PIERRE ET SON MAÎTRE (4)
RENIEMENT ET RESTAURATION
Le reniement
La restauration
RENIEMENT ET RESTAURATION
Le reniement
La Parole nous enseigne que les fautes graves ne se produisent pas inopinément, mais sont l’aboutissement de causes profondes. Dans le cas de Pierre, deux raisons primordiales sont à la base de sa chute : la présomption dans son cœur, et l’intervention de Satan.
La présomption (Matt. 26 : 33-35 ; Marc 14 : 29-31 ; Luc 22 : 31-34 ; Jean 13 : 36-38)
Jésus avait dit à Pierre : Tu ne sais pas… Tu ne peux pas (Jean 13). Pierre demande : Pourquoi ? Pourquoi ne puis-je pas ? Il affirme avec toute sa sincérité : « Je laisserai ma vie pour toi ».
Dans les autres évangiles la phrase est encore plus catégorique : « Même si tous étaient scandalisés, je ne le serai pas, moi ». Le Seigneur doit ajouter : « En vérité je te dis… ». Mais Pierre n’écoute pas cette deuxième exhortation et affirme une fois de plus sa détermination. N’y a-t-il pas lieu de souligner le verset de 1 Corinthiens 10 : 12 : « Que celui qui croit être debout prenne garde de ne pas tomber » ?
Luc 22 : 31 lève cependant le voile sur l’au-delà : « Voici, Satan a demandé à vous avoir pour vous cribler comme le blé ». Sans que Pierre ni les autres disciples le sachent, derrière la scène, Satan était à l’œuvre. Comme il l’avait fait pour Job, il demande à mettre à l’épreuve les bien-aimés du Seigneur. Jésus ne prie pas pour que la tentation soit épargnée à Pierre. Mais il dit : « moi, j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas ». Jésus n’est pas intervenu dans ce sens pour Judas ; mais Pierre était l’un des siens, un de ceux dont il porterait les péchés en son corps sur le bois ; pour lui, le Seigneur intercède afin que sa foi ne défaille pas : il y aura les larmes, il y aura le repentir, il y aura la restauration.
Quelle consolation pour nous, qui ignorons quelle est l’action de Satan sur un point précis, de savoir que notre Sauveur le sait, et reste toujours vivant pour intercéder en faveur de ceux qui s’approchent de Dieu par lui (Héb. 7 : 25).
A Gethsémané, Jésus avertira encore une fois son disciple bien-aimé : « Tu dors… tu n’as pas pu veiller une heure… ». Mais Pierre, toujours confiant en lui-même, ne prend pas garde à ce nouvel avertissement.
Les efforts
Au contraire, Pierre va de l’avant dans sa confiance en la chair. Muni de son épée, il coupe l’oreille de Malchus, et s’attire l’admonestation du Maître : « Remets ton épée à sa place ». Quand Jésus est pris, et que tous les disciples s’enfuient, Pierre suit de loin, il entre dans le palais, il s’assied avec les huissiers « pour voir la fin ».
« L’autre disciple » (Jean 18 : 16), profitant de ses relations personnelles, facilite à Pierre l’entrée dans la cour du souverain sacrificateur, devenant sans s’en rendre compte, une occasion de chute pour son frère, qui n’aurait jamais dû se rendre dans une telle ambiance.
« Trois fois » (Matt. 26 : 69-75 ; Marc 14 : 66-72 ; Luc 22 : 56-62 ; Jean 18 : 17, 25-27)
Le reniement de Pierre est un des rares récits que nous aient conservé les quatre évangiles, soulignant ainsi l’importance que l’Esprit de Dieu attache à ce que nous y prêtions toute attention. Chaque évangile le rapporte selon son caractère, avec plus ou moins de détails, mettant l’accent plutôt sur un point que sur un autre. Encore une fois, ne cherchons pas à tout concilier, mais recevons l’enseignement que, par chaque évangéliste, Dieu a voulu nous donner.
Mêlé aux huissiers, se chauffant près du feu, Pierre désirait « voir la fin », tout en passant pour un inconnu. Pourvu qu’on ne le remarque pas ! Mais dès l’entrée une servante le dévoile ; lui, affirme devant tous ne pas être des disciples de « cet homme ».
Un peu plus tard, « dans le vestibule », la servante dit à ceux qui étaient là : « Celui-ci est de ces gens-là ». Et tous en chœur l’affirment. Mais Pierre se met, avec serment, à dire : « Je ne connais pas cet homme ! ». Le coq chante, mais le disciple n’y prend pas garde. Environ une heure après, à l’insinuation d’un esclave parent de celui à qui Pierre avait coupé l’oreille, plusieurs se mettent à dire : « Certainement, toi aussi, tu fais partie de ces gens-là ; d’ailleurs, ta façon de parler te fait reconnaître ». Simon se trouve alors dans une situation désespérée. Il se met à faire des imprécations et à jurer : « Je ne connais pas cet homme ! ». Pour la seconde fois, le coq chante.
