelles sont bien près de prendre fin.
            Nous ne voudrions pas terminer sans citer la parole du Seigneur à ses disciples : « Ayez du sel en vous-mêmes, et soyez en paix entre vous » (Marc 9 : 51). Les deux choses sont liées l'une à l'autre et la seconde dépend de la première : nous serons en paix entre nous si nous avons du sel en nous, c'est-à-dire si nous réalisons, dans nos coeurs, une vraie séparation du mal. S'il n'y a pas cette séparation intérieure, qui ne peut pas ne pas se manifester extérieurement, les conflits surgiront tôt ou tard.
            Dieu désire que « des frères habitent unis ensemble », cela est « bon » et « agréable ». Puissions-nous le réaliser, pour notre joie et pour sa gloire ! C'est notre prière en écrivant ces lignes.
 
                                       D'après Paul Fuzier - « Messager évangélique » 1953 p. 37-47
                                             
                                                          
 
            « Il saisit un chien par les oreilles, celui qui, en passant, s'emporte pour une dispute qui n'est pas la sienne » (Prov. 26 : 17).
 
            Chacun de nous s'est plus d'une fois mal trouvé de s'être étourdiment occupé de querelles où il n'avait rien à faire : on saisit un chien par les oreilles et l'on est cruellement mordu ! Mais la portée de ce conseil de sage prudence dépasse, comme dans tous les Proverbes, les menus faits de la vie quotidienne. Il y a là un principe simple, mais important, qui doit dicter notre attitude à l'égard des conflits qui embrasent un monde caractérisé aujourd'hui comme jadis par la violence. Nos coeurs sont disposés à « s'emporter » pour eux, qu'il s'agisse de querelles locales, nationales ou internationales, comme si nous étions de ce monde. Or, nous y sommes en passant, ne l'oublions pas. « Notre Seigneur Jésus Christ s'est donné lui-même pour nos péchés, afin de nous retirer du présent siècle mauvais » (Gal. 1 : 4). Nous nous y trouvons maintenant comme des « étrangers », des « gens de passage » (1 Pier. 2 : 11) : notre patrie et nos vrais biens sont ailleurs, dès l'instant où nous sommes enfants de Dieu. Notre « cité » est dans les cieux (Phil. 3 : 20).
            Jamais peut-être les chrétiens n'ont été plus incités à épouser une cause terrestre. Peuples et sociétés se heurtent, les bases mêmes de la civilisation sont en jeu ; dans le choc des idéologies comme des intérêts, parmi les propagandes ardemment menées de tous côtés par tous les moyens, on se trouve tiraillé entre courants puissants. Suivant son âge, son tempérament, l'éducation qu'on a reçue, le milieu où l'on vit, les influences qu'on subit, on incline d'un côté ou d'un autre. Des disputes surgissent entre chrétiens sincères ; des conversations passionnées s'échangent au sein des familles, quand ce n'est pas au seuil des réunions. Et c'est ainsi que, imprudemment, on s'emporte en passant, pour une dispute qui n'est pas la nôtre.
            « Notre lutte n'est pas contre le sang et la chair » (Eph. 6 : 12). Notre Maître, divin modèle, a-t-il jamais pris parti dans les conflits qui opposaient hérodiens, sadducéens, pharisiens et autres sectes religieuses ou nationales ? Il les jugeait tous par sa seule présence et par ses paroles. S'est-il dressé contre l'oppresseur romain ? N'a-t-il pas dit au contraire : « Rendez à César ce qui est à César » ?
            On dira que le chrétien ne peut rester indifférent devant le spectacle de ce monde, ses souffrances, ses injustices, ses égarements. Non, certes. Il ne saurait pactiser avec la violence ou la ruse, l'iniquité sous toutes ses formes. Mais il ne peut s'étonner de les voir mener un monde dont Satan est le Prince, quels qu'en soient les dehors. La Parole de Dieu résume d'un mot « tout ce qui est dans le monde », savoir : la convoitise (1 Jean 2 : 16), et toutes les querelles et toutes les guerres n'ont, au fond, pas d'autre mobile (voir Jac. 4 : 1).
