« Que fais-tu ici, Elie ? »
Elie, modèle de foi et de dépendance, prend peur à la parole de Jézabel
Le prophète fugitif trouve refuge sous un genêt
Dieu prend soin de son serviteur découragé
L'Eternel sonde le coeur d'Elie
Elie à l’entrée de la caverne
« Que lui révèle la réponse divine ? » (Rom. 11 : 4)
Le comportement d’Elie manifeste que la leçon divine est comprise
Le prophète fugitif trouve refuge sous un genêt
Dieu prend soin de son serviteur découragé
L'Eternel sonde le coeur d'Elie
Elie à l’entrée de la caverne
« Que lui révèle la réponse divine ? » (Rom. 11 : 4)
Le comportement d’Elie manifeste que la leçon divine est comprise
Qui de nous ne s’est attiré à un moment ou l’autre la question par laquelle, à deux reprises, Dieu sonde son prophète : « Que fais-tu ici ? ». Heureux sommes-nous si une telle question nous a transpercés et si nous avons jugé les raisons de notre égarement.
Peut-être avions-nous cédé au monde, goûté à ses joies, pris part à ses querelles. Peut-être, entraînés par quelque mouvement social ou religieux, nous prêtions-nous à une alliance répréhensible et nous placions-nous sous un joug mal assorti. A l’inverse, devant l’hostilité du monde - ne parlons pas même de persécution - étions-nous tentés de renoncer au témoignage du Seigneur.
Ou bien, estimant le témoignage collectif sans efficacité, et jugeant sévèrement nos frères et leurs manquements, nous tenions-nous à l’écart, malheureux peut-être, mais nous flattant secrètement d’être seul fidèle. Quelle que fût la cause, nous n’étions plus où Dieu nous voulait. Le cas le plus attristant est celui de quelqu’un qui va jusqu’à s’absenter volontairement du lieu où le Seigneur Jésus rassemble les siens. Nous ne parlons pas ici, bien entendu, de situations où la fidélité au Seigneur exige que quiconque prononce Son nom se retire de l’iniquité selon 2 Tim. 2:19, pour se trouver non point à l’écart, mais plus près de Lui ; nous parlons de ces accès de découragement auxquels, de tous temps, même les plus qualifiés des serviteurs de Dieu se sont trouvés exposés, et que l’ennemi exploite pour les amener à se désister. A cet égard l’histoire d’Elie, au chapitre 19 du premier livre des Rois, est d’un enseignement d’autant plus sérieux qu’il s’agit d’un homme de Dieu exceptionnel et entre tous honoré. Mais ne l’oublions pas, chacun de nous a reçu un témoignage à rendre et un service à accomplir, de sorte que nul ne peut dire : Cela ne me concerne pas.
Elie avait été un modèle de foi agissante, dans la dépendance et l’obéissance. « Va », lui avait-il été dit plusieurs fois (17 : 3, 9 ; 18 : 1), et il était allé ; « Cache-toi », et il s’était caché (17 : 3) ; « Montre-toi », et il s’en était allé pour se montrer à Achab (18 : 1- 2). Il agissait toujours «selon la parole de l’Eternel » devant qui il se tenait, recherchant dans la prière le discernement de la volonté divine et l’énergie pour l’accomplir. Regardant à Dieu et non à lui, il avait rendu le plus remarquable témoignage. Et voici qu’au lendemain de la victoire remportée sur les quatre cent cinquante prophètes de Baal au Carmel, au lieu d’attendre les effets de cette victoire, les armes de la foi tombent de ses mains à la menace d’une femme.
Il se voit seul, et il perd de vue l’Eternel et ses armées. Il pense aux autels de Jéhovah renversés, mais que fait-il de celui qu’il avait réparé et dans lequel Jéhovah s’était glorifié ? Il voit les fils d’Israël abandonnant l’alliance et tuant par l’épée les prophètes de l’Eternel, et il oublie comment, saisissant à sa parole les prophètes de Baal, ils les avaient exécutés aux cris de : « L’Eternel, c’est lui qui est Dieu ! » (1 Rois 18 : 39). Sans doute, il sait Achab sensuel et versatile, indifférent au succès de l’un ou de l’autre culte, prêt à céder devant sa femme enflammée de haine contre l’Eternel et contre son serviteur Elie, de même qu’il sait ce peuple inconstant ; aussi la fureur de Jézabel lui fait-elle prévoir un nouveau renversement de la situation... Et pour la première fois Elie « se leva et s’en alla » sans que l’Éternel lui eût dit : Va. « Il s’en alla pour sa vie » (19 : 3). L’Eternel ne pouvait-Il donc plus le cacher comme au Kerith ? Ne pouvait-Il pas frapper Jézabel ? Et si celle-ci réalisait sa menace, quel honneur de mourir pour la cause de l’Éternel !
