LE LIVRE DE JONAS (5)
LA RESURRECTION : Chapitre 2 (v. 11)
LA PROCLAMATION DE JONAS : Chapitre 3 (v. 1-4)
LA REPENTANCE DE NINIVE : Chapitre 3 (v. 5-9)
LA PROCLAMATION DE JONAS : Chapitre 3 (v. 1-4)
LA REPENTANCE DE NINIVE : Chapitre 3 (v. 5-9)
« Et l'Eternel commanda au poisson, et il vomit Jonas sur la terre ».
Jonas s'est humilié. Il a reconnu l'inutilité de contester avec le Dieu fort ; il a compris que Sa volonté est de ne pas restreindre les effets de sa grâce aux Hébreux et que, pour la faire parvenir aux Gentils, il n'est pas de moyen qu'il ne soit prêt à employer.
Le but du Seigneur à l'égard du prophète est donc atteint. Après avoir fait descendre dans l'abîme son serviteur coupable, Il l'en fait remonter, instruit et réconcilié. Jonas respire avec bonheur l'air ambiant ; son coeur est sans doute rempli de gratitude.
Reconnaissons encore ici la puissance souveraine de Dieu. Il parle, et à l'instant, ses créatures lui obéissent. A sa voix, elles frappent et, à sa voix, elles cessent de le faire. Il commande, et même les plus méchantes d'entre elles agissent contrairement à leur instinct : la vipère s'attache à la main de Paul sans lui causer de mal (Act. 28 : 3-6) ; les lions dorment, tels des agneaux, aux pieds de Daniel (Dan. 6 : 19-22). Le cachalot - ou le requin - ne blesse pas Jonas et le dépose, le moment venu, sain et sauf sur la rive. Quand tout va bien, il est assez aisé de dire avec le Psalmiste : Dieu fait tout ce qui Lui plaît dans les cieux et sur la terre, dans la mer ou les abîmes (Ps.135 : 6) ; il est plus difficile de l'accepter au jour de la nuée et de l'obscurité.
Que le Seigneur veuille développer en nous des caractères moraux qui n'affligent pas (ou ne limitent pas) le Saint d'Israël (Ps. 78 : 41). L'exemple de Jonas montre que si la puissance de Satan est relative, celle de Dieu est sans limites. Il peut toujours sauver ; aucune plaie n'est incurable pour Lui, nulle brèche irréparable et aucune délivrance impossible.
Autant que le pouvoir souverain de Dieu, la Parole proclame sa clémence infinie. Jonas a agi follement ; mais il s'est humilié et Dieu le sauve. Le Seigneur agit toujours ainsi. Il châtie si nécessaire les siens mais sa discipline est « pesée » à la balance de ses compassions. Jamais l'épreuve ne dure plus qu'il ne le faut pour Sa gloire et notre bien. Il commande à l'affliction comme à la mer : « Tu viendras jusqu'ici et tu n'iras pas plus loin » (Job 38 : 11) ; et aussitôt le but atteint, il lui ordonne de cesser de s'exercer, exactement comme il a commandé au poisson de déposer Jonas sur le rivage.
La sagesse infinie du Seigneur brille à tous égards. Il tire constamment le bien du mal. Jonas aurait dû être profondément touché par ce qui venait de se passer ; et cela aurait exercé une heureuse influence sur sa mission. N'aurait-il pas dû comprendre que Celui qui l'avait sauvé de la fureur des flots et de la gueule du poisson, saurait le garantir de tout autre péril ? Il se serait ainsi senti préparé à parler et à agir plus librement à Ninive. Le récit de sa fuite, de son châtiment et de sa délivrance aurait pu donner une plus grande autorité à ses paroles.
Le Seigneur s'était sans doute proposé que Jonas, une fois délivré devienne pour son peuple un type du Rédempteur qui allait être livré pour nos fautes et ressuscité pour notre justification (Rom. 4 : 25). Le séjour de Jonas dans le poisson a été de la même durée que celui du Seigneur dans le tombeau. La délivrance du prophète est une « figure » de la résurrection du Sauveur. Les paroles de Jésus en Matthieu 12 : 40 le montrent. Les Juifs incrédules venaient de demander au Seigneur un « signe », un témoignage miraculeux de sa mission divine. Ce signe, ils ne le voulaient plus sur la terre comme tous ceux dont ils avaient été les témoins - et qui n'avaient pu vaincre leur incrédulité ; ils le voulaient dans le ciel, peut-être comme ceux qui avaient été opérés du temps de Josué, Samuel ou Elie (Jos. 10 : 12-14 ; 1 Sam.7 : 10 ; 1 Rois 18 : 38). Eh bien, le Seigneur ne leur accorde pour l'instant aucun signe - ni sur la terre, ni dans les cieux. Il leur en donnera un tout à l'heure en descendant « dans les parties inférieures de la terre » (Eph. 4 : 9). Et plus tard, il leur en donnera bien un autre dans le ciel; mais quand ce signe apparaîtra, toutes les tribus de la terre se lamenteront (Matt. 24 : 30 ; Apoc. 1 : 7).
