LE LIVRE DE JONAS (3)
LA SEPULTURE : Chapitre 1 (v. 15-16)
JONAS DANS LE VENTRE DU POISSON : Chapitre 2 (v. 1)
LE RETOUR A DIEU : Chapitre 2 (v. 2)
JONAS DANS LE VENTRE DU POISSON : Chapitre 2 (v. 1)
LE RETOUR A DIEU : Chapitre 2 (v. 2)
« Et ils prirent Jonas et le jetèrent à la mer ; et la fureur de la mer s'arrêta. Et les hommes craignirent beaucoup l'Éternel, et offrirent un sacrifice à l'Éternel, et firent des voeux ».
Ce qui se passe maintenant à bord ressemble à un ensevelissement ; les mariniers s'approchent de Jonas, le prennent et le jettent à la mer. Il est donc bien vrai que le péché a pour inséparable compagne la mort. Rejette-le ou tu mourras, dit le Seigneur à chaque page de sa Parole ; mais, cruels envers nous-mêmes, nous laissons souvent dans notre coeur une place au péché. Cette place, Dieu seul a pourtant le droit de l'occuper. Nous armons ainsi contre nous la main de son jugement.
La mer engloutit sa victime et, à l'instant, elle se calme. Encore une fois, appliquons à nous-mêmes la leçon cachée dans ce récit, si nous servons nos convoitises. Jetons à la mer notre Jonas, c'est-à-dire nos résistances aux dispensations de Dieu ! A la mer, notre orgueil, notre avarice, nos rivalités, nos rancunes, nos affections déréglées. L'orage que toutes ces choses ont provoqué dans notre conscience, prélude de la colère à venir, s'apaisera aussitôt.
Ceci rappelle un fait de l'histoire ecclésiastique. Le cardinal de Lorraine, un prélat de sinistre mémoire, qui couvrit de sang et de larmes la France protestante, adressait un jour ces paroles significatives à l'élite du clergé romain, réunie en la ville épiscopale de Trente, dans l'espoir d'écraser la Réformation : « C'est nous, leur disait-il, nous seuls qui sommes la cause de la tempête qui désole l'Eglise ; ce sont nos désordres, nos dérèglements qui l'ont provoquée. Nous sommes les « Jonas » qui ont allumé la colère de Dieu ; qu'on nous jette à la mer et la tourmente cessera ». Ainsi parlait le prélat romain. Personnifiez maintenant les convoitises de votre coeur, mettez dans leur bouche ce triste langage ; il sera frappant de vérité. Certes, il ne suffit pas que vous ayez découvert le Jonas qui produit tout ce mal, il faut encore que vous vous en débarrassiez ; il faut faire mourir ce péché qui a causé l'orage qui gronde dans votre conscience, si vous ne voulez pas soulever contre vous une tourmente autrement terrible, éternelle.
Frères bien-aimés, cessons notre résistance à la volonté du Seigneur! Eloignons toutes les convoitises que tolère encore notre coeur et qui profanent le temple du Saint Esprit. Alors nous jouirons à nouveau de la faveur de Dieu. Si nous retournons vers le Tout-puissant, nous serons restaurés. Eloignons l'iniquité de notre tente, mettons « l'or avec la poussière, et l'or d'Ophir parmi les cailloux des torrents ». « Le Tout-puissant sera ton or, et il sera pour toi de l'argent amassé. Car alors tu trouveras tes délices dans le Tout-puissant, et vers Dieu tu élèveras ta face ; tu le supplieras et il t'entendra, et tu acquitteras tes voeux. Tu décideras une chose, et elle te réussira, et la lumière resplendira sur tes voies » (Job 22 : 24-28).
Seul le rejet de la convoitise et du péché nous fera retrouver le doux regard du Père. C'est Jonas lui-même qu'il faut jeter à la mer. Il y a certainement à bord du navire d'autres transgresseurs : autant de passagers, autant de coupables. Mais c'est lui qui a causé l'orage. Si Jonas périt, la mer se taira.
Par un adroit calcul, nous serions prêts sans doute à renoncer dans la manifestation de notre volonté propre à ce qui nous tient le moins à coeur, pensant pouvoir ainsi continuer à caresser impunément notre convoitise favorite. Mais on ne peut se moquer de Dieu. Il ne veut pas des holocaustes qui ne nous coûtent rien (2 Sam. 24 : 24). Il n'agrée pas la brebis malade (Mal. 1 : 8) ; c'est celle qui est chérie qu'il demande. Il nous appelle à Lui sacrifier notre Isaac. C'est l'idole de jalousie qui provoque l'Eternel à la jalousie : il nous appelle à la briser. Faisons donc, avec la force du Seigneur, le sacrifice qu'Il demande. Ensuite, soyons vigilants : craignons que le péché ne reprenne son empire. Après avoir fait ce qui est droit devant Dieu, il pourrait nous arriver, comme à Israël, de nous repentir et ensuite de changer d'avis (Jér. 34 :10-11).