            Examinons-nous sincèrement : quand nous soutenons une cause, qu'est-ce qui, la plupart du temps, et sans que nous en ayons toujours conscience, commande nos préférences personnelles ? N'est-ce pas l'attachement à nos habitudes, l'amour de nos aises, ou tout simplement, hélas, le souci de nos biens matériels ? Je conviens qu'il est des considérations plus hautes, et en particulier celles qui touchent à la liberté du culte et du témoignage chrétien. Mais, après tout « il n'existe pas d'autorité si ce n'est de par Dieu ; et celles qui existent sont établies par Dieu » (Rom. 13 : 1) ; leur établissement ou leur maintien n'est pas de notre ressort, sauf que nous avons à prier pour celles qui nous régissent. Nous ne devrions pas nous inquiéter de l'organisation de ce monde, quand bien même il nous faudrait en arriver à dire comme les apôtres : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes » (Act. 5 : 29). Dieu ne nous laisse pas ici-bas pour nous mêler de l'organisation de ce monde, mais pour vivre « dans le présent siècle sobrement, justement et pieusement » (Tite 2 : 12). Nous y sommes placés pour porter les caractères de Christ, manifester sa vie, être la lumière du monde, le sel de la terre, et rien d'autre, et si nous y manquons nous privons le Seigneur de ce qu'Il attend de nous. Nous sommes appelés à aimer, à pardonner, à faire du bien à tous, à venir en aide aux faibles, à rendre témoignage à un Christ mort, ressuscité, glorifié, à l'attendre, à intercéder, à adorer. Nous avons à garder sa Parole, à ne pas renier son nom. On n'en finirait pas d'énumérer les formes de l'activité chrétienne : elles se ramènent à faire tout au nom du Seigneur... Tout cela est absolument indépendant de l'état politique, social, intellectuel ou moral du monde, aussi bien que de la condition particulière dans laquelle Dieu place le croyant : l'esclave antique pouvait le réaliser comme son maître, l'ouvrier d'aujourd'hui le peut comme le paysan et le patron, l'illettré comme le savant.
            Mais c'est précisément dans ce précieux service chrétien que nous trouvons sans cesse à combattre. Là, en contraste avec « les disputes qui ne sont pas les nôtres », est notre combat. Le chrétien est un perpétuel combattant ; ses ennemis ne désarment pas. Ces ennemis nombreux, puissants, subtils, sont « les principautés, les autorités, les dominateurs de ces ténèbres, la puissance spirituelle de méchanceté qui est dans les lieux célestes » (Eph. 6 : 12). Comme Amalek, ils veulent nous empêcher de poursuivre la route vers l'héritage céleste, comme les Cananéens nous empêcher d'en jouir. Pour lutter, il faut non des armes charnelles, mais les armes de Dieu, « l'armure complète de Dieu ». Il faut « combattre pour la foi qui a été une fois enseignée aux saints » (Jude 3), et qui est menacée par tant de fausses doctrines ; il faut lutter contre la mondanité, lutter pour délivrer les âmes, en un saint combat pour l'Evangile (Phil. 1). Et nous ne parlons pas de la lutte incessante, en nous, de l'Esprit contre la chair. Il faut combattre, et il faut vaincre. « Celui qui vaincra... », dit le Seigneur. C'est le combat de la foi.
            Ce n'est donc point par insensibilité, orgueil ou apathie que nous devons rester en dehors et au-dessus des disputes terrestres, mais par fidélité au Seigneur. Il serait facile de montrer, au surplus, que poursuivre notre combat est le moyen de travailler efficacement au bien de ce monde lui-même. Abraham luttait par la prière en faveur de Sodome, mais sur la montagne, devant l'Eternel. Le Samaritain « allait son chemin » d'étranger quand il a rencontré le blessé vers lequel il s'est penché, « ému de compassion ». Mais nous mêler de coeur aux conflits de ce monde, même avec de généreuses intentions, c'est déserter, pour une cause étrangère, la vraie lutte du chrétien, capituler comme combattant céleste, nous désister de notre position, et, en définitive, méconnaître l'amour de Celui qui « s'est donné lui-même pour nos péchés, afin de nous retirer du présent siècle mauvais ».
                                                                      
                                                          A. GT. - « Messager évangélique » 1943 p. 211