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ESQUISSE DU LIVRE DES NOMBRES (8)
 
 

Les murmures et les pièges

            Deutéronome 8 : 2 explique le pourquoi du désert : « L’Eternel, ton Dieu, t’a fait marcher ces quarante ans, dans le désert, afin de t’humilier, et de t’éprouver, pour connaître ce qui était dans ton cœur ». Le peuple va ainsi être mis à l’épreuve, afin de se connaître lui-même et d’en venir à l’inéluctable conclusion qu’il ne pourra entrer dans le pays promis que sur le pied de la grâce. En effet, comme nous l’avons vu, le but suprême du désert est celui-ci : « afin de t’humilier et afin de t’éprouver, pour te faire du bien à la fin » (Deut. 8 : 16).
            Dieu avait pourvu à tout : le peuple était rassemblé autour d’un centre, l’arche, qui marchait devant eux dans le désert ; la nuée était là pour les conduire, les trompettes pour les avertir (voir Ps. 32 : 8) ; chaque jour la providence divine leur envoyait la manne ; ils buvaient d’un « rocher spirituel » qui les suivait. Onze journées (Deut. 1 : 2) auraient suffi pour les amener à la frontière du pays.
            Pourquoi tant d’années perdues dont Nombres 33 nous donne les nombreuses étapes ? De celles-ci, la Parole ne retient que le nom : il n’en restait rien pour Dieu ; elles n’étaient que le châtiment de leur incrédulité.
            Les chapitres qui suivent vont nous donner les motifs de cette tragédie.

 

                        Les plaintes (Nom. 11 : 1-3)

            « Le peuple se plaignait ». Aucune raison ne nous en est donnée, aucun détail, mais ne reconnaissons- nous pas là un fait si fréquent parmi nous ? Après avoir tant reçu, y a-t-il même raison de se plaindre ? « Pourquoi un homme vivant se plaindrait-il… à cause de la peine de ses péchés ? » (Lam. 3 : 39). Si la difficulté rencontrée n’est que la conséquence de nos fautes, ne convient-il pas de l’accepter avec humilité ? Mais il y a plus encore : « Qui est-ce qui dit une chose, et elle arrive, quand le Seigneur ne l’a point commandée ? » (Lam. 3 : 37). Notre Dieu ne dirige-t-il pas chaque événement de la vie des siens, ayant en vue leur vrai bien ? « Nous savons que toutes choses travaillent ensemble pour le bien de ceux qui aiment Dieu » (Rom. 8 : 28).
            Pourquoi si souvent ces plaintes, ces murmures ? C’est le temps qui ne nous plaît pas, ou la nourriture, ou les circonstances ! On prend l’habitude de se plaindre de tout, et la vie s’assombrit. Cet esprit de plaintes détruit le témoignage et déshonore le Seigneur. « Réjouissez-vous toujours », dit l’apôtre Paul, mais il ajoute immédiatement : « Priez sans cesse ; en toutes choses rendez grâces » (1 Thes. 5 : 16-18). Ces trois attitudes sont liées : sans la prière, sans l’action de grâces, pas de joie. Dans le secret du cœur, la source de la joie est dans le Seigneur : « Le cœur heureux est un festin continuel » (Prov. 15 : 15).
            Mais cela demande tout un exercice. Même l’apôtre Paul pouvait écrire : « J’ai appris à être content dans les situations où je me trouve » (Phil. 4 : 11). Il dira à Timothée : « La piété, avec le contentement, est un grand gain » (1 Tim. 6 : 6). L’épître aux Hébreux le souligne : « Etant satisfaits de ce que vous avez présentement, car lui-même a dit : Je ne te laisserai pas et je ne t’abandonnerai pas » (Héb. 13 : 5).
            « L’Éternel l’entendit » (Nom. 11 : 1 ; 12 : 2). Nous n’avions attaché que peu d’importance à ces récriminations, mais le Seigneur l’entend et sa colère s’embrase ; dans son gouvernement, son jugement atteint le peuple : « le feu de l’Eternel brûla parmi eux » (v. 1). Le peuple crie ; Moïse intercède pour lui ; l’incendie s’arrête (v. 2) ; mais il n’y a aucun jugement de soi, pas de regrets, pas de repentir. Faut- il s’étonner que dans les versets suivants les murmures reprennent et s’accentuent ?

