BREVES NOTES SUR L’EVANGILE DE MATTHIEU (26)
1- L’onction royale : v. 1-13
2- La dernière Pâque : v. 14-25
3- La Cène du Seigneur : v. 26-32
4- Gethsémané : v. 36-46
5- L’arrestation de Jésus : v. 47-58
1.1 Le conseil des méchants chez Caïphe (v. 1-5)
« Vous savez que, dans deux jours, c’est la Pâque » (v. 2a). Les disciples ne pouvaient pas comprendre que la Pâque juive ne faisait qu’annoncer le sacrifice de celui qui serait, selon les conseils éternels de Dieu, le véritable agneau, l’Agneau de Dieu ? Par les mots « le Fils de l'homme est livré pour être crucifié » (v. 2b), le Seigneur qui sait toute chose montre qu'Il va être l'accomplissement de la Pâque, la vraie Pâque.
Ces deux premiers versets évoquent, avec sobriété, le conseil de Dieu ; les trois suivants le conseil des hommes. Ils avaient comploté dès le début contre le Seigneur : « Alors les pharisiens… avec les hérodiens, tinrent conseil contre lui pour le faire périr » (Marc 3 : 6) ; ils se réunissent maintenant pour concrétiser leurs plans dans le palais de Caïphe, le souverain sacrificateur : comment faut-il s’organiser pour se faire livrer Jésus, afin de se débarrasser de lui en le condamnant à mort avant les préparatifs liés à la fête. Il s’agissait d’agir vite et discrètement pour éviter un tumulte populaire.
Mais c'est le conseil de Dieu qui va se réaliser ; la victime préfigurée par l'agneau pascal devait mourir pendant la Pâque. Tout va se passer en apparence comme les hommes le veulent mais en réalité comme Dieu le veut - « Qui est-ce qui dit une chose, et elle arrive, quand le Seigneur ne l'a point commandée ? » (Lam. 3 : 37) - et au moment où Il le veut. Ce n'est que lorsque Jésus a « achevé ses discours » que tout arrive. La dignité et la sérénité du Seigneur contrastent avec l'activité haineuse et fébrile de l'homme.
« Jésus le Nazaréen… a été livré selon le dessein arrêté et la préconnaissance de Dieu », déclare l’apôtre Pierre (Actes 2 : 23) mais ici, Jésus se livre lui-même dans toute la majesté du Roi agissant avec une souveraineté divine. Rien ne le fera reculer après qu’il aura dit : « Père, l’heure est venue » (Jean 17 : 1).
1.2 Le parfum répandu chez Simon le lépreux (v. 6-13)
Tandis que se déroule « le conseil des méchants », des « bienheureux » (Ps. 1 : 1) assistent, dans une maison amie, à un repas au cours duquel a lieu l'onction du Roi. Les douze disciples sont là, Marthe sert et ne parle pas, Marie ne parle pas non plus, mais elle agit pour remplir un service très élevé : le vase de parfum est versé sur la tête du Seigneur comme l'huile pour l'onction des rois. Le détail est adapté au caractère de chaque évangile : en Jean le parfum est répandu sur les pieds du Fils de Dieu, en Marc sur sa tête comme ici. Le prix est en rapport avec la grandeur de Celui qui est à la fois le parfait Serviteur et le Messie promis. Pour Marie, rien n'est trop beau pour un tel Seigneur !
Elle semble d’ailleurs la seule à avoir compris qu'il allait mourir (v. 12). Elle montre une intelligence particulière des événements, soulignée publiquement par le Seigneur ; elle ne sera pas présente à la croix ni au tombeau. Elle est vue aux pieds du Seigneur dans trois attitudes que nous devrions imiter moralement : en Matt. 26 et Marc 14, elle répand le parfum pour L’adorer ; en Jean 11, elle se jette à ses pieds pour Le prier ; en Luc 10, elle est assise à ses pieds pour écouter sa Parole.
