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LE LIVRE DE JOSUE (20)
ou l'ombre de la plénitude des bénédictions à venir en Christ


Le repos  (Jos. 21 : 43-45)  
         Dieu donne à son peuple le pays promis et le repos
         L’assurance d’un « repos sabbatique » pour le peuple de Dieu
Le retour des quarante mille guerriers (Jos. 22)
         La réponse de Moïse à la requête des deux tribus et demie    
         L’autel de Hed   
         L’attitude heureuse de l’assemblée d’Israël
         Les tristes conséquences de l’infidélité              

Le repos  (Jos. 21 : 43-45)

            « Si Josué leur avait donné le repos, Dieu ne parlerait pas ensuite d'un autre jour. Il reste donc un repos sabbatique pour le peuple de Dieu » (Héb. 4 : 8-9).

            Toutes les promesses de l'Eternel étaient accomplies, et le pays était réparti entre les tribus d'Israël, selon la parole de l'Eternel. « Et l'Eternel donna à Israël tout le pays qu'il avait juré de donner à leurs pères ; et ils le possédèrent, et y habitèrent. Et l'Eternel leur donna du repos à l'entour, selon tout ce qu'il avait juré à leurs pères ; et, de tous leurs ennemis, pas un homme ne tint devant eux ; l'Eternel livra tous leurs ennemis entre leurs mains. Il ne tomba pas un mot de toutes les bonnes paroles que l'Eternel avait dites à la maison d'Israël : tout arriva ».

                        Dieu donne à son peuple le pays promis et le repos

            L'Eternel ne s'était pas lassé. Son propos avait toujours été de faire entrer Israël en possession du pays promis aux pères. Il avait maintenant accompli sa propre parole, infaillible. Il était descendu en Egypte, le pays de la servitude des Israélites. Là, dans toutes leurs détresses, Dieu avait été « en détresse » (Es. 63 : 9). Il les avait rachetés de la maison de servitude, et, après avoir mis en eux un esprit nouveau - celui du pèlerin -, Il les avait conduits comme un troupeau à travers le désert, les nourrissant chaque jour, allant devant eux tout en leur servant « d'arrière-garde » (Es. 52 : 12). Il les avait guéris dans le désert de tous leurs maux, et, dans sa grâce, Il avait pardonné l’iniquité de leur incrédulité (Nom. 13 : 19-20). Il leur avait fait traverser le Jourdain pour les introduire dans le pays promis. Il avait combattu pour eux, leur avait accordé la victoire sur tous leurs ennemis, permettant ainsi la conquête de l'héritage promis. Tout ce que l'Eternel leur avait donné en espérance était réalisé. Israël se reposait, environné de promesses accomplies, de bénédictions enfin possédées.
            En un sens, c'est dans le repos que les fils d'Israël entrèrent en Canaan ; dans le repos, parce qu'ils en avaient fini avec l'Egypte qui les avait pourchassés pour les détruire, et avec les épreuves du désert. Toutes leurs espérances concernant la délivrance de l’esclavage du Pharaon, de même que l’entrée dans le pays de la promesse, étaient alors pleinement réalisées. C'est ainsi qu'ils commencèrent leur combat en Canaan, comme étant les hommes de guerre de l'Eternel, et dans la puissance de la liberté de Dieu. Puis, après avoir livré les combats de l'Eternel pendant sept ans - période complète, comme on l'admet généralement -, « le pays se reposa de la guerre » (Jos. 11 : 23). Le résultat de la conquête fut le repos après la guerre, mais comme il en était le fruit, ce repos ne pouvait durer que grâce à une vigilance constante et risquait de leur échapper s’ils ne réussissaient pas à exterminer l'ennemi. Ce n'était donc pas un repos absolu.
            Mais le repos du verset 44 de notre chapitre est complet, tout au moins pour Israël. Chaque aspect de ce repos était le résultat de la fidélité des promesses divines ; lorsqu'elle est entrée dans ce repos-là, l'âme pieuse peut s'écrier : Voyez ce que Dieu a fait ! Elle anticipe ainsi le jour où, le grand ennemi du peuple de Dieu aura été vaincu et que toutes les bénédictions promises aux croyants seront alors réalisées en Christ.
            D'un point de vue moral, la fin du livre de Josué n'est pas à proprement parler un développement de l'histoire d’Israël. Avec le repos, nous avons atteint le but désiré. Les derniers chapitres constituent un avertissement à l’intention de ceux qui semblent ne pas avoir été à la hauteur d'une telle promesse de repos  (ch. 22). Et pour ceux qui sont entrés en esprit dans ce repos, c’est aussi une exhortation à demeurer dans la puissance de celui-ci (ch. 23 et 24).

