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LE LIVRE DE JONAS (7)
 
 L'ABRI MIRACULEUX : Chapitre 4 (v. 5-6)
 VANITE DES APPUIS TERRESTRES : Chapitre 4 (v. 7)
 
 
L'ABRI MIRACULEUX : Chapitre 4 (v. 5-6)
 
 
            « Et Jonas sortit de la ville, et s'assit à l'orient de la ville ; et il se fit là une cabane, et s'assit dessous à l'ombre, jusqu'à ce qu'il vît ce qui arriverait à la ville. Et l'Eternel Dieu prépara un kikajon et le fit monter au-dessus de Jonas, pour faire ombre sur sa tête, pour le délivrer de sa misère, et Jonas se réjouit d'une grande joie à cause du kikajon ».
 
 
            Le reproche si paternel que Dieu venait d'adresser à Jonas ne l'avait pas ramené à de meilleurs sentiments. Il garde le silence et cède à sa passion ; après l'avoir amené déjà à bien des écarts, elle va l'entraîner dans de nouvelles fautes. Elle le pousse à quitter Ninive. Le quarantième jour est près de s'écouler, Jonas sort de la ville. Quoi ! Va-t-elle donc périr sous les feux du ciel ou sous les eaux d'un nouveau déluge ? C'est plutôt la miséricorde qui se répand sur elle. Le sombre nuage qui pesait sur la cité d'Assur s'est dissipé ; le ciel sourit à Ninive. La colère ne se trouve plus que dans le coeur de Jonas ; seul, il marche silencieux et en deuil au sein de la délivrance générale. Prophète du Seigneur, est-ce donc le moment de t'affliger ? Si ton Seigneur s'est approché de la grande ville, qui es-tu, toi, pour t'éloigner ? Quand il l'aime, oses-tu la haïr ?
            Nouvelle leçon pour nous, frères, et puissant appel à la vigilance ! Le péché qui habite en nous semble peut-être dormir, mais craignons qu'à son réveil il ne remplisse notre vie de fautes, suivies de regrets. Il en est de lui comme du petit nuage qu'Elie aperçut au loin au-dessus du Carmel (1 Rois 18 : 44) ; peut-être nous paraît-il à peine perceptible, prenons garde qu'il n'annonce une tempête.
            Nous avons dit que le péché conduit un homme de faute en faute. Nous devons ajouter qu'il le conduit aussi de privation en privation et de douleur en douleur. Que de maux Jonas a déjà rencontrés sur sa route ! Il n'est pourtant pas au bout de ses peines, parce qu'il n'est pas, loin s'en faut, au bout de ses erreurs. En suivant sa pente naturelle, il se prive de nombreuses et douces joies. Nul doute, en effet, qu'en demeurant dans Ninive, il aurait pu y continuer utilement un ministère, jusqu'ici si étonnamment béni ; chaque habitant de la ville aurait voulu le recevoir dans sa maison ; et le roi n'aurait cédé à personne l'honneur de recevoir dans sa demeure l'envoyé du Roi des rois. Mais de telles pensées n'effleurent pas Jonas ; une seule pensée l'absorbe, fausse son jugement, séduit sa conscience, maîtrise sa volonté. Peut-être aussi, pusillanime de sa nature, craint-il que l'honneur dont il jouit à présent ne soit pas de longue durée et qu'une fois le premier sentiment passé, la sécurité publique rétablie, un retournement complet n'attire sur lui, en peu de temps, la défiance et la dérision. Qui sait même s'il ne sera pas l'objet de la colère de tout un peuple reprenant rapidement le chemin de l'orgueil, de la licence et de l'iniquité ?
 
            Jonas a donc quitté Ninive au moment où elle est un monument des compassions de Dieu, alors qu'il aurait voulu qu'elle soit un monument de sa colère. Abattu, triste et le coeur oppressé, il va s'asseoir, solitaire dans un lieu situé à l'orient de Ninive, d'où son regard peut l'apercevoir tout entière. Il se propose de rester là jusqu'à ce qu'il voie ce qui arrivera à la ville. Il est toujours possédé par la même idée fixe : Ninive doit périr, car tel est le message que j'ai reçu pour elle. Tenace dans ses antipathies et opiniâtre dans ses voeux, il semble encore espérer qu'un jugement du Ciel, frappant inopinément la ville, sauvera sa « réputation » de prophète et l'honneur d'Israël et de son Dieu ; peut-être même n'est-il sorti de Ninive que pour ne pas s'y trouver au moment où elle sera détruite !
            Nous voulons rappeler un coup d'oeil bien différent, jeté par le « Juste » sur une autre ville où, loin d'avoir été écouté, comme Jonas le fut à Ninive, Il n'avait éprouvé que mépris, inimitié et mauvais traitements, et où, bientôt, Il allait être mis à mort. Cette ville, c'est Jérusalem, plus coupable que Ninive ; et le Juste était le Fils de Dieu. « Voyant la ville, il pleura sur elle en disant : Si tu avais connu, toi aussi, au moins en cette journée - la tienne - ce qui t'apporterait la paix ! » (Luc 19 : 41-42). Ninive avait, du moins, « commencé » à connaître ce qui appartenait à la sienne... C'est ce qui afflige Jonas : sa méchanceté continue de le châtier. Le soleil, dans cette très chaude journée, frappe fort sur sa tête ; et au lieu de l'abri commode qu'il aurait indubitablement trouvé dans tant d'agréables habitations de Ninive, il n'a, pour se garantir, qu'une misérable cabane qu'il a lui-même construite.
            Là, il va bientôt recommencer à se plaindre. Puisqu'il n'a pas voulu de la demeure que Dieu lui aurait sûrement préparée, il faut qu'il s'accommode de celle-ci et qu'il subisse la situation choisie. Au reste, les esprits inquiets, mécontents, semblent résolus à se plaindre toujours sur un sujet ou un autre.
            Toutefois, l'état d'esprit de Jonas le punit encore plus sévèrement que tout le reste. Chaque mauvais penchant de notre âme porte en lui-même sa punition. Il n'est pas de maître plus dur qu'une passion que nous laissons régner sur nous. Ainsi, par exemple, un esprit volontaire, une humeur égoïste et mécontente, empoisonne toute la vie de celui qui s'y abandonne ! Où qu'il soit, dans un palais ou dans une chaumière, il porte partout la verge qui le fouette. C'est l'état de l'âme, non les circonstances matérielles, qui font le bonheur ; tel est heureux dans toutes les situations car il aime le Seigneur et accepte avec plaisir Sa volonté ; tel autre n'est à l'aise nulle part. Paul et Silas chantaient dans leur prison (Act. 16 : 25) ; Saül, Achab ou Hérode se désolaient sur leurs trônes.
            Ce que nous venons de dire sur l'humeur chagrine et volontaire, nous voulons le répéter au sujet du dépit et de l'irritation. La colère châtie rudement celui qui s'y laisse aller ; aussi la Parole dit que l'irritation repose dans le sein des sots (Ecc. 7 : 9). Il n'y a, en effet, qu'un insensé pour lui donner asile dans son coeur ! La colère remplit une âme de fiel ; elle obscurcit l'entendement, trouble la conscience, entraîne à se montrer injuste et cruel envers les hommes, et à se révolter contre Dieu.
            Voulons-nous, frères, jouir de quelque repos ici-bas ? Combattons avec l'aide du Seigneur tous ces mauvais penchants, résistons au péché qui habite en nous, sous quelque forme qu'il se manifeste. S'il n'est pas tenu à sa place, dans la mort, il nous gouvernera en despote et n'aura pas pitié de nous plus que Satan. Plus nous lui laissons de place dans notre coeur, plus il nous tiendra à l'étroit.
 