Comme a dit quelqu’un : Marie est une femme dont la Parole nous parle toujours à son honneur ; sa foi brille dans toutes les situations. Elle est toujours à la hauteur de la situation ; et comment y est-elle ? – A genoux.
Marie ne pense pas à elle, son geste est tout entier pour le Seigneur. En retour, Il veut qu'on se souvienne de la « bonne œuvre » (Marc 14 : 6) qui a été faite pour Lui. « Si quelqu'un me sert, le Père l'honorera » (Jean 12 : 26). C'est vrai encore aujourd'hui.
La réflexion des disciples (v. 9) est inconvenante mais nous aurions peut-être eu la même pensée ! Dans le cas de Judas, c'est même de l'hypocrisie (Jean 12 : 5-6) ; le Seigneur a parlé des soins envers les pauvres au chapitre 25, mais en faire une priorité, avant Lui, n’est pas convenable. « Vous avez toujours les pauvres avec vous, mais moi, vous ne m’avez pas toujours » (v. 11), répond le Seigneur qui a pris la place du Pauvre pour nous montrer le chemin de l'humilité. « Bienheureux celui qui comprend le pauvre ! » (Ps. 41 : 1).
2.1 La trahison de Judas (v. 14-16)
Si on s'est souvenu, à travers les siècles, de la « bonne œuvre » de Marie envers le Seigneur, on se souvient aussi de la trahison de Judas Iscariote, « l'un des douze ». Il était un des disciples qui, pendant trois et demi, a vécu dans l'intimité de Jésus, a vu ses miracles, a entendu ses paroles de grâce et a bénéficié de sa confiance et de son amour. « Ce n’est pas un ennemi qui m’a outragé… ce n’est pas celui qui me hait qui s’est élevé orgueilleusement contre moi… Mais c’est toi, un homme comme moi, mon conseiller et mon ami », mon intime ami… (Ps. 55 : 12-14 + note). Et il a vendu son maître. Qu'y avait-il donc dans son cœur ? Ses paroles aux sacrificateurs le mettent en lumière : c'est l'amour de l'argent (v. 15) ! « Et ils lui comptèrent trente pièces d'argent », le prix d'un esclave (Ex. 21 : 32), « ce prix magnifique auquel j'ai été estimé par eux » (Zach. 11 : 12, 13). Telle a été l'estime des hommes envers le Seigneur ! Judas qui a accepté cette somme dérisoire - équivalant à 120 deniers, le prix d’un esclave - était lui-même esclave de l'argent, donc de Satan. Mais sa cupidité l’a perdu et il suivra le chemin de perdition du monde pour qui le Seigneur ne compte pas. Alors la prophétie de Zacharie aura tout son sens quand Judas, pris de remords, rapportera « le prix du sang » et que sera acheté le champ du potier (27 : 3-10).
Quelle estime avons-nous du Seigneur ? Celle de Marie qui, avec amour, a versé sur ses pieds un parfum de trois cents deniers, parce qu'Il avait pour elle un prix inestimable, ou celle de Judas dont le cœur était plein d'avarice et d'idolâtrie (1 Tim. 6 : 9, 10, 17) ?
Pourtant, le Seigneur savait depuis le début que « l'un des douze », choisi après une nuit de prière (Luc 6 : 12-16), était un « traître », un « voleur », le « fils de perdition », un « diable » (Jean 12 : 4, 6 ; 6 : 70 ; 17 : 12). Mais il fallait que la volonté du Père s’exécute, que l'Ecriture s'accomplisse.
Jusqu'au bout, Judas a peut-être pensé que le Seigneur pourrait se délivrer lui-même, mais il a fait de faux calculs, car c'était l'heure pour laquelle Jésus était venu, le moment du sacrifice de la pâque, la dernière pâque.
