Quelques remarques sur l’épître de Jacques (1)
INTRODUCTION
CHAPITRE PREMIER
Les épreuves (v. 2-4)
La foi (v. 3, 6)
La prière de la foi (v. 5-8)
Pauvreté et épreuves (v. 9-15)
D'où viennent les tentations ? (v. 13-15)
« Ne vous égarez pas » (v. 16-18)
La Parole de Dieu (v. 19-24)
La loi de la liberté (v. 25-27)
INTRODUCTION
Le premier verset est la clef de l'épître : « La clef est à la porte », comme aimaient le dire nos conducteurs d'autrefois. « Jacques, esclave de Dieu et du Seigneur Jésus Christ, aux douze tribus qui sont dans la Dispersion, salut ! ». Le mot « Dispersion » ou « diaspora » désigne l’ensemble des lieux où elles ont été dispersées.
Le nom de l'auteur inspiré est une forme de celui de Jacob. Ce n'est pas sans raison que Dieu a choisi à l'avance un serviteur portant ce nom, pour s'adresser spécialement aux douze tribus qui sont dans la dispersion. Nous aimons à y voir un rappel de la fidélité de Dieu envers son peuple, même si « un endurcissement partiel est arrivé à Israël jusqu'à ce que la plénitude des nations soit entrée » (Rom. 11 : 25). Nous, autrefois les nations dans la chair, ne devrions pas l'oublier.
II faut sans doute noter la mention des douze tribus. Nous savons que dix d'entre elles avaient été déportées par Shalmanéser (à peu près à l'époque où Ezéchias régnait sur le royaume de Juda) et qu'on en a perdu la trace. Mais pour la foi, elles font toujours partie du peuple de Dieu et Paul, dans son discours à Agrippa, parle du service sans relâche de « nos douze tribus » (Act. 26 : 7). Jacques s'adresse « aux douze tribus qui sont dans la dispersion » (1 : 1), car si les hommes ne les connaissent pas, Dieu les connaît.
Parmi les patriarches, Jacob avait été d'une manière remarquable, l'objet des soins de Dieu en discipline. Dieu a accompli ensuite ses promesses, non à cause des efforts et des mérites de Jacob, mais en pure grâce, une fois que ce patriarche eut jugé sa vie, comme en témoignent les paroles qu'il prononça devant le Pharaon en présence de Joseph, figure de Christ en qui toutes les promesses divines s'accomplissent (Gen. 47 : 8-9).
Car dès qu'il a vu Joseph et toute sa gloire en Égypte, Jacob a pu reconnaître ce qu'a été sa vie, comme le fit aussi Job lorsqu'il put dire à Dieu : « mon œil t'a vu » (Job 42 : 5).
Mais Jacob, boiteux depuis sa rencontre avec « l'Homme de Peniel », est désormais Israël ; le supplanteur est devenu « vainqueur, (ou prince) de Dieu » (Gen. 32 : 24-31) ! Nous ajouterons pour conclure en ce qui le concerne, qu'il est le père des 12 tribus auxquelles s'adresse Jacques (Gen. 49 : 28) ; il est enfin l'homme de foi, qui « bénit chacun des fils de Joseph et adora, appuyé sur le bout de son bâton » (Héb. 11 : 21).
Combien le nom de Jacques pouvait ainsi parler aux cœurs des douze tribus qui étaient dans la dispersion !
Jacques écrit dans l'esprit d'Élie. Nous pouvons dire que « l'autel de douze pierres » (1 Rois 18 : 31) est devant lui. L'état d'Israël est pire qu'au temps d'Achab où il y avait pourtant deux royaumes : un roi impie établi sur l'un d'eux, et inimitié entre ces deux nations malgré une alliance d'opportunité entre elles (1 Rois 22 : 1-4) ; c’est un exemple, pouvons-nous remarquer, de la différence entre l'union et l'unité du peuple de Dieu. La première résulte des vains efforts de l’homme, la seconde trouve son fondement dans les conseils éternels de Dieu.