            A ces réflexions suggérées par le verset 5, nous désirons en ajouter d'un autre genre. Nul doute, avons-nous dit, que le roi et ses princes auraient reçu Jonas dans leurs palais avec tous les honneurs dus à un prophète, et à un ambassadeur de Dieu ; mais Jonas a préféré la fragile habitation qu'il venait de se construire en peu de temps. Eh bien, cet asile du prophète apparaît comme un emblème de tous les faux appuis et de toutes les vaines joies d'ici-bas. Ce sont de pauvres refuges, des cabanes « d'un jour », impuissantes à nous abriter des ardeurs brûlantes de la tribulation. Elles sont sans commune mesure avec la parfaite sécurité et les joies pures que l'âme d'un chrétien goûte dans la communion avec son Rédempteur !
            Nous voyons également dans l'abri éphémère du prophète une image de toutes les vaines religions du monde, de leur justice mensongère, de leurs espérances fallacieuses. Adam, ayant écouté le diable, perdit la robe d'innocence dont Dieu l'avait paré et demeura nu. Il essaya vainement ensuite de se couvrir lui-même à l'aide de quelques feuilles de figuier : triste effort pour remplacer le vêtement qu'il venait d'abandonner ! Hélas, autant dénués de sagesse que leur père, les fils rejettent le beau manteau de la justice divine que Christ leur présente pour se couvrir des haillons souillés de leur propre justice.
            Méprisant la sûre retraite que Dieu a préparée en son Bien-aimé, ils se créent, par leur travail personnel, des asiles de leur invention. Pauvres humains abusés ! Votre cabane vous garantira-t-elle au jour de Sa colère ? Votre abri de mensonge tiendra- t-il contre le fléau du jugement qui déborde et inonde (Es. 28 : 15, 17) ? Votre ceinture de feuilles de figuier pourrait-elle couvrir votre nudité devant Celui qui va juger le monde, et dont les yeux sont comme une flamme de feu ?
 
