LE LIVRE DE JONAS (6)
LE PARDON DE DIEU : Chapitre 3 (v. 10)
L'EGOISME : Chapitre 4 (v. 1)
LA REQUETE DE JONAS : Chapitre 4 (v. 2-4)
L'EGOISME : Chapitre 4 (v. 1)
LA REQUETE DE JONAS : Chapitre 4 (v. 2-4)
« Et Dieu vit leurs oeuvres, qu'ils revenaient de leur mauvaise voie ; et Dieu se repentit du mal qu'il avait parlé de leur faire, et il ne le fit pas. »
Le jour de l'Eternel est proche pour Ninive, un jour de ténèbres et d'obscurité. Ninive est en proie à la plus vive anxiété, ses habitants sont enivrés, mais ce n'est pas de vin ; elle tremble, et pourtant elle espère. Tantôt elle estime sa ruine inévitable, tantôt elle croit que le salut est encore possible. Cruelles alternatives ! Longues et douloureuses journées d'angoisse et de tourment ! Toutefois Dieu ne lui a annoncé le jugement que pour la détourner de la voie de la méchanceté ; c'est le salut de Ninive qu'Il veut, ce n'est pas sa ruine ; sitôt qu'Il l'a vue se repentir de ses péchés, Il s'est repenti du mal dont Il l'avait menacée et Il a arrêté dans son coeur qu'Il ne le ferait pas !
Si les Ninivites ont espéré le pardon de Dieu, ils l'ont attendu dans le chemin de la repentance. Eloignons de nous le mal, se sont-ils dit l'un à l'autre, et l'ardeur de son indignation cessera peut-être. Ces païens ont été plus sages que beaucoup de ceux qui se disent chrétiens et se flattent d'obtenir le pardon de Dieu, alors qu'ils provoquent sa colère par de nouvelles transgressions !
Remarquons la sincérité de leur repentir. Au lieu de se borner, comme tant de gens, à parler seulement de se repentir, ils l'ont fait véritablement. Et Dieu a vu comment ils se sont détournés de leur mauvaise voie. Il a vu l'humiliation de ce peuple, comme il a vu celle d'Achab et comme il verra plus tard celle d'Ephraïm (1 Rois 21 : 27-29 ; Jér. 31 : 18-20). Rien n'échappe à Ses regards : il ne prend pas l'apparence pour la réalité ; une profession en paroles seulement, des déterminations pieuses, des promesses sont sans valeur pour Lui. Il faut que tout cela s'accompagne de réalité. L'homme disant qu'il va travailler à la vigne et qui n'y va pas, s'expose autant à son déplaisir que celui qui refuse catégoriquement de s'y rendre. C'est au coeur et à l'oeuvre que Dieu regarde ; des paroles ne lui suffisent pas.
L'Eternel a abaissé ses yeux sur Ninive : la douleur des habitants de cette ville l'a touché. Nul spectacle sous le soleil ne l'intéresse plus qu'une vraie repentance chez ses créatures. Il ne prend pas plaisir à la mort du méchant, mais à ce qu'il se détourne de sa mauvaise voie et qu'il vive (Ezé. 18 : 23). Il dit : A qui regarderai-je, si ce n'est à celui qui a l'esprit contrit et qui tremble à ma Parole ? (Es. 66 : 2). Rien sur cette pauvre terre déchue ne désarme plus sûrement son courroux que la vue d'une vraie repentance. Dès que le père voit l'enfant reprendre le chemin de la maison paternelle, il court à sa rencontre ; il le presse sur son coeur et le comble de ses faveurs (Luc 15 : 20-24). Retournez vers moi, dit-Il encore, et je retournerai vers vous. Je ne me souviendrai plus de vos péchés ni de vos iniquités. Vous serez mon peuple et je serai votre Dieu (Jér. 31 : 33-34).
Cependant, le quarantième jour est venu, un jour d'indicibles alarmes ! Il s'écoule lentement. Aucun signe de la colère céleste ne se montre. I1 se termine enfin. L'allégresse est grande dans la cité ! Dieu n'a donc point dédaigné leur repentance ! Il a eu pitié de Ninive ! Elle a trouvé grâce devant lui ! Aux cris de détresse, partout ont succédé les actions de grâce.
Ninive est sauvée, du moins pour le moment. Une autre génération viendra, qui n'aura pas connu cette délivrance. Ils retourneront à la vieille ornière de l'injustice et de la corruption, de l'orgueil et de la perversité. La repentance n'aura fait qu'ajourner le châtiment de la ville, comme celle d'Achab n'a fait que suspendre le coup qui devait frapper toute sa maison après sa mort (1 Rois 21 : 29). Mais pour l'instant, l'Eternel épargne la cité. Il la conservera intacte longtemps encore, et accomplira par son moyen de grands desseins, pour renverser encore bien des trônes et châtier bien des nations. Parmi celles-ci, ô mystère des voies de Dieu, il y aura le peuple de ce Jonas dont le message vient de sauver Ninive par la repentance ! Bientôt Phul remettra la couronne d'Assur à Tiglath-Phileser, et Tiglath à Salmanasar. Ce dernier emmènera captives les dix tribus d'Israël. Conduites à Ninive, elles seront dispersées sur les montagnes d'Orient, au-delà des antiques cités de Ragès et d'Ecbatane. Puis, Dieu confiera le sceptre du monde à Sennachérib. Peu après s'accompliront les paroles d'Esaïe, fils d'Amots, et de Nahum : la grande ville de Ninive sera pillée à son tour (Es. 33 : 1 ; Nahum). L'empire appartiendra désormais à Babylone. Au bout de quelques siècles, on ne connaîtra même plus l'emplacement de Ninive !
