BREVES NOTES SUR L’EVANGILE DE MATTHIEU (15)
Les différents récits de ce chapitre montrent qu'il n'y a absolument rien de bon dans l'homme naturel ; il est foncièrement mauvais et il n'a aucune ressource en lui-même. Le Seigneur le déclare aux versets 11 et 19-20 ; la femme cananéenne doit le reconnaître avant que le Seigneur guérisse sa fille (v. 27) ; les disciples l'apprennent une nouvelle fois au verset 33.
1. 1 La tradition et le commandement de Dieu (v. 1-9)
Les pharisiens invoquaient la « tradition des anciens », c'est-à-dire des habitudes érigées en règles ayant le prestige de l'ancienneté. Ils plaçaient leur tradition au-dessus des commandements de Dieu, au point de Lui désobéir pour obéir à la tradition.
La tendance constante du cœur naturel, de notre propre cœur, est d'établir des règles qui empêchent l'exercice de la foi, et évitent de toucher le cœur et la conscience. Cet état d'esprit s'accompagne généralement de la disposition à appliquer les règles aux autres d'abord. Celui qui a vraiment affaire au Seigneur applique la Parole à lui-même en premier lieu. Le Seigneur veut que les siens marchent par la foi, avec un cœur et une conscience en paix, mais restant toujours en exercice ; c'est le seul moyen d'être gardé des traditions, et c'est ce qui honore Dieu.
L'exercice peut être atténué ou supprimé par des pensées purement humaines, mais aussi, parfois, par des règles établies sur la base d'instructions de la Parole. L’apôtre Paul met en garde les Colossiens contre les dangers de la philosophie et des traditions humaines (Col. 2 : 8) ; leurs adeptes pervertissent ainsi l’évangile. Soyons très vigilants ; ayons constamment affaire au Seigneur, sans inquiétude, mais sans négligence.
Le Seigneur ne répond pas immédiatement à la question des pharisiens au verset 2. Il cherche d'abord à atteindre leur conscience. Il met clairement en opposition d'une part la « tradition » (v. 3), qu'il appelle des « commandements d'hommes » (v. 9 ; Es. 29 : 13), et d'autre part « le commandement de Dieu » (v. 3, 4, 6 ; voir Col. 2 : 22 ; Tite 1 : 13-14). Avec toute son autorité pour juger, Il les déclare hypocrites (v. 7 ; voir 23 : 1-33). Demeurons près du Seigneur, pour que l'état de notre cœur corresponde à ce que les autres peuvent voir ; sinon nous risquons de tomber dans l'hypocrisie, particulièrement odieuse dans le domaine religieux.
Dans ce cas particulier, il s'agissait de l'honneur qui devait être rendu aux parents. La loi le demandait ; c'était « le premier commandement avec promesse » (Eph. 6 : 1). C'était ce qui convenait selon Dieu dans une relation établie par Lui-même. N’a-t-Il pas fait connaître ce qui convient pour toutes les relations qu'Il a établies ?
Les chefs des Juifs avaient décidé que tout don d'une personne à une autre devait avoir le caractère de don sacré (corban), et devait donc être apporté au temple, précisément aux sacrificateurs, pour leur profit. Cette règle tranquillisait faussement la conscience des Juifs qui n'aidaient pas leurs parents, alors qu'ils auraient dû le faire. (voir Prov. 28 : 24 ; 1 Tim. 5 : 4).
1. 2 Le cœur, source de toute souillure (v. 10-20)
Après cette réplique aux pharisiens, le Seigneur s'adresse à la foule (v. 10-11) pour montrer ce qu'est la vraie souillure : la souillure des mains, bien que n'étant pas sans importance, est sans portée morale ; la souillure du cœur, qui s'exprime par des paroles, celle-là souille l'homme moralement et affecte ses relations avec Dieu.
Dans ce chapitre, comme souvent, les hommes veulent obtenir du Seigneur les réponses qu'ils souhaitent ; de fait c'est le Seigneur qui dirige les conversations en vue de produire ce qui est juste dans le cœur de chacun de ses interlocuteurs. Les hommes ont montré leur opposition politique au début du ch. 14, religieuse au début de ce chapitre 15 ; le Seigneur reste le Même, et poursuit encore son activité de grâce, mais en se retirant du milieu des opposants (v. 21 ; 14 : 13).