Le péché est un ennemi redoutable. Nous le portons partout en nous. Avant notre conversion, il régnait dans notre âme, et il habite encore en nous. Il cherche à reprendre son ascendant. C'est un ennemi actif, il cherche constamment une occasion pour reconquérir le terrain que Dieu, dans sa grâce, lui a fait perdre. C'est aussi un ennemi perfide, artificieux et implacable. « La pensée de la chair est inimitié contre Dieu » ; elle ne se soumet pas à sa loi et elle est incapable de le faire (Rom. 8 : 7). Si, par moments, elle paraît se tenir tranquille, ne vous y fiez pas ; elle voudrait obtenir par la ruse ce qu'elle n'a pu emporter de haute lutte ; « Jonas » ne demeurera pas enseveli dans les flots où vous l'aurez plongé : il fera tout son possible pour remonter à bord. Il sait fort bien s'y prendre. Veillez donc et priez.
Telles sont les pensées que suggère le texte, mais il y en a d'autres d'un ordre encore plus élevé. Il y a, disions-nous, deux hommes chez Jonas : l'homme charnel, rebellé contre Dieu, ennemi des nations, ne supportant pas qu'elles soient conviées à la repentance et miséricordieusement sauvées ; et l'homme spirituel, soumis au Seigneur, accomplissant en messager docile, les desseins de son amour.
Ce qui est mauvais, c'est qu'après avoir délivré sans objection le message qu'il avait reçu pour Ephraïm, Jonas ne veut pas aller porter à Ninive la parole que Dieu lui donne pour elle ; en cela, il rappelle vivement Israël, ce peuple rebellé contre Dieu, qui ne voulait pas que l'on parle aux Gentils (les gens des nations) pour qu'ils soient sauvés (1 Thes. 2 : 14-16). Ce méchant peuple, pour avoir livré le Seigneur aux nations, a été livré lui-même aux nations par le Seigneur. Il est foulé aux pieds, plongé dans les eaux profondes de la douleur. Il est jusqu'à ce jour, en accord avec la prophétie, rejeté à la fois par le ciel et par la terre (Es. 8 ; Ps. 66 : 10-12).
Mais Jonas plaît à Dieu, car il rappelle la postérité d'Abraham, les croyants d'entre les Juifs, appelée la première à publier les paroles de Dieu dans ce monde, en vue de rassembler l'Eglise (Act. 15). Dans un avenir proche, Israël sera le grand instrument du Seigneur pour amener à Lui les nations (Zach. 8 : 13).
Jonas est un type du Rédempteur promis. Tous les prophètes d'ailleurs lui rendent témoignage. Jonas n'en est parfois qu'une faible figure. C'est le fils d'Abraham, livré par les Gentils et sauvant le monde par son sacrifice. Dans cette merveilleuse histoire, on découvre sans peine la misère de l'homme et sa culpabilité, ainsi que la doctrine de la substitution. Jonas est jeté dans la mer et celle-ci s'apaise pour l'équipage. Cette grande doctrine, une des bases de la Révélation, depuis les types jusqu'à l'enseignement positif, traverse toute l'Ecriture.
Jésus est volontairement descendu dans les flots de la colère de Dieu. Toutes Ses vagues ont passé sur Lui. Aussitôt la tourmente cesse pour tous ceux qui ont trouvé leur refuge auprès du Sauveur, ceux qu'Il a pris comme passagers à son bord. Ce sont des Gentils ou des Juifs – y compris ceux qui ont été les instruments de sa mort. Jésus a demandé pour eux : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font » (Luc 23 : 34).
Le peuple des rachetés traverse en paix, sous sa sauvegarde, les mers orageuses de cette vie, pour atteindre, au-delà des écueils, le port éternel du salut. Heureux désormais près de Lui, ils proclament : « Il n'y a maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont dans le Christ Jésus » (Rom. 8 : 1). Aucune tempête n'est à craindre pour ceux qui croient en Jésus ; et si Dieu permet que le vent de l'épreuve souffle encore sur eux, ce n'est que pour mieux enfler leurs voiles et les conduire avec sûreté au port qu'ils désirent. Ils crient : Venez à Jésus et vous vivrez ; hors de Lui, pas de salut. Il y a ici Jonas, qui tombe pour ses propres péchés dans les mains de l'équipage ; ces païens ne le jettent à la mer qu'à leur coeur défendant, et en demandant à Dieu que le sang de cet homme ne leur soit pas imputé. Mais c'est pour nos forfaits que Jésus a été livré aux Gentils par les Juifs, ses vrais meurtriers. Ils ont osé appeler sur eux et leurs enfants la vengeance du sang du Juste (Matt. 27 : 25) ! Jésus, par sa mort, a délivré de la mort éternelle tous les croyants, Juifs ou Gentils.