 
                             La convoitise  (Nom. 11 : 4-10, 13, 18-20, 30-34)

            « Un grand amas de gens » (Ex. 12 : 38) était monté d’Egypte avec Israël. Comme toujours en pareil cas, lorsque au sein du peuple de Dieu se trouvent mélangés des éléments hétéroclites, leur influence ne manque pas de se faire sentir. « Le ramassis de peuple qui était au milieu d’eux s’éprit de convoitise » (Nom. 11 : 4). Les Israélites n’avaient rien affaire avec de telles gens et n’auraient pas dû les accueillir ; de fait, ils en subissent l’influence et se mettent eux-mêmes encore à pleurer, et disent : « Qui nous fera manger de la chair ? Il nous souvient du poisson que nous mangions en Egypte pour rien... » (v. 4-5). Pas des plaintes seulement cette fois, mais des pleurs (v. 10, 13, 18). Etait-on donc si bien en Egypte ? (Ex. 5 : 13). On y trouvait - du moins le peuple le prétend - six nourritures (v. 5), comme en Assyrie (2 Rois 18 : 32), tandis que dans « le pays » il y en a sept (Deut. 8 : 8), chiffre de la plénitude divine par opposition à l’insuffisance de l’homme (six). Mais il faut des arguments pour justifier ses murmures, même s’ils sont sans valeur ou erronés. « Il n’y a rien, si ce n’est cette manne devant nos yeux », disent-ils (v. 6). Combien facilement, lorsque le goût de la Parole de Dieu se perd, on cherche des prétextes pour justifier son absence aux réunions et le trop peu de temps dont on dispose pour écouter la voix du Seigneur. Le désir du cœur s’en retourne au monde, aux choses du monde : « Si quelqu’un aime le monde, l’amour du Père n’est pas en lui » (1 Jean 2 : 15).
            La convoitise amène à désirer ce que l’on n’a pas, ce que Dieu n’a pas donné dans les circonstances où l’on se trouve. Elle conduit aussi à mépriser ce que Dieu donne : la manne, qui avait un goût de miel, n’a plus que la saveur d’un gâteau à l’huile, et plus tard elle ne sera même qu’un pain misérable (Ex. 16 : 31 ; Nom. 11 : 8 ; 21 : 5). Prenons garde. Pour nous, il ne s’agit pas seulement de mépriser une nourriture terrestre - encore que souvent on le fasse ! - mais de tenir pour peu de chose la manne céleste, Christ, le pain vivant descendu du ciel (Jean 6). Pensons à ceux, trop nombreux de nos jours, qui sont privés de bibles, et s’efforcent d’en copier quelques pages empruntées ici ou là, ou écoutées à une lointaine radio. C’est l’une des détresses annoncées par le prophète : « Voici, des jours viennent, dit le Seigneur, l’Eternel, où j’enverrai une famine dans le pays ; non une famine de pain, ni une soif d’eau, mais d’entendre les paroles de l’Eternel. Et ils erreront d’une mer à l’autre, et du nord au levant ; ils courront çà et là pour chercher la parole de l’Eternel, et ils ne la trouveront pas » (Amos 8 : 11-12).
            Si nous constatons que notre intérêt pour la Parole a baissé, ne laissons pas les choses ainsi. Notre communion avec le Seigneur est en cause ; elle a été peut-être interrompue. Recherchons-Le. Prenons le temps - à l’écart s’il le faut, quelques heures ou quelques jours - de prier et d’examiner nos voies devant Lui, afin qu’Il nous restaure, et nous fasse retrouver à sa Parole cette saveur qu’elle a perdue.
            Veillons aussi à tout ce dont nous nourrissons notre esprit. Sans doute bien des choses sont-elles utiles et profitables à leur place ; mais si nous remarquons, dans ce que nous lisons, entendons ou voyons, des choses qui gagnent le cœur et prennent la place du Seigneur et de sa Parole, ayons l’énergie d’y renoncer. « Prenez garde que personne ne fasse de vous sa proie... selon l’enseignement des hommes, selon les principes du monde » (Col. 2 : 8). Que de jeunes gens et de jeunes filles, qui paraissaient pourtant zélés pour le Seigneur, se sont laissés détourner des choses de Dieu, soit par le doute intellectuel qu’ont insinué petit à petit en eux certaines lectures et autres enseignements des hommes, soit par les convoitises de la chair qui se sont développées par tout ce que l’on a vu et entendu, et que l’on aurait dû « fuir » (2 Tim. 2 : 22). Tout cela n’a pas procuré au cœur la satisfaction profonde que seule peut donner la communion avec le Seigneur qui a dit : « Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; et celui qui croit en moi n’aura jamais soif » (Jean 6 : 35).
            Malgré les murmures et le mépris de son peuple, Dieu restait fidèle : « Quand la rosée descendait la nuit sur le camp la manne descendait dessus » (v. 9). Moralement c’était la nuit, mais la rosée descendait quand même et la manne aussi. Chaque jour de cette longue pérégrination, chaque matin, elle était là à disposition ; elle n’a cessé que le lendemain de leur entrée au pays de Canaan (Jos. 5 : 12), pour être remplacée par le blé du pays.
            Finalement Dieu donne à son peuple ce que la chair exige, et manifeste ainsi Sa puissance, mais le résultat n’en est que dégoût : « Il leur donna ce qu’ils avaient demandé, mais il envoya la consomption dans leurs âmes » (Ps. 106 : 15). Avec quel zèle farouche, ces gens amoncèlent des cailles : « Le peuple se leva tout ce jour-là, et toute la nuit, et tout le jour du lendemain, et amassa des cailles : celui qui en avait amassé le moins, en avait amassé dix khomers (environ deux tonnes !) » (v. 32). « Celui qui sème pour sa propre chair moissonnera de la chair la corruption » (Gal. 6 : 8). Que devint-il au bout de peu de jours de ces amas de cailles sous la chaleur brûlante du désert ? « Et on appela le nom de ce lieu-là Kibroth-Hattaava (les sépulcres de la convoitise), parce qu’on y enterra le peuple qui avait convoité » (v. 34).