« Le premier jour des pains sans levain », c'était le début de la semaine qui comprenait le sacrifice de l'agneau pascal et les sept jours de nourriture mangée sans levain dans les maisons. Nous avons à nous souvenir que « notre pâque, Christ, a été sacrifiée » (1 Cor. 5 : 7). Vivre dans la séparation du mal évoqué par le levain dans l’Ecriture est pour nous une fête, comme la fête des pains sans levain. A l'occasion de la Pâque, à la fin du repas, le Seigneur a institué la cène, le repas du souvenir, ainsi que nous allons le voir à partir du verset 26.
A la question des disciples : « Où veux-tu que nous te préparions ce qu’il faut pour manger la pâque ? », le maître donne ses ordres : « Allez à la ville auprès d’un tel… » (v. 17-18). Peu importe de savoir chez qui, mais l'essentiel c'est avec qui, avec Jésus dans l'intimité. Nous voyons l'autorité du Seigneur, qui choisit le lieu et le moment, et l'obéissance des disciples qui font « comme Jésus leur avait ordonné » (v. 19).
« Mon temps est proche » (v. 18), dit ici Jésus. Avant qu’il soit « accompli » (v. 8), Il doit connaître la mort.
« En vérité, je vous dis que l'un d'entre vous me livrera » (v. 21). Heureusement que nous ne connaissons pas notre avenir, comme Ezéchias qui, ayant quinze années de plus à vivre, a pu faire le compte à rebours. Mais Jésus savait ! Il connaissait tous les détails de cette nuit terrible qui commençait, au verset 20, à table avec ses disciples. Ses premières paroles rapportées ici sont un avertissement pour Judas et une mise en lumière du cœur des siens. « Seigneur, serait-ce moi ? », interrogent-ils tous avec affection et soumission. Judas dit : « Serait-ce moi, Rabbi ? ». Il parle à un maître, comme au verset 49 ; il n'a pas de relation vraie et vivante avec Lui. « Malheur à cet homme par qui le Fils de l’homme est livré ! » (v. 24b). Le Seigneur dénonce le mensonge avant d’instituer la cène. Ainsi avons-nous à nous juger, à nous examiner nous-mêmes devant Dieu avant de prendre le repas du Seigneur (1 Cor. 11 : 28-31).
« Le Fils de l'homme s'en va, comme il est écrit à son sujet » (v. 24a). Ce court verset nous fait penser au grand jour des expiations (Lév. 16) où un premier bouc était offert en sacrifice pour le péché. Un second, placé vivant devant l’Eternel, était envoyé au désert après la confession sur lui des péchés du peuple ; c'était le bouc pour « azazel », le bouc « qui s'en va ». Le Seigneur Jésus est aussi Celui qui s'en va, à la croix, ayant pris sur lui les péchés d’un grand nombre, de tous ceux qui croient en la valeur infinie de son sacrifice rédempteur.
L’institution de la Cène est présentée quatre fois dans le Nouveau Testament (Matt. 26 ; Marc 14 ; Luc 22 ; 1 Cor. 11). Le récit en est fait dans les évangiles et l'enseignement doctrinal en est donné par Paul dans l'épître. Dans Jean 6, Jésus insiste sur la nécessité de manger sa chair et boire son sang pour avoir la vie éternelle ; il s'agit de s'approprier son œuvre, sa mort, pour être sauvé et vivre dans sa communion ; il est alors question, non de la Cène, mais de liens spirituels et vitaux avec Lui. Ce n’est pas parce qu’on participe à la cène qu’on est sauvé mais bien parce qu’on est sauvé qu’on peut se souvenir de la mort du Seigneur selon le désir de son cœur : « Faites ceci en mémoire de moi » (Luc 22 : 20).
« La Cène dominicale » est le repas du Seigneur, que l'on prend à la Table du Seigneur (1 Cor. 10 : 14-22) dans la séparation de l'idolâtrie. Jésus prend le pain et le donne aux disciples. Qui est invité à prendre ce repas, sinon ceux dont Il est le Sauveur, le Seigneur ? Ce sont les croyants seuls, ceux qui ont la vie divine.