L'Ecriture dit que Dieu se repentit du mal dont il avait menacé Ninive et qu'il ne le lui fit point. Que faut-il entendre par cette « repentance » ? Dieu se repent-il à la manière de l'homme ignorant, faillible et pécheur ? Loin de nous une telle supposition ! La sûre Confiance d'Israël ne mentira pas et ne se repentira pas. Dieu n'est pas un homme pour se repentir ! Sa parole demeure éternellement (1 Sam. 15 : 29 ; Nom. 23 : 19 ; Es. 40 : 8). Quelle est donc cette repentance attribuée à Dieu dans quelques passages dans la Bible (Ps. 106 : 45 ; Amos 7 : 3 par exemple) ? C'est une expression qui signifie simplement que Dieu change sa manière d'agir envers telle ou telle personne, ou telle ou telle nation. Il la traite autrement qu'il ne l'avait d'abord annoncé, alors qu'elle marchait encore dans l'iniquité. Mais s'il y a un changement « extérieur » dans les voies de Dieu, il ne s'agit pas d'un décret, bien au contraire. Il reprend pour que l'on se repente - et ce repentir détourne alors les coups de sa justice. Tout est arrêté d'avance dans l'éternelle et immuable pensée du Dieu souverain.
Pourquoi leur laisse-t-il ces quarante jours de délai, si ce n'est pour leur donner le temps d'éviter son jugement par leur sincère humiliation? C'est ainsi qu'ils ont compris le sursis divin ! C'est ainsi que Jonas l'a compris, comme le montre le chapitre suivant.
S'il y a changement, c'est chez l'homme et non du côté de Dieu. Sa manière d'agir envers nous se modifie d'après notre conduite à Son égard. Ce sont les méchants, les rebelles qu'Il frappe. Il n'a plus de « foudres » pour les coeurs repentants. « Au moment où je parle au sujet d'une nation ou au sujet d'un royaume, pour arracher, pour démolir, et pour détruire, si cette nation au sujet de laquelle j'ai parlé se détourne du mal qu'elle a fait, je me repentirai du mal que je pensais lui faire » (Jér. 18 : 7-8). Il se tourne avec amour vers ceux qui reviennent vers lui avec larmes ; Il se repent, dit l'Ecriture, et néanmoins ses dispositions envers ceux qui refusent de se repentir restent invariablement les mêmes.
S'il en est ainsi, que dirons-nous à ceux qui, citant l'exemple de Ninive, affirment que Dieu est trop bon pour punir éternellement ses créatures, et que s'Il annonce ses jugements, c'est uniquement dans l'intention de les détourner du mal ? Ils se séduisent par de vains raisonnements ! Si Dieu est parfaitement bon, sachons qu'il est aussi parfaitement saint et vrai, et que ses menaces - comme ses promesses - ne peuvent manquer de s'accomplir. Présenter ses jugements comme un simple « épouvantail » pour les pécheurs, c'est Le rabaisser au rang de l'homme menteur ? C'est un outrage, un blasphème à son égard. Ninive a été épargnée, dites-vous ; oui, mais elle s'était repentie. Repentez-vous, et comme elle, vous éviterez le châtiment divin.
Ne différez pas de retourner à Lui. C'est aujourd'hui qu'il faut se convertir. C'est le jour du salut ; demain, c'est l'éternité - heureuse ou malheureuse. Aujourd'hui, l'Agneau de Dieu ôte le péché du monde ; demain, vous aurez à faire au Juge. Deux voix se font entendre à votre coeur, l'une est celle du Serpent ancien : pour vous endormir et vous amener à la perdition, il vous dit, comme autrefois à Eve : Vous ne périrez nullement ! L'autre voix, celle de Jésus, vous crie : Si vous ne vous convertissez, vous périrez certainement ! Laquelle de ces deux voix voulez-vous entendre ? Il faut choisir : la conversion ou la mort ! Telle est l'irrévocable alternative que Dieu place devant vous. Si vous vous repentez comme Ninive, l'épée que Dieu tient au-dessus de votre tête s'éloignera.
Oui, on peut périr, tout en répétant que Dieu est bon et qu'Il est trop miséricordieux pour faire périr ses créatures. Mais le Seigneur n'est pas dupe de cet hypocrite hommage rendu à sa bonté. Il sait quelle en est la valeur dans votre bouche, et qu'après tout ce n'est qu'une excuse commode inventée tout exprès pour calmer à peu de frais votre conscience, pour vivre plus librement dans le péché qu'il abhorre et braver plus à son aise ses jugements.
Revenons à Ninive. La délivrance de cette ville, comme celle de Jonas, nous apprend donc que Dieu bénit toujours l'humiliation chez l'homme. Si la ville des nations avait fièrement repoussé la proclamation du prophète, elle aurait infailliblement péri, et sa totale subversion aurait été l'accomplissement de cette parole de l'Ecriture : « L'orgueil va devant la ruine, et l'esprit hautain devant la chute » (Prov. 16 : 18).
Vous, chrétiens, vous gémissez peut-être sur vos fautes et vos coeurs brisés pleurent. Elles sont, il est vrai, plus grandes, à cause de votre responsabilité, que celles de Ninive. Vos désobéissances, du fait de votre qualité d'enfants de Dieu ont un caractère particulier de gravité. Mais, tout en pleurant sur vos folies, n'oubliez pas Ses compassions. Que le découragement n'envahisse pas votre âme ! Ne craignez pas, croyez seulement ! Il y a dans Sa puissance d'inépuisables ressources. Placez entre vous et Lui le sang et le nom de son Bien-aimé. Il est pour le Père un parfum répandu. La clarté de sa face luira sur vous et sa paix gardera désormais vos pensées dans le Christ Jésus.