            Si tu voulais remercier Dieu pour toutes les joies qu’Il te donne, tu n’aurais plus le temps de te plaindre.

 
                       La jalousie et la médisance (Nom. 12)

            Du trio des frères et sœur, Marie était l’aînée. Jeune fille, elle avait veillé sur le petit Moïse (Ex. 2 : 4, 7). Elle était prophétesse (Ex. 15 : 20). Se crut-elle évincée de son influence par le retour de Séphora ? (voir Ex. 18 : 5 ; Nom. 12 : 1). Quoi qu’il en soit, elle gagne Aaron à son mécontentement et tous deux parlent contre Moïse : « L’Eternel n’a-t-il parlé que par Moïse seulement ? N’a-t-il pas parlé aussi par nous ? » (v. 2). La « femme éthiopienne » donnait un prétexte pour exprimer cette plainte, mais le motif profond n’était-il pas la jalousie ? Finalement, Moïse était seulement le cadet ; son frère et sa sœur voulaient bien croire que Dieu avait parlé par lui, mais aussi par eux. Ils avaient de la peine à accepter l’influence grandissante que Dieu conférait à son serviteur, alors qu’ils auraient dû reconnaître la place d’autorité qu’Il lui avait confiée.
            N’en est-il pas ainsi souvent parmi nous ? Par jalousie, par dépit, on se met à parler en mal de tel ou tel frère, même d’un serviteur du Seigneur. Sans aller si loin, on se complaît à la médisance, à rapporter un mal réel, dans le but de déprécier aux yeux de son interlocuteur celui qui l’a commis. On va même jusqu’à la calomnie, en racontant ce qui est faux, ou fortement exagéré. Le mal fait est irréparable. Après s’être humilié devant le Seigneur, on pourra bien s’excuser auprès de son interlocuteur et le prier d’oublier, mais entre-temps le mal se sera sans doute déjà répandu et aura fait son œuvre. Trois choses, dit le proverbe arabe, ne peuvent être retenues : la flèche qui vole, la parole dite, le temps passé. Jacques avertit : « Si quelqu’un pense être religieux et qu’il ne tienne pas sa langue en bride… son service religieux est vain » (1 : 26). Pensons aussi à l’effet produit sur nos enfants, qui trop souvent entendent au foyer médisances et critiques.
            Lévitique 19 : 16 l’avait précisé : « Tu n’iras point çà et là médisant parmi ton peuple ». L’apôtre Pierre en souligne toute la gravité : « Rejetant... les médisances de toute sorte, désirez ardemment... le pur lait de la Parole... si toutefois vous avez goûté que le Seigneur est bon » (1 Pier. 2 : 1-3). Ce « si toutefois » ne semble-t-il pas mettre en doute que l’on ait pu goûter la bonté du Seigneur si on se livre à la médisance ? Elle est d’abord conçue dans le cœur, dans ces griefs que l’on nourrit contre tel ou tel, ou dans cette importance que l’on s’attribue à soi-même ; puis l’Ennemi sait si bien susciter l’occasion propice où la parole mauvaise sera prononcée. On voudra se vanter de « savoir ce qu’il en est ». Trop souvent, comme si l’on manquait de sujets édifiants de conversation, on médit d’autrui. Et de telles « révélations » sont comme des « friandises » (Prov. 26 : 22) pour ceux qui les écoutent ! « La langue est un petit membre et elle se vante de grandes choses. Voyez comme un petit feu peut allumer une grande forêt ! Et la langue est un feu » (Jac. 3 : 5). Une promesse est faite au début du Psaume 15 à celui qui ne médit pas de sa langue : il « séjournera dans la tente » de l’Eternel : communion bénie avec son Seigneur de celui qui a veillé sur ses lèvres. David suppliait : « Que les paroles de ma bouche et la méditation de mon cœur soient agréables devant toi, ô Eternel » (Ps. 19 : 14). Les résolutions et les contraintes extérieures ne seront pas un secours suffisant : la langue ne peut se dompter. C’est l’être intérieur qui doit être changé, renouvelé, transformé. Il faut juger les pensées mauvaises qui nous poussent à médire de notre frère ou même à le calomnier, quand elles sont encore en nous.
