LE LIVRE DE JONAS (1)
Les méditations sur le livre de Jonas que nous proposons sont extraites d'un ouvrage paru en 1846 : "Jonas, fils d'Amitthaï". Son auteur, Emile Guers, écrivait dans l'avant-propos : « Le livre de Jonas contient le récit de la mission de ce prophète à Ninive. C'est un drame unique, bien propre à captiver l'intérêt du lecteur. Il se divise de lui-même en 22 ou 23 scènes, qui se détachent aisément l'une de l'autre. Chacune d'elles peut être le sujet d'un commentaire, essentiellement pratique ».
Afin d'en faciliter la lecture, les différents chapitres ont été revus et parfois simplifiés. Nous avons veillé toutefois à ne pas altérer leur message, ni émousser la force de chacune des exhortations qu'ils présentent au lecteur.
Que le voeu que l'auteur exprimait se réalise encore aujourd'hui : « Les textes de ces méditations s'adressent alternativement aux rachetés et aux incroyants. Que Dieu veuille en bénir la lecture et la faire servir efficacement à sa gloire, pour l'amour de Jésus ».
Jonas, fils d'Amitthaï
Jonas paraît à l'origine des temps historiques, environ 780 ans avant la naissance du Sauveur, et 130 avant la captivité des dix tribus. De concert avec Amos, Osée et Joël, il ouvre cette noble élite de serviteurs de Dieu dont la parole puissante ranima momentanément en Israël les dernières lueurs d'une vie qui allait bientôt s'y éteindre. Originaire de Gath-Hepher, bourg obscur de Zabulon, il exerça son ministère sous Jéroboam 2 et le continua probablement sous Zacharie, Shallum et Manahem. Dieu, toujours riche en miséricorde, lui avait donné l'ordre de relever le courage des enfants d'Ephraïm en leur annonçant qu'ils vaincraient le Syrien, leur oppresseur, et recouvreraient leurs anciennes limites, de l'entrée d'Hamath jusqu'à la mer de la plaine, prophétie qui se réalisa sous le règne de Jéroboam 2 (2 Rois 14 : 25).
Une autre mission d'un genre beaucoup moins agréable fut ensuite confiée au prophète de Gath-Hepher. Avant de la raconter, disons quelques mots sur le pays auquel elle se rapportait.
L'Assyrie
L'histoire du puissant empire d'Assur (ou l'Assyrie), dont la capitale était Ninive, demeure enveloppée de ténèbres. A l'époque où vivait Moïse, l'Assyrie était un état commerçant et prospère ; le devin Balaam, venu des rives de l'Euphrate, annonça aux Kéniens, peuple qui habitait à l'occident du Jourdain, qu'ils seraient un jour menés en captivité par Assur (Nom. 24). C'est à peu près tout ce que l'Ecriture nous apprend sur le premier empire d'Assyrie qui fut détruit vers l'an 800 avant Jésus Christ.
De ces ruines de ce premier empire Assyrien, l'on voit bientôt sortir trois royaumes, celui des Mèdes, celui de Babylone, et le second royaume d'Assyrie, dont Ninive demeura la capitale. La Bible nous fait connaître plusieurs rois du nouvel empire, à dater de Phul ou Pul qui régnait probablement à Ninive quand Jonas y parut. L'Assyrie proprement dite comprenait, à l'est du Tigre, le Kurdistan actuel, avec la vaste plaine qui s'étend au pied des montagnes formant le bord occidental de l'immense plateau de l'Iran. C'était un pays très fertile, dont le Rah-shaké disait avec raison qu'il produisait en abondance du froment et du vin, l'huile et le miel (2 Rois 18 : 32).
Les Assyriens ne restèrent point enfermés dans les limites de leur patrie. A peine le second empire fondé, ils attaquent, sous le règne de Phul ou Pul, le royaume d'Ephraïm. Mais, apaisé par Manahem qui régnait en Israël, Phul, au lieu de déposséder le prince, l'affermit sur le trône qu'il venait d'usurper et reçut en retour un tribut de mille talents d'argent. Sous Tiglath-Piléser, trente ans plus tard, les Assyriens réduisirent à toute extrémité le royaume d'Israël, détruisirent celui de Syrie, et ravagèrent celui de Juda qui avait imploré leur assistance. Ainsi les rois d'Assyrie apprirent le chemin de la Terre Sainte et résolurent enfin d'en faire la conquête.
En 721, Salmanasar s'empara de Samarie, et ruina complètement le royaume des dix tribus. Sept ans après, Sankhérib tenta de soumettre le royaume de Juda. A cette époque, l'empire d'Assyrie comprenait, non seulement la Mésopotamie, mais la Babylonie, la Médie et une partie de l'Asie centrale. Assur s'étendait, de ses belles et hautes montagnes et de ses plaines fertiles, vers le nord, par delà la mer Caspienne, vers le sud par delà le golfe Persique, tandis que, du côté de l'ouest, il touchait à la Méditerranée. La possession de Juda semblait le complément nécessaire des conquêtes du second empire. Sankhérib marche donc contre Jérusalem. Ezéchias, le plus pieux des rois, après David, gouvernait alors la Judée. Sennachérib va l'assiéger dans sa capitale ; mais la puissante armée du fier monarque périt en une nuit sous le glaive de l'ange exterminateur. Quoique déjà maître de toutes les villes de Juda, le prince humilié reprit en hâte le chemin de Ninive ; le succès de son empire change, le déclin commence, et la chute d'Assur est aussi rapide que l'avait été son élévation. Le second empire d'Assyrie fut détruit par les Mèdes, dont le roi s'empara de Ninive et anéantit la riche métropole de l'Assyrie et la domination sur les nations.
C'est donc au début du second empire d'Assyrie et sous le règne de Phul, que se situe la mission du prophète.
Ninive
Déjà maîtresse d'une vaste portion de l'Orient, Ninive songeait à étendre à l'occident les limites de sa domination, et à s'établir sur tout le littoral de la Grande-Mer. Phul venait de menacer Israël et de rendre tributaire Manahem qui régnait à Samarie (2 Rois 15 : 19-20). Mais Dieu ne voulait, pour le moment, qu'humilier et avertir les dix tribus. En conséquence, il éloigne de leurs frontières le monarque assyrien, et bientôt après, l'humilie lui-même à son tour. Il voyait l'orgueil, le luxe, les rapines et les violences de Ninive ; toutes les iniquités de la cité corrompue montaient devant Lui ; Il commande à Jonas d'aller menacer de ses jugements celle devant qui tremblaient Israël et les nations.
Ninive commençait à devenir pour Ephraïm ce que Babylone devait être un jour pour Juda : la verge de Dieu pour le châtier. C'était une des villes les plus anciennes du monde. Assur, petit-fils de Noé, l'avait fondée (Gen. 10 : 11) sur la rive orientale du Tigre, et vis-à-vis des lieux où s'élève la moderne Mossoul. Il ne fallait pas moins de trois journées pour en faire le tour (Jonas 3 : 3). Elle renfermait une immense quantité de jardins et de parcs où paissaient d'innombrables troupeaux ; comptait jusqu'à 120 000 enfants, incapables de distinguer leur main droite de leur main gauche (Jonas 4 : 11), ce qui supposait une population totale d'environ deux millions d'habitants. Sa richesse, sa magnificence et sa force répondaient à sa grandeur. Elle étincelait d'or et de pierreries. Ses murs étaient flanqués de l 500 tours de 200 pieds de haut, et les portes étaient si larges que trois chariots pouvaient y marcher de front.