L'effet produit sur l'équipage par ce qui vient de se passer ne fait pas de doute. Ces hommes craignent l'Eternel ; ils lui offrent des sacrifices et lui font des voeux. Il y a en eux une grande crainte, mêlée de reconnaissance. Ils se prosternent maintenant devant Celui que, peu de temps avant, ils ne connaissaient pas. Ils confessent ensemble que l'Eternel est le vrai Dieu, qu'il n'y en a point d'autre. Il semble qu'ils n'invoqueront à l'avenir et ne serviront que Lui seul. Dès cette heure, ils Lui offrent des sacrifices et font des voeux. Dans sa sagesse, le Seigneur a toutes sortes de moyens pour se révéler aux fils des hommes. Dans ce but, Il sait faire concourir même les infidélités de ses serviteurs. « O profondeur des richesses et de la sagesse et de la connaissance de Dieu ! » (Rom. 11 : 33). Qui sait jusqu'où ces marins, apparemment de nations différentes, vont porter désormais le nom glorieux de Dieu et faire retentir sa louange. La nouvelle de la « mort » tragique du prophète et celle de sa délivrance se répandront plus tard parmi les Gentils. On admirera alors la justice du Seigneur - sa clémence et son pouvoir ; le nom de Jéhovah sera grand sur la terre. Ce que l'Adversaire avait pensé en mal, le Puissant de Jacob le fait tourner en bien pour ses créatures et à la gloire de son Nom.
Les marins s'engagent donc à ne reconnaître à l'avenir d'autre Dieu que celui qui venait de les sauver miraculeusement de la fureur de la tempête. Les voeux qu'on fait dans le danger ne sont souvent que l'expression de la crainte et du désir anxieux d'être sauvé ; ceux, au contraire, que l'on forme après la délivrance, ont en général un caractère plus sérieux. « Nous sommes les objets de la miséricorde de Dieu, pensent ces marins ; c'est Lui qui désormais doit être l'unique objet de notre culte ». Rien n'adoucit autant le coeur de l'homme, ne le captive davantage que l'expérience de la bonté de Dieu. Les vents et les tempêtes, ces manifestations de la puissance et de la justice du Très-haut, les ont fait trembler ; la délivrance du Seigneur les pénètre de gratitude, soumet leurs coeurs. L'amour a une force irrésistible ; c'est par ce moyen que Dieu s'approche de ses créatures. C'est tout le secret de la rédemption.
Tout en admirant ces païens, on peut craindre qu'ils ne condamnent un jour, devant le siège judiciaire de Christ, tant de chrétiens de profession qui ne savent ni L'invoquer dans le péril, ni Le bénir après la délivrance. On peut craindre que ce ne soit dès maintenant le comportement de vrais enfants de Dieu. Nous trouvons le chemin qui conduit au trône de grâce quand l'affliction pèse sur nous, que tout autre appui fait défaut. Dieu n'est parfois pour nous qu'une sorte de retraite désespérée ! Après avoir reçu le secours d'en Haut, mettons-nous le même empressement à venir devant le trône de la grâce pour remercier notre Libérateur?
Le Seigneur connaît notre ingratitude et elle l'attriste (Luc 17 : 17, 18) ; demandons-Lui d'ôter ce coeur de pierre et de mettre à sa place un coeur de chair ! Ne nous lassons pas de dire : « Mon âme, bénis l'Eternel, et n'oublie aucun de ses bienfaits » (Ps. 103 : 2) !
Nous ne savons pas ce que ces marins sont devenus ; au reste, le silence de l'Ecriture ne nous étonne pas. C'est la manière d'opérer dans la Révélation. Elle se montre fort détaillée sur tout ce qui tient au salut et au développement de la rédemption, et glisse sur tout le reste.
Encore un mot sur ces mariniers sauvés par le jugement tombé sur Jonas. Dans la « conversion » de ces marins, il y a une figure de la conversion des Gentils. Le jour vient où les nations, témoins de la gloire du Seigneur, se prosterneront devant Lui. Elles célébreront sa justice, sa clémence et sa fidélité. Elles n'aimeront et ne serviront plus que Lui seul (Es. 2 : 2-3 ; Ps. 72 : 8-17 ; Ps. 46 : 10 ; Ps. 47 ; Apoc. 22 : 1-5).