            La position de Jonas est devenue intenable. Dieu le voit et Il fait croître et monter au-dessus de la cabane du prophète un kikajon pour l'ombrager et le délivrer de sa misère. Jonas en conçoit une vive joie. Il vient de dire que Dieu est « grand en bonté » (v. 2), et maintenant il en reçoit une nouvelle manifestation (v. 6).
            Kikajon : c'est le mot de l'original hébreu. De quelle plante s'agit-il ? Peu importe. C'était apparemment une plante légère, au feuillage abondant : comme le ricin, propre à donner un frais ombrage après s'être élevé rapidement à la hauteur d'un petit arbre.
            L'Eternel fit donc germer en une nuit cet arbuste bienfaisant destiné à soulager le prophète. Voilà qui nous fournit l'occasion de signaler en passant l'un des caractères de Ses miracles, ordinairement aussi simples que possible. Dans ce cas particulier, il se borna, comme on le voit, à activer le développement d'une plante dont la croissance naturelle est déjà rapide. Mais admirons plutôt la puissance et l'amour de Celui qui, en la faisant croître aussi vite, devance les voeux d'un fils ingrat et le délivre de sa peine. « Méchant Jonas, aurions-nous peut-être pensé : s'il n'a pour abri qu'une pauvre cabane, il en est le seul responsable ! S'il défaille, c'est sa faute ! Mais les pensées de Dieu ne sont pas nos pensées : la même voix qui avait commandé à un poisson de recevoir le prophète dans ses flancs pour le soustraire à la fureur des flots, ordonne maintenant à cette plante de le protéger contre les rayons du soleil.
            Lisons et relisons cette page du saint Livre, si nous connaissons l'affliction. Le Dieu de Jonas n'est-il pas aussi notre Dieu ? Tout-puissant pour nous soulager, et, s'Il le veut, pour nous délivrer tout à fait. Il ne lui faut qu'un instant pour créer un abri sûr et un agréable ombrage au pèlerin fatigué qui traverse l'aride désert de la vie sous le soleil ardent de l'adversité. Son coeur de père s'émeut aisément de nos douleurs ; Il sympathise à toutes nos peines, même à celles qui sont la conséquence de nos folies. Il entend nos soupirs, Il recueille nos larmes dans ses vaisseaux (Ps. 56 : 8).
            Suivons soigneusement, dans la sainte Parole, les traces de notre Sauveur. Nous Le trouverons dans toutes nos tribulations comme il a été avec Jacob dans sa fuite, avec Joseph dans sa prison, avec les jeunes Hébreux dans la fournaise et avec Marthe et Marie dans leur deuil. Partout où il y a quelque larme à essuyer, quelque plaie à panser, quelque délivrance à accomplir, nous sommes assurés de Le rencontrer !
            Outre la puissance et l'amour du Seigneur, admirons aussi sa sagesse. Il donne à ceux qui l'invoquent la bénédiction dont ils ont actuellement besoin. A Noé, c'est une arche pour s'y abriter avec sa famille (Gen. 7 : 13) ; à Lot, un refuge dans Tsoar (19 : 22) ; à Agar au désert, une source d'eau pour y boire avec son fils (21 : 19) ; aux cinq mille, du pain (Jean 6 : 10-11) ; à l'aveugle, la vue (9 : 6-8) ; au sourd, l'ouïe ; au muet, des paroles pour publier sa charité (Marc 7 : 32-37) ; ici, à Jonas, un abri contre la chaleur.
            Il donne au moment convenable. Pour Jonas qui souffre de la chaleur, un kikajon s'élève, couronné de feuillage, pour calmer la douleur du prophète. La mer s'ouvre devant Israël au moment où, serré de près par les Egyptiens, il croyait déjà qu'il trouverait son tombeau dans la mer Rouge (Ex. 14 : 22) ; les cailles et la manne tombent du ciel au désert pour nourrir le peuple (16 : 13-14) ; l'eau coule du rocher pour le désaltérer (17 : 6) !
            Le Seigneur aide lorsque personne ne le peut faire ! Jonas est seul et nul ne voit son angoisse ; mais, ému de compassion, Dieu l'assiste.
            « Je n'ai personne pour me plonger dans le réservoir », disait à Jésus le paralytique de Béthesda ; et le Seigneur lui a rendu 1'usage de ses membres (Jean 5 : 7-9).
            « Tous m'ont abandonné », écrit Paul, traduit devant Néron. Toutefois, il peut ajouter : « Le Seigneur s'est tenu près de moi et m'a fortifié » (2 Tim. 4 : 16-17).
            Dieu vient à notre secours quand toute notre sagesse est venue à néant. Il a vu l'incapacité de Jonas à se bâtir un abri suffisant, et Il lui en a créé un tout à la fois agréable et sûr. Les Juifs captifs en Perse allaient périr ; déjà leur arrêt de mort était prononcé, lorsque Dieu envoie Esther qui les délivre. La femme de l'Evangile, après avoir inutilement donné tout son argent aux médecins, recourt à Jésus, qui la guérit (Luc 8 : 43).
            Ajoutons que le secours de Dieu vient souvent du côté d'où nous l'attendions le moins. Elie semblait tout près de mourir de faim lorsque les corbeaux, habituellement si voraces, couvrent sa table de mets apportés du ciel (1 Rois 17 : 6). Les enfants d'Israël allaient disparaître jusqu'au dernier sous la main cruelle de Pharaon, quand la fille de ce monarque recueille et élève dans son palais celui qui devait être leur libérateur (Ex. 2 : 10). C'est au moment où Jonas va périr d'insolation qu'une plante va croître en une nuit pour l'abriter du soleil et le sauver d'une mort certaine.