Mais, grande par sa splendeur, par la majesté de ses édifices, par la multitude de ses habitants, la force irrésistible de ses armes, autant que par l'éclat de sa renommée, la cité d'Assur ne l'était pas moins par tous ses désordres, par son orgueil extrême et par l'énormité de ses crimes. Les prophètes la nommaient la cité sanguinaire, remplie de vols, de mensonges et d'adultères (Nahum 3 :1) ; la ville joyeuse, « qui habitait en sécurité, qui disait en son coeur : « Moi, et à part moi, nulle autre ! » (Soph. 2 : 15). Entièrement plongée dans l'idolâtrie, elle possédait, comme toutes les villes des nations qui n'ont point été éclairées par la lumière de l'Eternel, ses dieux particuliers, ses patrons ; ceux-ci étaient apparemment les mêmes que ceux de Babylone, c'est-à-dire Bel ou Bahal, Nébo, Astaroth (noms donnés probablement au soleil et à la lune que ces peuples orientaux adoraient).
Ninive était le berceau de la magie, le grand marché des enchantements et des sortilèges (Nahum 3 : 4), la mère des abominations de toute la terre civilisée. La coupe de la colère de Dieu va déborder sur elle ; Jonas ira le lui déclarer de sa part. Alors la cité superbe saura que le Dieu de ce petit pays de Judée, objet tout à la fois de sa convoitise et de ses dédains, est le Dieu suprême; elle saura que si, pour châtier son peuple, Il le laisse justement dans l'opprobre et sous l'oppression, Il n'en est pas moins le Seigneur et le Maître des nations.
La fière Ninive, d'où sortira plus tard le destructeur d'Ephraïm, tremblera devant un faible Hébreu qui la menacera d'une ruine immédiate et complète. Son grand orgueil sera abaissé complètement à la voix d'un simple enfant d'Israël, qui viendra contre elle avec seulement pour arme la parole de l'Eternel.
Différents aspects du livre de Jonas :
- un récit de la mission du prophète
Le livre de Jonas renferme le récit de sa grande mission. Est-il lui-même l'auteur de ce livre ? Le silence que garde la narration sur le retour du prophète à de meilleurs sentiments le laisse penser. Il suffit à Jonas que Dieu ait raison contre lui ; il ne juge pas nécessaire de se justifier lui-même aux yeux du lecteur. Mais, qu'il ait écrit lui-même la relation de sa mission ou qu'un autre l'ait rédigée d'après ses récits, c'est bien de lui que nous la tenons ; elle honore singulièrement son caractère. Il donne avec une entière franchise l'aveu de son égarement ; dans un contraste humiliant pour lui, il révèle combien sa conduite a été insensée, en même temps que ce qu'il y a eu de remarquable dans la repentance de ce peuple idolâtre, auprès duquel Dieu l'avait envoyé.
Au reste, la destruction de Ninive n'a été que retardée par la repentance temporaire de ses habitants. La cité royale a continué à prospérer et à grandir sous Tiglath-Piléser qui a poursuivi, contre Ephraïm, les agressions commencées par Phul ; ensuite il y a eu le redoutable Shalmanéser, puis le grand Sankhérib. Alors, parvenue au faîte de sa gloire, Ninive a rapidement couru à sa ruine. Le « rasoir pris à louage au-delà du fleuve » a été brisé (Es. 7 : 20), le bâton de l'exacteur a été rompu (Es. 7, 9,10). A un fléau de Dieu a succédé un autre fléau ; Babylone a recueilli le riche héritage de la cité-reine pour tomber plus tard, à son tour, sous le joug des Mèdo-Perses. Ceux-ci sont venus occuper, dans l'histoire, la place et le rôle qu'avaient si longtemps rempli les deux grands empires d'Assur et de Babel.
- un enseignement moral
Le livre de Jonas n'est pas un récit qui ne s'occupe que du prophète ; il n'est pas une histoire simplement destinée à flatter notre imagination ou à piquer notre curiosité par la singularité des choses qu'elle renferme. Ce livre a certainement un but moral. Il nous montre tout ce qu'il y a de résistance au Seigneur, d'opposition secrète à sa volonté jusque dans le coeur le plus sanctifié, en même temps que tout ce qu'il y a de trésors de compassion dans le coeur de Dieu. Il nous fait voir où nous mène notre volonté propre, quand nous la prenons pour guide, et ce que devient l'homme lorsqu'il entreprend de contester avec son Créateur. Il nous révèle enfin le secret de Dieu pour triompher de la malice de sa créature humaine, et nous donne beaucoup d'autres instructions que nous recueillerons à mesure que nous avancerons dans notre lecture.
- une personnification d'Israël
Outre son but moral, le livre de Jonas a manifestement une intention symbolique. Le prophète s'y présente sous deux aspects bien tranchés. Il y a l'homme charnel, récalcitrant, jaloux des grâces accordées aux païens, tout à fait juif par ses préjugés ; il y a aussi l'homme spirituel, le messager de Dieu, le serviteur que l'Eternel emploie et qu'il dirige pour l'exécution de Ses desseins.
En ce qu'il a de bon, Jonas est une sorte de type ou de personnification d'Israël dans ce que ce peuple a lui-même de bon selon Dieu. Il fait pressentir sa destination future : porteur de la Parole divine à tous les autres peuples.
En ce qu'il a de mauvais, Jonas symbolise la nation juive telle qu'elle se montrait déjà du vivant de ce prophète, et telle surtout qu'elle devait se montrer aux jours de la prédication de l'Evangile : profondément opposée aux Gentils, décidément contre leur salut, mortellement jalouse de leurs privilèges et de leur bonheur.
- une prophétie rendant témoignage à Christ
Avant tout, le livre de Jonas est une prophétie du Christ, en symbole ou en drame. Jésus est le grand objet du témoignage prophétique (Apoc. 19 : 10) ; c'est de Lui que tous les prophètes, sans exception, nous entretiennent ; la Parole le déclare expressément (Luc 24 : 27 ; Act. 3 : 18-24 ; 1 Pier. 1 : 10-11…).
Or, Jonas n'est pas simplement un prédicateur; il est prophète. Jésus l'appelle clairement ainsi (Matt. 12 : 39). Comme tous les autres prophètes, il rend donc témoignage à Christ, mais d'une manière particulière. Tandis que les uns l'annoncent sans le préfigurer, que d'autres l'annoncent et le préfigurent en même temps par quelque trait de leur ministère ou de leur vie, Jonas le personnifie, à un moment donné, sans pourtant le nommer une seule fois.
« Comme Jonas fut dans le ventre du cétacé trois jours et trois nuits, ainsi le Fils de l'homme sera trois jours et trois nuits dans le sein de la terre », a dit le Seigneur (Matt. 12 : 40). « Car comme Jonas fut un signe pour les Ninivites, ainsi sera le Fils de l'homme pour cette génération… Des hommes de Ninive se lèveront, lors du jugement, avec cette génération, et la condamneront ; car ils se sont repentis à la prédication de Jonas et voici, il y a ici plus que Jonas » (Luc 11 : 30, 32). En prononçant ces paroles mémorables, le Seigneur établit clairement le caractère général de « type » du Messie que nous attribuons au fils d'Amitthaï. Dieu dirigea l'événement le plus remarquable de la vie du prophète, en vue de ce qui devait arriver un jour au Rédempteur promis. Nulle part Jonas ne prononce le nom du grand Réparateur des brèches, et pourtant il le montre constamment à notre foi. Ce que d'autres devaient exposer en paroles, il le met lui en action sous nos yeux ; dans tout le contenu de son livre, il préfigure le Fils de l'homme, ses détresses, sa mort, sa résurrection, la rédemption par son sacrifice, et la prédication qui devait se faire en son Nom de la repentance et de la rémission des péchés parmi toutes les nations.