La voix qui, après nos chutes, dit : « Humiliez-vous donc sous la puissante main de Dieu, afin qu'il vous élève quand le temps sera venu » (1 Pier. 5 : 6) est celle du Père. Celle qui, au contraire, murmure trop souvent à nos oreilles que, las de nos offenses, il a élevé entre Son coeur et le nôtre une infranchissable barrière, est celle du Menteur. Avant de nous entraîner dans la désobéissance, Satan nous présente un Seigneur indulgent jusqu'à la faiblesse. Sitôt après la chute, il nous parle du châtiment de Dieu, changeant de rôle et de langage. Il le montre alors d'une sévérité inflexible. Pour mieux nous tromper, il se déguise souvent en ange de lumière et il affecte de prendre la défense des droits et de la sainteté de Dieu. Il dépeint sous les couleurs les plus odieuses nos torts à l'égard de Dieu. On dirait qu'il a à coeur la gloire du Seigneur et son règne ! Or, en même temps, il nous annonce un juste et irrévocable châtiment. Nous le reconnaîtrons toujours quand il agit ainsi.
En revanche, après nous avoir convaincu de nos infidélités, l'Esprit de Dieu nous montre que le sein de Jésus est notre asile et que ses « meurtrissures » sont le moyen de nous guérir (Es. 53 : 5).
Satan, au contraire, s'il nous voit humiliés, abattus après nos fautes, nous montre l'enfer que nous avons mérité ! L'Ennemi se sert de tout pour nous éloigner du Seigneur, pour nous conduire au découragement et, s'il le peut, nous plonger même dans le désespoir. Il sait même, au besoin, citer la Parole de Dieu. C'est un habile théologien, si la théologie consiste à connaître la lettre des Ecritures ! Il sait les manier avec dextérité, toujours pour chercher à nous ruiner. Dans ses mains, l'épée de la Parole blesse au lieu de guérir.
Nous avons un moyen infaillible de parer ses coups, c'est de nous couvrir avec le bouclier de la foi afin d'éteindre les flèches enflammées du Méchant (Eph. 6 : 16). A l'exemple de notre divin Modèle, nous pouvons repousser, avec la Parole citée d'une manière intelligente et complète, celui qui nous attaque en se servant de cette même Parole, mais « mutilée » et appliquée d'une manière fausse. En un mot, il faut lui dire : « Va-t'en, Satan, car il est écrit… » (Matt. 4 : 10).
Si donc, s'approchant de toi, l'adversaire te dit : «Ta blessure est inguérissable, il n'y a plus en Dieu de salut pour toi » (Ps. 3 : 2), réponds-lui aussitôt qu'il y a du baume en Galaad. Là, on trouve un Médecin qui n'est pas venu appeler des justes à la repentance, mais des pécheurs (Jér. 8 : 22 ; Marc 2 : 17). S'il te dit : Dieu est saint et juste, tu dois périr, car tu as trop péché, réponds-lui qu'il est écrit : Le sang de Jésus Christ, le Fils de Dieu purifie de tout péché (1 Jean 1 : 7).
Il répète peut-être encore : « Mais tu as lassé Dieu par tes offenses, tu l'as irrité par tes iniquités ! ». Alors, achevant le passage qu'il tronque, réponds-lui : C'est moi - dit le Seigneur – « c'est moi qui efface tes transgressions à cause de moi-même ; je ne me souviendrai pas de tes péchés » (Es. 43 : 24-25).
L'adversaire ne manquera pas de te rappeler l'exemple de ces Hébreux (Héb. 6 : 4-7) qui tombèrent finalement dans l'apostasie et de te dire : « Comme eux, tu as bien été éclairé, tu as de la connaissance, mais tu n'as pas la vraie foi ; leur sort sera le tien ». Réponds-lui sans hésitation : « Si jusqu'ici je me suis trompé sur mon état spirituel, je ne veux pas me tromper plus longtemps. Si je ne suis pas encore allé véritablement à Christ, je désire, sans attendre, me jeter dans les bras de Celui qui dit : « Venez à moi…je vous donnerai du repos. Celui qui vient à moi, je ne le mettrai pas dehors » (Matt. 11 : 28 ; Jean 6 : 37). Corrompu dans ma nature et méritant la colère divine, à quel autre pourrais-je aller, sinon vers Celui qui est venu ici-bas pour ôter mon impureté ? A quel autre regarder qu'à Celui qui s'est livré pour mes forfaits ?
Le livre de Jonas se tait complètement sur le sort ultérieur de la ville, sur la durée et les effets de sa repentance. Ce livre a, semble-t-il, spécialement pour objet de montrer l'empressement des païens à se repentir à la parole d'un prophète étranger, en contraste avec la dureté de coeur des Israélites qui tuaient leurs prophètes. L'Eternel a voulu donner à connaître ses desseins miséricordieux envers les Gentils. Le salut du monde, présenté dans la dispensation actuelle, y est déjà pressenti. Cette cité de Ninive, pardonnée et sauvée, est une image des nations reçues en grâce, bénies et bénissant, telles qu'elles apparaîtront dans l'économie milléniale. Dieu, toujours fidèle à ses promesses, se prépare à répandre sa grâce sur toutes les tribus de la terre.
Nous aimons également à retrouver dans la délivrance de Ninive une image de ce qui se passe dès à présent dans une âme, quand la miséricorde de Dieu la sauve. Quelle allégresse s'empare de cette âme pécheresse lorsqu'elle comprend et reçoit la grâce, et croit que Jésus nous a rachetés de la malédiction de la loi, ayant été fait malédiction pour nous, selon qu'il est écrit : Maudit quiconque est pendu au bois (Gal. 3 : 13) ! Plus grand a été le danger couru, plus on ressent la délivrance ! Jamais l'âme repentante ne sent plus vivement son bonheur, jamais elle ne chante son Libérateur avec plus de transport, qu'au moment où elle est délivrée, par la puissance de Christ, de la servitude de Satan et du péché. Elle réalise qu'elle est introduite dans la paix et dans la liberté glorieuse des fils de Dieu, elle voit le ciel s'ouvrir devant elle pour toujours !
Quels accents de triomphe éclateront au sein de l'Eglise quand elle sera rendue semblable à son Epoux glorifié et entrera avec Lui dans la maison du Père, pour les noces de l'Agneau, où retentira le cantique éternel à la louange de Dieu le Père.
« Mais Jonas trouva cela très-mauvais, et il fut irrité ».