            Le Seigneur, enfin, vient à notre aide en temps opportun ; si, parfois, Il se fait attendre, jamais Il n'arrive trop tard. Il arrête Abraham à l'instant où, déjà levé, le bras du patriarche va frapper Isaac (Gen. 22 : 12). Il ne restait plus à la pauvre veuve de Sarepta qu'une poignée de farine pour en faire un gâteau, le manger avec son fils et mourir, quand Dieu envoie Elie, et les provisions abondent (1 Rois 17 : 12-16). Encore quelques heures et la vie de Jonas sera en péril à cause de la chaleur mais l'Eternel agit, et Jonas est sauvé.
            Le kikajon du prophète éveille encore en nous des pensées d'un autre ordre. Mal abrité sous la cabane qu'il s'était construite, le prophète n'est bien protégé que par le kikajon que le Seigneur avait fait germer pour ombrager sa tête. Que signifie ce fait, cher lecteur ? Simplement que, dans l'épreuve, il n'y a qu'un seul abri sûr : la miséricorde de Dieu. Vainement chercherions-nous à nous en procurer un autre par nos capacités personnelles ; nous n'y serions pas plus en sûreté que Jonas dans sa cabane. Demandons plutôt à Dieu qu'il nous donne lui-même un asile et nous fasse la grâce d'en jouir avec reconnaissance, sans toutefois y attacher notre coeur. Et s'Il ne juge pas à propos de le donner, sachons dire comme les compagnons de l'apôtre Paul : « La volonté du Seigneur soit faite ! » (Act. 21 : 14). Si peut-être après l'avoir créé, Il trouve bon de le détruire, apprenons à dire : « L'Eternel a donné, et l'Eternel a pris ; que le nom de l'Eternel soit béni ! » (Job 1 : 21). Lui-même ne demeure-t-il pas toujours notre « kikajon », notre sûr asile à toujours ?
            Nous avons dit plus haut que cette cabane du prophète était un emblème frappant des éphémères soulagements que nous pouvons rechercher dans ce monde, des faux abris d'ici-bas. Ce kikajon « de Dieu » peut être considéré, comme une image tout aussi frappante des consolations qu'Il répand sur les siens dans l'épreuve, de sa protection permanente, des soins paternels dont Sa bonté entoure les siens. Heureuse à l'ombre du Tout-Puissant, l'âme fidèle s'écrie : «  Dieu est ma puissante forteresse, et il aplanit parfaitement ma voie » (2 Sam. 22 : 33). Le Rocher de Jacob est pour elle « comme des ruisseaux d'eau dans un lieu sec, comme l'ombre d'un grand rocher dans un pays aride » (Es. 32 : 2).
            Si la cabane de Jonas nous parle des vaines « religions » de la terre, de leur justice mensongère et de leurs trompeuses espérances, le kikajon qui vient couvrir le prophète nous présente une belle image de la grâce qui est en Jésus, de l'entière sécurité dont jouit l'âme qui se retire sous l'aile du Rédempteur, du plein repos et de la délicieuse fraîcheur qu'elle trouve à Son ombre. Jésus est pour elle comme un abri sûr contre le vent, comme un asile contre la tempête ; cachée avec la colombe du Cantique dans les fentes du rocher, elle ne craint plus le jour de la colère à venir (Cant. 2 : 14).
            Le kikajon de Jonas rappelle également cette belle promesse du Seigneur : « Je leur susciterai un plant de renom ; et ils ne seront plus enlevés par la famine dans le pays » (Ezé. 34 : 29). Ce « plant de renom » est le grand Rédempteur qui doit mettre un jour les enfants d'Israël et de Juda à couvert de l'opprobre des peuples et à l'abri des jugements de Dieu ; Il est le souverain Berger qui doit ramener Ses brebis et les faire habiter sûrement sur leur terre, les paître sous sa houlette et les combler de ses biens. Hâte le temps, Seigneur, et que bientôt le peuple de ton élection vienne vers toi, divin plant de renom, et se tienne assis à ton ombre, toi qui lui seras comme un arbre toujours vert !
            Mais le Messie, dans le règne de sa gloire, ne serait-il donc un asile que pour Israël dispersé, errant et fatigué ? Il le sera également pour toutes les familles de la terre car « je prendrai, dit le Seigneur, l'Eternel, de la cime du cèdre élevé un rejeton… Je le planterai sur la haute montagne d'Israël…et il sera un cèdre magnifique ; et tout oiseau de toute aile demeurera sous lui…ils habiteront à l'ombre de ses branches » (Ezé. 17 : 22-23). Quel repos, quel bonheur que celui que goûteront, à l'ombre du rejeton d'Isaï (Es. 11 : 1), du Germe de l'Eternel plein de noblesse et de gloire (Zach. 11 : 12-13), toutes les tribus et toutes les familles des nations ; après tant de siècles d'égarements, de crimes et de tribulations, elles jouiront de ces jours de rafraîchissement dans la présence de Celui qui sera établi « pour splendeur et pour gloire… pour les réchappés d'Israël » (Es. 4 : 2). Ah, si nous aimons vraiment les hommes, nous désirerons sincèrement que le monde se repose enfin, durant un long sabbat, de ses travaux et de ses douleurs. Notre coeur éprouve-t-il le besoin de voir le Seigneur glorifié sur cette terre que ses mains ont créée et que son sang a plus tard arrosée ? Avec ardeur, nous nous écrierons alors : « Amen, viens, Seigneur Jésus ! ».
 