- un livre messianique
Quand l'Esprit du Seigneur a levé pour nous le voile qui est jeté sur l'Ancien Testament, ce livre apparaît comme étant messianique. Véritable évangile sous une forme dramatique - évangile « selon Jonas », oserions-nous presque dire -, il fait partie intégrante du vaste système typique de l'Ancienne Alliance. Il a sa place marquée, nécessaire, dans cet admirable concert de prophéties alternativement déclaratives et paraboliques, dans cet ensemble harmonieux et complet d'oracles, de types, d'emblèmes et de symboles ; tous, comme autant de rayons lumineux, vont directement aboutir à la personne glorieuse d'Emmanuel. Christ, l'objet de l'amour éternel et des divines occupations du Saint-Esprit. Christ en est la clef. Sans Lui, ce qui concerne le séjour du prophète dans le ventre du cétacé, demeurerait incompréhensible, mais avec Lui, le récit apporte lumière et vie ; comme tout le reste des saintes Lettres de l'Ancien Testament, il peut nous rendre sages à salut par la foi qui est en Jésus Christ.
Toutefois, il convient d'avoir une certaine réserve en étudiant le sens typique du livre, nous rappelant qu'une personne figurative ne l'est que dans certains traits de sa vie et de son caractère. En forçant un type, on court le risque de s'égarer. Paul recommande ce qu'on pourrait nommer la « typologie » ou la recherche scripturaire, mais discrète, du sens symbolique de l'Ancien Testament. Que Dieu nous préserve de l'abus que notre imagination peut si facilement faire.
Nous allons maintenant suivre le développement graduel du grand drame que ce livre déploie devant nous et assister à chacune des scènes qu'il déroule l'une après l'autre sous nos yeux. Nous désirons recueillir les enseignements qui en découlent, nous souvenant que toutes les choses qui ont été écrites auparavant l'ont été pour notre instruction (Rom. 15 : 4) ; toute l'Ecriture - et Jonas en fait aussi partie - est « inspirée de Dieu, et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, afin que l'homme de Dieu soit accompli et parfaitement préparé pour toute bonne oeuvre » (2 Tim. 3 : 16-17).
Et la parole de l'Eternel vint à Jonas, fils d'Amitthaï, disant : Lève-toi, va à Ninive, la grande ville, et crie contre elle, car leur méchanceté est montée devant moi (v. 1-2).
Le mot « Eternel » signifie l'Etre qui seul existe par Lui-même, Celui qui a été, qui est, et qui sera. Je suis l'Eternel, dit le Seigneur, « c'est là mon nom éternellement, et c'est là mon mémorial de génération en génération » (Ex. 3 : 15) ; « je ne donnerai point ma gloire à un autre » (Es. 42 : 8). Mais ce Nom, qui est la gloire du Seigneur, désigne en général l'Essence divine ; à laquelle des personnes de la Divinité s'applique-t-il ici ? Au Père ou au Fils ? Ce ne peut être à Dieu le Père ; car, dans tout le cours de la Révélation, Il conserve toujours le caractère de Dieu invisible (1 Tim. 1 : 17 ; Hébr. 11 : 27 ; Col. 1 : 15). Il ne s'est jamais manifesté personnellement aux hommes. Il « habite, dit l'apôtre Paul, la lumière inaccessible, lui qu'aucun homme n'a vu, ni ne peut voir » (1 Tim. 6 : 16). « Personne n'a jamais vu Dieu » (Jean 1 : 18). « Sa voix, vous ne l'avez jamais entendue ; sa face, vous ne l'avez pas vue », a dit notre Seigneur (Jean 5 : 37). « Non pas que quelqu'un ait vu le Père, sinon celui qui est de Dieu », dit-Il encore (Jean 6 : 46).
Quelle est donc la personne divine qui se révèle aux enfants des hommes sous l'Ancien Testament, et qui parle au fils d'Amitthaï ? C'est l'Ange de la face de Dieu (Es. 63 : 9) ; l'Ange Jéhovah, ou l'Ange, Celui qui tout à la fois envoie et est envoyé (Zach. 2 : 10-11). C'est l'Ange qui apparut à Abraham sous les chênes de Mamré (Gen. 18 : 1 ; 19 : 1), à Jacob en Mésopotamie (Gen. 31 : 11), à Moïse sur le mont Horeb (Ex. 3 : 2) ; l'Ange qui conduisit Israël dans le désert, où ce peuple le tenta et l'irrita (Ex. 14 : 19 ; 32 : 34). Il se montre à Agar délaissée (Gen. 7 : 16), à Josué sur les rives du Jourdain (Jos. 13-15), à Gédéon dans l'aire d'Ornan (Jug. 6 : 11-21), aux parents de Samson dans les champs de Tsorha (Jug. 13), à toute la nation juive dans la plaine de Bokim (Jug. 2 : 1-5).
C'est l'Ange de l'alliance (Mal. 3 : 1) qui révèle sa gloire à Esaïe (Es. 6 : 3 ; Jean 12 : 41), et qui inspira les prophètes (1 Pier. 1 : 12) ; c'est le Capitaine de l'armée de l'Eternel, le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. C'est Emmanuel, Dieu avec nous, Jéhovah manifesté ; c'est, en un mot, le Fils unique qui est dans le sein du Père et qui nous l'a fait connaître (Jean 1 : 18). Il remplit tout l'Ancien Testament, d'Adam jusqu'à Malachie. Dès le jardin d'Eden, apparaît le prélude à cette carrière d'incompréhensible abaissement, où son amour devait un jour Le faire descendre pour nous racheter.
La Parole de Dieu attribue constamment au Fils l'essence et les perfections de Jéhovah, ses oeuvres, le culte qu'Il réclame pour lui seul, et ses noms les plus incommunicables. Nous venons d'en rappeler quelques-uns. Il en est un autre qu'Il obtient dans les prophètes, notamment dans ce livre de Jonas : la Parole de l'Eternel ou la Parole (qui est) l'Eternel.
La Parole de l'Eternel vint à Jonas, elle s'adressa à lui. Jésus est, en effet, la Parole, l'Eternel ; la Parole qui était au commencement auprès de Dieu et qui était Dieu; la Parole qui manifestait aux patriarches et aux prophètes les pensées et les volontés du Dieu tout-puissant ; cette Parole, enfin, qui, quand l'accomplissement, la plénitude du temps est venu, devait se faire chair pour nous sauver et habiter au milieu de nous, pleine de grâce et de vérité (Jean 1 : 14 ; Gal. 4 : 4).
C'est donc la Parole avant qu'elle devint chair, c'est le Fils éternel du Père, c'est-à-dire Jéhovah dans la personne du Fils, qui parle maintenant à Jonas, et l'envoie à Ninive. C'est devant Lui que Jonas va montrer tout son dépit ; c'est Lui-même qui supportera le prophète avec toute la clémence de ce Maître débonnaire, qui ne brise pas le roseau froissé et n'éteint pas le lumignon qui fume (Matt. 12 : 20).