En se présentant comme « esclave de Dieu et du Seigneur Jésus Christ », Jacques prend la position d'un homme entièrement dépendant de ses maîtres. En même temps, il place le Seigneur Jésus sur le même plan que Dieu, ce qui était particulièrement instructif pour des chrétiens juifs, car cela est un des secrets de la paix dans la marche : « Que votre cœur ne soit pas troublé ; vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi » (Jean 14 : 1) trouve ici une application pratique.
Les épreuves (v. 2-4)
Avant d'aborder le sujet de ce chapitre, il est sans doute utile de préciser le sens du terme « tentation ». Il a, dans ce chapitre, deux sens distincts :
- au verset 2, il s'agit des épreuves permises ou envoyées par Dieu, pour l'instruction et la bénédiction des siens ; c'est « l'épreuve de la foi - bien plus précieuse que celle de l'or qui périt » (voir 1 Pi. 1 : 6-7).
- au verset 13, il s'agit de ce qui vient du cœur de l'homme (voir Marc 7 : 21-23), de ses convoitises, comme le précise d'ailleurs le verset 14.
Aussitôt après la salutation, Jacques aborde le sujet des tentations, c'est-à-dire de la mise à l'épreuve de la foi des fidèles.
Il semble bien que les chrétiens juifs avaient besoin d'encouragements particuliers à cet égard, car Pierre - qui s'adresse aussi à « ceux de la dispersion », bien que d'une manière moins générale - traite aussi de ce sujet aussitôt après avoir rendu grâces et présenté l'espérance vivante des fidèles. Sous un autre aspect aussi, l'épître aux Hébreux montre que les souffrances accompagnent la vie de la foi et invite les croyants à ne pas rejeter leur confiance, qui a une grande récompense (Héb. 10 : 35).
Quelle surprise sans doute, pour ces chrétiens, d'apprendre que les circonstances qui éprouvaient leur foi devaient être estimées comme une parfaite joie ! Les fils d'Israël attendaient de s'asseoir chacun sous sa vigne et sous son figuier, sans être effrayés (Mich. 4 : 4 ; Zach. 3 : 10). Et voici que la « parfaite joie » qui leur est proposée est tout à l'opposé ! Mais déjà, ils avaient accepté avec joie l'enlèvement de leurs biens, sachant qu'ils avaient pour eux-mêmes « des biens meilleurs et permanents » (Héb.10 : 34) ; de sorte que ceux de la dispersion ne pouvaient plus marcher par la vue, mais par la foi, considérant la nuée de témoins qui les entouraient, et fixant les yeux sur Jésus.
La foi (v. 3, 6)
En relation avec l'épreuve, nous trouvons ici (v. 3) la première mention de la foi dans cette épître. Il s'agit de la confiance en Dieu. Le fidèle va-t-il s'appuyer sur Lui, Lui remettre tout ce qui le concerne ? Nous pensons à Jacob à Peniel, à toutes ses précautions en vue de sa rencontre avec Ésaü son frère, alors qu'ayant rencontré Dieu face à face, il venait de dire : « mon âme a été délivrée ! ». Dieu s’occupe de lui pour briser sa force (Gen. 32 : 24-31). Mais que faudra-t-il encore pour que Jacob apprenne la patience ? « Être parfaits et accomplis, ne manquant de rien » (v. 4), c’est avoir abandonné toute volonté propre, avoir recherché la pensée de Dieu et l'avoir pour seule ressource. Et n'est-ce pas ce que nous montre Jacob encore, au moment de descendre en Égypte vers Joseph ? Avant de quitter Canaan, il offre à Dieu des sacrifices, il attend ses directions. II faut que Dieu lui dise : « Ne crains pas... Moi, je descendrai avec toi » (Gen. 46 : 1-4). Si Dieu est avec lui, peut-il manquer de quoi que ce soit ? Peut-il se tromper de chemin ? Quand tous abandonnent Paul dans sa première défense, dit-il qu'il a manqué de quelque chose ? « Le Seigneur s'est tenu près de moi et m'a fortifié » (2 Tim. 4 : 17).