                        L’assurance d’un « repos sabbatique » pour le peuple de Dieu

           Le chrétien jouit maintenant, par la foi, du repos du cœur et de la conscience. Il doit encore combattre contre le péché, contre le monde et contre Satan mais ce sont des ennemis vaincus ; c’est le résultat de la victoire de Christ à la croix. Par la foi, il peut connaître une pleine délivrance de la puissance du monde par le précieux sang de Christ ; il sait que Christ, ressuscité d'entre les morts, a anéanti le pouvoir de la mort et de Satan, et en a délivré ses rachetés. Il sait aussi que Christ est dans les lieux célestes, et que, moralement, lui-même est assis là-haut en Lui. Il sait que Dieu a fait de lui un homme libre, et, dans la puissance de cette liberté et de ce repos, avec la force de son Seigneur et revêtu de « l’armure complète de Dieu », il peut soutenir « la lutte… contre les puissances spirituelles de méchanceté qui sont dans les lieux célestes » (Eph. 6 : 10-12). Le chrétien jouit de la paix de son Silo, adore le Père en esprit et en vérité dans le vrai tabernacle, où la nuée glorieuse demeure toujours. Mais si toutes ces bénédictions sont à lui, s’il peut en jouir et y demeurer, il y a cependant un repos qu'il ne fait qu'anticiper, un repos dans lequel il n'est pas encore entré - c'est le repos de Dieu. Il est un homme qui vit dans l'attente : il est sauvé « en espérance » (Rom. 8 : 24) - l'espérance de la gloire à venir. S'il ne jouissait pas d'une parfaite paix avec Dieu, et du repos dans sa conscience par l’œuvre que le Seigneur Jésus a achevée, il ne pourrait pas espérer la gloire. Son salut est absolu, mais les aspirations de la nouvelle nature font de lui un homme qui vit d'espérance. « Or voir ce qu’on espère n'est pas une espérance : ce que quelqu'un voit, l'espère-t-il ? Mais si ce que nous ne voyons pas, nous l'espérons, nous l'attendons avec patience » (Rom. 8 : 24-25).
            Espérance et possession sont intimement mêlées dans son âme. Il n'est pas encore transformé en l'image de Christ, bien qu'il soit maintenant enfant de Dieu ; ce qu'il sera n'est pas encore manifesté, mais il est béni en Lui de toutes bénédictions spirituelles dans les lieux célestes. Il n'est pas encore moralement semblable au Seigneur, mais en contemplant sa gloire, il est, de jour en jour, transformé « en la même image, de gloire en gloire, comme par le Seigneur en Esprit » (2 Cor. 3 : 18). Il est enveloppé de faiblesse, et avec toute la création qui soupire et est en travail, il soupire en lui-même, attendant l'adoption, c'est-à-dire la délivrance du corps (Rom. 8 : 21-23). Il a cependant l'Esprit de Dieu en lui, « qui est les arrhes de notre héritage » (Eph. 1 : 13-14). L'espérance de la gloire et une conviction profonde d’en connaître bientôt la parfaite réalisation sont sa part, l’une comme l’autre. « Comme nous avons porté l'image de celui qui est poussière, nous porterons aussi l'image du céleste » (1 Cor. 15 : 49). « Nous attendons le Seigneur Jésus Christ comme Sauveur, qui transformera notre corps d’abaissement en la conformité du corps de sa gloire » (Phil. 3 : 20-21) ; cependant, déjà maintenant, tout est à nous (1 Cor. 3 : 21). En sympathie avec un Christ souffrant et rejeté, le chrétien anticipe le jour de la gloire de son Rédempteur, désirant ardemment contempler cette gloire, selon la prière que le Seigneur adressait à son Père : « Père, je veux, quant à ceux que tu m’as donnés… ils contemplent ma gloire » (Jean 17 : 24). Dans la patience de Christ, il attend le jour où les ennemis du Seigneur seront mis pour marchepied de ses pieds (Héb. 1 : 13).
            Le privilège du chrétien, qui désire que Jésus soit honoré, est de vivre dans l'attente du jour où les douze tribus d'Israël reconnaîtront leur Messie aujourd'hui rejeté, où le Nord et le Midi rendront ceux qui sont actuellement morts en tant que nation, où leur pays ruissellera de nouveau de lait et de miel et rayonnera de la faveur de Dieu, et où Israël chantera à l'Eternel « et tous les bouts de la terre le craindront » ; alors le royaume de Dieu sera établi, et toute langue confessera le nom de Jésus, et tout genou se pliera devant Lui et Le reconnaîtra comme Seigneur, à la gloire de Dieu le Père (Phil. 2 : 10-11). En un mot, le chrétien attend tout ce qui contribue à la gloire de Christ, qu'Il s'est acquise par sa mort et qu'Il attend Lui-même car « Il verra du fruit du travail de son âme, et sera satisfait » (Es. 53 : 11).
            Pour jouir du repos dans nos bénédictions spirituelles présentes, une vigilance constante est nécessaire, car l'Ennemi est toujours actif. Mais les luttes et les craintes au-dedans de nous-mêmes ne seront bientôt plus. Les idoles, et leurs noms mêmes, seront bientôt effacés de toute mémoire ! Les assauts du péché et les soufflets de Satan auront une fin pour le peuple de Dieu. Il sera dit de tous les saints, et même du plus faible : « L'Eternel livra tous leurs ennemis entre leurs mains ». Le jour se lèvera, acclamé par l'Etoile du matin brillant aux cieux, et alors ce monde et ses convoitises passeront : et il sera démontré que la parole du Seigneur demeure éternellement. Alors, dans le repos de Dieu, les cœurs s’entre-répondront, célébrant l'Eternel avec joie : « Il ne tomba pas un mot de toutes les bonnes paroles que l'Eternel avait dites... tout arriva ».