            Quel effet produisit sur Jonas la vue du kikajon ? Il se réjouit extrêmement à la vue de cette plante miraculeuse... « Comment ? », dirons-nous. « Après tout ce qui vient de se passer, convient-il de se réjouir, au lieu de s'humilier ? Pauvre Jonas ! ». Disons plutôt : « Misérable coeur humain ! ». C'est encore lui que nous prenons ici sur le fait. Jonas, qui le personnifie, ne pense qu'à lui-même : qu'il soit bien logé, commodément assis dans sa cabane et agréablement ombragé par son kikajon pour contempler plus à l'aise la ruine toujours désirée de la grande ville, telles sont ses préoccupations. Tout le reste l'intéresse assez peu. Nous sommes attristés de le voir assis là, solitaire, extrêmement réjoui par l'addition apportée à son bien-être matériel, par la croissance subite d'une plante, alors qu'il s'attriste, par ailleurs, de l'étonnante repentance des habitants de Ninive et de leur salut !
 
            Jonas se réjouit extrêmement ; bien peu de chose suffit à le remplir tour à tour de joie ou de chagrin. Il en est ainsi de toutes les âmes passionnées : une bagatelle les attriste et une autre les console, comme un jouet interrompt les cris d'un enfant. Mais la grâce vient-elle à régner dans un coeur, elle y apporte plus de mesure, de sérénité, de contrôle de soi ; elle tempère la douleur par le sentiment de l'amour de Dieu, et la joie, en nous rappelant notre misère spirituelle. Elle nous montre les choses d'ici-bas comme de petites choses, enfermées dans d'étroites limites de temps et d'espace, et ne méritant, de notre part, ni beaucoup de joie, ni beaucoup de douleur. La grâce nous fait chercher notre bonheur, non dans la joie passagère qu'apporte un frêle kikajon, abri d'un jour, mais dans la ferme attente de cette maison éternelle que nous avons dans les cieux. La grâce, enfin, nous enseigne à ne nous affliger que de nos transgressions - encore y a-t-il un terme à cette douleur, puisque le Seigneur est miséricordieux et qu'il ôte le péché - et à ne nous réjouir que d'une chose : son amour éternel et le salut qu'Il nous a donné en Jésus Christ.
            Jonas se réjouit de posséder ce kikajon ! C'était peu de chose, il est vrai ; mais c'était précisément ce dont Jonas avait besoin à ce moment-là. Une petite chose, venant à propos, est de fait une grande bénédiction ; un faible arbuste, selon le cas, peut nous rendre le même service qu'un cèdre ou un chêne ; l'opportunité ajoute beaucoup à la valeur des choses. Nous comprenons donc au fond la joie du prophète, et cela d'autant mieux que, à cette heure, il avait pu se croire rejeté de Dieu. Mais, à la vue du kikajon, il a pu penser : L'Eternel a soin de moi ! Peut-être aussi a-t-il pris cette miraculeuse intervention du Ciel comme un témoignage du fait que, malgré tout ce qui venait de se passer, il était toujours l'objet spécial de la faveur divine. Qui sait même si, tout préoccupé qu'il était encore de ses affreuses espérances, il n'alla pas jusqu'à voir, dans la création surnaturelle de cet arbuste, comme un gage du prochain accomplissement de ses voeux ! Jonas, s'il en était ainsi, comprenait bien mal les bienfaits de Dieu !
            Un mot encore sur cet arbuste. Après avoir appris que Jonas se réjouissait extrêmement au sujet du kikajon, on aimerait, pour l'honneur du prophète, que le récit biblique ajoute : « A peine, aux premières lueurs de l'aurore, eut-il aperçu cet abri inespéré que, pénétré de reconnaissance, il rendit grâces à Celui qui, loin de le punir, lui donnait un nouveau témoignage de sa fidèle bonté ». Mais il n'en est point ainsi. Jonas se réjouit, il se réjouit même extrêmement mais il ne bénit pas. Il est très bon de se réjouir des grâces de Dieu, mais il faut savoir aussi L'en remercier ; Il délivre pour qu'on Le loue ! De la joie à la gratitude la distance est parfois énorme. Jonas nous le montre bien. Mais ce qu'il ne fait pas à cette heure, espérons qu'il le fera bientôt, et que, revenu enfin à lui-même, on l'entendra s'écrier : « Mon âme, bénis l'Eternel… C'est lui qui pardonne toutes tes iniquités, qui guérit toutes tes infirmités, qui rachète ta vie de la fosse, qui te couronne de bonté et de compassions » (Ps. 103 : 2-4).
 