La Parole de l'Eternel donne à Jonas un message pour Ninive. Remarquons d'abord que, lorsque le Seigneur a quelque oeuvre à faire, les instruments pour l'accomplir ne lui manquent pas. La nature entière est à ses ordres ; à sa voix, la terre engloutit Coré et ses complices (Nom. 16), la mer submerge le Pharaon et son armée (Ex. 14), un ange remplit les camps ennemis de blessés à mort (2 Rois 19 : 35), des vers dévorent Hérode (Act. 12 : 21-23), Jonas menace et Ninive est sauvée.
Remarquons que souvent Dieu choisit les instruments qui peuvent sembler vraiment impropres à l'accomplissement de ses desseins. En revanche, de la créature la plus chétive, Il peut faire l'agent le plus distingué pour accomplir ses décrets. Avec lui, le berger de Jéthro (Moïse) brise l'Egypte ; une orpheline (Esther) sauve la nation juive de l'épée du cruel Haman ; un faible et timide Jonas fait tomber à genoux deux millions d'hommes au pied du trône de Dieu.
« Lève-toi, va à Ninive, la grande ville, et crie contre elle, car leur méchanceté est montée devant moi », dit l'Eternel à Jonas. Le Maître a parlé, le serviteur n'a plus qu'à obéir. Ah! si Jonas l'avait mieux compris et que d'avance il se soit tenu prêt à aller où il plairait à Dieu de l'envoyer, que d'amertumes il se serait épargnées ! Mais le commandement du Seigneur va le prendre au dépourvu.
« Lève-toi ! ». Voilà ce que le Seigneur a le droit de dire, de même, à chacun de nous. Lève-toi pour aller où je t'envoie, pour faire l'oeuvre que je place devant toi. Le racheté de Christ ne dispose plus de sa personne. Il ne doit consulter ni sa volonté ni ses goûts, ni ses intérêts (Gal. 1 : 16), car il n'est plus à lui-même, mais à Celui qui l'a acheté à prix. « Parle, car ton serviteur écoute » (1 Sam. 3 : 10) ; tel, est le langage du vrai disciple de Jésus Christ. Son âme, avant sa conversion, semblable à une girouette, tournait au gré de tous ses désirs. Maintenant, pareille à l'aiguille aimantée, elle a, quoique soumise encore à beaucoup d'oscillations, une direction générale, fixe et permanente : c'est la volonté de Dieu.
Jonas doit aller à « Ninive, la grande ville ». Le Saint-Esprit, dans l'Ecriture, nous apprend que ce fut Caïn, un homme sorti de devant l'Eternel, qui bâtit la première ville (Gen. 4 : 17). Babel est une image du système de ce monde érigé pour sa propre gloire et contre la volonté de Dieu (Gen. 11 : 1-9). Les villes actuelles ne sont-elles pas caractérisées par beaucoup de violence et de corruption, en dépit des efforts de leurs dirigeants ? Plus les fils déchus du premier transgresseur vivent en contact les uns des autres, plus ils se corrompent mutuellement. Chacun d'eux apportant au lot commun de méchanceté, sa part de dépravation. Ce mauvais « trésor » grossit de jour en jour, l'iniquité s'accroît ; plus le Seigneur bénit, et plus on l'offense. A sa patience répond une rébellion grandissante. C'était le cas à Ninive. Malheur à elle car Il vient, Il vient pour la frapper !
Cependant le jour vient, quel doux espoir pour la foi où les villes ne seront plus des écoles d'immoralité ; leurs habitants, au lieu d'une influence corruptrice, exerceront les uns sur les autres une action salutaire et bénie. En attendant, le Seigneur tire le bien du mal; et, tandis que Satan profite de l'agglomération des hommes pour multiplier et propager l'iniquité, Dieu la fait servir à répandre et à affermir la vérité ! C'est quelquefois là où il y a le plus de ténèbres qu'Il met aussi le plus de lumière.
Mais le Seigneur s'avance à pas lents, quand il vient pour punir ; il s'arrête fréquemment en chemin, et envoie devant lui ses messagers pour signifier de sa part aux pécheurs qu'ils se repentent ou sinon qu'ils périssent. Noé menace en son Nom l'ancien monde, Lot, l'impure Sodome, et Jonas, la criminelle Ninive.
« Crie contre elle, car leur méchanceté est montée devant moi », dit l'Eternel à Jonas. Comme autrefois étaient montés devant lui le meurtre de Caïn et le crime de Sodome, au cri des iniquités de Ninive va répondre la colère de Dieu. Tel est le sinistre message que Jonas doit proclamer sur toutes les places de la cité, devant l'humble asile du pauvre, comme devant la somptueuse demeure du riche et même le palais du roi.
Mais ce n'est pas seulement à Ninive que s'adresse ce solennel avertissement ; c'est à toutes les cités et à toutes les nations qui ne craignent pas Dieu ; et c'est avant tout à la chrétienté professante. Autant sont glorieuses ses prérogatives, autant sa condamnation sera grande. Dieu a vu ses iniquités. Son audacieuse incrédulité, son odieux formalisme, les progrès effrayants de son esprit de licence, de révolte et d'anarchie, le débordement de sa corruption, tous ses crimes sont montés jusqu'à Lui. La vendange de la terre mûrit rapidement ; Dieu va se lever pour la fouler dans la cuve de sa colère et de son indignation (Apoc. 19 : 15). Il va se lever pour exercer sa vengeance contre ceux qui n'obéissent pas à la bonne nouvelle de notre Seigneur Jésus Christ (2 Thes. 1 : 7). Il commencera et Il achèvera. Telle est la ferme et irrévocable parole que l'Eglise, fidèle écho de la voix du Seigneur, doit faire retentir au milieu de ce monde ; telle est la parole que chaque enfant de Dieu doit répéter à ses parents, à ses amis, à ses compatriotes.
En dépit de tous les beaux raisonnements à l'aide desquels notre coeur désespérément rusé, cherche à se rassurer lui-même contre des châtiments qu'il redoute en secret, le cri de nos péchés monte devant Dieu. Du lieu où Il demeure, Il est attentif à toutes nos actions et Il met en évidence nos fautes cachées. Notre coeur charnel ne le croit pas ou feint de l'ignorer. « Ils disent dans leur coeur : l'Eternel ne fera ni bien ni mal » (Soph. 1 : 12) ; la pensée d'un Dieu qui voit tout, qui enregistre tout dans son livre, est la plus importune des pensées pour l'homme qui voudrait à tout prix L'éloigner du monde qu'Il a fait et Le reléguer, pour ainsi dire, le confiner dans son ciel. Aussi, considère-t-on l'Etre suprême, l'Etre des êtres, trop grand et trop haut pour s'abaisser jusqu'à regarder nos chétives personnes et compter toutes nos faiblesses ! Sous le voile de l'adoration se cache l'incrédulité, la haine et la révolte.
Mais Dieu voit chaque être humain, aucun ne peut se dérober à son regard (Ps. 139 : 2-12). Il lit dans les replis les plus secrets de son coeur : tout ce qu'il a pensé, dit ou fait de mal pendant sa vie, tout cela est monté jusqu'à Lui et est inscrit devant Lui.