La foi sait attendre : elle peut le faire parce qu'elle a un Objet, une certitude. L'espérance (ou l'attente) est liée à la foi en Hébreux 11. Abraham attendait la cité qui a les fondements ; mais ce n'est, dans un sens, que la conséquence d'exercices qu'ont mis en évidence d'autres hommes de foi. L'homme de foi se tient devant Dieu, se sachant justifié par Lui, sur la base d'un sacrifice accepté. Il peut alors s'approcher de Dieu et Lui plaire ; il craint, il obéit, il se sépare du monde. Il peut alors attendre avec patience car s'il n’a plus le monde, il attend « la cité qui a les fondements » (Héb. 11 : 10).
Que d'exercices avaient donné à Abraham la patience pour attendre le fils promis par l'Éternel dès son appel (Gen. 12 : 2, 7 ; 13 : 15 ; 15 : 4-7 ; 17 : 15-19, 21), avant qu'Isaac lui soit donné ! Et pourtant, la patience avait-elle eu son œuvre parfaite ? Non, sans doute, car nous lisons : « Après ces choses, Dieu éprouva Abraham » (22 : 1). Mais Dieu l'avait préparé à cette épreuve qui va, nous le voyons plus loin dans notre épître (2 : 21-24), manifester sa foi - mais qui va aussi lui révéler que Dieu ressuscite les morts, la plaçant ainsi sur le terrain de la résurrection. Moralement, l'histoire d'Abraham s'achève là : il est parfait et accompli, ne manquant de rien.
La prière de la foi (v. 5-8)
De quoi pouvons-nous manquer, cependant, sinon de sagesse ? Jacques introduit ainsi la question de ce besoin, ce qui sous-entend que nous devrions être quelque peu conscients de « manquer de sagesse ». Or, c’est à Dieu qu'il faut la demander ; ainsi, nous pourrons lui adresser nos prières dans la conscience de notre insuffisance, mais aussi de sa sagesse à Lui. Nous n'avons peut-être pas la sagesse pour demander ce qu'il faut, comme il convient (Rom. 8 : 26), mais nous nous adressons à lui « avec foi » (v. 6). Paul nous assure de l'intercession de l'Esprit (Rom. 8 : 26-27) ; mais Jacques nous invite à prier « avec foi, sans douter en rien ». Il ne parle d'ailleurs qu'une seule fois de l'Esprit qui demeure en nous (4 : 5), pour montrer qu'il est impossible de concilier l'amitié du monde et le service de Dieu.
Le sujet de Jacques est la foi, qui est ici ce qui doit caractériser notre prière. Á la fin de son épître, la « prière de la foi » est puissante pour sauver le malade » ; mais cela sous-entend une foi réelle chez ceux qui prient et, nous pouvons l'ajouter, la sagesse aussi pour présenter une telle prière.
Jacques, donc, écrit aux chrétiens juifs de la dispersion ; il revient en somme à la parole du Seigneur Jésus à ses disciples : « Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi » (Jean 14 : 1).
En se présentant comme « esclave de Dieu », il l'était également du Seigneur Jésus Christ (v.1), et telle était aussi leur condition. Sans doute ces croyants étaient-ils ainsi encouragés dans leurs prières, pouvant dire comme Asaph : « Ma voix s'adresse à Dieu, et il m'écoutera » (Ps. 77 :1). Le principe commun à la prière d'Asaph et à celle des dispersés est la foi.