            Objet de la médisance de Marie et Aaron, Moïse se tait ! Mais « l’Eternel l’entendit » (v. 2). Il les convoque tous les trois à la tente d’assignation ; puis Il fait se tenir devant Lui, tout seuls, Aaron et Marie. Il prend la défense de son serviteur, fidèle dans toute Sa maison, avec lequel Il parle bouche à bouche, et qui voit la ressemblance de l’Eternel : « Pourquoi n’avez-vous pas craint de parler contre mon serviteur, contre Moïse ? Et la colère de l’Eternel s’embrasa contre eux... et voici, Marie était lépreuse, comme la neige ; et Aaron se tourna vers Marie, et voici, elle était lépreuse » (v. 8-10). La prophétesse, qui avait chanté les louanges de l’Eternel, devrait être dorénavant exclue hors du camp, et mener une vie misérable jusqu’à ce que la mort la délivre de son affreuse maladie.
            Quelle tragédie ! Dieu ne prend pas ces choses à la légère. La conscience d’Aaron et de Marie parle. Ils se repentent. Ils reconnaissent leur péché, par lequel ils ont agi follement. Aaron, quoique sacrificateur, n’est plus à même de prier pour sa sœur. A sa demande instante, Moïse, pour la première fois dans cette scène, ouvre la bouche, sans aucun ressentiment ; il crie à l’Eternel : « O Dieu ! je te prie, guéris-la, je te prie » (v. 13). Mais la discipline doit suivre son cours. Marie sera restaurée, quoique d’abord, elle demeure « sept jours dans la honte », exclue, hors du camp. Tout le peuple en souffre avec elle : il ne part pas jusqu’à ce que Marie soit recueillie.
            « Pourquoi n’avez-vous pas craint de parler contre mon serviteur ? ». Cette parole ne résonne-t-elle pas aussi aux oreilles de notre conscience ? Sans doute, chaque serviteur du Seigneur a-t-il ses manquements et ses déficiences (Jac. 3 : 1) ; ce n’est pas une raison pour les relever, les « monter en épingle » et s’en servir contre eux. Au contraire, l’amour couvre les fautes d’autrui ; il en parle au Seigneur pour que Lui corrige et guérisse ; parfois devra-t-on en parler directement à l’intéressé, si l’on y est conduit. Médire des serviteurs de Dieu ou de nos frères, quels qu’ils soient, ne peut qu’attirer la discipline du Seigneur sur nous-mêmes, entravant la communion avec Lui, rendant « vain » notre service, produisant le desséchement dans l’âme, et des fruits souvent bien amers.
            Ne devrions-nous pas prendre beaucoup plus à cœur ce péché de médisance que nous commettons si légèrement ? Ne pas accueillir non plus les commentaires défavorables qui nous sont faits, ou répondre comme tel frère devant qui on en critiquait un autre : « Je vais lui en parler ». Et l’interlocuteur aussitôt de le prier de n’en rien faire ! Dans le jugement de nous-mêmes, chercher les causes qui nous ont amenés à médire, les juger vraiment devant Dieu, et en accepter, s’il le faut, la honte et la correction nécessaire.

 

                                                                                       D’après G. André

  
A suivre