LA DEUXIEME EPITRE AUX CORINTHIENS (6)
Caractéristiques des serviteurs (v. 3-10)
Affection (v. 11-13)
Séparation (v. 14-17 ; 7 : 1)
Après avoir présenté au chapitre 4 les sources de puissance et au chapitre 5 les motifs de son service, Paul décrit maintenant les caractères moraux du ministère chrétien.
Dans la première épître, l'apôtre avait déjà parlé de lui et de ses compagnons comme de « collaborateurs de Dieu » (1 Cor. 3 : 9) ; il reprend ici la même pensée en relation avec leur service en commun pour Dieu et sous son autorité, afin de donner du poids à l'exhortation qu'il adresse aux Corinthiens : de ne pas avoir reçu en vain la grâce de Dieu qui leur avait été apportée par les « ambassadeurs pour Christ » et « le service de la réconciliation » (v. 1). Il ne laisse en aucune manière sous-entendre que quelqu'un qui est sauvé par la grâce peut de nouveau être perdu, mais il met en garde contre une illusion trompeuse ceux qui en apparence invoquaient le nom du Seigneur Jésus (comp. 1 Cor. 1 : 2), mais dont la marche ne s'accordait nullement avec l’appel de la grâce de Dieu.
L'apôtre appuie son exhortation par une citation d'un passage du prophète Esaïe, dans lequel l'Eternel dit à son Oint, le Messie, qu'il lui a répondu et l'a secouru (v. 2 ; Es. 49 : 8). L'exaucement et le secours accordés font allusion à sa résurrection. Paul fait l'application des expressions « le temps agréable » et « le jour du salut » à toute la période de la grâce, commencée par la résurrection de Christ. Mais le temps de la grâce prendra aussi fin un jour !
Paul reprend l'exhortation du verset premier et se l'applique à lui-même. Il savait mieux que quiconque l'importance d'une marche en harmonie avec la parole prêchée. C'est pourquoi il attachait une grande importance à ne donner « aucun sujet de scandale à personne, afin que le service ne soit pas blâmé » (v. 3). Quel contraste avec les docteurs de la loi et les pharisiens, à l'égard desquels le Seigneur a dû déclarer : « Tout ce qu’ils vous disent, faites-le et observez-le ; mais ne faites pas selon leurs œuvres, car ils disent et ne font pas » (Matt. 23 : 3).
Le caractère le plus important de ceux qui se présentent (ou se recommandent) comme serviteurs de Dieu est la patience ; en relation avec les signes d'un apôtre (12 : 12), elle est placée avant « les signes, les prodiges et les miracles ». Mais quant à Paul et à ses compagnons, ce n’était de loin pas tout. Trois groupes de neuf caractéristiques chacun sont mentionnés relativement au service de ces fidèles serviteurs de Dieu, qui nous montrent tout ce qu'ils enduraient par amour pour leur bien-aimé Seigneur.
Le premier groupe comprend aussi trois parties : d'abord les souffrances d'ordre général (tribulations, nécessités, détresses), puis celles de la part des ennemis de l'évangile (coups, prison, désordres), et finalement les privations qu'ils s'imposaient (labeurs, veilles, jeûnes) (v. 4-5). Nous en trouvons une grande partie dans les récits du livre des Actes, et Paul lui-même cite aussi dans ses épîtres certaines de ces expériences rencontrées dans son inlassable ministère pour Dieu.
Dans le deuxième groupe, neuf caractéristiques positives, en relation avec la marche et le travail des vrais serviteurs de Dieu, sont énumérées : « Par la pureté, par la connaissance, par la patience, par la bonté, par l'Esprit Saint, par un amour sans hypocrisie, par la parole de la vérité, par la puissance de Dieu, en usant des armes de justice de la main droite et de la main gauche », dans lesquelles on peut bien discerner le bouclier et l'épée, c'est-à-dire ces armes défensive et offensive (v. 6-7 ; comp. Eph. 6 : 16-17).