Jonas entre dans une phase nouvelle d'expériences. Il vient d'accomplir l'oeuvre du Seigneur au-dehors ; Dieu a maintenant une question personnelle à régler avec lui. Il a visité Ninive ; il doit être à son tour « visité ». Après avoir pris soin de la vigne d'autrui, il lui faut reconnaître l'état de sa propre vigne (Cant. 1 : 6). Jonas va manifester le triste état de son coeur. Dieu aurait pu le tenir caché, mais Il a trouvé bon de le manifester. Il veut que l'on sache bien que tout peut sembler extérieurement pur et produit par un coeur dévoué au service du Seigneur, alors que la plus grande confusion agite l'âme du serviteur.
C'est le sujet du chapitre que nous abordons. Jonas éprouve un déplaisir extrême à l'ouïe du pardon que l'Eternel vient d'accorder à Ninive et il s'en irrite.
Nous avons vu de quel succès il avait plu à Dieu de couronner la mission confiée à Jonas. Heureux prophète, service béni, s'il en fut ! Suite à sa prédication, une grande cité, humiliée a pleuré devant l'Eternel sur ses crimes et a été l'objet de la grâce divine. Cet étonnant résultat de son ministère ne devrait-il pas remplir de joie le prophète ? N'a-t-il pas récemment échappé lui-même au châtiment divin ? Ne félicitera-t-il pas Ninive d'avoir montré une repentance analogue à la sienne ? Ne louera-t-il pas, enfin, de toute son âme, Celui qui a daigné le choisir pour devenir l'instrument d'une si grande délivrance ?
Jonas n'en fait rien : il ne se réjouit pas avec les Ninivites ; il ne bénit pas l'Eternel. Au contraire, il se lamente ; il s'irrite contre Dieu. Une fois déjà, il n'avait pas trouvé la volonté du Seigneur, bonne, agréable et parfaite, et maintenant il en a encore la même appréciation ! Nous voici ramenés au côté fâcheux du caractère de Jonas ! Pourquoi tout ce dépit ? Son oeil est-il méchant de ce que l'Eternel est bon ? Dieu n'a-t-il pas le droit de faire grâce à qui Il veut ? Jonas vaut-il mieux devant Dieu que Ninive? Tant de vies ont-elles si peu de prix à ses yeux ? Faudrait-il que Dieu ait la même appréciation ?
Mais l'irritation du prophète a probablement encore d'autres causes. Il voit, sans doute avec peine, la repentance de Ninive condamner l'endurcissement de Samarie et de Jérusalem. Il voit aussi Ephraïm courant, par sa révolte, au-devant des jugements de Dieu. Ainsi, Ninive sauvée, va voir sa puissance augmenter, et le peuple de Jonas deviendra la risée des nations.
D'autres pensées le tourmentent autant ou plus encore. Comme les menaces qu'il a prononcées contre Ninive n'ont pas été exécutées, il se persuade que lui, Jonas, sera peut-être tenu bientôt pour un faux prophète. On se moquera de lui, il sera insulté, lapidé peut-être. Son nom servira de chanson aux buveurs. Plutôt que de souffrir ainsi à cause de l'opinion de ses semblables, il préférerait voir toute cette ville des nations périr. L'égoïsme le rend cruel.
Mais, Jonas, ton imagination t'abuse ; tes sombres prévisions ne se réaliseront pas. Au contraire, tu seras peut-être considéré comme un heureux prédicateur ; et l'on exaltera surtout la clémence de ton Dieu. Pourquoi se préoccuper de l'opinion des hommes ? Faisons ce que Dieu nous demande et laissons-Lui le soin du reste.
On voit chez Jonas l'égoïsme et ses funestes conséquences : un esprit mécontent et volontaire, un manque de reconnaissance et d'amour. La gloire de Jéhovah, manifestée dans le pardon de Ninive, n'a guère de valeur pour le prophète ; sa petite gloire personnelle seule compte. Le bonheur de Ninive lui importe assez peu ; ce qui l'intéresse, c'est son honneur. Lui qui a largement usé des compassions divines, il n'admet pas, semble-t-il, que d'autres en jouissent à leur tour ; il veut la grâce pour lui seul. L'égoïsme étouffe les affections les plus douces du coeur et amène à toutes sortes de péché.
Jonas est inquiet, mécontent aussi bien dans l'adversité que dans la prospérité ; il n'a pas ce qu'il veut, et ce que Dieu fait ne semble pas lui plaire ; il trouve à redire, parfois à censurer. Il est, hélas, toujours volontaire. Il imposerait, s'il le pouvait, sa volonté à Dieu même. Cette mauvaise disposition d'esprit l'avait poussé vers Tarsis et lui fait maintenant désirer la destruction de Ninive. Il est rempli de dépit et de colère !
Jonas se montre ingrat, lui qui a trouvé grâce auprès de Celui qu'il a si grièvement offensé : Dieu a entendu son cri de détresse dans le ventre du poisson, il a accepté sa repentance et agréé ses voeux. Il lui a rendu la mission d'aller avertir de sa part la grande cité d'Assyrie. Après de pareils témoignages de la bonté divine, Jonas ne devrait-il pas bénir l'Eternel de toute son âme ? Hélas, pas une pensée de gratitude n'anime son coeur ; pas un accent de louange ne sort de sa bouche ! Le seul cri qui s'en échappe est celui de l'orgueil et du dépit. Si Jonas a paru touché, 1'homme naturel a bientôt repris sa place.
Enfin, il se montre dépourvu de charité. Après avoir trouvé les Ninivites si dociles à son message, il aurait dû s'intéresser à leur sort. Mais l'amour n'a pas de place là où règne le « moi » : c'est là, la clé de sa conduite.
L'histoire du prophète n'est-elle pas un miroir qui reproduit fidèlement notre image. A moins que le voile des illusions ne soit encore sur nos yeux, nous nous reconnaîtrons sans peine.