C'est le repas du souvenir : « Faites ceci… en mémoire de moi » (1 Cor. 11 : 25). Ses rachetés se souviennent de sa mort, de son corps donné pour eux, de son sang versé à la croix ; ils rappellent ses souffrances dans cette nuit terrible, son amour « fort comme la mort » (Cant. 8 : 6), mais aussi sa victoire.
« Ceci est mon corps » (v. 26) ; « ceci est mon sang » (v. 28). Par le pain et le vin, symboles anciens (Gen. 14 : 18 ; Ex. 25 : 30 – 29 : 40), le Seigneur donne la représentation matérielle d'une vérité spirituelle. Jésus, étant au milieu de ses disciples, ne pouvait physiquement donner son corps à manger ni son sang à boire. On se souvient que le Seigneur Jésus a pris un corps pour venir sur la terre, pour mourir et que son sang « nous purifie de tout péché » (1 Jean 1 : 7). On se souvient aussi que chaque racheté fait partie du corps de Christ, « l’assemblée qui est son corps » (Eph. 2 : 22) ; Lui-même en est la tête glorifiée dans le ciel.
« Prenez, mangez » (v. 26) ; « buvez-en tous » (v. 28). C'est un commandement d'amour, auquel on obéit par amour pour Lui. C'est un acte simple, ni mystérieux ni mystique. Y aurait-il un obstacle dans mon cœur ou dans ma vie qui m'empêcherait de le faire ?
« Ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance, qui est versé pour un grand nombre, en rémission de péchés ». L'ancienne alliance, celle de la Loi (Ex. 24 : 3, 7) avait été scellée avec le sang des sacrifices. Elle n'était que l'ombre de la nouvelle, éternelle, introduite par Jésus et scellée de son sang (Héb. 8-9 ; 13 : 20). Bien sûr, la nouvelle alliance, il la conclura « pour la maison d'Israël » (8 : 10), mais nous sommes nous-mêmes au bénéfice du sang de la nouvelle alliance établie unilatéralement par le Seigneur sur la base de l'offrande de son corps faite une fois pour toutes.
A côté du baptême, symbole de notre mort avec Christ (Rom. 6), la cène, repas pris en commun, est le souvenir d'un Christ mort et ressuscité, vainqueur de la mort, qui a fait la purification des péchés. Ce geste n'a de valeur que par son sens et sa réalité ressentie dans nos cœurs.
C'est le commencement de la nuit où le Seigneur va être livré et crucifié ; mais nous pensons avec joie (v. 29) que bientôt le Seigneur régnera sur cette terre où Il a été rejeté. Il sera reconnu comme le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs, source de bénédiction pour toute la terre. Et Il boira avec les siens cette coupe de joie et de bénédiction « dans le royaume de son Père » (Matt. 26 : 29). Alors nous régnerons avec lui (2 Thes. 1 : 10). Anticipant déjà cette joie future, Jésus chante une hymne, ce cantique de la Pâque (Ps. 116 : 12-14 ; 118 : 24-29) qui célèbre un sacrifice de fête, avant de se rendre à Gethsémané. Nous pensons au temps où Ezéchias a célébré la pâque : « Au moment où commença l'holocauste, le cantique de l'Eternel commença » (2 Chr. 29 : 27). Notre Seigneur est grand et digne de toute notre reconnaissance !