 
 
VANITE DES APPUIS TERRESTRES : Chapitre 4 (v. 7)
 
 
            « Et Dieu prépara un ver le lendemain, au lever de l'aurore, et il rongea le kikajon, et il sécha ».
 
            Jonas venait de passer en un instant d'une tristesse excessive à une joie qui ne l'était pas moins. Il va donc obliger le Seigneur à lui donner une leçon de modération et à l'éprouver à nouveau. Le lendemain, à l'aube, l'Eternel prépara un ver qui fit sécher la plante. Telle est la vanité de tous les abris ici-bas ; ils naissent aujourd'hui pour disparaître demain ; et ce qui nous avait procuré le plus de douceur devient, souvent, pour nous une source de désillusion. Les choses même les plus innocentes, celles que Dieu nous donne pour en jouir, ont aussi leur ver rongeur ; elles passent, Dieu demeure ; elles promettent le bonheur, Lui seul le donne.
            Une chose frappe dans ce verset, c'est que Jonas oublie ou semble ne pas comprendre le but principal que Dieu s'est proposé en préparant le kikajon. Il voulait adoucir le coeur et se l'attacher par la reconnaissance. Au lieu de voir la main de Dieu dans cette plante, Jonas jouit du don sans regarder à Celui qui l'offre ; trop occupé par le bienfait, il oublie le Bienfaiteur.
            Ne jetons pas la pierre à Jonas car tels nous sommes également. Le Seigneur répand-il ses grâces, trop souvent nous en jouissons sans nous élever vers Celui qui les dispense. Oubliant qu'Il bénit pour que nous L'aimions, nous cherchons dans la créature un bien-être qui ne se trouve que dans Celui qui l'a faite. Le serviteur d'Abraham se rend au pays d'Aram et il y présente à la fille de Laban les joyaux d'argent et d'or que son maître l'avait chargé de lui offrir ; ce n'est pas pour réjouir le coeur de la jeune fille, mais pour la gagner à Isaac et l'attirer au pays de Canaan (Gen. 24 : 53). Qu'aurions-nous pensé de Rebecca si, tout en recevant les dons du patriarche, elle avait cherché son bonheur dans leur possession et si elle était restée au pays de ses pères ? Voilà pourtant ce que nous faisons journellement à l'égard du Seigneur, quand, jouissant de ses grâces, nous oublions Celui qui les distribue et le but qu'Il se propose en nous les accordant.
            Toutefois ce que Dieu donne ne suffira jamais à notre coeur ; pour être heureux, il faut le posséder Lui-même ! Quels dons remplaceraient le Donateur de tous les dons ? Israël, au pied du Sinaï, se forme un veau avec l'or que Dieu lui avait donné quand Il dépouilla les Egyptiens pour l'enrichir ; mais que pouvait faire pour lui cette vaine et muette idole ? Pouvait-elle le diriger ou le protéger dans le désert, le nourrir dans sa faim, le désaltérer dans sa soif et l'introduire enfin dans la terre de la promesse ? Nous avons aussi nos veaux d'or, faits comme ceux d'Israël, avec les biens que Dieu nous dispense ; mais que peuvent faire pour notre bonheur les êtres et les objets que nous « divinisons » ? Peuvent-ils protéger notre marche ou nourrir notre âme dans le désert que nous traversons ? Nous introduiront-ils dans la Canaan de Dieu ?
            En dépit de tous les raisonnements, et malgré toutes les expériences fâcheuses, notre coeur demeure idolâtre. De là nos mécomptes, et nos difficultés. Des millions d'hommes gémissent sans vouloir en reconnaître la cause. Encore une fois, vous souffrez parce que vous faites deux maux : Vous abandonnez l'Eternel qui est « la source des eaux vives » pour vous creuser « des citernes crevassées qui ne retiennent pas l'eau » (Jér. 2 : 13). Retournez donc vers Celui dont vous vous êtes beaucoup éloignés, et la misère s'enfuira loin de vous, à mesure que vous vous rapprocherez de Lui, comme les ténèbres s'évanouissent devant la lumière du soleil.
            Tous les hommes sont par nature idolâtres, mais les idoles qu'ils se forgent varient à l'infini. Elles varient selon leurs goûts ou leurs caprices et ils se taxent mutuellement de folie ; ainsi le prodigue se rit de l'avare, et l'avare se moque du prodigue. Mais, insensés, les uns comme les autres, malgré l'infinie variété de vos idoles bizarres, jusqu'à quand aimerez-vous la sottise ? Continuerez-vous à dépenser votre argent pour ce qui ne nourrit pas et travaillerez-vous pour ce qui ne rassasie pas ? Ecoutez attentivement le Seigneur et mangez ce qui est bon et que votre âme jouisse à plaisir des choses grasses (Es. 55 : 2).
            Tout cela, nous le savons en théorie ; mais en pratique nous l'oublions ! La folie est liée à notre coeur sans que la verge de correction ne parvienne à l'en détacher. Nous péririons plutôt que de nous séparer de nos vanités trompeuses. Ni les avertissements les plus sérieux du Seigneur, ni ses punitions les plus sévères, ni les plus rudes leçons de l'expérience, ne réussissent à nous désabuser ! J'aime mes idoles, dit tout bas notre coeur, et je courrai encore après elles! Tout en nous élevant contre le monde, nous cherchons ses faveurs; tout en disant : « Monde vain, monde trompeur! », nous nous fions à ses promesses plus qu'à celles du Seigneur ; et tout en l'appelant un ennemi dangereux, nous ne craignons pas de lui offrir un asile ! Qui nous délivrera de tant d'inconséquences et de contradictions ? - La seule puissance de ta grâce, ô mon Dieu !
            Mais pour atteindre ce but, l'un des moyens que la grâce du Seigneur emploie, c'est la correction. Le Père a pour ses enfants des rigueurs salutaires. Il châtie ceux qu'Il aime et les instruit par ce moyen. Jonas s'est attaché à la plante, oubliant Celui qui l'avait donnée ; le Seigneur commande aussitôt à un ver qui ronge l'arbuste. La sève diminue, les branches s'inclinent, le feuillage languit ; adieu, le bel ombrage ! Adieu, commode et agréable asile ! Hier, le prophète se réjouissait à son ombre ; que va-t-il éprouver à son réveil ? Leçon frappante pour tous les Jonas ! A tous ceux qui se fient plus à la plante qu'à Celui qui d'un seul mot la fait croître, nous voulons dire avec le prophète Nahum que l'Eternel est un Dieu jaloux (1 : 2) ; d'un autre mot, Il peut la faire périr, et en faire surgir cent autres à sa place ! Il fera sécher l'un après l'autre tous nos kikajons à mesure que nous leur donnons notre coeur. Le ver destructeur est déjà près de la racine, et pour faire sécher la plante trop aimée, il attend seulement un signal de Dieu.
            Mais le Seigneur est clément et miséricordieux - autant qu'Il est jaloux. Avant de nous frapper, Il nous demande de ne pas nous attacher à ce qui va périr, mais de rechercher plutôt ce qui ne se flétrit pas : la grâce du Fils, l'amour du Père, la communion de l'Esprit Saint, l'héritage incorruptible. S'Il nous voit disposés à recevoir de Lui seul des biens terrestres, à n'en jouir qu'avec actions de grâce et dans sa communion, loin de nous les ravir, Il les multipliera peut-être. Reconnaissons que nous avons eu tort de donner notre coeur aux choses terrestres, et regrettant cette idolâtrie, revenons à Lui, repentants et humiliés. Après s'être montré prêt à nous les ôter, quand ils nous étaient en piège, peut-être nous les rendra-t-Il s'Il nous voit décidés à ne les posséder qu'avec Lui.
            Un cantique anglais, dont nous donnons ici une pâle traduction exprime cette pensée avec bonheur.
            « Comme autrefois pour Jonas, le Seigneur, voulant adoucir mes heures de tristesse, m'avait préparé un agréable kikajon ; son ombre était si fraîche, et ses fleurs si douces !
            Apprécier ce beau don du Ciel était sûrement une chose fort légitime. Mais bientôt - ô folie de mon coeur ! - cette plante a voilé à mes regards le céleste Donateur. Alors, en peu de temps, ma joie s'est trouvée changée en un cuisant chagrin.
            Comme j'admirais l'arbuste, sa forme élégante, son délicieux ombrage et son fruit excellent, le Seigneur, offensé, a commandé à un ver invisible de s'approcher de ma plante chérie, et de la ronger secrètement.
            L'arbrisseau s'est fané et j'ai frémi. Mais j'ai refoulé les murmures dans mon coeur et, confessant ma folie, j'ai dit au Seigneur : Pardonne à ton enfant, mon Dieu ! Et fais grâce à ce kikajon.
            Qui dira Son amour ? Il entendit mes soupirs et soulagea ma douleur. Sa parole arrêta le ver rongeur, et fit, à l'instant même, revivre la plante bien-aimée. 
            Et mon âme, alors, a pu lui dire : Non, Seigneur! Non, mon kikajon ne m'appartient plus ; il est à Toi, à Toi seul qui, pour moi, le fis croître. C'était naguère, l'idole de mon coeur, mais la plante de Ton amour ne fleurira plus désormais qu'à Ta gloire ! ».
 