 

Le retour des quarante mille guerriers (Jos. 22)

            « Ce qu'un homme sème, cela aussi il le moissonnera » (Gal. 6 : 7).

            En considérant le récit du retour des quarante mille guerriers appartenant aux deux tribus et demie, il faut toujours avoir en mémoire la première exhortation de l'Eternel à Israël : « Et maintenant, lève-toi, passe ce Jourdain, toi et tout ce peuple, pour entrer dans le pays que je leur donne à eux, les fils d'Israël » (Jos. 1 : 2). Il convient aussi de se rappeler que c'est « de ce côté-ci » du Jourdain que se trouvaient les douze pierres du mémorial de la traversée du fleuve, la puissance de Guilgal, le camp des vainqueurs, la muraille effondrée de Jéricho, les pierres sur lesquelles avaient été gravées les malédictions d’Ebal, le tabernacle de l’Eternel et la gloire de la nuée.

                        La réponse de Moïse à la requête des deux tribus et demie

            « Ne nous fais pas passer le Jourdain » (Nom. 32 : 5) : ainsi en avaient décidé les deux tribus et demie que Dieu avait pourtant si richement comblées alors qu'elles cheminaient vers la terre promise. Elles avaient préféré s'asseoir et jouir de leurs richesses plutôt que de poursuivre leur route vers l'héritage. L'opportunisme plutôt que la foi, voilà ce qui les guidait. Les villes de Galaad avaient plus d'attrait pour eux que les tentes de soldats au-delà du Jourdain. « S'installer », d'une manière ou d'une autre, est toujours quelque chose de bien triste. La foi hérite toujours « plus loin et plus avant », dans la proximité de Dieu.
            « Ne nous fais pas passer le Jourdain », tel avait été le cri de ces tribus qui avaient aussi déclaré leur intention en disant : « Nous n'hériterons pas avec eux » - c'est-à-dire la masse d'Israël. Ainsi arriva, pour ceux des leurs qui avaient fait la guerre, le jour douloureux du voyage de retour. Aussi admirable qu’ait été le zèle des quarante mille qui, pour l'amour de leurs frères, combattirent du côté du Jourdain choisi par l'Eternel (ce dont ils furent sûrement récompensés), il est indéniable que les deux tribus et demie les avaient envoyés « plus avant » faire la guerre pour l'Eternel dans le but d'obtenir ce compromis : « Nous passerons équipés devant l'Eternel dans le pays de Canaan, et la possession de notre héritage en deçà du Jourdain sera à nous » (Nom. 32 : 32).
            L'Eternel ayant désormais donné du repos à Israël selon sa promesse, Josué ordonne à ces hommes de guerre : « Retournez ». Il loue leur fidélité et leur obéissance, et leur enjoint instamment de servir l'Eternel d'un cœur parfait. Il les supplie d'aimer l'Eternel, de marcher dans toutes ses voies, de garder ses commandements, de s'attacher à Lui et de Le servir de tout leur cœur et de toute leur âme, puis il les bénit et les renvoie, en ajoutant : « Vous retournez à vos tentes avec de grands biens, et avec des troupeaux en très grand nombre, avec de l'argent, et de l'or, et de l'airain, et du fer, et des vêtements, en très grande abondance ; partagez le butin de vos ennemis avec vos frères » (v. 8). Il résulte toujours une bénédiction pour tout enfant de Dieu qui suit le Seigneur d'un cœur sincère et obéissant, ne serait-ce qu'un seul jour. Il reçoit toujours du « butin », un trésor à partager avec ceux qui demeurent à la maison, veillant sur ses biens. Mais ce « Retournez » est une parole solennelle !
            Oui, retournez à vos tentes pastorales, tournant le dos à cette scène de lutte mais aussi de victoire ! Retournez en Galaad, loin de Canaan ! Retournez dans l'héritage de votre choix, non dans celui de la promesse ! Tout ce qui refroidit tant soit peu notre zèle pour Dieu, ou nous éloigne d'auprès de Lui, est bien triste ; et c'est ce que découvrirent les quarante mille en tournant le dos aux champs de bataille et en abandonnant Silo, le lieu de l'adoration ! Peut-être, en un sens, Dieu les agréait-Il dans cette position de leur choix (fin du v. 9) car c'est selon la mesure de sa fidélité à Lui qu'Il agit envers les siens, même lorsqu'ils se trouvent dans une fausse position. « Lui demeure fidèle » (2 Tim. 2 : 13).

