Nicodème
L'Ecriture nous donne maints exemples de personnes qui, saisies par la grâce de Dieu, sont passées, en peu de temps, des ténèbres à la lumière, du pouvoir de Satan à Dieu (Act. 26 : 18) : tels la femme de Samarie (Jean 4), le brigand sur la croix (Luc 23), l'intendant de la reine Candace (Actes 8), Saul de Tarse (Actes 9), Lydie et le geôlier de Philippes (Actes 16) et bien d'autres. Mais quelquefois, l'âme appelée progresse lentement dans le chemin qui la libérera du péché, du moi et du monde. Ce fut le cas pour Nicodème.
Nicodème était un pharisien, docteur de la loi, un homme respectable. Il avait vu les miracles que Jésus faisait et avait acquis la certitude qu'une telle puissance révélait une origine divine. «Personne ne peut faire ces miracles que toi tu fais si Dieu n'est avec lui » ( Jean 3 : 2). Il avait soif de vérité. Il fallait qu'il sache qui était Jésus. Lui, le docteur de la loi, versé dans la connaissance des Ecritures, irait l'interroger. Mais quelque chose le retenait : ne risquait-il pas, en agissant ainsi, de se discréditer auprès des Juifs ?
Il va donc « de nuit » à Jésus. La grâce l'accueille. Jésus ne lui fait aucun reproche. Il lui parle de la nécessité, pour tout homme qui veut entrer dans le royaume de Dieu, de naître de nouveau, et de l'amour divin qui ne peut plus se contenir dans les limites d'Israël : Dieu a aimé le monde et a donné son Fils pour sauver quiconque croit. Quel merveilleux message annoncé à cet homme dont la démarche timorée était un bien petit commencement. Mais Dieu ne méprise jamais une âme qui le cherche, même si, par crainte de l'opprobre, elle se cache pour aller à lui. Il ira même à la rencontre de celle qui, honteuse de sa vie de péché, fuit les regards de ses semblables (Jean 4).
Assez longtemps après cette rencontre du Maître avec Nicodème, « les pharisiens et les principaux sacrificateurs envoyèrent des huissiers » pour prendre Jésus (Jean 7 : 32). Ceux-ci n'osèrent pas l'arrêter ; revenus vers les pharisiens, ils s'attirèrent de sévères reproches : « Pourquoi ne l'avez-vous pas amené?... Vous aussi, êtes-vous séduits? » (Jean 7 : 45-46). C'est alors que Nicodème sort de l'ombre où il se cache et déclare : « Notre loi juge-t-elle l'homme avant de l'avoir entendu et d'avoir connu ce qu'il fait? » (Jean 7 : 51). Si belle que soit sa protestation, elle reste sans effet. Nicodème n'était pas à sa place. Il était dans le conseil des méchants (Psaume 1 : 1), parmi les pharisiens ; l'Esprit de Dieu souligne qu'il était « l'un d'entre eux ». Comme Lot à Sodome, comme Pierre assis avec les huissiers dans le palais du souverain sacrificateur, Nicodème ne pouvait pas rendre là un témoignage fidèle. La crainte de l'opprobre l'avait empêché de s'engager franchement dans le chemin du Seigneur. Aussi, ses progrès seront-ils bien lents.
Il y a là une leçon pour chacun de nous. Il faut résolument rompre les liens, quels qu'ils soient, qui nous empêchent de suivre le Seigneur. Ne craignons pas de nous engager pour lui. L'opprobre que nous rencontrerons en le suivant sera plus facile à porter que l'amertume que nous connaîtrions en refusant d'être des témoins. Il faut que, dans le milieu où nous sommes placés, dès le début, et sans nous préoccuper des conséquences, nous affirmions notre foi.
Le temps passe. La croix jette son ombre sur le chemin du Maître, et Nicodème ne paraît plus sur la scène. Ne se décidera-t-il donc pas pour Jésus ? Attendra-t-il qu'il soit trop tard ? Il nous faut arriver au chapitre 19 de l'évangile de Jean pour le retrouver.
Ce que Jésus avait annoncé à Nicodème, lors de sa première rencontre, s'est réalisé : le fils de l'homme a été élevé sur la croix.
Le monde est arrivé à ses fins: il a ôté de la terre des vivants Celui que Dieu lui avait envoyé; la nation juive a mis à mort le Juste ; Satan lui- même semble avoir remporté la victoire : il a « brisé le talon » (Gen. 3 : 15) du Serviteur parfait. Mais, maintenant que les hommes ont achevé leur horrible forfait, Dieu va intervenir et manifester par la résurrection la victoire complète sur Satan, le monde et le péché, de Celui qui l'a parfaitement glorifié dans sa vie et dans sa mort.
Pour rendre au corps de son Fils bien-aimé, encore cloué sur la croix, les soins dont il est digne, Dieu appelle deux hommes. Qui choisit-il pour un si précieux service ? Joseph d'Arimathée, « disciple de Jésus, en secret par crainte des Juifs », et Nicodème qui, « au commencement était allé de nuit à Jésus ». Telle est la grâce divine. Elle veut fournir aux disciples hésitants une occasion de déclarer hautement leur foi et d'honorer le Maître qu'ils n'ont pas osé suivre ouvertement.
Nicodème vient à la croix, apportant une mixtion de myrrhe et d'aloès pour embaumer le corps de Jésus. Précaution inutile montrant son ignorance : il n'était pas possible que ce corps vit la corruption (Ps. 16 : 10). Marie, plus intelligente et plus dévouée au Seigneur, n'avait pas attendu ce moment pour oindre de parfum les pieds de son Maître (Jean 12). On est heureux, pourtant, de voir enfin Nicodème changer de camp et, foulant aux pieds sa réputation de pharisien et de chef du peuple, s'occuper avec amour et vénération du corps de Jésus.
« Il est réconfortant de suivre les pas hésitants de cet homme sur la route qui conduit à Dieu, à côté de la marche rapide et lumineuse de ces esprits plus vifs, plus ardents, qui ornent les pages de l'évangile. Nicodème se faufile parmi eux et le lecteur, plus attiré vers ceux-ci, en vient presque à le perdre de vue. Mais la grâce ne l'avait pas abandonné. Elle se complaît plutôt à amener enfin le lent Nicodème dans la compagnie des plus vivants d'entre eux. Quelle puissance dans la grâce qui transporte le coeur hésitant de ce chef des Juifs autrefois retenu par ses attaches avec les pharisiens ! » (J.G. Bellett).
Si, pour nous qui sommes si souvent lents, paresseux, craignant l'opprobre, hésitant à nous engager plus délibérément dans le chemin du Seigneur, l'histoire de Nicodème peut être un encouragement, elle est aussi un avertissement sérieux. Cette lenteur de coeur n'est pas de Dieu ; elle est à notre honte. Et si la grâce vient quand même à notre rencontre pour nous bénir malgré tout, elle doit nous humilier d'autant plus. Et puis, prenons garde : il peut arriver que dans son juste jugement, Dieu dise de nous comme il dut dire autrefois de son peuple qui s'était éloigné de lui et attaché aux idoles : « Laisse-le faire » (Osée 4 : 17). C'est l'une des paroles les plus solennelles que nous trouvons dans l'Ecriture. Israël a lassé la patience de Dieu, Dieu l'abandonne. Il restera toujours vrai que, quelles que soient les richesses infinies de la grâce divine, « on ne se moque pas de Dieu car ce qu'un homme sème, cela aussi il le moissonnera » (Gal. 6 : 7).
E. A – article paru dans « Feuille aux jeunes »