Le Messie, sa mort, sa grâce, son amour, son règne universel : tel est le thème glorieux que l'Esprit Saint place continuellement sous nos yeux dans toute la Bible, par le moyen de promesses et de prophéties. Là en types ou en figures, ailleurs sous forme de récits historiques, ailleurs encore en doctrine : telle est la grande pensée qui domine toute la Révélation. Elle en lie les diverses parties et répand la lumière sur les pages les plus obscures de la Parole ; le Nouveau Testament éclaire l'Ancien, et ce dernier à son tour, confirme le Nouveau. Cette admirable harmonie réjouit le coeur autant qu'elle satisfait l'esprit.
« Et l'Éternel prépara un grand poisson pour engloutir Jonas ; et Jonas fut dans les entrailles du poisson trois jours et trois nuits ».
Voilà où la désobéissance a conduit Jonas : au coeur de la mer et dans le ventre du grand poisson ! Il avait trouvé trop pénible d'aller à Ninive, et maintenant il doit subir trois longs jours d'une véritable agonie dans les entrailles du cétacé. L'Eternel avait préparé ce grand poisson pour engloutir Jonas. C'est l'accomplissement de cette parole de l'Ecriture : « Les coups (sont préparés) pour le dos des sots » (Prov. 19 : 29). Mais, comme tous les coups dont le Père frappe ses enfants qu'Il aime, il s'agit du témoignage de sa grâce et de sa fidélité. Jonas comprendra le pourquoi de la verge, et il bénira Celui qui l'avait décrétée (Mich. 6 : 9).
Le Dieu auquel toute la nature obéit, a préparé un poisson pour engloutir le prophète. Il s'en sert pour conserver sa vie. Ses pensées ne sont pas nos pensées, et nos voies ne sont pas ses voies (Es. 55 : 8-9). Que de fois Il protège et délivre par ce qui paraît plutôt devoir nous apporter un surcroît de douleurs ! Un châtiment, dans ses mains miséricordieuses, devient une vraie bénédiction !
Le Seigneur appelle le poisson de Jonas d'un nom que nous rendons ordinairement par celui de cétacé (Matt. 12 : 40). Les incrédules ont donné libre cours à leurs sarcasmes, et ils ont objecté, avec leur dédaigneuse assurance qu'une baleine n'a pas un gosier assez large pour engloutir un homme tout entier. Au surplus, disent-ils, il n'y a pas de baleine dans la Méditerranée, et d'ailleurs c'est impossible qu'un homme tombe dans la gueule d'un tel animal sans recevoir d'horribles blessures. De toute façon, affirment-ils, s'il entrait intact dans ses entrailles, il y suffoquerait et serait décomposé en peu d'instants.
Ainsi discourent les incrédules, toujours désireux de prendre la Bible en défaut, et refusant d'entendre ses enseignements. Pour eux elle a tort, sans discussion ! Elle ose mettre en demeure les fils d'Adam de se convertir, les avertissant qu'ils leur faudra autrement rencontrer la colère de Dieu.
Voici ce que nous leur opposons. D'abord, le mot grec du Nouveau Testament ne désigne qu'un poisson appartenant à l'ordre des cétacés. Il peut fort bien s'agir d'un cachalot ; celui-ci se déplace dans toutes les mers, d'un pôle à l'autre. Son gosier est suffisamment large pour laisser passer le corps d'un homme. Il est reconnu que le cachalot avale de grands animaux marins tout entiers, tels que des chiens de mer ou des dauphins. Par ailleurs, c'est gratuitement que l'on affirme qu'un homme ne peut tomber dans la bouche d'un cétacé sans recevoir de graves blessures. On connaît, au contraire, plus d'un exemple d'hommes retrouvés intacts dans les entrailles du cachalot et même dans celles d'un requin, pourtant armé d'un plus grand nombre de dents. Enfin, le cachalot - comme la grande baleine - est doué d'un organe ou d'un intestin particulier servant à la respiration ; il éprouve donc le besoin de remonter de temps en temps à la surface de la mer pour y respirer.
Telle est la réponse que l'on pourrait faire aux incrédules, mais toutes ces hypothèses ne sont-elles pas superflues ? Un mot suffit : que l'homme cesse donc de chercher à passer pour sage, lui qui naît comme un ânon sauvage. Il ne sait accomplir de miracles et il imagine follement que Dieu ne peut pas en faire ! Tout Lui est facile ; ne pouvait-il pas, s'il le trouvait bon, créer à l'instant même un poisson spécialement conçu pour recevoir son prophète, et le conduire ensuite sain et sauf au rivage ? Jésus a su plus tard en choisir un, tout exprès, pour lui apporter un statère (Matt. 17 : 27) ? Ce poisson, ne pouvait-il pas le créer avec un gosier assez large pour engloutir Jonas ? Ne pouvait-il pas, enfin, par un autre miracle, conserver le prophète vivant dans le ventre de l'animal marin ?
