ESQUISSE DU LIVRE DES NOMBRES (10)
La soif (Nom. 20 : 2-5)
Nous arrivons à la fin des quarante années dans le désert. Les tribus ont erré pendant quelque trente-huit ans pour revenir enfin à Kadès (v. 1). La plupart de ceux qui sont sortis d’Egypte à l’âge de vingt ans sont morts ; une nouvelle génération les a remplacés ; sera-t-elle meilleure que ses pères ? En Egypte, ceux-ci avaient vécu sous l’oppression et dans l’ignorance ; leurs fils, au désert, ont été instruits par Moïse, ils ont reçu la Loi, ils ont vu les merveilles que l’Eternel a accomplies en leur faveur ; ils ont été aussi avertis par sa discipline.
Dieu va les mettre à l’épreuve par la soif. Epreuve dure s’il en fut, qu’elle soit physique ou spirituelle. La « chair », chez les fils comme chez les pères, n’a pas changé. Le peuple conteste avec Moïse, en répétant : « Pourquoi avez-vous amené la congrégation de l’Eternel dans ce désert, pour y mourir… ? Et pourquoi nous avez-vous fait monter d’Egypte… ? » (v. 4-5). Ils auraient même préféré périr quand leurs frères sont morts devant l’Eternel (v. 3).
Dans maintes portions de la Parole, Dieu permet la soif. Agar, en Genèse 21 :15-16, a vite épuisé l’eau de son outre, symbole des ressources humaines, si précaires dans le chemin de la vie. Elle pleure, l’enfant crie ; Dieu ouvre ses yeux ; au puits d’eau qu’Il lui révèle, elle se désaltère, comme auparavant à Beër-Lakhaï-roï : le puits du Vivant qui se révèle (Gen. 16 : 14).
Epuisé par sa lutte contre l’ennemi, Samson crie à Dieu dans sa très grande soif (Jug. 15 : 18). L’Eternel répond en fendant le rocher creux dont sort de l’eau ; Samson peut boire à En-Hakkoré : la source de celui qui crie.
Le Seigneur Jésus lui-même a connu la soif. Au puits de Sichar, lassé de la route, Il demandait à boire à la femme samaritaine, lui, le Créateur de toutes choses. Par-dessus tout, sur la croix, lorsque sa langue s’attachait à son palais (Ps. 22 : 15), Il a dû dire : « J’ai soif ».
Maintenant, à cause de l’œuvre de la rédemption, Il répète à chacun : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive » (Jean 7 : 37). « Celui qui croit en moi n’aura jamais soif » (Jean 6 : 35).
Dieu peut permettre la soif, afin de nous amener à boire, non une fois, mais tous les jours de notre vie. Non seulement nous serons désaltérés, mais « l’eau que je lui donnerai sera en lui une fontaine d’eau jaillissant en vie éternelle » (Jean 4 : 14) ; « des fleuves d’eau vive couleront du plus profond de son être » (Jean 7 : 38). Ainsi jaillira vers Dieu l’adoration de nos cœurs, et coulera vers nos frères la bénédiction que produit l’Esprit.
Le découragement (Nom. 21 : 4-7)
Rappelant le début de la marche au désert, Jérémie dit de la part de l’Eternel : « Je me souviens de toi, de la grâce de ta jeunesse, de l’amour de tes fiançailles, quand tu marchais après moi dans le désert, dans un pays non semé. Israël était saint à l’Eternel, les prémices de ses fruits » (Jér. 2 : 2-3). Les années avaient passé ; l’attachement du début avait fait place aux murmures, aux plaintes, à la révolte même : « Mon peuple n’a pas écouté ma voix, et Israël n’a pas voulu de moi... Oh ! si mon peuple m’avait écouté !... Il les aurait nourris de la moelle du froment, et je t’aurais rassasié du miel du rocher » (Ps. 81 : 11-16).
La route est longue. Il faut encore faire le « tour du pays d’Edom ». Est-il étonnant que le cœur du peuple s’impatiente en chemin ? Ce découragement l’amène à parler contre Dieu et contre Moïse, à dire à nouveau : pourquoi ? Et il ajoute, en parlant de la manne : « Notre âme est dégoûtée de ce pain misérable » (v. 5). Le « pain misérable » représentait pourtant Christ, « pain vivant descendu du ciel » (Jean 6 : 51). Si le cœur n’a plus d’intérêt pour Lui, il se vide, et Satan s’apprête à le remplir.