Les disciples auraient voulu que le Seigneur adoucisse sa réponse aux pharisiens (v. 12). Il leur montre ce qu'ils sont au fond : ils n'ont pas la vie de Dieu ; il convient de les laisser de côté ! (v. 14 ; 16 : 4). La Parole de Dieu est une semence qui a la puissance de germer dans les cœurs qui la reçoivent (13 : 8, 23 ; Jac. 1 : 21 ; Jér. 17 : 8). Cela n'a pas eu lieu dans le cœur de ces hommes ; ils sont plutôt comme l'ivraie jetée au feu (13 : 30, 40-42).
Ce sont des aveugles (23 : 16-24 ; Rom. 2 : 19 ; Es. 9 : 16), ils ont la prétention d'avoir la vue (Jean 9 : 40-41). Les conducteurs et ceux qui sont conduits par eux tomberont également dans la fosse : ils rejetteront le Seigneur et seront rejetés par Lui.
« Explique-nous cette parabole » (v. 15). Cette demande de Pierre dénote un manque d'intelligence des pensées du Seigneur. Mais Jésus lui montre toute sa patience et sa fidélité en répondant de manière à instruire ce disciple. Il agit de même envers nous, qui ressemblons trop souvent à Pierre ici. Nous éprouvons toujours une grande difficulté à reconnaître que, de notre part, rien ne peut venir de bon ; tout ce que nous avons vient de la grâce de Dieu. La nature cherche toujours à mériter les dons de Dieu. Ce n'est pas ce qui se voit qui est en question, c'est le cœur. Pendant un temps, on peut cacher aux autres ce qu'il contient ; la vérité finit par apparaître !
Nous avons besoin des soins de Dieu, de ceux du Seigneur et de la puissance de l'Esprit, pour que le mal qui est en nous n'agisse pas. Soyons constamment vigilants.
« C’est du cœur que viennent les mauvaises pensées, meurtres, adultères, fornications, vols, faux témoignages, injures… » (v. 19). De la part des hommes, le Seigneur a eu à souffrir de plusieurs de ces affreuses dispositions naturelles.
« Ecoutez et comprenez » (v. 11) ; « Ne comprenez-vous pas… ? » (v. 17). Il est important de comprendre les pensées du Seigneur, mais la source de la vie morale, c'est le cœur. Le cœur naturel est corrompu, sans remède possible (Gen. 6 : 1-12 ; Jér. 17 : 9 ; Luc 16 : 15). Il nous faut un cœur nouveau, par la nouvelle naissance ; il faut une nature absolument nouvelle, d'origine divine (Ezé. 36 : 26 ; Jean 3 : 3, 5-6).
Sur ce point, la responsabilité est individuelle ; chacun est responsable quant à l'état de son propre cœur. Que chacun ait affaire à Dieu pour lui-même. Dans son amour, Dieu veut nous purifier du mal, changer notre cœur, nous donner la vie et nous amener dans sa présence (1 Cor. 6 : 9-11). Ceux qui lui appartiennent Lui rendent grâce d'avoir été rendus capables de chanter dès maintenant ses louanges.
Il ne faut pas passer tout son temps à s'examiner, ni à lutter tout seul, mais il faut se voir dans la lumière de Dieu, droitement, et chercher son secours. Il est inévitable que de mauvaises pensées germent en nous. Elles nous souillent quand nous y prenons plaisir et que nous les laissons s'installer. Il faut aussitôt prier Dieu, fixer ses regards sur le Seigneur et écouter les exhortations de Phil. 4 : 8-9 et Col. 3 : 1-4. Notre prière ne doit-elle pas être aussi celle de David au Psaume 139 : 23-24 : « Sonde-moi, ô Dieu ! et connais mon cœur ; éprouve-moi, et connais mes pensées. Et regarde s’il y a en moi quelque voie de chagrin, et conduis-moi dans la voie éternelle » ?