Tout ceci, dira-t-on, selon les lois de la nature, est absolument impossible. Mais ce qui semble contraire aux lois de la nature, serait-il impossible au Dieu qui a créé cette nature ? Pauvres matérialistes ! Dites-nous, je vous prie, faut-il moins de puissance pour survivre dans un four chauffé sept fois plus qu'à l'ordinaire, que pour être conservé en vie dans le ventre d'un poisson ? Les entrailles du cachalot de Jonas étaient-elles plus chaudes pour ce prophète que ne le fut plus tard pour trois jeunes hommes la fournaise où les fit jeter le roi de Babylone ? Est-il donc plus difficile de ramener un homme vivant, après trois jours passés dans le ventre d'un poisson, que de ressusciter un homme mort, après quatre jours passés dans la tombe ? Quelle limite poserait notre folie au pouvoir de Celui qui a tout créé en partant de rien ?
Mais quelle angoisse connaît ce prophète, enfermé dans ce tombeau mouvant, tout surpris d'y être encore vivant ! Quels douloureux souvenirs peuvent l'assaillir en pensant aux jours heureux passés dans sa patrie et au service de son Dieu ! Quels amers regrets de sa révolte et quel regard d'effroi jeté sur l'avenir ! Il se sent sous la main du Très-haut. De quelque côté que ses yeux se tournent, il n'y a pour lui que détresse et désespoir.
S'il arrête ses regards sur cette terrible prison, son coeur se fond d'angoisse. De la verge qui l'a frappée, élève-t-il ses yeux vers Celui qui la tient ? Peut-être pense-t-il qu'il n'est plus son serviteur, et que Dieu a mis entre eux une barrière définitive.
Si le sentier avec le Seigneur n'est pas exempt épreuves, on y goûte aussi Ses consolations. Jonas pense peut-être que le chemin où sa lâcheté et sa révolte l'ont fait marcher conduit à la mort. Pauvre homme ! Il connaît mal le coeur de Dieu ! Il a voulu, par cette terrible épreuve, fermer seulement devant lui un chemin qui le conduisait à la perdition (Prov. 22 : 5 ; Osée 2 : 6).
Dieu a encore une oeuvre à lui confier, il sera encore son serviteur. Il commande et à sa voix, les lions dorment paisiblement aux pieds de Daniel ; les flammes respectent les jeunes gens jetés dans la fournaise ; la mer devient le tombeau de Pharaon et de son armée, tout en servant de muraille à Israël. Le monstre marin, qui a reçu dans ses flancs le prophète de Gath-Epher, sera son asile et non son sépulcre. Agissant en Père, Dieu châtie, mais ne brise pas ; Il frappe d'une main, et soutient avec l'autre.
Ici encore, frères, recevons instruction. Comme jadis au prophète, Dieu nous ordonne de nous lever et d'aller où sa volonté nous appelle. C'est ici le chemin, dit-Il, marchez-y (Es. 30 : 21). Si nous préférons suivre le sentier de notre folie plutôt que celui de son amour, satisfaire nos goûts au lieu d'accomplir nos devoirs, il y aura pour nous aussi des humiliations, des coeurs brisés, des orages. Les épreuves seront peut-être pour nous le pire des cachots. Nous dirons avec le Psalmiste : « Tu m'as mis dans une fosse profonde, dans des lieux ténébreux, dans des abîmes. Ta fureur s'est appesantie sur moi, et tu m'as accablé de toutes tes vagues » (Ps. 88 : 6-7).
Cependant, quand Il nous châtie, ne perdons pas courage : Il ne nous laisse sous la discipline que le temps strictement nécessaire. Son peuple a toujours pu s'écrier : « Tu nous as éprouvés, tu nous as affinés comme on affine l'argent ; tu nous as fait entrer dans le filet… Nous sommes entrés dans le feu et dans l'eau, et tu nous as fait sortir dans un lieu spacieux » (Ps. 66 : 10-12). Par l'épreuve et sous sa main de Père, il faut mesurer quelles sont, pour son enfant, les conséquences de la désobéissance.