Mais la foi doit exclure le doute, c'est-à-dire, nous semble-t-il, I’absence d'un désir vrai d'obtenir ce qui est demandé, et peut-être même la crainte que la réponse de Dieu n'aille à l'encontre du souhait caché du cœur. Une telle prière n'est pas celle de la foi, mais une simple forme. Peut-on en vérité demander à Dieu de nous dire ce qu'au fond de nous-mêmes, nous redouterions d'entendre de sa bouche ou craindrions de recevoir ? Nous pouvons trouver une illustration de cette pensée dans le livre de Jérémie : nous nous séduirions nous-mêmes dans nos âmes (Jér. 42 : 20). Nous comprenons bien que de telles prières ne peuvent recevoir quelque exaucement que ce soit du Seigneur.
L'image du flot agité de la mer traduit d'ailleurs ce qu'est l'état de celui qui doute : il est en proie à des désirs contradictoires. L'incertitude dans les pensées entraîne l'inconstance dans les voies. Au contraire Paul pouvait dire : « Ce que je demande dans mes prières, c’est que votre amour abonde encore de plus en plus en connaissance et toute intelligence, pour que vous discerniez les choses excellentes, afin que vous soyez purs » (Phil 1 : 9-10). « Confie-toi de tout ton cœur à l’Éternel, et ne t'appuie pas sur ton intelligence » (Prov. 3 :5). Pour recevoir du Seigneur, la foi est donc nécessaire, mais aussi la constance pour rechercher ce que nous demandons : « J'ai demandé une chose à l'Éternel, je la rechercherai » (Ps. 27 : 4).
Pauvreté et épreuves (v. 9-15)
Les signes matériels visibles de la bénédiction divine ont disparu pour l'homme de foi. Nous sommes ici dans l’univers moral, où les expériences de la foi sont constantes à travers les siècles. « De la poussière il (l'Éternel) fait lever le misérable pour le faire asseoir avec les nobles ; il leur donne en héritage un trône de gloire » (1 Sam. 2 : 8). L'Éternel appauvrit et enrichit. Pour Lui, que sont les richesses de l'homme ? En réalité d'ailleurs, elles ne lui appartiennent pas ; Dieu peut les lui ôter en un instant : Job en a fait I’expérience.
Jacques établit alors le contraste entre celui qui, selon l'estimation de l'homme, est « un frère de basse condition » et « le riche ». (II ne parle pas d'un frère « de haute condition », car en fait, peut-il y avoir une condition plus élevée que celle d'être l'objet de I’amour de Dieu ?)
Mais, qu'est donc ce frère « de basse condition » ? Il fait partie de ceux qui sont appelés les « petits », par opposition aux « puissants » dans la louange de Marie (Luc 1 : 52). Dieu prend la cause d’un Israël appelé « son serviteur », de ceux qui sont « pauvres en esprit » et qui sont « bienheureux ». Le « riche » (v.11) n'est pas un « frère » : c'est un incrédule qui opprime les frères et blasphème le beau nom qui est invoqué sur eux (2 : 6-7). Sa gloire est donc passagère, terrestre comme I’ herbe que la chaleur dessèche : comme elle, elle se flétrira et ne sera plus.
Le bienheureux capable d'endurer la tentation est donc le fidèle, rendu parfait et accompli. Il ne manque et ne manquera de rien, car il recevra la couronne de vie que Dieu a promise à ceux qui l'aiment (v. 12). Mais une telle bénédiction relève du domaine de la foi, non de celui de la vue.
Par la patience, le fidèle peut endurer la tentation et obtenir en récompense « la couronne de vie ». Ce qui est important pour le chrétien juif, et pour tous les chrétiens - car il n'y a maintenant « ni Juif, ni Grec... » (Gal. 3 : 28) -, c’est donc d’être riche quant à Dieu (Luc 12 : 21). Le croyant recevra au centuple ce qu'il aura laissé pour I’amour de Christ et pour I’amour de l'évangile « … avec des persécutions, et dans le siècle qui vient, la vie éternelle » (Marc 10 : 29-31). La tentation, la tribulation, a pour le fidèle des fruits éternels : ici, c'est la couronne de vie, récompense céleste. En Romains 5, Paul se glorifie dans les tribulations car il sait que « la tribulation produit la patience, la patience l'expérience, et l'expérience l'espérance ; et l'espérance ne rend pas honteux, parce que l'amour de Dieu est versé dans nos cœurs par I’Esprit Saint qui nous a été donné » (v. 3-5). Le Saint Esprit est « les arrhes de notre héritage » (Éph. 1 : 13-14). Jacques présente aux fidèles des douze tribus la couronne de vie ; Pierre leur annonce l’héritage conservé dans les cieux pour eux (1 Pi. 1 : 4).