Peut-être l'un de nos lecteurs cherche-t-il encore à oublier ce regard de Dieu, à le fuir ; mais Lui n'a pas oublié ! A moins que vous ne vous convertissiez, Dieu manifestera tout dans le grand jour du jugement annoncé par sa Parole (Ps. 50 : 21 ; Ecc. 12 : 14). La colère à venir, savez-vous ce que cela implique ? Tous les fléaux de Dieu réunis, tous les jugements dont il a déjà visité la terre, ne sont qu'un léger aperçu de la colère à venir ; ils ne sont qu'une étincelle comparée à un immense incendie.
Arrêtez-vous afin d'être délivré de « la colère qui vient » (1 Thes. 1 : 10). Sans plus attendre, jetez-vous dans les bras de Celui qui est venu du ciel pour nous en délivrer. Tout ce qu'il y a de menace et de malédiction dans la loi : le courroux, l'indignation contre le mal, toutes ces choses se trouvent inscrites dans le coeur du Dieu saint. Le Dieu juste est « un feu consumant » (Héb. 12 : 29) ; la puissance pour briser le coupable se trouve dans le bras du Dieu fort. Que de terreurs, de tourments on trouve dans cette prison où les méchants gémissent ! Les réprouvés seront jetés dans le feu éternel au dernier jour. Mais Christ a goûté la mort pour tout (Héb. 2 : 9), en particulier pour tous ceux qui croient en son Nom. Cette coupe de la colère et de la malédiction, Jésus l'a bue jusqu'à la lie. Il n'a laissé à l'âme qui met en Lui sa confiance que la coupe du salut.
Dès lors, il n'y a plus que deux classes d'hommes. Ceux qui ont cru au Sauveur, savent qu'ils ont déjà été mis à mort à la Loi par le corps du Christ (Rom. 7 : 4), car Lui a reçu la condamnation qu'ils avaient méritée (Rom. 8 : 1-3). Ceux qui ont négligé de chercher en Lui leur refuge, ont encore devant eux la colère qui vient sur les fils de la désobéissance (Eph. 5 : 6). Quelle horrible perspective que d'avoir à souffrir un jour, personnellement, sous la main de Dieu, tout ce que Jésus a enduré pour ceux qui croient, à Gethsémané et au Calvaire !
A laquelle de ces deux classes appartenez-vous ? La colère est-elle encore à venir pour vous ou a-t-elle déjà eu ses effets sur Celui qui a pris votre place ?
Revenons aux versets de la Parole qui nous ont inspiré ces réflexions. C'était sans aucun doute un difficile et périlleux message que Dieu confiait à Jonas. Celui-ci avait bien des raisons pour accomplir un tel service : d'abord le droit et l'autorité de Celui qui l'avait éclairé de la lumière de sa révélation et l'avait investi de sa charge de prophète, mais aussi l'amour pour tant d'âmes immortelles que ces paroles, avec la bénédiction du Seigneur, pouvaient sauver du jugement de Dieu. Même s'il pensait que de grands périls le menaçaient dans l'accomplissement de sa tâche, le bras du Dominateur de la terre était là pour les détourner de lui !
C'est un message beaucoup plus humble, mais pourtant un message analogue que le Seigneur confie à tous ses serviteurs. Il leur commande d'annoncer avec bonté mais sans détour, avec charité mais sans réticence, sa justice et ses jugements, à leurs parents, à leurs amis, à tous ceux qui les entourent. Faute d'une vraie conversion, ceux-ci périront certainement (Luc 13 : 5).
Ce message que Dieu nous confie, n'avons-nous pas, amis chrétiens, les mêmes raisons que Jonas pour l'accomplir ? Pensons au droit et à l'autorité de Celui qui nous a créés et rachetés pour lui obéir, qui nous a introduits dans le sacerdoce royal pour annoncer ses vertus (1 Pier. 2 : 9). Aimons ces âmes immortelles ; nos avertissements, bénis par Dieu, pourront en détourner plusieurs de la perdition éternelle où elles courent se jeter. Nous avons la certitude que le Seigneur est là pour nous aider à délivrer convenablement le message qu'il a confié à notre faiblesse. Il faut avoir dans notre esprit l'intelligence la plus élémentaire de Ses droits et du but pour lequel Il nous a appelés à sa merveilleuse lumière. Il doit y avoir aussi dans notre coeur un peu de vraie charité et de confiance dans cette solennelle et irrévocable parole : « Qui croit au Fils a la vie éternelle ; mais qui désobéit au Fils ne verra pas la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui » (Jean 3 : 36). Pourrons-nous voir, sans les avertir, ceux que nous professons aimer, s'avancer, impénitents, insouciants et légers, à la rencontre de la colère, au-devant de l'étang de feu et de soufre, et de la seconde mort (Apoc. 20 : 14-15) ?
Après avoir mis en évidence la signification morale de ce texte, abordons l'aspect typique. Le sens symbolique de ce livre apparaît dès le début. Tout ce que la longue succession des prophètes suivants allait annoncer au sujet des peuples païens, de leur châtiment, et parfois de leur conversion, Dieu l'exprime ici d'avance. L'histoire de leur précurseur chargé de porter aux Ninivites une parole de condamnation, mais avec de la part de Dieu une arrière-pensée évidente de miséricorde, avait valeur de symbole.
Jonas est une pâle figure de Jésus Christ, du grand Messager du Père auprès des nations. C'est aussi, sans doute, un type d'Israël. Ce dernier n'a-t-il pas été auprès des autres peuples l'instrument choisi par le Seigneur, le porteur privilégié de ses paroles ?
Ninive, la principale ville des nations, est une expression du monde païen. Jonas avait apporté, en faveur d'Ephraïm (les dix tribus), un message de miséricorde et de délivrance. Il lui avait annoncé qu'il vaincrait le Syrien, son oppresseur (2 Rois 14 : 25). Puis ce prophète avait reçu pour la cité païenne un message de condamnation, avec toutefois une arrière-pensée manifeste de pardon s'il y avait repentance. Ainsi le Seigneur Jésus, après avoir adressé à ses frères selon la chair les bonnes nouvelles de Dieu, avait fait annoncer ensuite aux Gentils, par ses apôtres, des Juifs ou ses ministres, la repentance et la rémission des péchés par la foi en son Nom.
C'est ainsi que, dès son début, le livre laisse entrevoir le coeur de l'Eternel et ses pensées de miséricorde envers les nations ; il laisse ainsi deviner les plans de Celui qui est le Dieu des païens aussi bien que des Juifs (Rom. 3 : 29-30).
Jusqu'à ce jour, par le ministère de ses témoins, le Seigneur a visité les nations afin d'en tirer un peuple pour son Nom (Act. 15 : 14). Aussitôt qu'il aura achevé de rassembler ce peuple, dès que la plénitude des Gentils sera entrée (Rom. 11 : 25), Il nettoiera entièrement son aire : par des jugements solennels, Il balaiera la terre prophétique les méchants qui la corrompent (Esaïe 14 : 5, 22-23 ; 63 : 1-6 ; Joël 3 : 1-17 ; Zach. 14 : 4, 12 ; Apoc. 19 : 11-21, etc.). Puis il rétablira le tabernacle de David (Amos 9 : 11) ; Il rassemblera les brebis perdues de la maison d'Israël. Enfin, par l'organe du peuple de Jonas - en fait, du résidu converti de ce peuple -, Il appellera les nations à la pleine jouissance d'un évangile glorieux (Es. 2 : 1-5 ; Zach. 8 : 18-23 ; 14 : 16, 17 ; Mich. 4 : 1-8...).