Si vous êtes encore dans vos péchés, ne fermez pas l'oreille à la cloche d'alarme. Ne dites pas comme Félix à Paul : « Pour le présent, retire-toi ; quand je trouverai un moment convenable, je te ferai appeler » (Act. 24 : 25). « C'est maintenant le temps favorable… c'est maintenant le jour du salut » (2 Cor. 6 : 2). Hâtez-vous de vous réconcilier avec la partie adverse pendant que vous êtes en route avec elle (Mat. 5 : 25). Nous vous prions de vous jeter dans les bras du Rédempteur.
Jonas représente ce peuple qui, après avoir rejeté le Seigneur de gloire et la mission qui était la sienne, est, jusqu'à ce jour, comme « enfermé » sous le jugement, dans une sombre prison depuis plus de 2000 ans. Mais il a été souvent protégé d'une façon miraculeuse. Pendant tant de siècles, nul coup n'a pu l'abattre, nul orage n'a pu le briser. Il a été fidèlement gardé en attendant le jour prochain de la miséricorde.
Durant cette remarquable partie de sa vie, Jonas est un type de la mort et de l'ensevelissement de Jésus Christ. Ce prophète a passé trois jours et trois nuits dans le poisson et Jésus a dû passer trois jours et trois nuits dans un sépulcre. Le prophète n'a subi aucun dommage dans le cétacé ; le corps de Jésus enseveli dans les parties inférieures de la terre, n'a pas vu la corruption. Après la mort et la résurrection de Jésus Christ, le croyant ne craint plus de descendre au shéol. Il sait qu'être avec Christ, « c'est, de beaucoup, meilleur » (Phil. 1 : 23). Son corps attendra le moment où les morts en Christ ressusciteront premièrement. Les vivants seront, ensemble avec eux, enlevés dans les nuées à la rencontre du Seigneur, en l'air (1 Thes. 4 : 16-17).
« Et Jonas pria l'Eternel, son Dieu, des entrailles du poisson ».
De quel sentiment d'effroi a dû être saisi le coeur du prophète en découvrant tout à coup, contre le flanc du navire, un horrible animal dont la gueule béante s'ouvrait large et profonde pour l'engloutir ! « Les dents du monstre vont provoquer à l'instant ma mort, a dû penser Jonas, terrifié ; Dieu en a fini avec le fils d'Amitthaï, et je vais me coucher parmi les trépassés jusqu'au jour où tous ceux qui dorment dans la poussière de la terre ou sous les flots de la mer se réveilleront pour paraître en jugement ».
Mais, combien étaient différentes les pensées de Dieu qui, s'Il châtie, ne rejette pas à toujours ! Le monstre n'a point blessé Jonas ; c'est un asile que le prophète a trouvé dans ses flancs. Quel étonnement pour lui de pouvoir respirer encore dans les entrailles palpitantes de ce puissant animal et de posséder le plein usage de ses facultés ! L'espoir peut renaître peu à peu dans l'âme de ce prisonnier, et Jonas adresse sa supplication à l'Eternel son Dieu, depuis les entrailles du poisson.
Jonas semblait avoir perdu tout esprit de prière, la plus grande perte qui soit ! Quand l'orage a éclaté, il a gardé le silence. Les mariniers ont imploré chacun leur dieu ; Jonas ne s'est pas adressé à l'Eternel qui seul commande aux éléments déchaînés. Ils ont ensuite jeté le sort pour découvrir le coupable, et le sort était tombé sur lui ; mais il n'a pas prié alors. Les mariniers l'ont pris et jeté à la mer ; il s'est tu encore. Son âme, profondément assoupie, ne se réveille qu'au fond de l'abîme. C'est là où Dieu voulait l'amener. Si une mesure d'affliction ne suffit à nous décider à prier, Il envoie messager sur messager pour nous ramener à Lui ; Dieu accorde cette grâce à Jonas. Instruit maintenant par l'affliction, c'est vers l'Eternel qu'il se réfugie.
Il ne pouvait sûrement pas mieux employer son temps. A ce sujet, nous voulons faire une remarque. Dans l'épreuve, il est deux extrêmes à éviter : s'endurcir contre la discipline et la mépriser, ou bien se décourager sous le faix de l'affliction. « Ne méprise pas la discipline du Seigneur, et ne te décourage pas quand tu es repris par lui » (Hébr. 12 : 5). Satan fait tous ses efforts, quand il nous voit courbés sous la verge du Seigneur : il cherche à nous jeter contre l'un ou l'autre de ces écueils. Connaissant les artifices de l'Adversaire, et dociles d'autre part aux conseils de l'Esprit Saint, humilions-nous donc, sans nous laisser abattre, sous la main qui nous frappe. Comme Jonas, au lieu de perdre du temps à nous désoler, et surtout à murmurer, employons-le plutôt à prier !