Avec quelle sobriété les évangiles, contrairement à la tradition, nous relatent la suite. Pierre sort dehors et pleure amèrement. Larmes de déception sur soi-même, de tristesse et d’amertume, mais aussi larmes de repentir, parce que le regard du Seigneur lui a rappelé la fidélité de Celui qui avait prié pour lui.
Soulignons, encore une fois, combien il est dangereux de se rendre là où l’on « entre en tentation ». Ne pensons jamais : « Cela ne me fera point de mal » ; souvenons-nous de l’avertissement : « L’esprit est prompt, mais la chair est faible ». Il est facile de faire des promesses solennelles, à soi-même ou à d’autres. Mais sans être gardé par la puissance de Dieu, on ne peut éviter de tomber. Sa puissance nous gardera-t-elle dans une ambiance où nous avons voulu nous rendre, malgré divers avertissements peut-être - ambiance où la chair trouve son compte, mais où une fois engagée, excitée, elle ne peut que conduire à une chute, et à une chute parfois bien grave ?
En contrepartie, si, par suite de circonstances, nous sommes exposés à une tentation particulière, souvenons-nous, comme d’ailleurs tous les jours de notre vie, de la parole de l’apôtre lui-même : « Vous êtes gardés par la puissance de Dieu, par la foi » (1 Pier. 1 : 5). Telle fut aussi l’expérience de Job, auquel sous la figure du léviathan, l’Eternel avait montré tout le pouvoir de Satan (Job 41) : « Je sais que tu peux tout, et qu’aucun dessein n’est trop difficile pour toi » (Job 42 : 2).
Avant la chute, le Seigneur avait déjà prié pour Pierre et lui avait dit : « Quand tu seras revenu, fortifie tes frères ». Il était dans la pensée de Dieu de le ramener pleinement à la jouissance de la communion avec son Seigneur, et au service envers ses frères. Mais cette restauration devait s’effectuer en plusieurs étapes.
Le regard du Seigneur (Luc 22 : 61)
Au bord du Jourdain, le regard de Jésus avait pénétré Simon, et fait tressaillir son cœur dans l’attente de la transformation que Dieu opérerait en lui. Le même regard se pose sur lui dans le palais du souverain sacrificateur, alors qu’il vient de tomber si bas, et qu’il a, à trois reprises, renié Celui qui l’aimait tant. Qu’y avait-il dans ce regard ? La Parole ne le dit pas expressément ; mais ne pouvons-nous pas y discerner le mélange de tristesse et d’amour, le reproche et le soutien tout à la fois, que Pierre a pu y trouver. Les larmes, la douleur du repentir, ne lui seront pas épargnées. Mais il ne connaîtra pas le désespoir d’un Judas, le remords éternel de ceux qui ont « foulé aux pieds le Fils de Dieu » et ont « outragé l’Esprit de grâce » (Héb. 10 : 29).
Au cours du ministère du Seigneur, lorsque les disciples avaient dit, et Pierre avec eux : « Qui peut être sauvé ? », le même regard s’était posé sur eux : « Pour les hommes cela est impossible, mais non pas pour Dieu ; car toutes choses sont possibles pour Dieu ». Une restauration, impossible du point de vue humain, allait être opérée par la grâce infinie, qui avait restauré un David ou un Job, et ferait d’un Simon l’instrument béni du salut de tant d’âmes.
L’entrevue seul à seul (Luc 24 : 34)
A l’annonce de Marie de Magdala : « On a enlevé du tombeau le Seigneur, et nous ne savons pas où on l’a mis » (Jean 20 : 2), Pierre et Jean avaient couru au tombeau. Jean courait plus vite que Pierre. Pourquoi celui-ci restait-il en arrière ? Encore une fois la Parole ne le dit pas, mais il n’est pas difficile de penser que dans l’état d’âme où il se trouvait, il y avait un peu de crainte, quel que fût, d’autre part, le désir de revoir son Maître. Arrivé au sépulcre, il entre, il voit les linges, le suaire plié à part, mais ne réalise pas la résurrection. Tant lui que Jean s’en retournent « chez eux ». Jésus l’avait dit : « Vous serez dispersés chacun chez soi ». Il faudra toute la grâce opérante et prévenante du Seigneur pour que, dans ce premier jour de la semaine, les siens soient finalement rassemblés autour de lui dans la soirée.
C’est ainsi qu’avant la fin de la journée, les disciples assemblés à Jérusalem pouvaient déclarer : « Le Seigneur est réellement ressuscité, et il est apparu à Simon ». La Parole ne nous dit rien de plus que ces cinq mots : « Il est apparu à Simon ». Il y a des expériences profondes de la vie qui se passent entre l’âme et son Seigneur, dans la plus stricte intimité. Sans doute, le psalmiste peut-il dire : « Je raconterai ce qu'il (Dieu) a fait pour mon âme » (Ps. 66 : 16). Il convient souvent de confier à d’autres, dans la mesure où cela peut leur être utile, ce que le Seigneur a fait pour nous. Mais il est, soit quant à la conversion, ou à l’appel, ou à la restauration, des « secrets » qui restent entre le Seigneur et les siens.