Le troisième groupe comprend neuf contrastes faisant partie des expériences rencontrées par l'apôtre et ses compagnons dans leur service : « Dans la gloire et le déshonneur, dans la mauvaise et la bonne renommée ; tenus pour imposteurs, et pourtant véridiques ; pour inconnus, quoique bien connus ; considérés comme mourants, et voici nous vivons ; comme châtiés, et non pas mis à mort ; comme attristés, mais toujours joyeux ; comme pauvres, mais enrichissant un grand nombre ; comme n'ayant rien, et possédant tout » (v. 8-10). La plupart de ces paires de mots opposés expriment d'un côté l'appréciation de Dieu et de l'autre, celle des hommes, on pourrait également dire : la spirituelle et la non spirituelle.
Un tout autre contraste se manifestait dans les appréciations réciproques des serviteurs du Seigneur et des Corinthiens. C'est celui qui existe entre la largeur et l’étroitesse du cœur. Paul et ses compagnons exposaient avec une grande liberté leurs circonstances, ce qui n'avait pas été le cas lors de la rédaction de la première lettre à cause de l'état de l'assemblée à Corinthe. Aussi Paul n'était-il maintenant plus à l'étroit, mais son cœur s'était élargi à leur égard, ce qui caractérisait en général toujours ce grand apôtre.
L'appréciation des Corinthiens à l'égard de l'apôtre était cependant tout autre, car ils estimaient ne pas occuper la place appropriée dans son cœur. Paul doit donc leur dire que, du fait de cette estimation erronée, ils étaient à l'étroit dans leurs propres affections. Dans son cœur plein d'amour pour tous les enfants de Dieu, il y avait aussi de la place pour eux ; mais dans le leur, il n'y en avait pas pour lui. Les considérant comme ses enfants, il les prie d'avoir envers lui la même largeur de cœur qu’il avait lui-même pour eux, et par là de lui rendre en quelque sorte la pareille.
Dans un autre sens, les croyants à Corinthe montraient cependant une « largeur » tout à fait fausse, à l'égard de laquelle l'apôtre devait leur adresser de sérieux avertissements ! Tandis qu'il y avait peu de place dans leurs cœurs pour un vrai amour pour leur Seigneur et Sauveur et pour ses serviteurs, ils étaient ouverts au monde et aux choses du monde. Si nos cœurs ne sont pas remplis du Seigneur Jésus, l'amour pour le monde s'y insinue.
L'avertissement du verset 14 : « Ne vous mettez pas sous un joug mal assorti avec les incrédules » n'introduit ainsi pas un sujet réellement nouveau, mais il est directement lié à l'exhortation du verset 1, de ne pas avoir reçu la grâce de Dieu en vain. Il ne vise pas uniquement l'idolâtrie alors si répandue (1 Cor. 8 ; 10 : 14, 19-22), ni directement le mariage de croyants, développé en détail en 1 Corinthiens 7. Dans ce passage important, tous les enfants de Dieu sont mis en garde contre toute forme d'association avec le mal, s'ils veulent jouir d'une réelle communion avec Dieu le Père et être un témoignage vivant pour Lui et pour sa grâce.
L'image du « joug mal assorti » est tirée de la loi du Sinaï, qui interdisait aux Israélites d'atteler ensemble un bœuf et un âne à la charrue (Deut. 22 : 10). Le bœuf était un animal pur, l'âne un animal impur ; de plus, ils sont si dissemblables qu'ils ne peuvent pratiquement pas travailler ensemble. Paul applique cette figure tirée de l'Ancien Testament à l'union d'un chrétien avec un incrédule. Ils sont l'un et l'autre si totalement différents aux yeux de Dieu quant à leur position, qu'ils ont aussi des intérêts opposés à tous égards. Un tel « attelage » est une abomination pour Dieu et devrait l'être aussi pour nous.
Comme justification, Paul présente d'abord les principes caractéristiques de chacun d'eux, qui s'excluent réciproquement : il n'y a aucune relation entre la justice et l'iniquité, aucune communion entre la lumière et les ténèbres. Le croyant est justice de Dieu en Christ et lumière dans le Seigneur, tandis que l'incrédule vit dans l'injustice et dans les ténèbres, il est lui-même ténèbres (5 : 21 ; Eph. 5 : 8).
Deuxièmement, il signale que chacun d'eux a son chef : l'un Christ, l'autre Bélial (le diable). Existe-t-il une quelconque entente entre eux ? Non, car ils sont dans la plus grande opposition possible. Dans l'Ecriture sainte, le monde est en opposition et en contradiction avec Dieu le Père, le diable avec Christ, le Fils de Dieu, et la chair avec le Saint Esprit (comp. 1 Jean 2 : 15 ; Gal. 5 : 17).