Ainsi, pour les croyants juifs - comme pour ceux des nations - I’accent est mis sur ce qu’ils possèdent au ciel, pour les détacher de toute attente d'une récompense sur la terre. En cela, l'épître de Jacques est particulièrement utile pour nous mettre en garde contre le danger de nous installer sur la terre. Nous sommes prompts à penser que le Seigneur a « donné de la stabilité à notre montagne » (Ps. 30 : 6-7), quand tout semble aller bien pour nous sur la terre. Nous pensons alors avoir à la fois la terre et le ciel et nous oublions que nous sommes étrangers ici-bas. Comme Jacob à Succoth, nous bâtissons des maisons pour nous (Gen. 33 : 17). Quel danger pour le témoignage que nous sommes appelés à rendre, quelle occasion de chute pour nos enfants (Gen. 34) !
La tentation est alors nécessaire pour rappeler au fidèle, en le mettant à l'épreuve, qu’il n’a pas ici-bas de cité permanente.
Nous avons vu au verset 2, que les tentations par lesquelles notre foi est mise à l'épreuve, produisent la patience. Mais n’est-ce pas par la patience que le « bienheureux » peut endurer la tentation ? Ainsi est manifesté l'homme fidèle dont la récompense est la couronne de vie.
La couronne de vie est donc la récompense attachée à la fidélité pour endurer la tribulation. Les caractères de Smyrne (Apoc. 2 : 8-11), sont semblables à ceux qu'évoque Jacques : tribulation, pauvreté (mais richesse en Christ). C'est dans ces conditions que le fidèle va souffrir et connaître l’épreuve. Le diable peut en être I’instrument (Job 1 : 6-12 ; Apoc. 2 : 10), mais son pouvoir est limité par la puissance souveraine du Seigneur. Une couronne - contraste éclatant avec sa pauvreté aux yeux du monde - est la récompense du fidèle de Smyrne : c'est justement la couronne de vie, réponse à sa fidélité « jusqu'à la mort ».
C'est une chose remarquable que le Seigneur donne la couronne, récompense de leur fidélité dans l'épreuve, à ceux qui l'aiment. Ainsi est introduite la pensée que le fidèle agit par amour pour son Seigneur (voir Ex. 21 : 5). Jean associe étroitement obéissance et amour - ce qui caractérise l'économie de la grâce : « Si vous m'aimez… », dit le Seigneur Jésus, « gardez mes commandements » (Jean 14 : 15). Le Seigneur se plaît à reconnaître l'amour des siens pour Lui, grâce merveilleuse !
La promesse est donc pour ceux qui L'aiment. Jacques ne fait pas ici de distinction entre Dieu et le Seigneur. Il dit en quelque sorte : la promesse est à la fois celle de Dieu et du Seigneur Jésus Christ. Vous aimez Dieu : vous aimez donc de la même manière le Seigneur Jésus. La loi ordonnait : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu » (Deut. 6 : 5) ; la grâce nous révèle que nous L'aimons parce que lui nous a aimés le premier (1 Jean 4 : 19). Jacques présente ici, sans la développer, la pensée que l'amour, dont la source est en Dieu, « espère tout, endure tout » (1 Cor. 13 : 7).
D'où viennent les tentations ? (v. 13-15)
L'épreuve de la foi, nous l'avons vu, produit la patience par le moyen de diverses tentations (v. 2). Il n'est pas possible de s'engager dans le chemin de la foi - complètement étranger à celui de la propre volonté - sans rencontrer les « tentations » par lesquelles elle est mise à l'épreuve.