L’Eternel va les châtier et leur faire sentir la méchanceté de l’ennemi agissant par la chair : des serpents brûlants les mordent et les tourmentent. Il veut les amener à dire, pour la première fois en toute sincérité : « Nous avons péché ».
Peut-être y a-t-il des chrétiens qui ne se sont jamais découragés ? Dans l’Ancien Testament, Caleb en est un exemple ; au cours d’une longue carrière, il a « pleinement suivi l’Eternel ». On peut être lassé de la route, le Seigneur Jésus l’a été. On peut être abattu, terrassé par l’épreuve - l’apôtre Paul le mentionne (2 Cor. 4 : 9). Mais le découragement va plus loin : la cause en est surtout le manque de foi, qui est un péché ; on a perdu de vue « Celui qui est invisible ». On est prêt à abandonner, à dire : à quoi bon ? devant la contradiction extérieure, les déceptions, la monotonie du chemin.
Que faire ? « Si tu perds courage au jour de la détresse, ta force est mince » (Prov. 24 : 10). Même sous la discipline du Père (Héb. 12 : 5), on peut perdre courage. On sait pourtant que la « joie de l’Eternel est votre force » (Néh. 8 : 10), mais cette joie on l’a comme perdue. Il reste un seul, un grand, un merveilleux remède : « Considérez celui qui a enduré une telle contradiction de la part des pécheurs contre lui-même, afin que vous ne soyez pas lassés, étant découragés dans vos âmes » (Héb. 12 : 3). De Moïse il pouvait être dit : « Il tint ferme, comme voyant celui qui est invisible » (Héb. 11 : 27). Considérer Celui qui a enduré : il n’est pas besoin de commentaires, mais de porter sur Lui un long regard, d’avoir à son sujet une profonde méditation.
Alors on pourra juger le péché d’avoir manqué de foi et de confiance, de s’être laissé abattre par les circonstances ou l’opposition ; on apprendra à voir la main du Père dans l’adversité qui nous a oppressés et, en s’abandonnant « aux bras éternels » (Deut. 33 : 27), on recevra la grâce d’une foi fortifiée. Celui qui a passé par de telles expériences peut alors « redresser les mains lassées et les genoux défaillants » (Héb. 12 : 12). C’est ce que Paul faisait sur le navire en détresse (Act. 27), ou les frères de Rome à l’égard de l’apôtre lui-même, alors que prisonnier fatigué et las de la route, il approchait de cette ville qu’il avait tant désiré voir : « Les frères... sont venus à notre rencontre... ; quand il les vit, Paul rendit grâces à Dieu et prit courage » (Act. 28 : 15).
La fornication (Nom. 25 : 1-5 ; Apoc. 2 : 14)
Cette sombre page de la Parole de Dieu a été écrite pour nous servir d’avertissement ; dans ce domaine plus que dans tout autre, l’exhortation : « Que celui qui croit être debout prenne garde de ne pas tomber » (1 Cor. 10 : 12) a toute sa place. Ne disons jamais : « Cela ne m’arrivera pas ». Il faut toute la puissance de Dieu, et aussi beaucoup de vigilance, pour ne pas s’engager avec légèreté dans des circonstances sans issue.
Israël était arrivé à l’ultime étape du voyage ; il habitait en Sittim, d’où, avec Josué, il allait partir pour traverser le Jourdain. Malgré toutes les chutes et les errements de la route, Satan n’avait pas réussi à le détruire, ni amener Dieu à devoir le juger définitivement. La malédiction que Balaam voulait proférer pour une récompense, avait été changée en bénédiction. Que pouvait, à l’instigation de l’Ennemi, imaginer ce méchant homme pour perdre le peuple de Dieu et mériter le salaire convoité ? « Balaam… enseignait à Balak à jeter une pierre d’achoppement devant les fils d’Israël, pour qu’ils mangent ce qui est sacrifié aux idoles et pour qu’ils commettent la fornication » (Apoc. 2 : 14). Nombres 25 ne mentionne même pas le prophète, mais dans l’ombre il posait son piège. N’oublions pas qu’aujourd’hui l’Ennemi n’a pas changé !
« Le peuple commença... » (v. 1). Quel fut ce début ? Ils acceptèrent l’invitation des jeunes filles de Moab à participer à leurs festins, à sortir avec elles ; « le peuple mangea, et se prosterna devant leurs dieux. Et Israël s’attacha à Baal-Péor » (v. 2-3). L’invitation initiale paraissait bien agréable, mais le chemin est rapidement descendu vers l’abîme.