3.2 « Je frapperai le berger et les brebis du troupeau seront dispersées » (v. 30-32)
Après avoir chanté cette hymne, malgré la perspective de ses souffrances, le Seigneur Jésus sort avec ses disciples et, ensemble, ils vont au mont des Oliviers. « A cause de la joie qui était devant lui, il a enduré la croix » (Héb. 12 : 2). Cette « nuit » a déjà commencé et Il avertit ses disciples : « Vous serez tous scandalisés à mon sujet... » (v. 31) ; comme s'ils trébuchaient contre un obstacle, tous allaient l'abandonner. Mais après l'épreuve, cette mise en garde serait pour eux comme une bouée d'espérance (v. 32), avec la certitude de son amour. Les disciples ne voulaient ou ne pouvaient pas, tant qu'ils n'avaient pas en eux le Saint Esprit, comprendre l'impensable de ce qui allait suivre ! Comment le fils de Dieu, le Messie, le Roi, pouvait-il être pris, livré, mis à mort ? En fait, Il allait se livrer lui-même. Dans ces moments terribles, Il pense non à lui mais à ses disciples ; Il a prié pour eux et spécialement pour Pierre qui n'a pas hésité à le contredire (v. 33 ; Matt. 16 : 22 ; Jean 13 : 7), ce que font aussi les autres (v. 35), tout en aimant le Seigneur. Nous comprenons ainsi que ce ne sont pas nos affections qui sont la base de nos relations avec le Seigneur, mais la foi en sa Parole. Posons-nous aussi la question : recevons-nous avec foi ce que Dieu nous dit dans sa Parole, le croyons-nous sans discussion ? Comment se fait-il que nous fassions toujours les mêmes erreurs ? Sommes-nous comme les disciples trop sûrs de nous ou trop ignorants de nos faiblesses ?
Dans sa grâce, le Seigneur éclaire le chemin en parlant de sa résurrection. Il ouvre aussi à Pierre la voie de la repentance après son reniement.
Il nous dit aussi : « Vous n'avez pas pu veiller une heure avec moi? Veillez et priez… » (v. 40-41).
A ses disciples qu’Il trouve à nouveau endormis, le Seigneur déclare : « Dormez dorénavant... l'heure est arrivée... » (v. 45). Il va souffrir seul et aller vers la croix. Il dira à ses ennemis : « Si donc c’est moi que vous cherchez, laissez aller ceux-ci » (Jean 18 : 8). Dans sa prière à son Père, en Jean 17, Il dit : « J'ai gardé ceux que tu m'as donnés, et aucun d’eux n'a été perdu, excepté le fils de perdition, afin que l'Ecriture soit accomplie » (Jean 17 : 12). Les événements de cette nuit iront en se précipitant et suivront une pente inexorable. C'est l'heure des ténèbres, l'heure pour laquelle le Seigneur était venu. Il se livre lui-même « entre les mains des pécheurs ». Ces scènes présentent toujours deux aspects complémentaires : le côté de la responsabilité de l'homme et celui du propos de Dieu (Marc 14 : 41 ; Jean 10 : 11). La haine des hommes sert le dessein de Dieu. Ils « se sont assemblés… contre ton saint Serviteur Jésus… pour faire tout ce que ta main et ton dessein avaient déterminé à l’avance » (Act. 4 : 27-28). Personne n'aurait pu mettre les mains sur Lui, le frapper, lui cracher au visage, s'Il ne l'avait permis. Jusqu'au chant du coq, à la fin du reniement de Pierre, très tôt sur le matin, le Seigneur passera devant plusieurs tribunaux. Tous veulent en finir avec « le Saint et le Juste », qu’ils ont renié (Act. 3 : 14).
La force de cette grande foule qui accompagne Judas, armée d'épées et de bâtons, est dérisoire face à celle du Seigneur, qui avait à sa disposition s'Il le voulait « plus de douze légions d'anges », et qui, par une seule parole, les jette tous par terre (Jean 18 : 6), mais aussi bien trop nombreuse pour un homme seul qui s'avance volontairement. Il dira d'ailleurs à Pilate : « Tu n'aurais aucun pouvoir contre moi, s'il ne t'était donné d'en haut » (Jean 19 : 11). Tandis que les sacrificateurs et les anciens se sont réunis, de nuit, par lâcheté, dans leur crainte des foules (Luc 19 : 47- 48), Judas trahit son maître par un baiser. Quel signe terrible que cette fausse manifestation d'affection ! Après ce salut de trahison, le Seigneur subira aussi celui de la dérision (27 : 29) de la part des soldats ; mais Il sera salué par Dieu par un salut de glorification (Héb. 5 : 10). Le baiser n'est pas un signe anodin (Prov. 27 : 6), mais en principe la marque d'une affection sincère et vraie (1 Cor. 16 : 20).