En premier lieu, l'égoïsme nous caractérise, plus ou moins développé en chacun de nous. C'est le fond de notre nature adamique. S'il ne se manifeste pas en nous au même degré qu'en Jonas, cela ne tient peut-être qu'à la différence des situations. A sa place, aurions-nous vraiment agi autrement ? Nous retrouvons ces tendances parfois même dans nos meilleures actions. Elles paralysent fréquemment un élan généreux, une pensée de dévouement ou de sympathie. Parfois même nous écoutons avec indifférence le récit des déboires ou des difficultés dans la famille, quand nous ne sommes pas personnellement touchés. Nous sommes capables de « disserter » sur les souffrances d'autrui, sur les épreuves dont nous les voyons atteints. Mais l'égoïsme, trop souvent, nous empêche d'aller annoncer la grâce de Dieu à ceux qui vont périr sans connaître le seul Nom donné aux hommes pour qu'ils soient sauvés. L'égoïsme nous fait trouver que Dieu ne punit pas assez sévèrement ou assez vite les pécheurs ; il se retrouve parfois également dans nos prières. C'est l'égoïsme qui fait que, oubliant le prochain dans nos requêtes, nous intercédons beaucoup pour nous-mêmes et pour ce qui nous touche de près.
Enfin l'égoïsme infecte notre activité chrétienne et pousse à la recherche habituelle de soi-même dans la bienfaisance faite individuellement, comme dans celle que nous accomplissons avec d'autres. On compte y trouver une petite gloire personnelle. C'est encore notre misérable « moi » qui engendre tant de rivalités entre les dénominations chrétiennes. Si, par exemple, un champ d'activité a été confié par le Seigneur à nos soins pour le cultiver, il devient alors l'objet de tout notre intérêt, de toutes nos affections ; mais si ce même champ de travail passe dans les mains de frères qui, sur des points secondaires de doctrine ou de pratique, ne partagent pas nos façons de voir, il arrive souvent que peu à peu nos sympathies s'en détachent. A la fin, nous éprouvons parfois une joie maligne à nier on à amoindrir le bien qui s'y fait. Telles sont les turpitudes de notre nature ruinée, les misères qui attestent notre proche parenté avec le fils d'Amitthaï !
Il y a une autre particularité du caractère de Jonas qui se remarque plus ou moins en nous : c'est l'esprit de mécontentement. Beaucoup de croyants se montrent inquiets, mécontents de leur sort, malheureux ; qu'ils vivent dans un palais ou sous un toit de chaume, ils ont la même plainte dans leur bouche : rien ne leur plaît. Fâcheuse disposition ! En toute occasion, c'est aux hommes, aux circonstances, à Dieu lui-même que l'on s'en prend !
Un autre trait de la « famille des Jonas », c'est l'esprit volontaire. Le « moi » trône à la place de Dieu. Jonas est de bonne humeur quand tout se passe comme il l'entend ; mais si Dieu contrarie ses désirs, aussitôt il s'aigrit et s'irrite. Tous les châtiments qui l'ont frappé jusqu'ici ne l'ont pas changé, hélas. Jonas reste toujours Jonas, et nous sommes ses frères et soeurs ! Que notre volonté s'accomplisse et nous voilà contents ; rencontre-t-elle de la résistance, alors notre dépit éclate ! L'esprit volontaire devient rapidement despotique. C'est une révolte contre le Créateur. L'homme discute, conteste, lutte contre Dieu, mais le Seigneur poursuit ses plans, sans tenir compte des nôtres : voilà bien ce qui nous chagrine. On parle des circonstances, des causes secondes, des créatures, comme si tout cela était autre chose que des instruments dans la main de Celui qui gouverne le monde ! Le méchant Shimhi, par exemple, accablait David de ses anathèmes et lui jetait des pierres (2 Sam. 16 : 5-13) ; il n'était pas autre chose alors qu'un instrument dans la main de Dieu, poursuivant pour un temps le roi, le doux psalmiste d'Israël ! La sainte volonté de Dieu est toujours aussi bonne, agréable et parfaite. Telle nous apparaît-elle si notre entendement est renouvelé (Rom. 12 : 2). Nous acceptons alors volontiers toutes les dispositions du seul Bon, du seul Sage. Nous répétons avec Moïse : « Il est le Rocher, son oeuvre est parfaite » (Deut. 32 : 4). Nous pouvons dire avec la Sunamite : « Tout va bien » (2 Rois 4 : 24), et avec la foule qui accompagnait Jésus : « Il fait toutes choses bien » (Marc 7 : 37).
Indépendamment de tout autre motif, une réflexion devrait suffire à nous inspirer la soumission. Que faisons-nous, en effet, en luttant contre le Seigneur, en ergotant sur ses dispensations ? Nous aggravons notre peine. La charge qu'il nous avait envoyée n'était pas trop pesante en elle-même. Avec elle, Il nous a toujours donné la force nécessaire pour la porter. Ne l'augmentons pas - par notre faute - avec nos gémissements et notre accablement.
La propre volonté de Jonas, fruit de son égoïsme, est la source de ses chutes et de la plupart de ses douleurs. Cet esprit-là est la source de nos péchés, et par conséquent de bien des souffrances. Le Seigneur est décidé à combattre chez les siens cette volonté et à la soumettre à Lui. D'où ces épreuves journalières, ces contretemps, ces mécomptes qui permettent à sa sagesse paternelle de dispenser les exercices nécessaires, pour briser la chair. L'issue en sera heureuse pour l'éternité. Au reste, nous n'avons rien de mieux à faire, quand Dieu souffle en sens inverse de nos désirs et de nos projets, qu'à replier, pour ainsi dire, les voiles de notre bateau. Cessons de manoeuvrer et abandonnons-nous à l'amour de Dieu. Les inspirations de notre coeur nous conduiraient infailliblement à notre perte ! Les dispensations divines nous poussent toujours vers les rives bienheureuses de la Canaan céleste.