                        L’autel de Hed

            Ces hommes de guerre, qui ont combattu et enduré des privations avec leurs frères, s'en retournent maintenant vers leur héritage, ils arrivent au Jourdain, font halte et s’interrogent les uns les autres car la vue du fleuve rappelle à leur mémoire les souvenirs extraordinaires des voies de Dieu à l'égard d'Israël. Ils étaient entrés en Canaan en traversant à pied sec le lit du Jourdain qui alors regorgeait par-dessus tous ses bords et qu'ils allaient maintenant passer à gué, sur leur chemin du retour. A Guilgal, ils avaient aidé à la construction du mémorial de la traversée du fleuve par tout Israël. Se pouvait-il qu'ils fussent sur le point de quitter le pays de la promesse ? Allaient-ils de leur plein gré mettre le fleuve entre eux-mêmes et, de l'autre côté, les douze pierres de Guilgal et le tabernacle de Silo ? Leurs cœurs étaient pleins de remords. Dans cette situation critique, écoutèrent-ils les suggestions de la foi ou celles de leur esprit qui cherchait un compromis ? Toujours est-il qu'ils n'adoptèrent pas la ligne de conduite proposée par les neuf tribus et demie : « Passez dans le pays qui est la possession de l'Eternel, où est le tabernacle de l'Eternel » (v. 19). « Ils bâtirent là … un autel de grande apparence » (v. 10).
            Leur autel « de grande apparence » n'était pas celui de l'Eternel ; c'était un mémorial, un simple souvenir. Sa valeur essentielle consistait à prouver que ceux qui l'avaient bâti avaient été jadis à Silo ! Une telle nécessité montrait bien ce qu'avait d'indéfendable cette position « de l'autre côté du Jourdain » !
            Quelle chose misérable que cet autel « de grande apparence » ! Il n'avait pas été conçu pour l'adoration. Les deux tribus et demie n'avaient pas l'intention d'y offrir des holocaustes, des offrandes de gâteaux ou des sacrifices de prospérités. Aucun parfum de bonne odeur ne devait s'en élever, et des cœurs joyeux ne s'y assemblaient pas. Pourquoi donc cet autel magnifique ? Il était « de belle apparence », destiné à rappeler un passé glorieux, à témoigner du fait que longtemps auparavant, ceux qui l'avaient bâti avaient été soldats en Canaan et des adorateurs à Silo ! Combien de fois, hélas, le chrétien ne dresse-t-il pas son propre autel, semblable à celui-là ? Des autels de « témoignage » et « de grande apparence » s'élèvent dans bien des cœurs et dans bien des associations ayant manifesté, jadis, une réelle piété pour Christ - autels grandioses, en vérité ! Nos mains se plaisent à ce qu'il en soit ainsi, mais il n'est jamais dit de l'autel du Seigneur qu'il soit « de grande apparence ». On raconte ce qu'on a été jadis, comment on a servi Dieu et connu des périodes de fervente adoration, et, sous le couvert de ce passé, on voudrait prouver son bon état présent ! De telles âmes sont pleines de traditions et de souvenirs, et non d'une vivante énergie disponible aujourd'hui. Aucun homme encore sur le champ de bataille ne se bâtit un monument. Les monuments ne sont élevés qu'une fois les soldats rentrés chez eux. Les douze pierres de Guilgal étaient un monument à la gloire de ce que Dieu avait opéré en faveur d'Israël ; l'autel des quarante mille était un monument à