Le signe que le Seigneur annonçait aux pharisiens, qui devait les laisser sans excuse, c'était sa propre résurrection. Le Fils de l'homme passera trois jours et trois nuits dans le sein de la terre. Jonas a été un signe pour les Ninivites, de même aussi le Fils de l'homme le sera pour sa génération. Les hommes de Ninive se relèveront au jugement avec cette génération et la condamneront parce qu'eux s'étaient repentis à la prédication de Jonas ; et voici, il y avait ici plus que Jonas (Matt. 12 : 41 ; Luc 11 : 30, 32) ! Le Seigneur disait à ces Juifs : Si, après avoir vu de tels prodiges, vous persistez à me rejeter – moi, le Christ de Dieu - alors que les Gentils vont me recevoir, alors les Ninivites qui se sont convertis à la voix de mon serviteur Jonas vous condamneront un jour. On comprend toute la gravité de fermer obstinément l'oreille aux paroles du Seigneur. Jonas laissera, de la part de Dieu, quarante jours aux Ninivites pour se convertir ; Jésus a accordé quarante ans aux habitants de la Judée avant la destruction effective de Jérusalem. Or, plus insensible en cela que Ninive, Jérusalem, dans son incrédulité n'a pas accepté le « signe du Fils de l'homme », sa mort et sa résurrection.
Il y avait là plus que Jonas. En effet, le prophète ne pouvait rien faire pour sa propre délivrance, tandis que Jésus avait le pouvoir de reprendre sa vie comme Il avait celui de la donner (Jean 10 : 18). Il a brisé lui-même les liens de la mort ; il n'était pas possible qu'Il fût retenu par elle (Act. 2 : 24). Jonas sort du ventre du poisson tel qu'il y était entré – mortel ; Jésus sort du tombeau tel cet autre sacrificateur qui se lève… selon la puissance d'une vie impérissable (Héb. 7 : 16), inaccessible désormais à la souffrance, avec un corps glorieux dont le visage est comme le soleil quand il brille dans sa force (Apoc. 1 :16). Sorti en vainqueur de la tombe, Il s'est s'assis victorieux, à la droite de la Majesté dans les hauts lieux (Héb. 1 : 3). Il est le second Homme (1 Cor. 15 : 47), couronné de gloire et d'honneur (Héb. 2 : 9), la Tête de l'Eglise, qui est Son corps (Eph. 1 : 22), le Seigneur et le Prince de la vie (Act. 3 : 15).
Rappelons aussi que Jésus a anéanti virtuellement la puissance du roi des terreurs : « O mort, où sont tes pestes ? O shéol, où est ta destruction ? » (Osée 13 : 14 cité en 1 Cor. 15 : 55).
L'heure vient où, à Sa voix toute puissante, les rachetés sortiront, comme Lui, du tombeau, incorruptibles, ayant revêtu un corps glorieux semblable au sien. La résurrection du dernier Adam est le gage de celle de toute sa postérité spirituelle. « Comme nous avons porté l'image de celui qui est poussière, nous porterons aussi l'image du céleste » (1 Cor. 15 : 49). Tel est le privilège du chrétien ! Il a, dans la Parole, la promesse d'une résurrection bienheureuse et il en a le gage assuré dans la résurrection du Christ. En outre, Dieu a voulu qu'il puisse déjà en contempler les types dans la nature qui tout entière s'élance vers la vie dans la renaissance glorieuse du printemps. Et que dire de la métamorphose de la terne chenille de laquelle surgira bientôt un papillon merveilleux s'envolant vers les cieux ?
Heureux fidèle ! Il n'appréhende plus de descendre dans la tombe : Jésus y est descendu avant lui et le croyant ne craint pas de demeurer sous la puissance de la mort. Le tombeau n'a pu retenir sous son pouvoir le Chef de l'Eglise. Comment retiendrait-il les membres de son Corps ? Bientôt la même voix qui commanda au poisson de vomir Jonas sur le rivage, parlera : Alors, « la terre jettera dehors les trépassés » (Es. 26 :19) et la mer, la mort et l'hadès rendront leurs morts (Apoc. 20 : 13). Et puis, la mort elle-même sera engloutie en victoire (Es. 25 : 8 ; cité en 1 Cor. 15 : 54).
« Voici, il y a ici plus que Jonas ». Le prophète, vomi des entrailles ténébreuses du poisson, va prêcher la repentance à Ninive, et cette seule cité des nations sera ainsi sauvée - pour un temps. Mais Jésus, ressuscité d'entre les morts, rachètera du pouvoir de la mort, par son sang, une multitude de pécheurs - pour l'éternité.
« Voici, il y a ici plus que Jonas ». Le prophète délivré ne fait entendre sa voix qu'à Ninive ; Jésus ressuscité fera retentir la sienne dans tout l'univers. Jonas n'accompagne sa prédication d'aucun miracle ; Jésus confirmera la doctrine du salut par d'éclatants prodiges. Plus jaloux de sa propre réputation que du salut de ses auditeurs, Jonas s'irrite contre Ninive quand elle s'est repentie! Le Seigneur, au contraire, pleurera sur Jérusalem qui refuse de se repentir. Il s'écriera : « Que de fois j'ai voulu rassembler tes enfants comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l'avez pas voulu ! (Matt. 23 : 37). Enfin, Jonas se borne à annoncer le jugement de la part de Dieu ; Jésus, le Prophète entre les prophètes, prêchera le salut qu'Il l'apportera Lui-même.