Prenons garde aux invitations du monde. Dina, fille de Jacob, croyait peut-être ne faire qu’une visite de politesse aux filles de Sichem (Gen. 34) ; bien vite elle a entraîné dans le malheur, ainsi que celui aux yeux duquel elle avait plu, toute sa ville, et sa propre famille.
La colère de l’Eternel s’embrase contre Israël. Les chefs du peuple doivent être pendus devant Lui. Les juges doivent tuer leurs hommes qui se sont attachés à Baal-Péor. Phinées transperce la femme impure et le prince de Siméon qui avait outragé le peuple. Ceux qui moururent de la plaie furent vingt-quatre mille. Plus d’alliance avec Madian, mais la guerre (v. 17 et chap. 31).
La tribu de Siméon (25 : 14), décimée, se verra fortement réduite au deuxième dénombrement (26 : 14), à vingt-deux mille deux cents hommes contre cinquante-neuf mille trois cents à Sinaï, avec cette lourde conséquence : « à ceux qui sont peu nombreux, tu diminueras l’héritage » (26 : 54). Si nous pensons à la « couronne », à la récompense promise dans le ciel à ceux qui sont fidèles, un tel exemple garde toute sa solennité.
Dirons-nous qu’aujourd’hui les choses ont changé, que les relations entre jeunes gens et jeunes filles ne sont plus les mêmes, qu’il faut bien faire comme les autres ? L’Ecriture est catégorique à ce sujet : « Que personne ne vous séduise par de vaines paroles (en vous faisant croire que ces procédés ne sont pas si graves) ; car à cause de cela, la colère de Dieu vient sur les fils de la désobéissance » (Eph. 5 : 5-6). Même sous la grâce, la sainteté de Dieu n’a pas varié ; ce qui touche à la transmission de la vie, tout en étant parfaitement naturel à sa place, garde un caractère sacré.
Le livre des Proverbes nous donnent dans ce domaine des avertissements qu’il importe de retenir (5 : 3-14 ; 6 : 24-35 ; 7). Ce n’est pas en vain que la Parole met en garde le jeune homme contre « l’étrangère ». Pour commencer, tout est miel, tout est doux, mais « la fin est amère comme l’absinthe ». L’Ennemi est habile ; là où il n’a pas réussi à détourner le cœur du Seigneur par l’orgueil ou le découragement, là où l’on a veillé aux murmures, aux plaintes ou à la médisance, il sait encore quel moyen employer. C’est pourquoi : « Eloigne ta voie d’auprès d’elle, ne t’approche point de l’entrée de sa maison ». Ce qui peut-être nous a paru si anodin, un soir de désœuvrement, peut entraîner bien plus loin qu’on ne le croyait à première vue. Ensuite c’est l’esclavage ! On l’a vu souvent : les biens servent à rassasier des étrangers (5 : 10) ; le corps atteint par la maladie « se consume » (v. 11). Que de regrets amers de n’avoir « pas écouté la voix de ceux qui instruisaient », et d’être entré « dans toutes sortes de mal au milieu de l’assemblée » (v. 12-14) !
Quel beau contraste nous offrent les versets 15 à 19 de Proverbes 5 ! Car Dieu veut la joie des siens. Heureux celui qui peut fonder un foyer avec celle qu’il a reçue de la main du Seigneur et pour laquelle il a été gardé pur.
Les coeurs partagés (Nom. 32 : 1-8, 14-19, 23-27 ; Jos. 1 : 12-16 ; 22:9, 19, 24)
Le récit que la Parole a voulu nous conserver des fils de Ruben et de Gad est un tableau d’un des dangers les plus actuels qui menacent nos familles.
Ces tribus possédaient des troupeaux en grandes quantités ; ils constatent que le pays de Galaad est favorable pour leur bétail ; pourquoi ne pas s’y installer ? D’ailleurs l’Eternel n’avait-il pas frappé ce pays devant l’assemblée d’Israël ? Et de conclure, sans Le consulter : « Que ce pays soit donné en possession à tes serviteurs ; ne nous fais pas passer le Jourdain » (32 : 5).