2. 1 La femme cananéenne (v. 21-28)
Tyr et Sidon sont des villes païennes, livrées à l'idolâtrie ; le Seigneur a parlé d'elles en même temps que de Sodome (11 : 21-23). Il est parlé de Tyr en Ezéchiel 28. Dans sa grâce, le Seigneur va aussi vers ces peuples-là, alors que les Juifs auraient cru se souiller à ce contact.
La femme était du peuple de Canaan qui aurait dû être détruit lors de la conquête du pays (Gen. 9 : 24-25 ; Deut. 7 : 1-2). Elle n'avait aucun droit, mais elle avait foi en Jésus ; elle l'appelle constamment Seigneur. Sa foi a appris toutes les leçons et persévéré jusqu'à obtenir la réponse à son besoin. Si elle s'adresse au Fils de David, à celui qui, pour le moment, n'était envoyé qu'à Israël, elle n'obtient aucune réponse. Lorsqu'elle Lui rend hommage et emploie le titre de Seigneur seul, Il lui parle de telle façon qu’elle prend une place de très grande humilité, dans la conscience qu'elle n'a aucun droit. Elle accepte la place d’un « petit chien ». Alors le Seigneur guérit sa fille, en soulignant sa foi (voir en contraste 14 : 31). Tout est pure grâce.
2. 2 De grandes foules viennent à Jésus (v. 29-31)
Le Seigneur revient des environs de Tyr et de Sidon jusqu'à la côte de la mer de Galilée. En passant par les régions frontalières et en venant à cet endroit, Il semble s'occuper moins du peuple d'Israël, et se tourner vers des populations étrangères, pour y accomplir son service de grâce. Il monte sur une montagne, à l'écart de l'agitation, et s'assied pour guérir et nourrir les foules, comme il avait fait pour enseigner (5 : 1). Tous ceux qui viennent à Lui avec leurs besoins sont guéris. Alors les foules « glorifièrent le Dieu d'Israël » (v. 31). A l'inverse, les pharisiens n'ayant pas conscience de leurs besoins, accusent le Seigneur de guérir par la puissance du chef des démons (12 : 24).
On peut discerner les compassions du Seigneur pour cette foule. Il connaît les besoins de tous, exprimés ou non, et accomplit pour chacun ce qui est nécessaire. Il sait depuis quand ils sont là ; Il sait que leurs provisions sont épuisées. Il ne veut pas les renvoyer à jeun, mais leur donne les aliments nécessaires pour rentrer chez eux.
Ayant pris conscience de nos besoins, apprenons à Le connaître comme Celui qui attire à lui par la puissance de son œuvre (Jean 12 : 32), et par l'action de l'Esprit. Il faut aller vers Lui, quelle que soit notre situation, la nôtre mais aussi celle de toutes les personnes dans le besoin (v. 30). En s’approchant de Lui, on apprend à mieux le connaître.
2. 3 La deuxième multiplication des pains (v. 32-39)
Le Seigneur accomplit ici un miracle qui rappelle celui du chapitre précédent (v.13-21). Au chapitre 16, le Seigneur les mentionne tous les deux (v. 9-10).
Cependant, cette nouvelle multiplication des pains est bien distincte de la première :
- elle n'a pas lieu au même endroit ;
- le nombre de personnes n'est pas le même ;
- les « restes » recueillis sont différents : ici, les corbeilles sont plus grandes que les paniers (14 : 20) - le nombre 12 s'appliquait à Israël, tandis que 7 suggère la plénitude de Ses ressources pour tous les hommes ; l'abondance des restes montre les richesses de la bonté divine et la gloire du Seigneur dans son humanité.
La faiblesse des disciples se manifeste : il semble qu'ils ne se souviennent pas de la première multiplication ; la pensée ne leur vient pas que le Seigneur peut nourrir cette foule : « Où trouverions-nous... ? » (v. 33). Lui s'occupe non seulement de la foule, mais des disciples aussi. Il veut les instruire, et produire en eux un « écho » de ses compassions. Il veut aussi faire d'eux des serviteurs ; si l'instruction n'est pas reçue, Il la répète.
Il y a là des leçons pour nous. Reconnaissons notre faiblesse ; laissons-nous instruire. Venons au Seigneur avec le peu que nous avons ; laissons-Le former nos affections et nous employer, selon sa volonté.