Ne pourrions-nous pas envisager aussi la délivrance de Jonas comme un symbole prophétique de la résurrection morale d'Israël ? Jusqu'à ce jour ce peuple a été semblable à ces ossements desséchés, épars dans la vallée de la mort (Ezé. 37 : 1-10). Nulle espérance pour eux ; « Notre attente a péri, soupirent-ils douloureusement ; nous sommes retranchés » (v. 11). Cependant l'heure approche où le signe de Jonas doit s'accomplir pour eux comme il s'est accompli pour Ninive. Après avoir ressemblé à ce prophète égaré et châtié, ils lui ressembleront aussi dans son repentir et sa délivrance. Revenus à eux-mêmes, ils connaîtront le deuil et l'amertume comme pour la mort d'un premier-né (Zach. 12 : 10) ; alors ils rechercheront l'Eternel. Ils diront de grand matin : Venez et retournons à Lui - c'est Lui qui a déchiré et Il nous guérira ; Il nous a frappés, mais Il bandera nos plaies ; Il nous rendra la vie dans deux jours, et le troisième, nous serons rétablis et nous vivrons désormais en Sa présence (Os.6 : 1-3).
Alors, ouvrant leurs sépulcres, le Seigneur les en retirera et mettant son Esprit en eux, Il les ramènera sur leur terre (Ezé. 37 : 21-28). Aux accents de la douleur succéderont les chants de l'allégresse (Es. 35 : 10). La terre entière sera bénie par leur moyen. La loi sortira de Sion, et de Jérusalem, la Parole de l'Eternel (Es. 2 : 1-5). La restauration d'Israël sera pour le monde entier comme une vie retrouvée d'entre les morts (Rom. 11 : 15).
La délivrance du prophète évoque aussi une autre grande et profonde transformation. Quand, après avoir gémi plus ou moins longtemps sous le faix de sa misère, quelqu'un implore Dieu avec ardeur pour qu'il lui accorde son salut, il Le voit aussitôt accourir à son aide et le délivrer. Il l'introduit, par la foi, dans le royaume nouveau de la grâce, où Jésus répand sur lui Ses douces clartés. Ne s'agit-il pas là encore d'une véritable résurrection ? Pour cette âme, créée nouvelle en Jésus Christ, les choses vieilles sont passées ; la menace des foudres de la Loi s'est éteinte. Toutes choses sont faites nouvelles. C'est là un miracle, autrement grand que celui opéré en faveur de Jonas ! C'est vraiment un prodige de la grâce.
Ce miracle, le connais-tu personnellement, cher lecteur ? La grâce divine l'a-t-elle opéré en toi ? Il faut connaître la vie de la grâce pour connaître aussi celle de la gloire.
Enfin, la délivrance du prophète apparaît aussi comme un symbole de la libération de l'âme fidèle après tous les combats de la vie. D'abord, elle a été pour un temps dans l'épreuve, maintenant Dieu l'introduit dans le repos. Quel moment pour elle quand elle s'élance enfin libre et heureuse, dans les bras du Seigneur pour y connaître le repos jusqu'au jour où la trompette de l'archange donnera le signal de la première résurrection ! Quel moment aussi pour le croyant qui revêtira un corps incorruptible ; il sera complètement transformé à la ressemblance de son Seigneur et entrera avec Lui dans la cité céleste pour y servir nuit et jour le Dieu saint. Il chantera éternellement, dans la compagnie des myriades de rachetés : « Le salut est à notre Dieu qui est assis sur le trône, et à l'Agneau » (Apoc. 7 : 10).
« Et la parole de l'Eternel vint à Jonas une seconde fois, disant : Lève-toi, va à Ninive, la grande ville, et crie-lui selon le cri que je te dirai.
Et Jonas se leva et s'en alla à Ninive, selon la parole de l'Eternel. Or Ninive était une fort grande ville, de trois journées de chemin. Et Jonas commença à entrer dans la ville, le chemin d'un jour ; et il cria et dit : Encore quarante jours, et Ninive sera renversée ».
Dans cet imposant tableau que déroule sous nos yeux ce nouveau chapitre, trois faits principaux attireront successivement nos regards : la proclamation du prophète, la repentance de Ninive et le pardon de Dieu.
Bien que le livre ne dise pas si Jonas s'est rendu à Jérusalem avant d'aller à Ninive, on peut le supposer. Ce serait donc dans cette cité que Dieu lui a renouvelé le message qui lui avait déjà été donné pour Ninive, cette ville des nations. Nous aimons à nous représenter le prophète entrant dans le temple pour s'y prosterner avant tout devant l'Eternel. C'est dans ces heureuses dispositions, nous le pensons, que le commandement de Dieu le trouve.
La Parole de l'Eternel est adressée de nouveau à Jonas en ces termes : « Lève-toi, va à Ninive, la grande ville, et crie-lui selon le cri que je te dirai » (v. 2). Voilà donc l'occasion de prouver, par son obéissance, la réalité de son repentir ! L'Eternel aurait pu lui dire, comme plus d'un le ferait à son serviteur infidèle : « Je te retire ma confiance ». Toujours clément, le Seigneur ne lui tient pas ce langage ; Il le rétablit dans son ministère et lui fournit au contraire l'occasion de réparer ses torts. Cependant, il savait bien que Jonas allait dans peu de jours l'offenser à nouveau. Mais Dieu ne pardonne pas à moitié ; il ne reçoit pas en grâce le rebelle sans lui rendre la place qu'il occupait dans la famille de Dieu avant sa chute (Luc 15 : 22-24). Reconnaissons ici le même Seigneur qui s'est occupé de Pierre, le Maître débonnaire qui assure ses disciples de toute la tendresse de son amour au moment même où l'un d'entre eux va le renier et les autres s'enfuir. Avant leur faute, Il leur dit : « Vous êtes nets » (Jean 13 : 10), et encore : « Je ne vous laisserai pas orphelins ; je viens à vous… Que votre coeur ne soit pas troublé, ni craintif » (Jean 14 : 18, 27). Il les fait saluer, après qu'ils se sont enfuis, du doux nom de « frères », un nom qu'Il ne leur avait encore jamais donné. Plus tard, Il leur dit : « Paix à vous ! » (Jean 20 : 19). Il donne à Pierre, en particulier, l'occasion d'être relevé et de recevoir la mission de prendre soin des brebis et des agneaux du troupeau ; puis Il confie à ses disciples la bonne nouvelle du salut, pour la publier partout. Il est éternellement le Même, toujours prêt, dès que nous retournons vers Lui, à nous bénir en plaçant devant nous des occasions de réparer nos manifestations de légèreté, d'égoïsme et de lâcheté.