Un autre trait chez Jonas, c'est l'ingratitude. Elle apparaît dans toute sa force, sitôt l'épreuve terminée. C'est une chose habituelle chez les hommes. Que de choses chacun d'entre nous n'aurait-il pas à dire au sujet des bontés du Seigneur ! Que de grâces reçues, de pardons, de délivrances accordées !
Sur le moment, tout cela est plus ou moins ressenti. Il y a, dans le coeur, des voeux, de bonnes résolutions : le désir de servir Dieu fidèlement, de ne vivre désormais que pour Lui et de reconnaître ainsi son amour ! Mais dès que l'obéissance est à nouveau mise à l'épreuve, bien souvent tout est oublié !
Combien l'ingratitude est pourtant odieuse ! Elle nous blesse chez nos semblables, surtout quand nous en sommes personnellement les objets. Et si souvent nous nous en rendons coupables envers Dieu ! Nulle part, elle n'est plus répréhensible que chez les enfants de Dieu.
Seigneur, rappelle-nous par ton Esprit ce que nous étions par nature et tout ce que ton amour a fait pour nous ; réchauffe nos coeurs ingrats ; ouvre ces bouches restées silencieuses quand elles devraient éclater en actions de grâces. Que notre vie entière soit un hymne en ton honneur !
L'égoïsme, un esprit mécontent et volontaire, l'ingratitude : voilà donc tout des traits qui nous désignent comme appartenant à la même famille que le prophète.
Pour achever ce triste tableau, à toutes ces misères, ajoutons encore l'absence d'amour. Jonas n'en avait pas pour Ninive, et sans doute avait-il éprouvé un secret plaisir à lui annoncer le jugement du Ciel ! Quel trait fâcheux de son caractère, que nous partageons avec lui ! Que de personnes auxquelles, à certains moments, nous annoncerions volontiers la colère de Dieu sans pourtant leur parler en même temps de ses miséricordes !
Que le Seigneur veuille par son Esprit verser son amour dans notre coeur et nous enseigner à nous aimer les uns les autres ! Qu'il daigne entretenir cet amour et l'alimenter de jour en jour par sa grâce ! Alors, nous serons vraiment les fils et les filles de Celui dont le nom est Amour.
Voilà ce que nous tenions à dire sur notre ressemblance avec Jonas. Nous avons un grand besoin de nous humilier devant Celui qui nous supporte avec tant de patience. Il faut aller journellement « se laver » à la source qu'Il a ouverte pour le péché et la souillure ; il convient de lui demander que son Esprit nous aide à ressembler à Jésus, à assujettir notre volonté à la sienne. Ainsi, par la gratitude et l'amour, nos pensées seront amenées « captives » à l'obéissance de Christ (2 Cor. 10 : 5).
Ne nous étonnons pas de voir Dieu nous révéler ainsi, comme Il le fait dans toute sa Parole, la vie « cachée », souvent humiliante de ses enfants, et de montrer toutes leurs infirmités. Il veut nous apprendre à connaître notre coeur et sa misère. Il fait ainsi ressortir Sa miséricorde. A lui seul est due la louange pour le bien qui peut se manifester dans les siens ; à Lui revient la gloire de leur salut ! Mystère insondable, Il nous a éternellement vus et aimés en Christ.
Outre ce but moral, Dieu s'est proposé un but symbolique. Jonas, dans ses tristes dispositions envers Ninive, personnifie le Juif avec ses sentiments à l'égard des Gentils, son antipathie pour les nations et sa constante opposition à leur salut.
Tel est donc le but moral et symbolique de ce livre de Jonas. Incompréhensible pour l'homme irrégénéré, le croyant y découvre toutes sortes de beautés cachées, des trésors d'harmonie, de sagesse et de grandeur.
« Et il pria l'Eternel, et dit : Eternel, je te prie, n'était-ce pas là ma parole, quand j'étais encore dans mon pays ? C'est pourquoi j'ai d'abord voulu m'enfuir à Tarsis, car je savais que tu es un Dieu qui fais grâce et qui es miséricordieux, lent à la colère et grand en bonté et qui te repens du mal dont tu as menacé ; et maintenant, Eternel, je t'en prie, prends-moi ma vie, car mieux me vaut la mort que la vie. Et l'Eternel dit : Fais-tu bien de t'irriter ? ».
Quel subtil mélange de piété et de rébellion dans cette requête ! Dans la prospérité, Jonas prie autrement qu'il ne l'avait fait dans l'épreuve ! Dans les profondeurs de l'abîme, sa requête à Dieu ne respirait que l'humiliation ; comblé maintenant de ses grâces, la « pseudo prière » qu'il lui adresse est toute empreinte de fierté, d'insolence et de révolte. Ce n'est plus le langage de la foi et de la contrition ; c'est l'expression de l'orgueil, du dépit et de la passion : on y retrouve tout son coeur naturel.
C'est une nouvelle raison, frères, d'accepter l'épreuve quand Dieu la dispense. Elle est aussi nécessaire pour ranimer ou maintenir en nous un esprit de prière et de piété que l'air pour allumer le feu ou ranimer la flamme. Ils sont rares en tous temps, les David, les Daniel, ceux qui conservent la même piété dans toutes les circonstances. Leur santé spirituelle demeure bonne quelle que soit la situation. Souvent, au soleil de la prospérité, l'état de l'âme décline : elle ne se rapproche vraiment de Dieu que dans le creuset de l'affliction.
Pauvre Jonas ! Où en est sa piété à ce moment-là ? Et qu'a-t-il fait de son sobre bon sens ? Quelles sont les paroles qu'il adresse à Dieu ! Et quelle réponse il reçoit ! Nous avons dit précédemment que le livre de Jonas, comme toute la Bible, est un miroir où se réfléchit l'image odieuse de la nature humaine en Adam, à côté de l'image attirante de la nature divine. Ces deux natures se retrouvent dans chaque homme ici-bas.