Qu'il est précieux de trouver ainsi, dans tout l'Ancien Testament, en figure, Jésus et les desseins du Père et d'y voir resplendir à chaque page le Nom de Celui qui est si grand et précieux pour notre âme ! Que le Seigneur veuille, par son Esprit, nous donner de plus en plus l'intelligence de ses oracles divins, et nous en rendre ainsi la lecture toujours plus attrayante et profitable.
« Et Jonas se leva pour s'enfuir à Tarsis, de devant la face de l'Eternel ; et il descendit à Joppé et trouva un navire allant à Tarsis ; et ayant donné le prix de sa place, il y descendit pour aller avec eux à Tarsis, de devant la face de l'Éternel ».
L'Eternel avait de grands desseins en envoyant Jonas à Ninive. Cette ville commençait à menacer la Palestine, en exerçant une influence notable sur la situation économique de ses habitants. Dieu fait donc sortir du petit royaume d'Ephraïm un prophète chargé d'annoncer à Ninive les jugements du ciel. Il veut se faire connaître à la fière cité comme le Dieu suprême et ôter de l'esprit des princes assyriens leurs projets d'asservissement de la Judée ou du moins en retarder l'exécution. Par la parole de son héraut, Il désire humilier l'orgueil de la première monarchie du monde d'alors. En même temps, ne veut-Il pas faire pressentir la vocation des Gentils et annoncer que le jour approche où tous les peuples de la terre connaîtront l'Eternel et se prosterneront devant Lui ?
Mais Jonas n'a pas compris les pensées de Dieu ; en lui, l'homme et le patriote juif prévalent sur le prophète et sur le croyant. Au lieu d'obéir à la vision céleste, il consulte « la chair et le sang » (Gal. 1 : 16). Si le fils d'Amitthaï se lève, c'est pour s'enfuir vers l'occident alors que Dieu l'appelle à se rendre en orient. Conduite aussi imprudente que criminelle ! Il est conduit par l'égoïsme et la propre volonté. Sous une forme ou sous une autre, ce fâcheux penchant qui règne sur la terre est la source de toutes sortes de maux. Le bonheur se trouve dans le sentier de Dieu et la misère dans celui de l'homme. Nous pouvons appeler notre sentier « Naomi » (c'est-à-dire « agréable »), mais nous ne tarderons pas à reconnaître que son véritable nom est « Mara » : « le Tout-puissant m'a remplie d'amertume », disait en son temps Naomi (Ruth 1 : 20). Un prophète infidèle de Juda avait trouvé sur sa route un lion pour le déchirer (1 Rois 13) ; Jonas va rencontrer sur la sienne la tempête et la mort.
Mais d'où lui vient donc cette répugnance à obéir au commandement divin ? S'agit-il d'indolence, d'un amour charnel, de la recherche du repos ou d'un manque de bonne volonté ? Peut-être craint-il les dangers personnels qu'il court en allant annoncer à Ninive les jugements de Dieu ? A-t-il la puissance et la colère de ces nombreux Assyriens devant lui ? Pense-t-il : « Et qui peut suffir à cela ? » (2 Cor. 2 : 16).
Il ne devrait voir que le Seigneur, son commandement, son pouvoir, son amour, sa fidélité ! Il devrait s'écrier : « Qui es-tu, grande montagne… ? Tu deviendras une plaine » (Zach. 4 : 7). Mais n'est-il pas abusé par une fausse idée religieuse ? Imbu des préjugés de son peuple, il ne comprend pas que Dieu s'intéresse au salut des Ninivites. Il ne veut pas être auprès d'eux un instrument de Sa grâce.
Un autre problème préoccupe aussi Jonas. Patriote juif avant tout, jaloux pour sa nation, Jonas recule à la pensée d'aller proclamer dans Ninive les paroles de Dieu. Les menaces, elle pourrait peut-être les écouter et serait alors entraînée dans la voie de la repentance ! La ruine ardemment désirée de cette cruelle ennemie d'Israël serait alors, sinon arrêtée, du moins différée ! Jonas connaît un peu le coeur de Dieu, ainsi qu'il l'exprimera plus tard (4 : 2). Il sait qu'après avoir menacé la ville coupable de destruction, au premier signe de repentance de sa part, l'Eternel révoquera la sentence prononcée contre elle ! Alors, pense-t-il, la parole sortie de sa bouche sera réputée sujette à caution. L'Eternel sera méprisé, et moi, son prophète, humilié !
Ce triste fruit d'un patriotisme aveugle déforme l'esprit, rétrécit et dessèche le coeur : le plus beau caractère peut s'en trouver dégradé ! C'est la funeste conséquence de cette sagesse de l'homme qui oppose toujours ses pensées, ses scrupules, ses raisonnements, aux paroles et aux ordres du Seigneur. Sous la loi, Dieu n'avait certainement pas désigné les Juifs pour être un peuple de missionnaires; Il les avait établis comme les seuls dépositaires de ses grâces et de ses alliances, jusqu'à la venue du Christ. D'autre part, n'avait-Il pas promis de bénir un jour tous les hommes? Le message confié à Jonas ne serait-il pas le prélude de l'accomplissement de cette glorieuse promesse ?
Le parti de Jonas est pris ; il s'enfuit de devant l'Eternel. Mais, pauvre déserteur, où donc iras-tu loin de Son Esprit, où fuiras-tu loin de Sa face ? (Ps. 139 : 7). Jonas aurait dû savoir que, où qu'il aille, il trouverait le Seigneur. Il s'imaginait être allégé du pesant fardeau du ministère prophétique dès qu'il serait loin de la terre que l'Eternel avait choisie pour y établir sa demeure (Joël 2 : 27), où resplendissait la Schekinah, la nuée de gloire, symbole de sa présence au milieu de son peuple, et où l'Esprit Saint rendait ses oracles (Ex. 16 : 11, 12). Le Seigneur se choisirait alors un autre serviteur pour l'envoyer à Ninive !
Jonas pense qu'il ne trouvera pas Dieu là où il se propose d'aller. En tout cas, il espère que l'Esprit de Dieu ne pourra plus le saisir. Peut-être pense-t-il, une fois le sort de Ninive réglé, revenir dans la terre d'Israël ? Il y terminera sa vie en exerçant un ministère moins dur pour sa chair. Tel est - on peut le craindre - son calcul égoïste et lâche.
Quoi qu'il en soit, Jonas descend à Japho, où il trouve un navire qui va à Tarsis. Il « descend » : ce terme s'explique aisément par la position du pays d'Israël ; il se trouve sur un plateau élevé, baigné par la Méditerranée. Japho était le port de Jérusalem, c'est Joppé dans livre des Actes (9 : 36), la ville actuelle de Jaffa. La position exacte de Tarsis est plus difficile à déterminer. Les uns croient que c'est de Tarse qu'il s'agit ; au livre des Actes, c'était la patrie de Paul, distante de Japho d'environ 800 kilomètres au nord. D'autres penchent pour Carthage sur la côte d'Afrique ; d'autres croient qu'il s'agit de l'Espagne méridionale, ou, par-delà le détroit de Gibraltar, de l'antique Tartesse, cette île si riche en mines d'or et autres métaux, avec laquelle les Phéniciens - à qui devait appartenir le vaisseau de Jonas - faisaient un grand commerce. Il y avait une autre Tarsis ; on s'y rendait par la mer Rouge. L'histoire du roi Josaphat en parle (1 Rois 22 : 49 ; 2 Chr. 20 : 35-37).