Avec sa faveur, l'Eternel a donc rendu à Jonas sa confiance et la mission dont il l'avait primitivement chargé. Le prophète se retrouve en présence de la tâche qu'il a voulu fuir. C'est pour nous une importante leçon : le chemin de la désobéissance est, pour le racheté, un chemin fermé, sans issue. Tôt ou tard, il faut revenir sur ses pas et retourner à l'oeuvre abandonnée, au poste déserté. Le Seigneur veut être obéi ; ce qu'Il a prescrit est parfaitement bon et sage. Si nous ne répondons pas à son amour, il nous faudra céder devant sa discipline ; jamais Il ne modifiera ses desseins ou ses ordres pour les « accommoder » à nos caprices. Il a parlé : toute excuse est désormais vaine, tout prétexte superflu.
Ce texte nous donne une autre instruction. L'Eternel ne laisse pas Jonas libre de parler à Ninive selon les pensées de son propre coeur ; Il lui confie le message qu'il doit y proclamer. Si nous sommes dépendants de sa volonté, Il ne permettra pas que nous parlions à notre prochain à notre guise, d'après nos sentiments personnels. Il nous montre ce que nous devons dire et comment le faire avec humilité et amour.
« Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez certainement » : telle est, la déclaration que, sous des formes diverses, sa divine Parole adresse aux pécheurs qui ne sont pas encore venus à Lui. Cette injonction est répétée 162 fois - un chiffre éloquent. Les serviteurs du Seigneur doivent veiller à la rappeler aux hommes. Malheur au serviteur qui modifie le message céleste pour l'adapter à ses propres pensées ou l'accommoder au goût dépravé de ses auditeurs ! Malheur à celui qui dit : « Paix ! », au moment où le Seigneur dit qu'il n'y a pas de paix ! A cet égard, une chose positive peut être soulignée dans le cas de Jonas : au sein même de sa révolte, pour ne pas altérer ou affaiblir la parole reçue pour Ninive, il a préféré abandonner son ministère plutôt que de le galvauder. Une fois revenu à Dieu, il accepte de proclamer le message divin dans toute son authenticité.
Malheur enfin à celui qui abuse de son rôle de serviteur de la Parole de Dieu pour aller prêcher à ses semblables des « visions » formées dans son propre coeur ! Il vaudrait mieux pour un tel homme abandonner le ministère plutôt que de trahir le Seigneur par ses dires et de périr peut-être finalement comme le fils d'Iscariote.
Jonas se lève aussitôt et s'en va à Ninive, selon l'ordre de l'Eternel. S'il avait obéi à Dieu dès le commencement, que de douleurs il se serait épargné ! Ce point est généralement admis mais peu mis en pratique dans notre vie personnelle. Tout en répétant : « Que ta volonté soit faite ! », nous la contestons dès qu'elle ne s'accorde plus avec la nôtre. Pourtant, vouloir simplement ce que Dieu veut, c'est le secret du bonheur. Qui peut nous l'enseigner ? La seule grâce de Dieu qui nous instruit par Sa Parole et Son Esprit.
Obéissant promptement à Dieu, sans discuter, Jonas semble avoir enfin compris qu'il n'est plus à lui-même, mais à Celui qui l'a sauvé de la mort.
L'obéissance est toujours la marque d'un vrai repentir, et souvent un des fruits de l'épreuve. Si Dieu ne prenait pas grand soin de nous purifier par l'affliction, nous serions vite disposés à rester tranquilles sur nos lies (Soph. 1 : 12). L'épreuve nous rapproche de Lui, ou contribue à nous retenir près de Lui. Elle est précieuse pour chacun sans exception.
La discipline du Père est nécessaire pour notre instruction. Un jeune homme peut apprendre à l'école militaire les règles de la guerre ; il ne sera pourtant pas vraiment un soldat avant d'avoir été sur le champ de bataille. Si nous comprenons l'importance de la discipline paternelle, demandons à Dieu de la sanctifier pour nos âmes plutôt que de nous l'éviter. Dans l'épreuve, que le cri de notre coeur soit avant tout : « Seigneur, enseigne-nous à en tirer profit ».
Jonas se lève donc pour s'en aller cette fois à Ninive et non à Tarsis ! Il n'est plus obnubilé par les fatigues du voyage et l'opprobre qu'il pourrait rencontrer. De fait, trois semaines ou même trois mois d'une longue et pénible route sont sans doute peu de chose à côté de trois jours passés dans le ventre du grand poisson. Pour le moment en tout cas, il ne semble plus calculer les périls de sa mission, ni regarder à sa réputation de prophète ni tenir compte de sa jalousie et de ses antipathies judaïques. Répugnances, appréhensions, difficultés, raisonnements : tout cela a momentanément disparu devant sa reconnaissance et son désir renouvelé de servir Dieu. Sans doute pensait-il, à juste titre d'ailleurs : « Loin de me rejeter, Seigneur, tu me reprends à ton service et tu scelles ton pardon par ta grâce ». Il est prêt à aller où Dieu l'envoie.