A cette remarque, nous en ajouterons une autre. On se tourmente bien souvent dans l'épreuve ; on se débat sous la discipline du Seigneur ; alors, comme Achaz dans sa détresse, on se tourne de tous côtés pour chercher du secours (2 Chr. 28 : 22-25) avant de s'adresser au Dieu fort qui délivre. Allons plutôt nous réfugier dans le sein de Celui qui peut-être nous châtie.
Celui que le prophète invoque avait dit au commencement de la Création : « Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance » (Gen. 1 : 26) ; Il l'avait, plus tard, chassé du Paradis terrestre. En prononçant sur lui cette terrible sentence, Il en avait donné le motif : « Voici, l'homme est devenu comme l'un de nous, pour connaître le bien et le mal ; et maintenant, - afin qu'il n'avance pas sa main et ne prenne aussi de l'arbre de vie et n'en mange et ne vive à toujours… ! » (Gen. 3 : 22). C'est Celui qui, plus tard encore, abaissa ses regards sur la ville et la tour de Babel que les fils des hommes élevaient dans leur orgueil. Il avait dit : « Allons, descendons, et confondons là leur langage, afin qu'ils n'entendent point le langage l'un de l'autre » (Gen. 11 : 7).
L'Eternel que Jonas invoque, est le Dieu qui traita alliance avec Abraham, Isaac et Jacob ; le Dieu qui prescrivit à Moïse et à Aaron de mettre son grand Nom sur les enfants d'Israël, et de les bénir en disant : « L'Eternel te bénisse, et te garde ! L'Eternel fasse lever la lumière de sa face sur toi et use de grâce envers toi ! L'Eternel lève sa face sur toi et te donne la paix ! » (Nom. 6 : 25). C'est le Dieu qui apparut à Esaïe, disant : « Qui enverrai-je, et qui ira pour nous ? » (Es. 6 : 8). C'est Celui dont ce prophète, dans une sublime vision, contempla la gloire. Les séraphins le célébraient dans son temple, criant l'un à l'autre : « Saint, saint, saint, est l'Eternel des armées ; toute la terre est pleine de sa gloire ! » (Es. 6 : 3). C'est, encore le Dieu qui, dans la personne du Fils, est venu parler à Jonas et lui dire : « Lève-toi, va à Ninive, la grande ville, et crie contre elle, car leur méchanceté est montée devant moi » (Jon. 1 : 2). Oui, c'est Lui, c'est ce Dieu qui est le Même de siècle en siècle, dans son essence, dans son amour et sa puissance. Il est le Même dans ses promesses et dans 1'alliance qu'Il a faite avec les patriarches, le Même enfin, hier, et aujourd'hui, et éternellement (Héb. 13 : 8). Le prophète a maintenant recours à Lui dans son angoisse ; qui d'autre pourrait agir en sa faveur ?
Chrétien, toi qui gémis peut-être sous la discipline divine, comme lui, retourne à Celui que tu as offensé. Asaph déclarait : « Qui ai-je dans les cieux ? Et je n'ai eu de plaisir sur la terre qu'en toi » (Ps. 73 : 25). Frappés, allons tout droit nous réfugier dans le sein de Celui qui nous a frappés. Son coeur n'a rien perdu de sa pitié pour sympathiser avec notre misère, ni son bras de son pouvoir pour nous délivrer de notre affliction. Retournons à l'Eternel et Il aura compassion de nous, et « à notre Dieu, car Il pardonne abondamment » (Es. 55 : 7). Le Dieu de Jonas est aussi « l'Eternel ton Dieu ». Ces trois mots disent le pouvoir, la clémence et la fidélité du Dieu que nous servons. Ils montrent aussi son pouvoir souverain. « Il agit selon son bon plaisir dans l'armée des cieux et parmi les habitants de la terre » (Dan. 4 : 35). Ils proclament aussi sa clémence : Il est le Dieu miséricordieux et faisant grâce, lent à la colère et grand en bonté, et qui se repent du mal dont Il a menacé (Ex. 34 : 6 ; Jon. 4 : 2). Sa fidélité est invariable : il s'est déclaré comme le Dieu de tous ceux qui croient : Il est donc ton Dieu, selon son alliance avec Abraham, confirmée par la bouche de tous les prophètes. Et dans la plénitude des temps, cette alliance a été aussi confirmée par l'aspersion du sang précieux de l'Agneau, sans défaut et sans tache (1 Pier. 1 : 19).
Nous pouvons maintenant en Jésus donner à Dieu le nom beaucoup plus intime de Père. Nous verrons alors toujours ses entrailles miséricordieuses s'émouvoir et son bras puissant se déployer en notre faveur.