Quelles furent les conséquences d’un tel choix ? Gad et Ruben risquaient de décourager les fils d’Israël de passer dans le pays que l’Eternel leur avait donné (v. 7). Cela devenait un danger pour tout le peuple (v. 15). Ils entraînent avec eux la demi-tribu de Manassé. Lorsque les hommes des deux tribus et demie, en âge de porter les armes, s’engagent à participer à la conquête, ils doivent installer leurs familles en Galaad et en rester séparés pendant des années : « Nos petits-enfants, nos femmes, nos troupeaux et toutes nos bêtes seront là dans les villes de Galaad ; et tes serviteurs, tous équipés pour l’armée, passeront devant l’Éternel pour aller à la guerre » (v. 26-27).
Ainsi seuls les pères traversent le Jourdain et vivent la conquête. Ils combattent aux côtés de leurs frères et vont jusqu’au bout de ce qui leur incombe (Jos. 22 : 3). Mais l’Ennemi a réussi à séparer les familles ! Les femmes, les enfants, les jeunes, restés en Galaad, n’ont jamais traversé le Jourdain avec l’arche, et n’ont pas vécu les péripéties de la victoire. Installés en deçà de la frontière, ils jouissent des bénédictions de la providence divine et c’est tout.
Qu’en est-il aujourd’hui ? N’y a-t-il pas deux sortes de christianisme ? L’un « partiel » apprécie les soins de Dieu, son support, son secours, sa bénédiction terrestre, correspondant à la vie au désert, ou même en Galaad. On est heureux d’être sauvé, d’éprouver les bienfaits d’en haut, mais on ne s’est jamais livré à Dieu « comme d’entre les morts étant faits vivants » (Rom. 6 : 13 ; 12) ; on ignore la portée de l’exhortation de Jésus : « Cherchez d’abord le royaume de Dieu » (Matt. 6 : 33).
La vraie vie chrétienne implique ce que figurent le Jourdain et le pays. Saisir par la foi notre mort et notre résurrection avec Christ, cette vie nouvelle, vie en abondance, qui ne peut être vécue que par la foi, en s’emparant des bénédictions spirituelles données de Dieu. Il y aura des combats, des exercices, mais l’on apprendra, étant ressuscité avec Christ, à chercher ce qui est en haut, à penser à ce qui est en haut (Col. 3 : 1-2). On saura qu’on a dans les cieux un héritage incorruptible, inaltérable, conservé pour nous (1 Pier. 1 : 4). On pourra aller au sanctuaire, là où se trouve l’arche, et adorer.
En Josué 22, vient le moment tragique et décisif. Les pères ont combattu et conquis aux côtés de leurs frères. Vont-ils maintenant rejoindre leurs familles en Galaad, « d’auprès des fils d’Israël, de Silo, qui est dans le pays de Canaan, pour aller dans le pays de Galaad, le pays de leur possession » ? (Jos. 22 : 9). Ou bien feront-ils venir en Canaan leurs familles jusqu’ici installées en Galaad, selon l’exhortation de Phinées : « Passez dans le pays qui est la possession de l’Éternel, où est le tabernacle de l’Éternel, et ayez votre possession au milieu de nous » (v. 19) ? Comme cela arrive trop souvent, ce ne sont pas les pères, pourtant plus « spirituels », qui ont prévalu sur la famille ; la famille a prévalu sur les pères !
Ces derniers retournent en Galaad. Mais ils sentent très bien le danger qui menace leurs enfants. Ils dressent au bord du Jourdain un autel de grande apparence, non pour offrir des sacrifices, mais pour montrer qu’ils conservent les formes du culte de l’Éternel (v. 26-27). On n’abandonne pas complètement la Parole ; on la lit encore, on rend grâces à table, on fréquentera occasionnellement le culte ; mais le cœur n’y est plus ; la vitalité s’affaiblit. Une ou deux générations passent, et que reste-t-il ?
Il nous est impossible de donner la vie éternelle à nos enfants, c’est l’œuvre de Dieu ; mais nous pouvons être des obstacles à ce travail divin, par notre attitude, par notre recherche des choses du monde, par notre manque de cœur pour le Seigneur. Les enfants savent très bien voir si les parents « apprécient le pays ».
Quant aux jeunes, qu’ils s’en souviennent : ce n’est pas d’avoir été élevés dans un foyer chrétien qui leur fera « traverser le Jourdain ». Chacun doit en prendre la décision pour lui-même, sous le regard du Seigneur, en suivant l’arche à travers le fleuve de la mort. S’il n’y a pas un renouveau spirituel pour chaque membre de chaque génération, il ne reste bientôt plus que tradition et formes qui s’effacent peu à peu.