Il nous donne ainsi un exemple. Si, après un temps d'errance spirituelle, le Seigneur place devant nous le même service, levons-nous à l'instant pour l'accomplir avec son secours. Ne prêtons pas l'oreille à Satan qui ne manquera pas de nous dire : « C'est trop tard pour te montrer obéissant. Après quelques vains essais pour t'en sortir, tu retomberas dans les mêmes fautes ». Au lieu d'écouter le Menteur, soyons plutôt attentifs au Témoin fidèle qui nous rassure : « Ne crains point, ma grâce te suffit ! ». Si l'oeuvre à laquelle Il nous appelle est grande, plus grand encore sera Son secours.
Après de longues et harassantes journées de marche, l'envoyé de Dieu parvient enfin en vue de Ninive. C'était alors une illustre métropole de l'Assyrie, un noeud brillant de communications entre l'Orient et l'Occident. C'était un centre de commerce, où comme dans un immense réservoir, les eaux arrivaient de toutes parts (Nah. 2 : 8) ! La voilà donc, la grande Ninive, avec son fleuve puissant et majestueux qui lui sert de rempart ; voici ses innombrables et somptueux édifices, ses riches comptoirs, ses mille palais et ses mille temples. Elle est entourée de gigantesques murailles de cent pieds de haut, jalonnées de cent cinquante tours colossales ! La voilà, cette ville de sang et de violence, de mensonge et d'iniquités (Nah. 3 : 1). Elle séduit les nations, les enivre avec le vin de sa prostitution. Elle retentit de chants de joie et d'allégresse, auxquels pourraient succéder, dans un instant, des pleurs et des lamentations !
Or voici qu'un homme sans éclat, sans renom, sans appui visible, visiteur d'un tout nouveau genre, va y pénétrer ! Ce n'est pas le commerce qui l'attire ; de plus hauts intérêts le préoccupent. Il ne vient pas pour chercher des trésors, dont il n'a que faire. En effet, il connaît le Dieu vivant et vrai. Il vient apporter le seul vrai trésor, celui qu'on chercherait en vain parmi toutes les richesses de cette opulente cité. Devant son aspect poussiéreux et rébarbatif, la riche, élégante et voluptueuse Ninive sourira peut-être d'abord avec mépris ; mais quelques instants après, elle va passer du dédain à la terreur ! A la voix de cet humble messager du Ciel, celle qui domine sur les nations tombera à terre. Soudain, elle méprisera ses idoles ; elle rendra gloire à Celui qui donne la domination du monde à qui Il veut mais l'ôte aussi. Simultanément, elle renoncera - pour le moment du moins - à ses projets d'asservissement de la terre d'Emmanuel.
C'était un des buts de la mission du prophète ; cependant elle devait servir à d'autres fins. D'abord, elle devait proclamer la souveraineté de Dieu. Lui qui connaît toutes choses savait que si Sodome et Gomorrhe, Tyr et Sidon, avaient entendu les mêmes appels que Ninive, elles se seraient repenties, elles aussi, en se couvrant avec un sac et en s'asseyant sur la cendre. Toutefois l'occasion de le faire ne leur a pas été accordée ! Dieu est souverain dans ses faveurs dont toutes ses créatures humaines sont également indignes : Il les dispense à qui Il veut.
La mission du prophète avait d'autres buts encore. Dans la pensée divine l'envoi de Jonas, cet Israélite, vers Ninive la païenne, avait sûrement pour but de préfigurer le service futur du peuple juif : Dieu lui réservait le privilège d'être son messager auprès des nations. La mission de Jonas faisait pressentir la conversion des Gentils.
Or Ninive était vraiment une grande ville : il fallait trois jours pour en faire le tour. Et plus encore sans doute pour un homme qui s'arrêtait de temps à autre pour répéter d'une voix solennelle le message de Dieu. Ninive était alors la plus vaste cité du monde, plus étendue même que Babylone ; le nombre total de ses habitants semble avoir été de près de deux millions.
Avant de pénétrer dans son enceinte, le prophète regarde certainement vers Celui qui lui murmure à l'oreille comme plus tard à celle du jeune Jérémie : « Va, dis-leur tout ce que je te commanderai ; ne crains point, car je t'ai aujourd'hui établi contre eux comme une ville forte, comme une colonne de fer, comme une muraille d'airain ». Puis il franchit résolument la porte de Ninive et marche pendant un jour ; et, sans s'arrêter nulle part, il se met aussitôt à proclamer d'une voix ferme ce message annonciateur d'une destruction prochaine et générale : « Encore quarante jours, et Ninive sera renversée ! » (v. 4).
Il n'y a aucun autre détail mentionné. Sans doute le message était-il délivré en syriaque ou en araméen, langues parlées par les peuples de la Mésopotamie ; Jonas devait les pratiquer. Son sermon est court mais saisissant ; sa voix réveille, comme en sursaut, la grande cité plongée dans le lourd sommeil de l'iniquité ! C'est le juste châtiment de Dieu sur elle et un avertissement solennel pour nous !
Quand les pécheurs diront : « Paix et sûreté ! », un jugement inattendu tombera sur eux. C'est au moment où Babylone, dans son délire orgueilleux, s'écriera : « Je suis assise en reine, je ne suis pas veuve, et je ne verrai jamais de deuil » (Apoc. 18 : 7), qu'en un seul jour viendront ses plaies, mort, deuil et famine, et elle sera brûlée au feu.