Remarquons la malice et la dureté du coeur de Jonas. Il ose dire à Dieu : C'est tout à fait ce que j'avais pensé quand j'étais encore dans mon pays ! C'est ce que j'ai voulu éviter en m'enfuyant à Tarsis ! Il rappelle au fond - en la justifiant - sa désobéissance. Et il n'ajoute pas un seul mot qui témoigne de son humiliation qui, normalement, aurait dû se mêler de gratitude. Ce qui vient de se passer avait naturellement dû réveiller en lui des souvenirs ! Sa révolte, son châtiment, son pardon : tout ce cheminement semble être en train de s'effacer de sa pensée.
En disant : « Je savais que tu es un Dieu qui fais grâce… miséricordieux, lent à la colère », il adresse à Dieu une sorte de reproche ! La connaissance qu'il avait de la gloire de l'Eternel l'avait soutenu dans le ventre du poisson, elle n'a plus la même importance pour lui. Il sait que le Seigneur est bon, mais il ose se comporter méchamment ! Singulière plainte que la sienne ! Ce qui a fait la joie et la consolation de tant d'autres serviteurs, savoir « la bonté de Dieu », semble le remplir, lui, de tristesse et de douleur. Il reproche au Seigneur ce qui est justement Sa gloire !
Il aurait voulu que les Ninivites soient ensevelis sous les débris de leur cité. S'il l'avait vue détruite par un tremblement de terre ou consumée par le feu et le soufre, il serait retourné l'âme apaisée dans son pays. Mais Ninive reste debout, alors il va partir avec un coeur rempli d'amertume.
Le Seigneur Jésus disait un jour à ses disciples qui l'engageaient à faire descendre le feu du ciel sur une ville qui ne l'avait pas reçu : « Vous ne savez pas de quel esprit vous êtes animés ! » (Luc 9 : 55). Ce reproche s'adresse encore plus à Jonas. Il appelle la vengeance divine sur une cité qui l'avait reçu et qui, à son appel, s'était repentie !
Quel homme cruel ! sommes-nous peut-être prêts à nous écrier au sujet de Jonas. Mais, prenons garde : un chrétien qui connaît un peu la plaie de son propre coeur (1 Rois 8 : 38), se retrouve dans Jonas et s'écrie : « Je suis cet homme-là ! ».
Remarquons comment le prophète cherche à se justifier. C'est une des plaies qui font partie de notre vieille nature ruinée. Jonas dit en fait à Dieu : « Je savais bien que tu es charitable et j'avais prévu ton pardon. Ma prédication est contredite et me fait passer pour un faux prophète ! C'est tout cela que j'ai voulu prévenir en m'enfuyant ». Sa terrible épreuve ne l'a donc pas guéri ; il se retrouve à Ninive tel qu'il était en Israël. Il ne rappelle sa révolte que pour essayer de la justifier ! Mais en agissant ainsi, il justifie la discipline de Dieu et fait encore mieux ressortir sa nécessité.
Jonas s'en tient à ce qu'il a dit. Pourtant il sait bien qu'il a mal parlé et qu'il aurait mieux valu qu'il se taise. Notre chétive et misérable personne est souvent ce qui a du prix à nos yeux. Dieu, la vérité, l'amour deviennent parfois peu de chose, semble-t-il, à notre estimation. Courbés un instant comme Jonas sous la puissante main du Seigneur, à peine l'épreuve terminée, nous nous relevons, toujours aussi fiers ! Le sentiment de la gravité de nos fautes s'affaiblit rapidement à nos yeux, et même leur souvenir est souvent bien amoindri.
Demandons au Seigneur de nous donner un esprit humble, prêt à reconnaître qu'Il a toujours raison et que nous avons toujours tort. Désirons avoir aussi un coeur charitable qui se réjouit de voir se déployer la bonté de Dieu : elle demeure à toujours !
A cette dureté de coeur, à cet esprit qui cherche à se justifier, le prophète ajoute de l'ingratitude et de la révolte. Il dit : « Et maintenant, Eternel, je t'en prie, prends-moi ma vie, car mieux me vaut la mort que la vie » (v. 3).
C'est décidément un homme singulier que ce fils d'Amitthaï ! Tandis que beaucoup d'autres ont été - plus d'une fois - tentés d'abandonner leur ministère du fait de leur insuccès, ici au contraire, c'est après une grande réussite que Jonas veut, semble-t-il, renoncer à son service. Et même il déclare souhaiter la mort ! Etre au service du Seigneur lui paraît maintenant pénible ; il lui tarde d'achever sa vie et de surcroît le ministère que Dieu lui a confié.
Entre Jonas et Christ nous avons parfois indiqué quelques « ressemblances ». Nous avons aussi signalé de profonds contrastes, et rappelé cette parole du Seigneur : « Voici, il y a ici plus que Jonas ! ». Jamais peut-être cette parole ne se trouve mieux justifiée qu'ici. Quelle distance, en effet, entre le Fils de Dieu prêt à mourir pour répondre à la volonté de son Père et pour nous racheter, et un Jonas ! Jésus montre bien ce qu'il ressentait dans son âme sainte dans cette prière : « Père ! entre tes mains je remets mon esprit » (Luc 23 : 46). Quelle différence !
Arrêtons-nous un instant sur ce voeu exprimé par le prophète dans son dépit et son irritation, d'abord pour en signaler l'ingratitude. Il a donc oublié que c'est après son instante prière que Dieu lui a rendu la vie dont il semble faire présentement si peu de cas. Il veut quitter ce monde au moment où, si miséricordieusement délivré, il devrait désirer la prolonger au service de son divin Bienfaiteur, en continuant son service à Sa gloire.
Quel aveuglement dans cette requête ! Il veut mourir plutôt que de voir la parole qu'il a prononcée contredite par les faits ! Il craint sans doute que la gloire d'Israël soit la part aussi des Gentils. Il oublie que Dieu est toujours là, pour protéger le message et le messager ! N'y a-t-il donc pas suffisamment de grâce en réserve pour répondre aux besoins des compatriotes de Jonas, comme à ceux des habitants de Ninive ? Quelle bonté du Seigneur de ne pas l'avoir « exaucé » !