la mémoire de ce qu'eux-mêmes avaient été. Notre combat ne doit prendre fin qu'avec la vie. Que notre vie de chaque jour, et non un autel « de grande apparence » soit notre témoignage. C'est en Canaan, de l'autre côté du Jourdain, qu'était le lieu choisi par Dieu pour être la patrie d'Israël en même temps que le lieu de sa bénédiction. De même, c'est en Christ, dans les lieux célestes, qu'est notre seule vraie position en tant que soldats de « notre » Josué. Puissent nos âmes ne jamais s'en retourner de ce lieu de la bénédiction vers un autre de notre propre choix.
            La tromperie du péché et la perfidie de nos cœurs endurcissent l'âme. Il n'y a de vraie prospérité qu'en demeurant tout près de Dieu, et en vivant dans les bénédictions dont Il nous a bénis en Christ. L'opportunisme est absolument contraire à Dieu ; et pourtant, qui n'a jamais écouté son cœur l'engageant à choisir un chemin de facilité, ou lui trouvant des excuses pour demeurer là où il ne devrait pas être ? Il nous faut apprendre que nous devons nous élever jusqu'au niveau de foi que Dieu nous propose, et refuser les invitations de nos propres convoitises à essayer d'introduire Dieu dans ce lieu de belle apparence que nous nous sommes nous-mêmes choisis. Le chrétien doit toujours être sur le qui-vive : dès l'instant où il se détourne du combat de la foi, il est battu et en grand danger de tomber.
            Les deux tribus et demie ne pouvaient avoir « le tabernacle de l'Eternel » qu'en passant « dans le pays qui est la possession de l'Eternel » ; mais leurs affections, leurs femmes et, leurs petits enfants, et leurs richesses, étaient de l'autre côté du Jourdain, et c'est vers cela qu'ils s'en retournaient.
            Ainsi raisonnaient-ils : peut-être à l'avenir les enfants des neuf tribus et demie diraient-ils : « Qu'y a-t-il de commun entre vous et l'Eternel, le Dieu d'Israël ? L'Eternel a mis une frontière, le Jourdain entre nous et vous, fils de Ruben et fils de Gad ; vous n'avez point de part à l'Eternel. Et ainsi vos fils feraient que nos fils cesseraient de craindre l'Eternel » (v. 25). Certainement, le Jourdain était une frontière. Ils voyaient fort bien qu'en le traversant, ils avaient l'air d'abandonner l'Eternel avec son saint tabernacle et les bénédictions qui s'y attachaient, et que le fait d'agir ainsi comportait un grand danger. Conscients de ce danger, ils cherchaient à faire retomber la lourde responsabilité d'avoir abandonné l'Eternel - qui serait le fait de leurs propres enfants - sur ceux qui restaient près de son tabernacle !
            Leurs frères n'avaient jamais parlé de divisions au sein de l'Israël de Dieu : ils n'avaient jamais dit, semble-t-il, que le Jourdain faisait séparation entre eux, ni que les enfants des deux tribus et demie cesseraient de craindre l'Eternel. Mais il en est toujours ainsi : le croyant qui se sépare de ses compagnons plus fidèles pour quelque association avec le monde rejette invariablement la responsabilité des conséquences de son acte sur ceux qui demeurent près de Dieu. Accuser ceux qui sont pieux est un baume bien connu pour ceux qui ont mauvaise conscience, et trouver à redire contre son frère est un remède universel pour couvrir sa propre honte.