Cela nous est montré, par exemple, dans l’épître aux Hébreux, parce que le chemin de la foi est celui de Dieu, celui que Jésus, le chef et celui qui mène la foi à bonne fin, a suivi. Mais en même temps, nous apprenons qu'une joie particulière était devant lui, à cause de laquelle il a méprisé la honte et a enduré la croix (Héb. 12 : 2). Il a aussi enduré la contradiction des pécheurs contre lui-même. Christ, du fait même de sa perfection absolue, ne pouvait que rencontrer la souffrance sur son chemin : « il a souffert lui-même étant tenté » (Héb. 2 : 18), Il ne pouvait être amorcé par la convoitise, car il n'en existait aucune dans son cœur. C'est ainsi qu'Il a été « tenté en toutes choses de façon semblable à nous, à part le péché » (Héb. 4 : 15). Ainsi, Dieu est étranger au mal et ne peut tenter personne. Au contraire, du fait de sa nature pécheresse, le cœur de l'homme peut être amorcé par la convoitise. Il s'engage alors dans l'enchaînement fatal qui amène la mort. Jacques montre ainsi que la racine des tentations est en nous-mêmes.
Comment donc échapper pratiquement à la convoitise, au péché et à la mort ? Par la mort de Christ et par notre mort avec Lui. Morts avec Lui, ressuscités avec Lui, nous avons une vie nouvelle qui nous rend capables, par la puissance du Saint Esprit, de mortifier nos membres qui sont sur la terre (Col. 2 : 20-23 ; 3 : 1-11).
« Ne vous égarez pas » (v. 16-18)
Dieu, donc, ne tente personne. Tout au contraire, Il donne ce qui est bon et parfait, ce qui correspond à sa nature. Tout ce qui nous est donné de bon nous vient d'en-haut, du Père des lumières (v. 17). Dieu est lumière. Il « habite la lumière inaccessible » (1 Tim. 6 : 16), il n'y a en lui aucunes ténèbres (1 Jean 1 :5). La première manifestation de sa nature dans la création est l'apparition de la lumière (Gen. 1 : 3). Dans l'univers moral, la vraie lumière est celle qui, venant dans le monde, éclaire tout homme - elle est à la disposition de tout homme, même si un grand nombre d'entre eux ont mieux aimé les ténèbres que la lumière (Jean 3 : 19).
S'égarer (v. 16), c'est ne pas discerner Christ, en qui « nous avons été adoptés selon le bon plaisir de la volonté » de son Dieu et Père (Éph. 1 : 5–8). Il est remarquable que dans l'évangile selon Jean, et dans sa première épître, la lumière soit premièrement manifestée ; mais c'est nécessaire si nous voulons saisir la révélation de l'amour de Dieu.
Le Père des lumières nous donne ce dont nous avons besoin pour ne pas nous égarer. Nous pouvons penser qu'aux versets 16 et 17, Jacques a devant lui un fait rapporté dans le livre d'Esdras (2 : 63) : Parmi les fils d'Israël remontés de Babylone, un certain nombre ne purent montrer leur généalogie ; ils furent exclus du sacerdoce, jusqu'à ce que fût suscité un sacrificateur avec les urim et les thummim. Mais aujourd'hui, la généalogie des rachetés de Christ est écrite dans les cieux (Luc 10 : 20), car, de sa propre volonté, le Père des lumières les a engendrés par la parole de la vérité : ils sont « enfants de lumière » et en manifestent le fruit (Éph. 5 : 8-10) dès ici-bas et sont ainsi « une sorte de prémices de ses créatures » (v. 18). Ceux qui marchent comme des enfants de lumière ne s'égarent pas.
La Parole de Dieu (v. 19-24)
La volonté de Dieu s'exprime et se manifeste par sa Parole. Nous le voyons tout au long des Écritures, de la Genèse (1 : 3 ; Héb. 11 : 3) à l'Apocalypse (22 : 6, 10, 18.) L'un de ses grands caractères est qu'elle est « la parole de la vérité » (v. 18), appelée ici de ce nom, parce qu'elle est l'expression de la volonté de Dieu.