Ne jugeons toutefois pas le prophète avant le temps. La pierre que nous lui jetterions, pourrait bien retomber sur nous. Ceux qui désirent la mort avec le plus d'ardeur sont souvent ceux qui ont le moins de raisons de le faire. Au lieu de la demander avec tant d'impatience, ils devraient plutôt se préparer à la rencontrer quand il plaira à Dieu de l'envoyer. Si, pour le croyant, c'est la fin de toutes les misères de la terre, ce sera pour une personne restée dans ses péchés le commencement de plus grandes douleurs.
Hâtons-nous d'arrêter nos regards sur de plus douces images. Le coeur de Dieu se reflète, dans ce texte, aussi fidèlement que celui de l'homme.
Il est l'Eternel ; Jonas l'invoque sous ce nom (v. 3). L'Eternel est Celui qui était, qui est et qui sera. Tout procède de Lui. Il est immuable dans son essence, son amour et ses promesses. Dans le livre de l'Exode, Il se révèle comme « Je suis Celui qui suis » (3 :14), au moment où, pour accomplir sa parole, Il va délivrer son peuple de la captivité du Pharaon (6 : 1-11). Plus tard, lorsque Moïse se trouve sur le Sinaï, Dieu parle avec lui face à face, « comme un homme parle avec son ami » (33 : 11). Sur le Sinaï, Moïse lui demande, avec la simplicité d'un coeur filial, de lui montrer Sa gloire. Dieu répond : « Je ferai passer toute ma bonté devant ta face, et je crierai le nom de L'Eternel devant toi » (33 : 19). Il le fait et Il proclame son Nom : « L'Eternel, l'Eternel ! Dieu, miséricordieux et faisant grâce, lent à la colère, et grand en bonté et en vérité, gardant la bonté envers des milliers de générations, pardonnant l'iniquité, la transgression et le péché, et qui ne tient nullement celui qui en est coupable pour innocent, qui visite l'iniquité des pères sur les fils, et sur les fils des fils, sur la troisième et sur la quatrième génération ! » (34 : 6-7).
A plusieurs reprises, la gloire de l'Eternel apparaît à Moïse, à Aaron et à toute l'assemblée des fils d'Israël (Nom. 16 : 19, 42 ; 20 : 6 par exemple). Plus tard, David invoquera le nom de l'Eternel tout au long de ses psaumes, et bien d'autres l'auront à coeur, tels Salomon, Joël, Nahum ou Malachie. Le nom glorieux de l'Eternel sera un des thèmes de la louange milléniale (Zach. 14 : 9, 16). Il est le Dieu qui fait grâce, Jéhova, le Dieu qui sauve ; la source unique, éternelle, souveraine de toute bénédiction. La grâce qui est en Lui répond à notre culpabilité. Jésus, au temps convenable, est mort pour les impies dont nous faisions partie. Sans force, morts dans nos péchés, nous étions ses ennemis, mais Il nous a réconciliés avec Lui par sa mort. Maintenant, nous sommes vivifiés ensemble avec Lui ; Il a gratuitement pardonné toutes nos offenses ; et nous sommes créés en Lui pour les bonnes oeuvres, préparées afin que nous marchions en elles. Délivrés du pouvoir des ténèbres, Il nous a transportés dans le royaume de la lumière, celui du Fils de son amour.
Il est aussi caractérisé par sa profonde miséricorde (Luc 1 : 78) ; sa charité a été largement prodiguée envers nous, renversant tout ce qui s'opposait à son cours. Dieu est « lent à la colère ». Il avertit, Il attend et Il crie au pécheur : « Repens-toi et vis ! ». Il remet le glaive de sa justice dans le fourreau, dès qu'apparaît le premier signe de repentance !
Quel contraste, hélas, entre le Maître et son serviteur! Jonas veut la ruine de Ninive ; Dieu pardonne à la ville inique dont la méchanceté était montée devant Lui. Ses compassions s'étendent jusqu'aux animaux. La parole du Psalmiste se réalise : « Eternel, tu sauves l'homme et la bête » (Ps. 36 : 6).
Dieu avait justement châtié Jonas lors de sa première révolte. Néanmoins Il avait eu pitié de lui, Il l'avait délivré, en lui multipliant les témoignages de sa bonté. Mais Jonas à nouveau se révolte ! L'Eternel va-t-il le briser ? Il ne lui fait pas de reproche. Il lui parle avec amour, comme un tendre père le fait envers un enfant obstiné pour le ramener dans le droit chemin. « Fais-tu bien de t'irriter ? », lui demande-t-il. Quelle bonté compatissante dans ce doux reproche !
Dieu a daigné prêter l'oreille à la « prière » de Jonas ; Il fait grâce à ce téméraire. Il ne le retire pas de ce monde, au moment où Jonas était si peu en état de le quitter ! Nous mesurons un peu la grandeur de la grâce qui a surabondé, là où l'offense abondait.
La bonté de Dieu est souveraine : Il choisit librement ceux qui vont en être les objets comme le Seigneur le dit à Moïse : Je crierai le Nom de l'Eternel devant toi ; je ferai grâce à qui je ferai grâce et j'aurai compassion de qui j'aurai compassion (Ex. 33 : 19). Toute la Bible contient des témoignages de cette souveraineté de Dieu.
Le nom de l'Eternel évoque un majestueux arc-en-ciel qui s'étend du début à la fin de l'histoire de la terre : on trouve en Lui une réponse qui convient aux périodes successives de l'histoire du peuple juif, comme à celles des nations et à leur avenir commun. Selon les conseils divins, elles chanteront avec Israël : « Célébrez-le, bénissez son nom ! Car l'Eternel est bon ; sa bonté demeure à toujours, et sa fidélité de génération en génération » (Ps. 100 : 4-5).
D'après E. Guers – « Jonas, fils d'Amitthaï » 1846
(A suivre)