Il faut bien que Ninive apprenne qu'il y a au ciel un Dieu qui règne sur les nations, et rend à chacun selon ses oeuvres. La perversité des peuples les mûrit lentement pour le jour de leur ruine.
Quel affront pour la cité royale qu'une pareille menace sorte de la bouche d'un simple Israélite ! La superbe Ninive méprisait un peuple tel que celui d'Israël ! Elle venait de le rendre tributaire en attendant d'en faire son esclave.
Ninive n'avait-elle pas des divinités tutélaires supposées la couvrir de leur bouclier impénétrable ? Bel, Nébo n'étaient-ils pas là pour la garder ? Mais, pauvres Ninivites, que peuvent faire pour vous ces dieux d'or et d'argent ? Ils se taisent et vous abandonnent au jour du péril. Comme les marins de Japho, reconnaissez enfin qu'il ne s'agit que d'idoles sourdes et muettes, de « vanités trompeuses » qui, loin de vous sauver, vont périr avec vous.
Cependant le message de Jonas laissait entrevoir les richesses de la longanimité de Dieu. Car si Ninive devait être détruite, elle ne le serait que dans quarante jours. Pourquoi encore un tel délai ? Sûrement pour donner à la grande ville le temps de détourner, en se repentant, les traits de la colère divine. Le Dieu de patience avertit le coupable du jugement tout proche ; mais Il laisse s'écouler un temps d'attente avant son exécution. Il ne veut pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il vive !
Il y a un enseignement pour chacun et surtout pour une personne inconvertie ! N'ayant pas encore reçu le Sauveur, elle demeure sous la colère de Dieu (Jean 3 : 36). Considérons la bonté du Seigneur et sa sévérité (Rom. 11 : 22). Sa sévérité déclare : Si vous ne vous repentez pas, vous périrez certainement ; mais Sa bonté vous donne le « temps nécessaire » pour retourner à Lui. Ce temps, Dieu n'en fixe pas la durée ; c'est peut-être plus que quarante jours, mais peut-être beaucoup moins. Il est écrit : « Aujourd'hui, si vous entendez sa voix, n'endurcissez pas vos coeurs » (Héb. 3 : 15).
Si Ninive s'était montrée rebelle à la voix de Jonas, simple serviteur de la maison de Dieu, elle aurait infailliblement péri. Quel sera votre châtiment si vous refusez d'écouter, alors que vous jouissez de toutes les lumières de la Révélation ! Le Fils de Dieu lui-même vous convie personnellement à la repentance et vous presse, avec amour, de venir à Lui pour avoir la vie !
Un mot encore concernant l'avertissement du prophète. La repentance de Ninive a ajourné le jugement : son accomplissement n'a eu lieu que longtemps après - 130 ans environ. Or Ninive était une figure des Gentils, et le sort de cette grande ville rappelle celui qui est réservé à la chrétienté apostate. De grands jugements vont éclater sur le monde christianisé. La Parole de Dieu n'en fixe pas l'heure, mais elle est sûrement très proche.
Le magnifique développement des arts, des sciences, du commerce, de l'industrie - tout ce progrès qui fascine les yeux et flatte l'amour-propre - toute cette brillante fantasmagorie de civilisation va prochainement aboutir, selon les oracles divins, à une terrible catastrophe.
Un jour est assigné par l'Eternel contre toutes les fausses gloires d'ici-bas, tout ce que le monde adore. Il est arrêté contre l'orgueil et la hauteur - contre les cèdres du Liban, les chênes de Basan, les fortes murailles, les hautes tours, les navires de Tarsis et tous les objets d'art agréables (Es. 2 : 12-22). La grande et terrible journée du Seigneur approche. La coupe remplie de l'iniquité des nations achève rapidement de se remplir ; elle débordera bientôt et les jugements célestes éclateront.
Jadis, Dieu a renversé Jérusalem de fond en comble. Ses habitants ont été frappés par l'épée ou par la famine ou encore dispersés parmi les nations. Par des jugements plus terribles encore, Il va clore l'économie actuelle, celle des nations. C'est ce que nous dévoilent tout au long de leurs messages prophétiques les livres de Daniel et de l'Apocalypse. Le règne millénial de gloire sera introduit et toutes les tribus d'Israël recevront la bénédiction promise à Abraham.
Malheur aux hommes des « derniers temps » qui ont l'apparence de la piété mais en ont renié la puissance ! Sous des dehors de dévotion, ils font la guerre à Dieu, cachant leurs coeurs incrédules sous des formes chrétiennes ! Malheur, malheur à la chrétienté qui se corrompt de plus en plus sous l'influence grandissante du mystère d'iniquité qui, avec l'apparition de l'Inique (2 Thess. 2 : 7-8), va tout à l'heure atteindre son paroxysme : le terme final de son développement !
Le Seigneur voudrait la réveiller par ses avertissements ! Il faut fuir la colère qui vient ! Que, d'autre part, de « nouveaux » Jonas puissent crier à ceux qui appartiennent au peuple de Dieu et qui demeurent encore dans la Babylone prophétique, de sortir sans délai du milieu d'elle. « Sortez du milieu d'elle, mon peuple, afin que vous ne participiez pas à ses péchés et que vous ne receviez rien de ses plaies » (Apoc.18 : 4).