Ainsi - ou, pourrions-nous dire, par conséquent -, écoutons la Parole de Dieu avant d'exercer quelque activité que ce soit. La pensée de Dieu quant au service et aux activités de ceux qu'il a engendrés est différente de ce qu'est, trop souvent, la nôtre. Penser servir avant d'avoir écouté produit du souci et du tourment, parce que l'activité prend la place de Christ. La bonne part est d'abord d’être à ses pieds (Luc 10 : 38-42) ; il en résulte alors un service intelligent dans l'amour (Jean 12 : 2-8) et aussi dans le silence et dans la paix.
Mais que devons-nous écouter, sinon la parole par laquelle nous avons été engendrés, régénérés, celle qui nous a été annoncée (1 Pi. 1 : 23-25) ? Par cette parole, nous comprenons la crainte de l'Éternel, et si la sagesse entre dans notre cœur et que la connaissance soit agréable à notre âme, la réflexion nous préservera, l'intelligence nous protégera (Prov. 2 : 1-15). Nous serons ainsi gardés de prononcer des choses perverses et de manifester les sentiments du cœur naturel, bien souvent opposés à la pensée de Dieu. Les tromperies et la corruption, qui proviennent du cœur naturel (Matt. 15 : 18), sont des obstacles à la réception de la Parole. Nous devons les rejeter, de même que « le péché qui nous enveloppe si facilement » (Héb. 12 : 1).
Trois caractères s'attachent à la réception de la parole :
- Premièrement, la douceur, qui ne conteste ni ne met en doute ce que nous entendons. L'attitude de Marie aux pieds de Jésus (Luc 10 : 39) en est un excellent exemple.
- Deuxièmement, le cœur doit être « honnête et bon » (Luc 8 : 15), afin qu'elle s'y implante profondément et porte du fruit avec patience.
- Troisièmement, elle doit être mise en pratique (Matt. 7 : 24-27).
Ainsi la parole touche « d'abord l'oreille pour entendre ; puis le cœur, où elle est implantée ; enfin la main est gouvernée par elle, de sorte qu'elle est manifestée extérieurement par nous » (F.B. Hole). La parole aura alors une influence pratique sur notre vie.
Jacques illustre cet enseignement par l'exemple simple d'un homme qui se regarde dans un miroir (v. 23) : il y « observe son visage naturel », aussi longtemps qu'il se tient devant ce miroir. Mais aussitôt qu'il s'en va, il oublie ce qu'il a vu, et nous pouvons penser qu'il est satisfait de l'image qu'il a vue de lui-même. Dieu nous propose un autre miroir, sa Parole, la « loi parfaite » (v. 25), celle de la liberté ; et là, nous avons à y regarder, non pas superficiellement, en passant, mais de près. Nous nous y verrons sans doute d'abord comme Dieu nous a vus, morts dans nos fautes et dans nos péchés, et nous serons amenés à dire : « J'ai horreur de moi » (Job 42 : 6). Alors Dieu nous fera voir ce que nous sommes maintenant en Christ.
La loi de la liberté (v. 25-27)
Jacques s'attache à employer un langage que ceux de la dispersion connaissaient bien. C'est pourquoi il parle d'une loi, mais il s'agit de « la loi parfaite, celle de la liberté ». La loi donnée par Moïse était bien parfaite, puisqu'elle était écrite par l'Éternel (Ex. 34 : 28) ; mais « la chair la rendait sans force » et elle ne pouvait, de ce fait, affranchir l'homme, le libérer de la loi du péché et de la mort (Rom. 8 : 2-3).