Mais si Pierre a été ainsi restauré dans son âme, et quant à la communion avec ses frères, il lui faudra une autre étape encore, pour être rétabli dans le service.
La restauration publique pour le service (Jean 21 : 15-17)
Saisi à nouveau par le vieil amour du métier, de cette profession exercée si longtemps au bord du lac, Pierre déclare à ses compagnons : « Je m’en vais pêcher ». Comme d’habitude, les autres suivent : « Nous allons aussi avec toi ». Toute cette nuit-là, comme certaine nuit d’autrefois, ils ne « prirent rien ». Lorsqu’au matin Jean voit Jésus sur le rivage, et déclare : « C’est le Seigneur ! », que de souvenirs se réveillent dans le cœur de Pierre ! La même barque peut-être, le même Seigneur, mais pas le même Pierre. Trois ans auparavant, il s’était agenouillé devant Lui, déclarant : « Retire-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur » (Luc 5 : 8). Cette fois, il met son vêtement de dessus (on ne se présente pas n’importe comment devant le Seigneur !) et se jette dans la mer pour être plus vite auprès de Lui.
Sur le rivage, d’autres souvenirs vont se réveiller. Jésus prend le pain et les poissons, et les leur donne, comme il l’avait fait lors des multiplications des pains. Le même Jésus, ressuscité, renouvelait les actes de sa vie terrestre, qui avait tant frappé ses disciples. Le cœur de Pierre ne se réchauffait-il pas ?
Autre détail encore : c’était autour d’un feu que Simon avait renié son Maître. Auprès d’un autre feu, il va maintenant être pleinement restauré.
Jésus n’a pas parlé tout de suite. Il fallait d’abord que l’âme soit attirée par sa Personne, que sa présence soit manifeste, que chacun, et Pierre avec eux, se rende compte « que c’était le Seigneur ». « Quand ils eurent déjeuné », Jésus s’adresse alors à Simon.
De nouveau, Il emploie le même prénom qu’il avait utilisé au Jourdain. Après la chute, il faut revenir tout à l’origine et refaire le chemin, comme Abraham, remonté d’Egypte, avait dû le faire pour retrouver son autel. Trois fois Pierre avait renié son Maître ; trois fois lui est posée la question : « Simon, fils de Jonas, m’aimes-tu ? ».
Que répondre, sinon s’en remettre à ce regard qui sonde plus profond que les hommes ne voient, plus profond qu’on ne se voit soi-même, sachant « que, si notre cœur nous condamne, Dieu est plus grand que notre cœur et il sait tout » (1 Jean 3 : 20).
Il fallait juger la présomption : « M’aimes-tu plus que ceux-ci ne m’aiment ? » C’en est fini pour Pierre de se croire supérieur aux autres. Il ne peut que s’abandonner à la grâce de son Maître. Et combien grande n’est-elle pas ? Après la première déclaration, Jésus dit : « Fais paître mes agneaux », puis « Sois berger de mes brebis », enfin « Fais paître mes brebis ». L’amour pour le Seigneur est le ressort de tout service : envers les enfants ou les jeunes dans la foi, les agneaux du troupeau ; envers le troupeau lui-même, comme envers chaque brebis individuellement. Il n’y a pas d’autre motif pour servir que l’amour pour le Seigneur, dans la conscience de son amour pour nous.
L’opération de la grâce se répète jusqu’à ce que Pierre soit « attristé ». Il y a une tristesse qui est selon Dieu, produisant « une repentance salutaire dont on n’a pas de regret » (2 Cor. 7 : 10). Elle produit ce changement de pensées quant à soi-même et quant à Dieu, qui est à l’origine, et de la conversion, et de la restauration.
A la fin de cet entretien mémorable, Jésus a pour son cher disciple une dernière parole, qui s’adresse tout autant à chacun de nous : « Toi, suis-moi ». Ne pas se préoccuper de ce que font ou ne font pas les autres ; de ce qu’il leur adviendra, ou de ce que Dieu fera d’eux. Etre soi-même exercé, et suivre Jésus humblement, fidèlement, jusqu’au bout.
La restauration a été complète : dans la communion avec le Seigneur, dans la communion avec les frères, et dans le service envers les âmes perdues comme au sein du troupeau du « souverain Pasteur » (1 Pier. 5 : 4). « Témoin des souffrances de Christ », Pierre se sentira « ancien avec les anciens », ayant à cœur les brebis de son Maître. Le souvenir de sa faute restera comme un avertissement pour tous ; les quatre évangélistes la relateront en détail ; mais on n’en fera plus du tout cas pour discréditer ou entraver celui qui était tombé, et que le Seigneur a pleinement restauré dans sa grâce.
G. André