« Et les hommes de Ninive crurent Dieu, et proclamèrent un jeûne, et se vêtirent de sacs, depuis les plus grands d'entre eux jusqu'aux plus petits. Car la parole parvint au roi de Ninive, et il se leva de son trône, et ôta de dessus lui son manteau, et se couvrit d'un sac et s'assit sur la cendre. Et il fit crier et dire dans Ninive, par un édit du roi et de ses grands, disant : Que les hommes, et les bêtes, le gros et le menu bétail, ne goûtent de rien ; qu'ils ne paissent pas et ne boivent pas d'eau ; et que les hommes et les bêtes soient recouverts de sacs. Et qu'ils crient à Dieu avec force ; et qu'ils reviennent, chacun, de leur mauvaise voie et de la violence qui est en leurs mains. Qui sait ? Dieu reviendra et se repentira, et reviendra de l'ardeur de sa colère, et nous ne périrons pas ».
Entré dans Ninive, Jonas avait déclaré le tout proche et inéluctable jugement de Dieu. Sa voix avait retenti partout, tel le son éclatant d'une trompette. Encore quarante jours et Ninive serait détruite ! Alors tous les habitants de Ninive, saisis d'effroi, croient Dieu et se repentent. L'apparition soudaine au milieu d'eux de cet étranger les a saisis. Jonas ne venait pas pour les flatter, comme les magiciens idolâtres, mais pour dénoncer, en termes énergiques - et avec un courage désintéressé - une ruine imminente et complète.
Les Ninivites sentaient peut-être confusément qu'ils méritaient un jugement du ciel. Ils avaient sûrement entendu parler du Dieu d'Israël, de ses merveilleux exploits mais aussi des châtiments infligés aux nations païennes environnantes. Ces raisons réunies aident un peu à comprendre l'heureux résultat de la mission du prophète, sans toutefois nous en donner entièrement la clef. La bénédiction divine sur le message apporté par Jonas permet seule d'expliquer d'une manière satisfaisante son prodigieux effet !
Quoi qu'il en soit, les Ninivites ont cru Dieu. Quel autre aurait osé dénoncer la corruption de cette ville et fixer avec autant de précision le moment de sa destruction ? La cité entière s'est émue ; elle a retenti de cris d'angoisse et de lamentations. A quoi lui servent maintenant sa gloire, son opulence et toutes ses richesses? Ses idoles ne lui sont d'aucune aide. Dans sa détresse, son unique espoir de salut est dans la miséricorde de ce Dieu qu'elle a, jusqu'alors, méconnu. Les habitants publient donc un jeûne et se revêtent de sacs, du plus grand au plus petit.
Telles sont les conséquences de la proclamation de Jonas et l'étonnante bénédiction de Celui qui tient dans sa main les coeurs et les incline comme des ruisseaux d'eau (Prov. 21 : 1). Jamais encore, semble-t-il, un prédicateur n'avait obtenu pareil succès. Noé avait prêché pendant près de cent vingt ans à ses contemporains sans qu'aucun n'abandonne son mauvais chemin. Lot avait affligé son âme juste au milieu de l'impure Sodome, sans être autre chose à leurs yeux qu'un objet de moquerie.
Le verset 5 et les suivants retracent l'effet prodigieux de la proclamation de Jonas ; la parole du prophète est parvenue aux oreilles du roi de Ninive. Il se lève de son trône, se dépouille de ses vêtements royaux, se couvre d'un sac et s'assied sur la cendre. Ce n'est pas d'abord auprès du roi que Jonas s'est rendu ; c'est à ses sujets qu'il s'est adressé. Sa parole a retenti dans les rues et les places de la ville et tous ont pu l'entendre. Mais rapidement les choses ont été rapportées au roi, à ses ministres et à tous les grands.
Si Jonas avait proclamé dans Jérusalem un message analogue, « la ville qui tue les prophètes et qui lapide ceux qui lui sont envoyés » (Mat. 23 : 37) aurait sûrement trouvé assez de pierres pour le lapider. Nous parlons de Jérusalem, mais ne faudrait-il pas en dire autant, hélas, de la plupart des villes de la chrétienté ? Mais au lieu de frapper Jonas, c'est pour elle-même que Ninive réserve ses jugements et sa condamnation.
Phul portait alors probablement la couronne d'Assur. C'est lui qui va donner l'exemple du deuil et de l'humiliation. On voit donc le plus grand potentat de l'époque, qui s'intitulait fastueusement le « Roi des rois », descendre du trône où il siégeait environné de toute la pompe des monarques de l'Orient. Il se dépouille lui-même de la pourpre impériale ; il dépose la tiare et les insignes du souverain pouvoir et s'humilie devant Celui qui désigne les rois. Il se reconnaît indigne de porter plus longtemps un sceptre dont il n'a pas su faire usage pour maintenir l'ordre public et le droit, pour réprimer les oppressions, les prostitutions et tous les crimes. Il confesse et déplore ses propres iniquités et celles de la nation. Pour montrer sa repentance et marquer son humiliation, il se couvre d'un sac et s'assied sur la cendre.
Le « sac », ou cilice, était une sorte de chemise grossière que les Orientaux portaient pour témoigner publiquement de leur douleur et de leur humiliation. Habituellement, il était fait de poil de bouc ou de chèvre noir, rude, piquant et fort incommode, surtout pour ceux qui avaient l'habitude de se vêtir délicatement. La personne qui le portait en signe de deuil s'asseyait souvent sur les cendres, dont elle se couvrait aussi la tête (1 Rois 20 : 31-32 ; Esther 4 : 1 ; Job 16 : 5 ; 42 : 6). C'est ce vêtement que prend le grand monarque devant lequel tout l'Orient tremblait. Il s'assied sur la cendre dont il se couvre la tête, en lieu et place de couronne.