Ainsi, la loi n'a rien amené à la perfection (Héb. 7 : 19), ni pour affranchir l'homme, ni pour l'approcher de Dieu. Mais maintenant, celui qui croit au Seigneur Jésus est affranchi de la loi du péché et de la mort, par la loi de l'Esprit de vie dans le Christ Jésus. Une telle loi est donc parfaite ; elle est aussi celle de la liberté, car elle délivre le croyant des exigences de la loi de Moïse et lui donne accès au ciel (Héb. 10 : 19).
Pour recevoir la bénédiction d'une telle loi, il est nécessaire d'y prêter la plus grande attention, d'y regarder de près. Cette expression est traduite en Luc 24 : 12 par « se baisser » (pour regarder à l'intérieur de) – voir aussi Jean 20 : 5. Nous comprenons ainsi pourquoi elle est appelée une loi parfaite : il faut d'abord s'y soumettre.
Ensuite, celui qui s'est soumis devra persévérer, demeurer dans ce qu'il aura appris pour ne pas l'oublier, afin de pouvoir l'accomplir avec joie. Car l'accomplissement, au demeurant impossible de la loi de Moïse, ne pouvait donner le bonheur. Tout au plus, celui qui s'y conformait aussi bien que possible pouvait-il en retirer quelque satisfaction (Phil. 3 : 6). Mais la connaissance de Christ et la révélation de sa Personne et de son œuvre remplissent le cœur de joie (Luc 24 : 52 ; Act. 8 : 39). Un « faiseur d'œuvre » (v. 25) est celui qui suit Jésus et marche dans les traces qu'Il nous a laissées (Jean 20 : 18,19 ; 1 Pi. 2 : 21).
La fin du chapitre définit les caractères du service : peu de paroles, peu d'éclat, dans la séparation du monde. Au chapitre 3, Jacques reviendra sur la nécessité, pour le serviteur, et particulièrement pour les docteurs, de contrôler leurs paroles. Les paroles vont facilement au-delà de la réalité de ce qui est dans le cœur ; celui qui parle beaucoup se séduit lui-même sans toucher la conscience et le cœur de ses auditeurs.
N'oublions pas enfin, que le service religieux s'exerce devant Dieu le Père : la sainteté doit donc le caractériser car, si nous invoquons comme Père « celui qui, sans partialité, juge selon l'œuvre de chacun », une sainte crainte nous convient (1 Pi. 1 : 15-19).
Le service envers les veuves et les orphelins dans leur affliction peut s'exercer « dans le secret » (voir Matt. 6 : 3-4) - même s'il ne s'agit pas d'aumônes à proprement parler. Il peut, en tout cas, n'avoir d'autre témoin et d'autre juge que Dieu le Père : c'est ce qui en fait le prix.
Mais Jacques présente enfin une forme de service bien inattendue : « se conserver pur du monde » (v. 27). Comment le seul fait de marcher à l'écart du monde, dans la séparation morale, doctrinale et ecclésiastique est-il un service ? Simplement par le témoignage que constitue pour le chrétien, le fait d'être étranger dans un monde qui a crucifié son Seigneur. S'il doit être « toujours prêt à répondre, avec douceur et crainte, à quiconque lui demande raison de l'espérance qui est en lui » (1 Pi. 3 : 15), il est facile de comprendre que ce croyant doit avoir une conduite différente de celle des habitants de la terre. Tel fut, par exemple, le service d'Abraham « l'hébreu » (c'est à dire du pèlerin), quand il demeurait auprès des chênes de Mamré (Gen. 14 : 13). Homme isolé du monde, ne participant ni à ses affaires ni à ses conflits, il vivait près de Dieu. Mais il est prêt à aller au secours de son frère quand on fera appel à lui. Il dispose immédiatement de 318 hommes exercés nés dans sa maison. (Gen. 14 : 13-14). Et un peu plus tard, il sera prêt à intercéder pour lui, accomplissant un service caché qu'il n'aurait jamais pu accomplir s'il avait habité dans Sodome (Gen. 18 : 17-33 ; 19 : 29).
J-P. Fuzier - septembre 2009
À suivre