                        L’attitude heureuse de l’assemblée d’Israël

            Quand la nouvelle concernant l'autel des deux tribus et demie parvint à Israël, toute la congrégation se réunit à Silo, au seul autel de l'Eternel. Dans l’édification d'un second autel, ils ne voyaient rien moins qu'une rébellion contre le Dieu des douze tribus. Le zèle d'Israël fut stimulé ; or quand un cœur est rempli de zèle pour Dieu et qu'il contemple les manquements des autres, il se souvient avec contrition de ses propres péchés passés. Ainsi avaient-ils présents à l'esprit « l'iniquité de Péor », « le péché d'Acan », avec toutes leurs amères conséquences. Les fils d'Israël, en outre, se jugèrent eux-mêmes avant d'essayer de juger les fauteurs de trouble. Ils sentaient que les germes des maux qu'ils déploraient chez les deux tribus et demie, et qu'ils voulaient extirper, se trouvaient en eux-mêmes. Tel est l'esprit dans lequel le croyant, lorsqu'il est en communion avec Dieu, mène deuil sur la désertion de son compagnon d'armes avant de s'occuper du mal. Le jugement commence par soi-même, et qui est sans péché ? Et là où le péché est un sujet de controverse, comme c'était le cas dans l'esprit des fils d'Israël, entre l'Eternel et leurs frères, grands doivent être la contrition et le brisement d'esprit chez ceux qui ont reçu la grâce d'avoir à cœur la gloire de Dieu. Tout autre état d'esprit procède d'un zèle purement naturel.
            Les hommes peuvent brandir l'épée de la vengeance humaine au nom de la sainteté, les pharisiens et les scribes peuvent lapider le pécheur, tout en étant eux-mêmes, à cause de leur propre dureté de cœur, plus coupables que ceux qu'ils jugent. De Rome jusqu'à nos jours, le feu n'a-t-il pas été le « remède » couramment apporté au désordre dans l'Eglise ?
            Les neuf tribus et demie reconnaissaient le péché des deux tribus et demie comme une transgression impliquant « tout » Israël : « Si vous vous rebellez aujourd’hui contre l'Eternel… demain il sera courroucé contre toute l’assemblée d'Israël » (v. 18). Combien peu les chrétiens réalisent cette vérité solennelle que le péché d'un seul affecte la prospérité de tous ! (v. 20). Il y aurait moins d'indifférence mutuelle, moins de désir de s'accabler de reproches les uns les autres, si l'on réalisait mieux cette vérité. Le chrétien n'est pas une simple unité, il fait un avec tous les saints ; sa conduite affecte les autres, et la conduite des autres l'affecte. Ainsi, la rébellion, la propre volonté d'un petit groupe de saints a pour triste corollaire de provoquer le courroux de Dieu contre tout son peuple. Cet argument des neuf tribus et demie a agi puissamment sur les cœurs des deux tribus et demie. Il fut aussi un avertissement des plus solennels, basé sur les principes du gouvernement de Dieu.
            Ce qui distinguait les purs des impurs (v. 19), suivant le pays où ils habitaient, c'était la présence du tabernacle parmi eux, non pas des notions ou des questions humaines, mais la nuée glorieuse et l'arche du témoignage. Les fils d'Israël avaient là de quoi inviter leurs frères dans un lieu sanctifié comme celui-là ! Ce n'est que là où Dieu se trouve que les siens peuvent demeurer dans la pureté et dans la paix. Si Christ lui-même était plus véritablement le centre des siens, sa sainte présence ferait obstacle au péché et chasserait toute amertume et tout orgueil.
            Il n'y a pas de preuve plus convaincante de la piété sincère des neuf tribus et demie que leur patience à écouter les arguments des quarante mille guerriers, ou plutôt des deux tribus et demie (22 : 21). Ces arguments furent acceptés par leurs frères, et la paix fut maintenue. Leurs paroles furent bonnes aux oreilles des fils d'Israël qui se réjouirent de ce que l'Eternel était parmi eux, les gardant de s'éloigner de Lui ouvertement, et les mettant eux-mêmes à l'abri du feu consumant de son jugement et de la cruelle nécessité de se battre contre leurs frères. L'acte des quarante mille était en apparence aussi sombre que l'avaient craint les fils d'Israël, mais Dieu, qui connaît les motifs de nos cœurs, leur accorda la grâce d'apprendre, par une enquête patiente, quel était le vrai motif de cet acte, sauvant ainsi la nation de la destruction. Si les chrétiens, dans leurs controverses, observaient ce principe, ils seraient souvent préservés de divisions douloureuses, dont le moins qu'on puisse dire est qu'elles sont aussi dévastatrices, sinon aussi mortelles que le tranchant de l'épée.