Il voulait aussi que tous reconnaissent leurs fautes et s'humilient devant Dieu pour détourner, si possible, le jugement qui les menaçait. Il convoque les princes et tous les personnages éminents qu'il consultait habituellement. On délibère et l'on décide alors de publier un édit auquel tous les habitants de Ninive devront se soumettre. Nous possédons ce document traduit de l'araméen en hébreu. Il a été estimé digne de figurer dans la Bible : « Que les hommes, et les bêtes, le gros et le menu bétail ne goûtent de rien ; qu'ils ne paissent pas et ne boivent pas d'eau ; et que les hommes et les bêtes soient couverts de sacs. Et qu'ils crient à Dieu avec force ; et qu'ils reviennent, chacun, de sa mauvaise voie et de la violence qui est en leurs mains » (v. 7-8).
Remarquons que dans leur proclamation, le roi et ses princes prescrivent avant tout le jeûne, un jeûne complet et général, du roi à l'indigent couché sur le fumier. Tous doivent y participer ; les bêtes ne sont pas exceptées.
En plus, l'ordonnance enjoignait aux Ninivites, comme signe extérieur de deuil et d'humiliation, de se revêtir de sacs et d'en couvrir également leurs bêtes, leur gros et leur menu bétail. Au lieu d'étoffes précieuses et de harnais richement colorés dont on avait coutume de parer les coursiers, on mettait des sacs. Longtemps, l'orgueil de leur rang s'était montré dans l'éclat de ces montures et dans la délicatesse et la splendeur des vêtements des « grands » ; l'heure était venue de déposer ces parures qui convenaient à leur « vaine gloire », ces belles tiares ornées de bandelettes rouges flottant sur les épaules, ces riches pendants d'oreilles, ces bracelets d'or, ces barbes peintes en noir et artistement tressées, en un mot, tous leurs ornements délicats et somptueux. Les Ninivites devaient se couvrir - ainsi que leurs bêtes - de ce qui était un emblème de la tristesse et du repentir.
De plus, l'édit voulait que, dans ces jours de péril, la prière s'unisse au jeûne et que l'on invoque le vrai Dieu, que l'on crie à Lui avec supplication et larmes, devant le danger imminent.
Enfin, au jeûne et à la prière, devait surtout se joindre la repentance et un réel changement dans sa vie ; c'était le seul moyen de sauver Ninive. Il ne fallait pas s'en tenir à des signes « extérieurs ». Tout païens qu'ils fussent, ils avaient compris que l'essentiel dans le jeûne, ce qui donne à cet acte sa valeur, c'est de se détourner de ses mauvaises voies - notamment de toute extorsion, rapine et oppression. Ce sont, en effet, toutes ces abominations qui déplaisent à Dieu ; et elles « régnaient » à Ninive. Il ne suffit pas de confesser l'injustice, il faut aussi l'abandonner et la réparer si faire se peut. Chaque habitant de la ville avait une part à l'iniquité qui exposait l'ensemble au jugement divin.
Chacun espérait pourtant encore. Ils pensaient : « Qui sait ? Dieu reviendra et se repentira, et reviendra de l'ardeur de sa colère, et nous ne périrons pas » (v. 9). Parole touchante dans la bouche de ces Gentils ! Dans l'état très relatif de leurs connaissances du vrai Dieu, qu'auraient-ils pu dire de plus ? L'espérance est innée dans le coeur de l'homme : c'est un appui pour le malheureux dans la détresse. On la trouve partout sur terre : sous le toit de l'indigence, dans la cellule du prisonnier, au chevet du malade. C'était donc l'espérance qui soutenait les enfants de Ninive. Ils espéraient désarmer peut être, par une prompte repentance, le bras du souverain Juge.
Jonas n'avait pourtant rien dit qui puisse leur donner la moindre assurance de salut ; il n'avait pas prononcé un mot de pardon mais une sentence de mort. Cependant, l'espoir qu'ils semblent avoir conçu semble résulter de ce « délai » de quarante jours que Dieu leur avait accordé, et aussi peut-être de l'opinion qu'ils s'étaient faite au sujet de sa clémence et de sa bonté.
Les officiers du roi sont donc allés publier l'édit dans tous les quartiers de Ninive. Quel spectacle étonnant présente à ce moment cette grande métropole : dans le palais du roi, comme dans l'humble asile du pauvre, toute distinction de rang a disparu devant le danger commun. C'est un concert unanime de pleurs et de lamentations ! Tels sont les signes visibles de la repentance des Ninivites - et la gloire en revient à Celui qui a produit cette repentance afin de pouvoir accorder aussi le pardon. Et le Seigneur, qui seul lit dans les coeurs, se détourne du mal dont il avait menacé la ville et lui fait grâce comme il l'avait déjà fait au prophète de Gath-Epher.
La repentance de Ninive soulève plusieurs questions. D'abord, on s'est étonné du silence de l'histoire. En effet, elle dit fort peu de chose sur Ninive, et c'est plutôt par la Bible que nous connaissons cette ville. On s'est surtout demandé si la repentance de Ninive était « vraie » ; si elle avait ensuite porté des fruits réels et permanents dans la vie des habitants ? La Bible ne le dit pas.
Mais combien il est digne de la grandeur de Dieu et de son amour d'admettre que la connaissance de son grand Nom s'est alors répandue plus largement en Assyrie et dans l'Orient et que Dieu a été glorifié et plus d'une âme éclairée sur la sagesse et la puissance de Celui qui fait tout concourir à sa gloire !
D'après E. Guers – « Jonas, fils d'Amitthaï » 1846
(A suivre)