Il en résulte une conséquence pratique pour le croyant. Un véritable enfant de Dieu a-t-il quelque relation que ce soit avec un incrédule, ou les croyants collectivement comme le temple de Dieu ont-ils quelque chose de commun avec les idoles ? En aucun cas ! Ce serait en flagrante contradiction avec leur appel ! Les chrétiens qui veulent être fidèles à leur appel ne peuvent donc pas se mettre sous un joug mal assorti avec des incrédules, poursuivre avec eux des intérêts et des buts communs, et tirer à la même corde. Ils seraient infidèles à leur Seigneur. Nous voyons là qu'il ne s'agit pas seulement d'une relation avec l'idolâtrie, qui n'est mentionnée qu'en dernier.
Mais ne devons-nous pas, cependant, faire du bien à tous, agir avec douceur envers tous les hommes, et marcher dans la sagesse envers ceux du dehors, afin que beaucoup soient encore gagnés pour le Seigneur Jésus (Gal. 6 : 10 ; Phil. 4 : 5 ; Col. 4 : 5) ? La réponse à ces questions est la suivante : Plus nous serons fidèlement séparés pour le Seigneur, plus puissant sera notre témoignage vis-à-vis d'un monde perdu et pour le Seigneur comme seul Sauveur. Les exemples de Lot et d'Abraham sont très explicites (Gen. 19 : 14 ; 23 : 6). Mais tel n'est pas le sujet des versets qui nous occupent. Il s'agit de quelque chose de beaucoup plus important : la communion pratique avec un Dieu saint !
Ceux qui croient au Seigneur Jésus constituent le temple du Dieu vivant. Ce temple est saint et il est l'habitation de Dieu (1 Cor. 3 : 16 ; Eph. 2 : 21). La pensée que Dieu ne peut et ne veut habiter qu'au milieu d'hommes rachetés et séparés du monde, parcourt toutes les Saintes Ecritures. Déjà lors de la délivrance du peuple d'Israël de dessous le pouvoir de l'Egypte, Moïse et les fils d'Israël chantèrent un cantique à l'Eternel disant : « Tu as conduit par ta bonté ce peuple que tu as racheté ; tu l'as guidé par ta force jusqu'à la demeure de ta sainteté » (Ex. 15 : 13). Paul fait référence dans le verset 16 à deux passages de l'Ancien Testament. Le premier concerne le peuple d'Israël dans le désert, et se trouve en Lévitique 26 : 11, 12 : « Et je mettrai mon tabernacle au milieu de vous, et mon âme ne vous aura pas en horreur ; et je marcherai au milieu de vous ; et je serai votre Dieu, et vous serez mon peuple ». Un autre passage tiré d'Ezéchiel 37 : 27 décrit la relation de Dieu avec Israël durant le règne millénaire : « Et ma demeure sera sur eux ; et je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple ». Comme tout ce qui a été écrit auparavant l'a été pour notre instruction (Rom. 15 : 4), le Saint Esprit peut appliquer cette relation d'Israël avec l'Eternel comme type à l'Assemblée dans le temps actuel.
Mais nous ne possédons pas seulement quant à notre position le privilège d'être spirituellement le temple saint de Dieu sur la terre ; de même que le peuple d'Israël à l'égard de l'Eternel, nous devons maintenant nous aussi sur le plan spirituel vivre et marcher en pratique dans la pureté et la séparation, afin de pouvoir vraiment réaliser et goûter nos privilèges. C'est pourquoi Paul évoque quelques autres citations de l'Ancien Testament et en premier lieu Esaïe 52 : 11 : « Partez, partez ; sortez de là ; et ne touchez pas à ce qui est impur ! Sortez du milieu d'elle, soyez purs, vous qui portez les vases de l'Eternel ! ». Et encore une courte phrase tirée d'Ezéchiel 20 : 40 : « Car en ma montagne sainte, en la haute montagne d'Israël... là me servira la maison d'Israël tout entière, dans le pays ; là je prendrai plaisir en eux » ; et finalement quelques paroles, modifiées, de l'Eternel à David : « Moi, je lui serai pour père, et lui me sera pour fils » (2 Sam. 7 : 14), ce qui nous fait peut-être aussi penser à Esaïe 43 : 6 : « Ne retiens pas ; amène mes fils de loin, et mes filles du bout de la terre ». Le sujet essentiel et commun à toutes ces citations de l'Ancien Testament est la séparation pour Dieu.