                        Les tristes conséquences de l’infidélité

           Au bout de quelques années, ces temps prospères prirent fin pour Israël, et ce fut Bochim - « ceux qui pleurent » (Jug. 2 : 1). Alors commença la période douloureuse du déclin national. L'Eternel, plein de compassion, suscita des juges pour délivrer son peuple qui s'égarait. C'est alors qu'il nous est parlé d'un temps de mise à l'épreuve (Jug. 5). Mais où étaient donc les deux tribus et demie ? L'autel de grande apparence leur inspira-t-il le désir de consacrer leurs vies à la cause du pays de la promesse ? « Galaad est demeuré au-delà du Jourdain », il est resté chez lui, à son aise. « Aux divisions de Ruben, grandes considérations de cœur », autrement dit, les quarante mille se contentèrent de prendre de grandes résolutions, mais c'est tout ! « Pourquoi es-tu resté entre les barres des étables, à écouter le bêlement des troupeaux ? » (v. 16). N'est-ce pas parce qu'à la trompette guerrière tu as préféré la flûte des bergers ? Il faut, en vérité, une nécessité bien urgente pour inciter à l'action un croyant qui recherche ses aises. Demeurer chaque jour tout près de Christ est la seule chose qui met l'âme à l'abri du déclin spirituel. Le zèle, les richesses, les gains, les bénédictions d'autrefois, le fait d'avoir jadis foulé le sol de l'héritage de l'Eternel, tout cela est sans effet !
            En un temps où beaucoup d'âmes se détournent, heureux sont ceux qui héritent « plus avant », et qui endurent les épreuves comme de bons soldats de Christ.
            Plus tard, dans l'histoire d'Israël, nous retrouvons les deux tribus et demie en captivité, et le pays de Galaad définitivement perdu (1 Rois 22).

 

D’après H. F. Witherby