Maintenant s'accomplissent les Ecritures annonçant la mort du Seigneur (Ps. 22 ; 69 ; Es. 53 ; 1 Cor. 15 : 3 ; Luc 24 : 44). Tout le comportement du Seigneur est marqué par un amour sans limite, un dévouement entier. Il se livre comme l'Agneau du sacrifice.
« Alors tous les disciples l’abandonnèrent et s'enfuirent » (v. 56b).
6– Jésus devant le tribunal des Juifs : v. 57-68
Après l'arrestation du Seigneur Jésus, dans la nuit, tous sont assemblés pour un procès inique : scribes, anciens, souverain sacrificateur, tout le sanhédrin. Il est seul, car ses disciples se sont enfuis, comme Il l'avait annoncé peu de temps avant (v. 31). Pierre n'a pas tardé à se ressaisir, car « il suit de loin », mêlé à la foule, pour ne pas se faire reconnaître. Malheureusement, par l'intervention amicale de Jean, l’autre disciple de Jean 18 : 16, il va entrer dans le palais de Caïphe, le souverain sacrificateur, pour voir la suite des événements. Il n'a pas su garder sa place : il s’est « assis au siège des moqueurs » (Ps. 1 : 1). Je dois prendre garde à ne pas être une occasion de chute pour un de mes frères et être attentif à mes relations, car « les mauvaises compagnies corrompent les bonnes mœurs » (1 Cor. 15 : 33). Imitons Jérémie qui pouvait dire : « Tu le sais, ô Eternel… Je ne me suis pas assis dans l’assemblée des moqueurs… » (Jér. 15 : 17).
Le Seigneur est en butte à « une armée de méchants » (Ps. 22 ; Ps. 35), remplie de haine. Il est parlé ici, non de l'interrogatoire préliminaire chez Anne, le beau-père de Caïphe (Jean 18 : 12-14), mais du premier procès, tout à fait illégal, de nuit, chez Caïphe. Ces hommes cherchent un « motif » d'accusation, de faux témoins, alors qu'ils ont décidé depuis le début de condamner à mort un innocent (v. 3, 4). Ils connaissaient pourtant le huitième commandement de la loi de Dieu : « Tu ne diras point de faux témoignage contre ton prochain » (Ex. 20 : 16) et l'extrême gravité de l'enfreindre : « Le faux témoin ne sera pas tenu pour innocent et... périra » (Prov. 19 : 5, 9). Pour donner une apparence de légalité, ils finissent par trouver deux témoins au témoignage concordant, mais qui déforment une des paroles du Seigneur. Il n’avait jamais dit : Je peux détruire mais « Détruisez ce temple » (Jean 2 : 19). « Comme une brebis muette... » (Es. 53 : 7), le Seigneur garde le silence. Le silence n'est-il pas la meilleure réponse aux calomnies ?
C’est comme si le Seigneur disait ici : Vous ne me verrez plus sinon comme juge. Tout au long de la vie du Seigneur Jésus, on Lui a posé la question de son identité : Qui es-tu ? Il a répondu : « Absolument ce qu'aussi je vous dis ! » (Jean 8 : 25).
Tous ces hommes prononcent des paroles terribles qui les condamneront (12 : 37).
Rien n'a été épargné au Seigneur, toutefois Il a tout enduré en silence. Il est notre modèle parfait, lui « qui lorsqu’on l’outrageait, ne rendait pas l’outrage » (1 Pier. 2 : 21-23).