Bien que ces citations (ou l’allusion qui y est faite) mettent en évidence l'étroite relation entre l'Ancien et le Nouveau Testament et l'invariabilité des pensées du Dieu éternel, elles laissent cependant apparaître des différences dans la manière dont Il se révèle aux hommes et agit envers eux. Dieu s'est révélé aux pères comme le Tout-puissant et à son peuple Israël comme l'Eternel, mais seule la venue de son Fils a ouvert l'accès jusqu'à lui comme Père (Ex. 6 : 2-3). Par la foi au Fils de Dieu, nous sommes devenus aussi bien enfants que fils de Dieu, et nous devons dans notre vie manifester en vérité que nous sommes « ses fils et ses filles » par la séparation de tout mal (comp. Jean 20 : 17 ; Rom. 8 : 15-17). Les chrétiens sont des enfants de Dieu parce qu'ils sont nés de Dieu par la foi en son Fils, et sont ainsi devenus participants de sa nature ; en revanche, ils sont fils parce que Dieu les a placés en Christ pour lui-même dans la position la plus privilégiée (Jean 1 : 12 ; Eph. 1 : 5).
Nous ne pouvons pas sortir du monde, mais nous pouvons nous tenir en dehors du milieu des injustes et des pécheurs. Dieu ne peut pas reconnaître les enfants de ce monde comme fils et comme filles, mais dans la pratique, il ne peut pas plus reconnaître comme tels de vrais croyants qui sont associés avec le monde. Et eux-mêmes ne peuvent pas jouir de la bénédiction de cette relation. C’est une question très sérieuse !
Cet appel solennel à sortir et à se séparer nous montre par ailleurs que ces versets ne s'appliquent pas à un mariage existant entre un enfant de Dieu et un incrédule. Ce passage peut évidemment être considéré comme un avertissement à l'égard du « joug mal assorti » dans le mariage. Mais quand une telle union existe déjà, le partenaire croyant ne peut pas se réclamer de ce verset pour se séparer de son conjoint ou pour tenter de justifier un divorce. Aux yeux de Dieu, tout divorce est un péché contre l'ordre divin de la création (Mal. 2 : 16 ; 1 Cor. 7 : 10).
Le premier verset du chapitre 7 est en quelque sorte la conclusion du chapitre précédent. Il confirme ce qui a été dit au début de cette section, à savoir qu'il ne s'agit pas seulement de l'idolâtrie. Il nous montre que les enfants de Dieu ne doivent pas seulement se tenir séparés du monde et de ses influences, mais que, en vertu de leur relation avec le Dieu de sainteté, ils doivent se purifier « de toute souillure de chair et d'esprit ». Aussi bien notre conduite extérieure, notre marche, que nos pensées doivent être pures et saintes. Les exhortations citées de l'Ancien Testament contiennent des promesses que nous pouvons nous appliquer et qui doivent nous encourager à ne laisser ni en pensées ni en paroles ou en actes le « champ libre » à notre vieille nature, mais à marcher en nouveauté de vie.
Il y a des enfants de Dieu qui, sur le plan personnel, mènent une vie pure et sainte, mais qui sont plutôt indifférents aux pensées de Dieu relativement à son Assemblée, comme si ce dernier aspect était moins important que le premier. D'autres se concentrent dans leur zèle uniquement sur la pureté de l'Assemblée de Dieu, mais sont moins minutieux quant à la séparation personnelle du monde et se trouvent en cela loin derrière bien des croyants dans les milieux ecclésiastiques. Les deux sont jugés dans ces versets, les uns par le chapitre 6 (v.14-18), les autres par le premier verset du chapitre 7.
Nous sommes appelés, comme enfants de Dieu, à être conscients que :
- collectivement, nous formons le temple du Dieu vivant
- vus individuellement, nous sommes ses fils et ses filles.
D’après A. Remmers
A suivre