Sans vouloir trancher sur ce point, nous croyons que la Tarsis de Jonas était située dans une partie lointaine de la Méditerranée ou de l'océan Atlantique ! Les Hébreux, surtout les Phéniciens, allaient à Tarsis chercher de l'or, de l'argent, du fer, de l'étain, du plomb, pour les échanger sur le marché de Tyr contre les richesses de l'Orient (Jér. 10 : 9 ; Ezé. 27). Avant que Dieu ne la brise sous la main de Nébucadnetsar, et celle d'Alexandre (Es. 23 ; Ezé. 27), Tyr, la ville principale de la Phénicie, était le centre du commerce de la Méditerranée et du monde connu alors. Esaïe l'appelle la ville des négociants (Es. 23 : 8). Tarsis s'enrichissait du trafic qu'elle faisait avec elle et la célébrait dans ses chants (Ezé. 27).
Quand le fils d'Amots prédit la ruine de la puissante Tyr, il convie le peuple de Tarsis à pleurer sur la chute de la reine des mers : « Hurlez, navires de Tarsis, car votre forteresse est détruite » (Es. 23 : 14).
Toutefois le mot de Tarsis a pris une signification plus étendue, et elle sert à nommer indifféremment tous les pays maritimes situés à l'occident de la Terre Sainte ; l'expression de « navires de Tarsis » a désigné, sans nulle distinction, tous les grands navires (Es. 2 : 16 ; Ps. 48 : 7). Dans le premier livre des Rois (10 : 22) et le second des Chroniques (9 : 21), le roi Salomon avait sur la mer une flotte en relation avec celle de Hiram. Tous les trois ans, cette flotte revenait de Tarsis, apportant de l'or, de l'argent, de l'ivoire, des singes et des paons. Et quand, plus tard, Esaïe prédit la conversion générale et le rétablissement d'Israël, il annonce que les navires de Tarsis, les premiers, s'attendront à l'Eternel, pour amener les fils de Sion des pays éloignés avec leur argent et leur or (Es. 60 : 9). Enfin le Psalmiste nomme expressément les rois de Tarsis et des îles, parmi les rois qui se prosterneront devant le Fils de David, le Prince de paix et lui apporteront leurs présents, quand Il régnera sur la terre (Ps. 72 : 10).
Jonas trouve donc à Japho tout ce qu'il désire ; un navire allait partir pour le lieu où il voulait se rendre. Il paie son passage, le prix de sa place. Tel se montre juste dans ses transactions avec les hommes sur le marché, et ne craint pas de « voler » Dieu dans son temple (Mal. 1 : 6-14 ; 3 : 8-9) et de Lui désobéir en face. Tout en rendant fidèlement à César ce qui est à César, il n'a aucun scrupule de ravir à Dieu ce qui Lui appartient - Jonas ne calcule pas la dépense. L'homme qui suit ses propres voies, souvent avare pour Dieu, avare aussi avec le pauvre, se montre ordinairement - selon l'importance de sa fortune, libéral - voire prodigue avec lui-même !
Jonas monte à bord du vaisseau affrété pour Tarsis. Parmi les motifs qui le poussaient à se rendre sur cette terre lointaine, n'y avait-il pas aussi la curiosité, le désir de voir ce pays où le commerce attirait alors tant de monde et dont chacun racontait tant de merveilles ?
Le voilà donc entouré des gens de l'équipage, apparemment des Phéniciens, parlant la même langue que lui, celle de Canaan ; à côté d'eux, se trouvaient peut-être des passagers, appartenant à d'autres nations, que leurs affaires conduisaient également à Tarsis. Jonas était seul adorateur du vrai Dieu parmi ces idolâtres : eux, tout préoccupés de leurs spéculations, lui, peut-être de sa fuite honteuse. Ces hommes allaient, le coeur à l'aise, là où l'intérêt de leur négoce les appelait. Quant à Jonas, le coeur triste et la conscience chargée, il se rendait là où Dieu ne l'appelait point. Il cherchait un repos qu'il ne pouvait trouver, tant qu'il s'éloignait de Dieu.
Bientôt le signal du départ est donné. Quelle différence entre une âme pieuse et un coeur rebelle ! L'une aspire à s'approcher toujours plus de Dieu, comme le centre unique de son bonheur, l'autre court chercher, loin de son Créateur, dans le repos de la chair ou dans les vanités d'un monde trompeur, un bonheur qu'il ne trouvera pas, car s'éloigner de Dieu c'est aller vers la mort, en tout cas spirituelle.
Nous ne pouvons que blâmer la conduite de Jonas, mais ne jetons pas rudement la pierre contre lui. Aucun doute ! Son péché est grand, d'autant plus que Dieu l'avait précédemment encouragé par un ministère remarquablement béni. Quelles étaient, avant de s'enfuir, ses perspectives ? Un long et pénible voyage à entreprendre, une terrible proclamation à faire retentir sur toutes les places de la cité royale. Il aurait à braver la fureur ou les dédains de tout un peuple. Pour obéir à l'appel de Dieu, il devait surmonter ses sentiments juifs profondément ancrés, et surtout renoncer à sa vanité personnelle. Ces difficultés se dressaient devant lui, semblables à des montagnes, et son coeur défaillait en lui. Le « moi », très en relief dans son histoire, jouait sûrement un grand rôle mais, dans le nôtre, n'a-t-il pas une tendance bien déplorable parfois ?
Le désir d'avoir un bon témoignage et de se montrer dévoué est-il bien réel en chacun des chrétiens ? Si le sentier du Seigneur est, pour un temps, en accord avec le nôtre ou s'il offre à nos yeux que peu de difficultés, alors nous nous persuadons que notre volonté s'harmonise vraiment avec la sienne ! Mais si Dieu nous appelle à des renoncements réels, à de vrais sacrifices, alors notre chair se cabre et résiste. Comme Jonas, nous tournons le dos vers Dieu au lieu de la face. Tout autant que le fils d'Amitthaï, nous avons d'agréables Tarsis vers lesquels nous sommes entraînés par l'impétuosité de nos désirs secrets. Nous fuyons, avec toute l'énergie qui vient de notre répugnance, loin de la « Ninive » abhorrée.
Certes le calcul du prophète est mauvais ; une fois qu'il sera sur ce navire, il ne pourra plus sortir même s'il désire enfin se rendre où Dieu l'a appelé. N'agissons-nous pas ainsi, quand, pour nous dispenser d'accomplir telle ou telle tâche qui nous paraît difficile, nous prétextons avoir des devoirs plus urgents ? Nous multiplions nos occupations au point qu'elles ne nous laissent plus le loisir de faire quoi que ce soit pour le Seigneur. Nous trouvons toutes sortes de prétextes pour ne pas Lui obéir, alors qu'Il nous commande d'annoncer Sa parole.
Pourtant, notre humble message, bien moins pénible à remplir que celui de Jonas, ne nous oblige pas à quitter notre pays ou nos familles pour aller prêcher tout seul au milieu d'un peuple dont nous n'aurions à attendre que colère ou dédain. Le Seigneur nous appelle à parler à ceux qui nous entourent des immenses richesses de l'amour de Dieu en Christ, plus que des ardeurs consumantes de sa justice.