D'où s'élève la prière de Jonas ? Des entrailles de ce poisson… « J'ai crié à l'Eternel du fond de ma détresse, et il m'a répondu. Du sein du shéol, j'ai crié ; tu as entendu ma voix » (v. 3). Le shéol est insatiable, comme l'abîme, il ne dit jamais : C'est assez ! (Prov. 27 : 20 ; 30 : 16). La version grecque de l'Ancien Testament (dite version des Septante) l'a rendu par Hadès qui signifie littéralement le « lieu invisible ». Le shéol est le séjour des morts - en général (Gen. 37, 35 ; 42, 38. Nom. 16 : 30, 33 ; Job 11, 8 ; 26 : 6 ; Amos 9 : 2 ; Ps. 139 : 8). Ce mot signifie encore un état d'abaissement profond, d'accablement ou de détresse (Ps. 30 : 3 ; 116 : 3, etc.). Il désigne aussi peut-être, quelquefois, ce qu'on appelle l'enfer (Ps. 9 : 17 ; 31 : 17 ; 55 : 15 ; Prov. 15 : 24 ; 23 : 14).
Dans le verset qui nous occupe « shéol » signifie manifestement le sépulcre, et en même temps Jonas est dans une détresse profonde. Ce n'est certes pas d'un lieu de tourments, de « l'enfer », que Jonas crie à Dieu : il aurait crié en vain ! Mais le sentiment d'horreur qui remplissait son âme évoquait l'enfer. Arraché du fond de la cale du navire où il dormait profondément, le prophète rebelle avait compris qu'il n'y a pas de cachette où Dieu ne puisse voir et frapper le coupable. Il va faire maintenant l'expérience plus douce, qu'il n'y a pas sur la terre de lieu si bas, si ténébreux, d'où la requête d'un pécheur humilié, repentant ne puisse monter. Là, la miséricorde de Dieu saura l'atteindre, et son bras le ramener.
L'exemple de Jonas nous apprend encore que toute place est bonne pour y chercher Dieu : son trône reste accessible au pécheur qui implore son secours. Il trouve aisément le chemin du coeur divin : l'amour est dans son coeur, et la délivrance dans son bras. Il nous invite à prier : « Invoque-moi au jour de la détresse : je te délivrerai, et tu me glorifieras » (Ps. 50 : 15). Il a compassion du misérable qui crie vers Lui. « L'Eternel écoute ses pauvres, et ne méprise pas ses prisonniers » (Ps. 69 : 33).
Pécheur, aux prises avec l'épreuve et la douleur, n'écoute pas celui qui te dit : Ta plaie est sans espérance, Dieu ne te délivrera plus ! Cette voix n'est pas celle du Sauveur charitable qui ne brise point le roseau froissé, et n'éteint pas le lumignon qui fume (Mat. 12 : 20). C'est celle de Satan, qui cherche toujours à tirer parti de nos chutes, à nous plonger dans l'abattement et, si possible, dans le désespoir. Il voudrait nous éloigner encore davantage de Dieu.
Mais que dit le Seigneur ? Il y a du baume en Galaad, nous y trouverons un libérateur et un médecin (Jér. 8 : 22). Il ajoute : Venez à moi, Je ne vous repousserai pas (Matt. 11 : 28-29). Il répète d'un bout à l'autre de la Bible cette tendre invitation. Il est le Témoin fidèle et véritable. Mais un jour le Seigneur dira à ceux qui, pendant le temps de sa patience, auront négligé les pressants appels de sa grâce : « Allez-vous-en loin de moi… » (Matt. 25 : 41). Ce jour n'est pas encore venu ; sa miséricordieuse invitation se fait toujours entendre : Venez à moi !
Si Satan, le menteur et le meurtrier, fait tous ses efforts pour nous empêcher d'aller à Jésus, soyons simples et fermes dans la foi. Servons-nous résolument de l'épée de la Parole que notre divin Maître lui a opposée victorieusement pendant les jours de sa chair. Il faut dire à l'Ennemi : « Va-t'en, Satan, car il est écrit… » (Matt. 4 : 10). « Approchons-nous donc avec confiance du trône de la grâce, afin de recevoir miséricorde et de trouver grâce, pour avoir un secours au moment opportun » (Hébr. 4 : 16). Le Dieu de paix nous convie à ce trône, dressé par son amour. Chaque jour, nous avons besoin de la miséricorde et de la grâce pour être soutenus dans tous les combats, rassurés et consolés dans nos douleurs.
Nous apprenons par la prière de Jonas que rien ne peut fermer la bouche à celui qui croit. Aucune épreuve, aucune détresse ne déconcerte la foi ; elle sait que Dieu ne change pas.
D'après E. Guers – « Jonas, fils d'Amitthaï » 1846
(A suivre)