Ce récit est rapporté dans les quatre évangiles - peu d'événements le sont ainsi. Est-ce pour montrer Pierre du doigt ? Non, c'est pour nous avertir que personne, même un disciple rempli de zèle et d'amour pour son maître, n'est à l'abri d'une chute spirituelle. Mais, par la grâce merveilleuse de Dieu, celui qui s'est laissé entraîner peut être pleinement restauré dans son âme et dans son service, après une vraie repentance.
Chaque évangile donne un détail particulier : Matthieu souligne : « Pierre se souvint de la parole de Jésus » (v. 75) ; Marc précise que le coq chante deux fois ; Luc dit : « Le Seigneur, se tournant, regarda Pierre » ; Jean relate l’épisode en deux endroits, pour souligner que du temps s'est écoulé entre les trois questions posées à Pierre, pour lui laisser la possibilité de se ressaisir.
7.1 La présomption de Pierre et l’avertissement de Jésus (v. 33-35)
Un péché n'arrive jamais soudainement ; il est précédé d'une période plus ou moins longue, où l'on s'éloigne progressivement du Seigneur. Peut-être un refus de croire la Parole de Dieu et ses avertissements, ajouté à une trop grande confiance en soi-même, accompagnée de fatigue, et la crainte des hommes - et même d'une servante ! - peut amener un chrétien à pécher gravement.
Pierre avait affirmé : « Si tous étaient scandalisés à ton sujet, moi, je ne serai jamais scandalisé » (v. 33). Il faisait plus confiance à ses sentiments qu’à ce que Jésus avait dit : « Vous serez tous scandalisés à mon sujet » (v. 31). Il entraîne même les autres disciples à afficher, de façon présomptueuse, la même assurance que lui ! Avec une patience merveilleuse, Jésus ne relève pas l'incongruité de leurs paroles, mais continue d'avertir avec précision.
Pierre, pris de panique, renie le Seigneur trois fois : la première « devant tous », la deuxième « avec serment » et la troisième, il jure avec imprécations qu'il ne Le connaît pas. Nous ne sommes pas plus forts que Pierre. Prenons garde aux avertissements de la Parole ! « Que celui qui croit être debout prenne garde de ne pas tomber » (1 Cor. 10 : 12).
Si le « langage » de Pierre (ou son accent de Galilée) le faisait reconnaître malgré lui, ce n'était pas forcément négatif. Plus tard, il sera reconnu, comme les autres apôtres, « pour avoir été avec Jésus » (Act. 4 : 13). Dans notre entourage scolaire ou professionnel, notre langage « différent » nous fait-il reconnaître comme chrétien, étant « avec Jésus le Galiléen... le Nazaréen... », le méprisé, le prisonnier, le condamné ?
7.3 Pierre « pleura amèrement » (v. 75)
« Aussitôt un coq chanta » (v. 75a). Pierre se souvient... sort et pleure amèrement. Mais, précise Luc, le Seigneur se retourne et regarde Pierre (22 : 61). Oh ce regard, rempli de tristesse et d'amour ! Le Seigneur est attentif, non à ce qui Le concerne, mais au bien des siens, « jusqu'à la fin » (Jean 13 : 1), jusque sur la croix.
Des premiers avertissements jusqu'au chant du coq, les soins du Seigneur ont entouré son disciple défaillant : le souvenir de sa parole, son regard qui le touche jusqu'au fond du cœur et de la conscience, produisant les larmes amères de la repentance. Plus tard, il y aura aussi la rencontre personnelle de Pierre avec le Seigneur ressuscité (1 Cor. 15 : 5), puis sa restauration publique (Jean 21). Le Seigneur lui demandera trois fois : « M'aimes-tu... m'aimes-tu plus que ceux-ci ne m’aiment ? » (Jean 21 : 15). Quand il aura confessé sa faute, il sera pleinement rétabli et pourra dire ultérieurement aux Juifs : « Vous, vous avez renié le Saint et le Juste » (Act. 3 : 14).
« Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous pardonner nos péchés et nous purifier de toute iniquité » (1 Jean 1 : 9).