Mais nous redoutons la froideur de l'accueil, le mépris. Nous appréhendons peut-être la perte de quelque avantage temporel ; notre égoïsme calcule au moment où notre amour devrait être prêt à se dévouer. Nouveaux Jonas, nous préférons notre volonté personnelle à celle de Dieu et notre confort au salut de nos semblables.
Cet esprit de calcul et de pusillanimité, qui souvent nous ferme la bouche, a lui-même sa raison d'être : c'est notre incrédulité. La Parole dit : « Qui croit au Fils a la vie éternelle ; mais qui désobéit au Fils ne verra pas la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui » (Jean 3 : 36). Si notre coeur reçoit cette déclaration solennelle, avec quelle assurance et quel amour elle y répondra ! Quel zèle, quelle sainte activité s'ensuivra pour rechercher le salut de ceux qui nous sont chers ! S'ils croient, ils ont la vie éternelle, mais s'ils refusent de croire, ils restent dans la mort. C'est une inévitable et terrible alternative !
Mieux comprise et véritablement admise, elle ne nous laissera pas de repos tant que nous n'aurons pas fait ce qui est en notre pouvoir pour amener ces âmes à Christ ? Ne parlons plus de notre foi, si nous osons à peine braver un air froid et quelques paroles sévères dans le désir de sauver, si possible, ceux qui vont périr !
La providence de Dieu semble favoriser la fuite de Jonas ; les côtes de la Palestine disparaissent déjà et le navire se trouve en pleine mer. Le chemin du prophète peut lui sembler aisé, mais est-il possible de suivre une voie facile si l'on ne marche pas avec son Dieu ? Pauvre Jonas ! Que de douleurs il va rencontrer sur la route qu'il a choisie ! Il croit fuir l'épreuve en s'éloignant de la Judée ; il court vers la détresse ! Déjà il est mal à l'aise dans sa conscience. Il commence à manger des figues amères ; il faudra qu'il en vide entièrement le panier (Jér. 24).
Prenons garde, chers amis croyants : vouloir, comme Jonas, fuir loin de telle ou telle épreuve que la sagesse de Dieu nous impose et où son amour s'apprête à nous aider, c'est aller à la rencontre d'autres épreuves plus lourdes. Avant tout, nous connaîtrons l'amertume émanant d'une mauvaise conscience.
La conduite du fils d'Amitthaï contraste avec celle de Pierre, fils de Jonas (Act. 10). Tous deux partent de la même ville, Joppé ; mais l'un, pour ne pas aller porter aux Gentils, le message de l'Eternel ; l'autre, au contraire, pour leur annoncer, de la part du Seigneur, la repentance et la rémission des péchés.
Quelle différence aussi entre Jonas et Pierre ! Le premier trouve Ninive trop éloignée, craint les fatigues de la route, redoute la colère ou les sarcasmes des Assyriens, calcule, hésite et finit par dire avec le paresseux : « Il y a un lion rugissant sur le chemin » (Prov. 26 : 13). Jaloux des prérogatives de sa nation, il voudrait garder pour elle seule les lumières de la révélation. Le second, au contraire, brave la fatigue, les périls et de Jérusalem s'en va là où Dieu l'envoie, avec le désir de partager ce qu'il a appris de Celui qu'il aime. Son but, le même que celui de l'apôtre Paul : amener « toute pensée captive à l'obéissance du Christ » (2 Cor. 10 : 5) !
Mais surtout, quel contraste entre le fils d'Amitthaï et Jésus ! Jonas trouve pénible d'aller de Jérusalem à Ninive apporter le message divin : le Fils de l'homme obéit au commandement du Père et quittant la gloire, descend dans ce monde perdu. Il y revêt l'humble forme d'un Serviteur et, pour nous sauver, ira jusqu'à la mort, « la mort de la croix » (Phil. 2 : 8). Le Saint de Dieu répond à la voix du Père : « Voici, je viens pour faire ta volonté » (Héb. 10 : 9).
Encore un mot sur la chute de ce prophète. Envisagée du point de vue moral, elle montre que la vigilance est nécessaire ; elle nous engage à être prêts, pour le jour où il plaît au Seigneur de mettre notre obéissance à l'épreuve. Elle nous fait surtout toucher du doigt ce que peut devenir l'homme, le plus éminent, appuyé sur ses propres ressources. Elle proclame que notre force est en Dieu, que Lui seul est notre justice, et qu'à Lui revient la gloire de nous avoir sauvés.
En eux-mêmes, Abraham, David, Jonas ou Pierre qu'étaient-ils ? Et Noé, Job et Daniel, ces trois hommes dont la prière avait tant de valeur pour Dieu (Ezé.14 : 14) ? Des pécheurs, ayant les mêmes passions que nous et le même besoin de la grâce qui affranchit de tout péché, et du sang qui lave de toute souillure. C'est pour leur bien que Dieu a permis chez certains des chutes - c'est aussi pour notre bien qu'Il permet les nôtres ; notre orgueil est humilié, son amour exalté. Le sang précieux de Christ est rendu toujours plus précieux, les secours du Saint Esprit toujours plus nécessaires. Une vérité est toujours plus évidente : Un seul est saint et fort digne de louange : c'est l'Agneau !
Vue sous un angle symbolique, la chute du prophète nous introduit dans un tout autre ordre d'idées. Dans les tristes dispositions manifestées dès le début de ce livre, Jonas apparaît comme une sorte de type ou de personnification de la nation juive, ennemie des Gentils et rebelle vis-à-vis de Dieu. Jonas est l'incarnation du Juif, montrant la même étroitesse d'esprit, le même égoïsme, la même dureté de coeur. Jonas - comme Israël - ne veut pas que la Parole du Seigneur soit annoncée au Gentil et qu'il soit sauvé. C'est le plus grand tort du prophète, un trait proéminent de son caractère ; Dieu sera en colère contre lui pour ce motif, et ce courroux débordera plus tard sur toute la nation qu'il symbolise ici (1 Thes. 2 : 14-16).
Si Jonas avait pensé que le message dont Dieu le chargeait pour Ninive était un message irrévocable de ruine, il aurait sans doute surmonté sa répugnance et il y serait allé ; mais, à travers la menace et moyennant la repentance, il entrevoyait la miséricorde de Dieu et il y résistait.
Quel contraste ! Le Maître, qui a été offensé, voudrait que le coupable soit sauvé ; le serviteur est prêt à le laisser périr ! Le même sentiment qui a éloigné Jonas de Ninive lui ferme la bouche dans le vaisseau. Il se tait devant ces Gentils qu'il aurait pu entretenir de l'Eternel et gagner ainsi à la foi ! S'il arrivait à Tarsis, il se tairait encore ; il se taira partout où il ira.
Mais l'heure approche où la clémence du Dieu d'Abraham et sa grâce victorieuse feront connaître au monde le peuple élu sous un aspect tout nouveau. Il répandra sur eux un esprit de grâce et de supplications. Ils regarderont vers Celui qu'ils ont percé. La repentance sera répandue sur eux (Zach. 12 : 10-14). En joyeuse harmonie avec Son amour, ils reprendront au milieu des nations la place et le ministère qui leur appartient et ne se lasseront plus de bénir le Seigneur. L'heure vient où Israël célébrera « de tout son coeur » son Roi et son Dieu (Jér. 24 : 7 ; Osée 3 : 5). Il proclamera jusqu'aux extrémités de la terre la fidélité et la miséricorde infinie du Rédempteur !
D'après E. Guers – « Jonas, fils d'Amitthaï » 1846
(A suivre)