            Voici la pensée qu'exprime si bien ce cantique. Prenons garde si les témoignages de l'amour du Seigneur arrêtent nos regards et nous voilent la beauté de Sa face ! Attention, si nous sommes contents de jouir de ses bienfaits, mais oublions Celui qui les dispense ! Alors, sûrement, Il dira au ver destructeur : « Va, ronge et dessèche la plante, détruis son beau feuillage ». Nos plus riches espérances s'évanouiront et nos fleurs les plus brillantes se faneront. Ce n'est pas dans sa colère que le Seigneur agit ainsi, mais dans son amour. Il ne nous sépare de ses dons seulement si nous avons oublié la jouissance de son amour. Il met, en quelque sorte, « le feu à notre champ » (2 Sam. 14 : 31) ! S'il nous ôte ce que nous avons de plus cher au monde, c'est qu'Il veut nous rapprocher plus près encore de Lui. Alors nous pourrons contempler sa face et mieux jouir des effets de sa générosité. Il veut être notre soutien, notre ami, le confident de nos pensées, notre asile, notre tout.
            Avec Lui, tout est paix et bonheur ; loin de Lui, tout est vanité et rongement d'esprit. Considérez ces personnes qui se disent heureuses dans ce monde. Chacune vante son bonheur, chacune envie sa prospérité. Mais si l'une ou l'autre ouvre vraiment son coeur, vous verrez peut-être avec effroi combien de peines cachées nuisent à son plaisir, combien d'inquiétudes secrètes viennent gâter ses joies et combien d'épines envahissent son « soi-disant » paradis.
            Alors, la séduisante image de son bonheur s'évanouit comme la rosée du matin ou pour user d'une autre expression de la Bible, vous constaterez qu'une mouche morte fait sentir mauvais l'huile du parfumeur (Ecc. 10 : 1). Non, répétons-le, ce n'est pas une position enviée dans ce monde, ce ne sont pas des circonstances favorables qui assurent le bonheur. C'est la paix de la foi, la certitude de jouir de ta faveur et de ton amour, ô Dieu ! Heureuse est l'âme qui t'a choisi pour sa retraite et sa part ! Si tu reprends l'un après l'autre tous les appuis terrestres dont ta bonté nous a entourés, jamais tu ne t'éloignes ; tu demeures éternellement notre lot, notre portion, et tu es beaucoup plus précieux que tout ce que tu donnes !
            Il ne tient qu'à nous d'en faire l'expérience ! Souvent, peut-être, nous avons ressemblé à l'épouse du Cantique dans ses moments de folie. Imitons-la plutôt dans sa prudence. Après avoir longtemps erré dans la ville, fatiguée, battue par ceux qui faisaient le guet, l'épouse a compris enfin son tort et elle retourne auprès du bien-aimé. Après avoir aussi erré longtemps dans des sentiers où nos désirs et notre volonté nous ont conduits, nous sommes abreuvés de dégoût et frappés peut-être par ceux auprès desquels nous avions cherché le bonheur. Puissions-nous nous réfugier auprès de l'Epoux céleste et rester assis à son ombre ! Jusqu'ici peut-être l'avons-nous simplement « visité » au lieu de faire notre habitation chez Lui. Demeurons en Lui et nous ne serons plus inquiets, agités, malheureux. Il ne sera plus pour nous comme un voyageur qui passe seulement une nuit dans le pays et ne laisse que peu de traces de son passage (Jér. 14 : 8). Mais avec Jésus, la paix, la sérénité, le contentement d'esprit demeureront dans notre tente.
            Au travers des privations, du désenchantement et du brisement de coeur, nous pourrons lire, avec des yeux plus spirituels, le mot « amour » écrit de la main de Dieu lui-même. La chair ne voit que le moment présent ; Dieu a toute notre existence en vue. Il nous oblige, par des afflictions, à dire adieu à ce monde et à ses mensonges, pour nous attacher aux réalités invisibles et célestes. Ce n'est pas vers le vide ou le vague que nous nous allons. C'est vers la Jérusalem d'en haut - vers Jésus, qui a répandu son sang pour nous. Il veut absolument que ce ne soit pas une espérance confuse qui nous habite, à laquelle on pense de temps en temps, dans les moments de tristesse. Mais cette espérance doit devenir une réalité et remplir notre esprit et notre coeur.
 
            Ce texte suggère encore d'autres réflexions. Remarquez d'abord quel genre de correction Dieu dispense à Jonas : il fait périr son kikajon. Il aurait pu le châtier de bien d'autres manières ; mais la verge qu'il choisit est celle qui convient à ce moment-là. Il l'éprouve d'une façon qu'il ressent aussitôt. Le Seigneur ne nous consulte pas habituellement dans le choix de nos épreuves. Celles que nous choisirions ou simplement accepterions, conviendraient-elles ? Apporteraient-elles ces fruits paisibles de justice que l'affliction doit nous faire cueillir ? Il veut que nous la ressentions ; Il se propose de nous faire du bien. La Parole dit : « Si vous êtes exempts de la discipline à laquelle tous participent, alors vous êtes des bâtards, et non pas des fils » (Héb. 12 : 8). La plus grande peine qu'Il puisse nous infliger, c'est de nous laisser sans discipline.
            « Ephraïm s'est attaché aux idoles : laisse-le faire » (Osée 4 : 17).
            Remarquez quand et comment a péri le kikajon de Jonas : au moment où le prophète allait en avoir le plus besoin ! Hier, il jouissait de l'ombre de l'arbuste, il en est aujourd'hui subitement privé au moment où il va le plus vivement en ressentir la perte ! Ainsi l'a voulu le Seigneur. Jonas devait apprendre et tous les siens avec lui, que tout ici-bas est vanité, et qu'un soutien terrestre est toujours mensonger. Habituellement un secours humain fait défaut au moment où son appui nous serait le plus précieux, au moment où notre coeur est le moins préparé à s'en détacher. Dieu seul ne fait jamais défaut au jour de l'épreuve ; Lui seul est notre refuge ! C'est un Rocher qui nous suit dans le désert de la vie, nous couvre de son ombre et protège contre le vent et la tempête. Il rafraîchit par ses eaux et restaure par son miel (Deut. 32 : 13).
            On voit l'instrument dont Dieu fait usage pour faire sécher l'arbuste : ce n'est pas un ange puissant en force, mais un animal insignifiant, semble-t-il ; l'Eternel parle, un ver ronge la plante qui se fane. Dans la nature, comme dans ses voies en grâce, Il se sert habituellement de petites choses pour accomplir ses desseins. Ce sont de petits insectes qui troublent les habitants de la puissante Egypte. Les murailles de Jéricho s'écroulent au son d'une simple trompette. Les Madianites et les fils de l'Orient, nombreux pourtant comme des sauterelles, tombent devant la petite troupe de Gédéon. Chaque jour, Dieu se sert des instruments les plus chétifs pour contrecarrer, s'Il le juge bon, nos plans, ruiner nos espérances et tarir les sources du bonheur terrestre. Tout est à sa disposition. Des essaims de petits vers rongeurs s'attaquent à la racine de notre prospérité temporelle et dévorent secrètement. Il peut s'agir du mécontentement d'esprit, de la tristesse, de l'avarice, de la jalousie, de l'orgueil ou encore de l'égoïsme, sous leurs diverses formes.
            Remarquez que ce ver qui a rongé le kikajon du prophète était invisible. Jonas en vit bien l'effet produit, mais il est probable qu'au départ, il en ignorait l'existence. Que de fois nous voyons nos « kikajons » se flétrir l'un après l'autre, sans que nous sachions précisément quel moyen est employé pour les frapper ! Si l'on nous demandait pourquoi notre joie s'est, en si peu de temps, changée en douleur, nous répondrions, dans plus d'un cas : Tout ce que je sais, c'est que semblable à Naomi, j'étais parti comblé et maintenant l'Eternel me ramène à vide (Ruth 1 : 21). Puissions-nous, du moins, ajouter alors avec Eli, le pieux sacrificateur : « C'est l'Eternel, qu'il fasse ce qui est bon à ses yeux » (1 Sam. 3 : 18), et avec le roi David : « Je suis resté muet, je n'ai pas ouvert la bouche, car c'est toi qui l'as fait! » (Ps. 39 : 9).
            Le ver destructeur de ce kikajon n'était pas venu de lui-même, mais il a été envoyé par Dieu. Beaucoup de personnes parlent de Providence, et peu y croient en réalité. La plupart nient son action ou la réduisent à d'étroites limites. Quand des choses extraordinaires se produisent dans le monde, on les attribue à la main du Dieu souverain ; mais pour les circonstances ordinaires de la vie, on estime assez couramment que Dieu ne s'en mêle guère ou pas du tout ! C'est, en quelque sorte, l'exclure de ce monde qu'Il a créé ! Il est cependant un cas dans lequel on parle volontiers de la Providence : quand tout semble aller au gré de nos désirs.
            Mais si nos consolations terrestres s'envolent et que nos appuis humains disparaissent un à un, alors nous en accusons tout ceux qui nous entourent. Celui que nous estimons avoir détruit ou compromis notre insouciant repos terrestre n'est pas autre chose - avec son imprudence, son inconstance ou sa malice - que le ver que Dieu a préparé et envoyé faire son oeuvre !
            Il est plus sage pour l'esprit, plus sûr pour la conscience et plus doux pour le coeur du croyant de remonter aussitôt à la cause première ! Il faut voir Dieu dans ce qui nous survient !
            Souvenons-nous du comportement de David envers Shimhi. Le roi d'Israël ne cherche pas à frapper « le ver » qui a reçu la permission de le maudire. Si un ver détruit notre kikajon, taisons-nous sous cette verge du Seigneur. Si nous ouvrons la bouche, que ce soit pour reconnaître que c'est avec justice et mesure que nous sommes corrigés.
            On peut distinguer deux sortes de joies terrestres : celles qui sont permises - dans certaines limites au moins - et celles qui ne le sont pas du tout. Tout ce que nous venons de rappeler s'applique plus spécialement aux premières. Ajoutons un mot sur les autres : il y a de funestes kikajons, des abris trompeurs, que nos passions recherchent et que Dieu réprouve ! Un ver aussi se trouve à la racine ; mais ce ver est plus qu'un mécompte, plus qu'un ennui ou un serrement de coeur accompagnant le désappointement. C'est, dès ici-bas, le remords, ce ver rongeur qui flétrit et consume lentement notre âme. Il empoisonne toute notre vie. Dans le monde à venir, ce sera le ver qui ne meurt pas, un ver affreux qui dévore le coupable, et lui fera expier, dans une éternité de douleur, les perfides caresses de la convoitise, les délices passagers du péché.
            Terrible pensée ! Elle doit pourtant rester présente dans notre esprit. Elle nous engage, frères, à repousser loin de nos lèvres la coupe enchanteresse, dont la liqueur, douce un instant à la bouche, est ensuite amère. Pour un enfant de Dieu, il y a un chemin de repentance et de restauration. Mais pour un pécheur inconverti, il restera le remords, loin de Dieu, en enfer.
            Cependant, vous qui êtes angoissés par une chute, ne perdez pas courage. Il y a un Médecin compatissant qui nettoie toutes nos blessures ; son sang précieux a lavé toutes nos souillures. Au reste, tout ce qui vient du Seigneur nous est avantageux : qu'Il donne ou qu'Il reprenne, c'est toujours notre bien qu'Il se propose. Bénissons-Le de fournir au pauvre voyageur fatigué un abri sous lequel il peut se reposer un moment ; bénissons-le s'Il juge bon de l'ôter. Il peut offrir à sa colombe une branche pour s'y poser un instant, et ensuite l'obliger - par une épreuve - à retourner dans l'arche. Rendons-lui grâces s'Il brise un roseau agité par le vent et nous amène à chercher le refuge à l'ombre d'un cèdre excellent.
            Il est lui-même notre retraite, notre aliment, notre tout. On parle parfois avec admiration du breuvage que fournit le cocotier. Le Créateur l'a si richement doté qu'à lui seul, il peut fournir à l'homme dénué d'autre ressource, tout ce dont il a besoin : l'aliment dont il se nourrit, le lait dont il se désaltère, l'abri contre la chaleur, l'huile, le vin, le vêtement. On pourrait presque le nommer « l'arbre de vie », mais sur la terre seulement ! Cet arbre si utile est une image de ce que le Seigneur est, par grâce, pour son enfant. Il est avant tout, un sûr abri contre les traits de la justice divine, un précieux refuge dans les peines de la vie ; mais Il est aussi le lait qui le fait croître, la viande qui le nourrit, le manteau qui le couvre, le vin qui le fortifie, l'huile qui le console, l'éclaire et le sanctifie. Il est, Lui, véritablement, l'arbre de vie. Lui seul peut suffire à tous nos voeux, combler tous nos désirs ; parfaitement beau, souverainement aimable, Il ne cessera jamais de ravir notre coeur ; immuable, Il ne nous sera jamais ôté. « De sa plénitude… nous avons reçu et grâce sur grâce » (Jean 1 : 16).
            C'est toi, Seigneur, qui est notre vie et notre félicité : toi seul est notre nourriture, la source où notre âme peut toujours boire, le Rocher de notre coeur !
            « Il est le Rocher, son oeuvre est parfaite ; car toutes ses voies sont justice. C'est un Dieu fidèle » (Deut. 32 : 4).
 
 
                                           D'après E. Guers – « Jonas, fils d'Amitthaï » 1846
 
    (A suivre)