Voilà Elie en pleine inconséquence. Il fuit les lieux où il devait servir. Lui qui affrontait une foule pour la persuader de suivre l’Eternel, s’isole de tout contact humain. Seul avec lui-même au désert, il se déclare excédé d’une vie pour laquelle il s’enfuit ! « Prends mon âme » (19 : 4), dit-il à Celui qui lui avait accordé de faire revenir l’âme du fils de la veuve. Le prophète qui avait pu dire : « Eternel, qu’il soit connu aujourd’hui que toi tu es Dieu en Israël, et que moi je suis ton serviteur, et que c’est par ta parole que j’ai fait toutes ces choses » (18 : 36), abandonne le combat, quitte ses fonctions, comme s’il lui appartenait d’en décider ! Accablé par ce qu’il tient pour un échec final, il le met sur le compte de son insuffisance, comme si les succès précédents avaient été dus à son excellence et que c’eût été parce qu’il était « meilleur que ses pères » que l’Eternel l’avait envoyé et fait triompher, et il dit : « C’est assez ! » (19 : 4). Il réclame la mort ! Ayant ainsi signifié sa volonté d’abdiquer, et comme pour échapper à tout ce qui le rongeait, « il se coucha et dormit sous le genêt » (v. 5).
Ce grand serviteur avait été élevé si haut dans son action qu’une telle chute nous paraît incroyable. Le motif nous en est pourtant connu, hélas, ne serait-ce que par nos propres expériences, et il n’est autre que le moi. En fait, Elie est là devant lui-même et non « devant l’Eternel ». Nous n’oserions évidemment pas comparer nos circonstances aux siennes, mais Élie avait « les mêmes penchants que nous » (Jac. 5 : 17). Nous faisons fond sur notre moi, cette base s’effondre, et nous nous découvrons sans force intérieure, sans foi. Il n’est pas besoin de menace, une raillerie suffit parfois à nous abattre, une futilité à nous séduire, une difficulté à nous troubler, et nous voici en pleine défaite, déçus, aigris, doutant des autres et de nous, estimant notre travail sans fruit malgré tous nos efforts. Il nous manquait le sentiment de la puissance qui s’accomplit dans l’infirmité. Un seul, le vrai Serviteur, a pu dire à la fois : « J’ai travaillé en vain, j’ai consumé ma force pour le néant et en vain », et : « toutefois mon jugement est par devers l’Éternel, et mon œuvre par devers mon Dieu » (Es. 49 : 4). Quand il était venu et qu’il n’y avait eu personne, qu’il avait appelé sans que personne répondît, il ne s’était pas retiré en arrière, et le Seigneur, l’Eternel, qu’il s’était toujours proposé devant lui, l’avait aidé (Es. 50 : 3-9 ; Ps. 16 : 8).
Pour Elie sous le genêt, l’aide d’en haut est bien là, car les compassions de Dieu ne sont jamais en défaut, pas plus que ses ressources, mais il n’en jouit pas vraiment. Un ange le réveille : « Lève-toi, mange » (19 : 7). Tout est prêt ; tout est toujours prêt pour nos besoins, mais le comprenons-nous ? Elie a commencé à ouvrir les yeux sur ce qui lui manque, mais il lui faut apprendre à se connaître encore bien davantage. Il mange, boit, et se recouche, maussade. Une seconde fois l’ange vient à lui : « Lève-toi, mange, car le chemin est trop long pour toi ». Voici de l’eau comme au Kerith, le gâteau cuit comme à Sarepta. Elie ranimé se met en route. Mais quel chemin faut-il suivre ? Il ne s’en enquiert pas, pas plus qu’il ne demande que l’Eternel soit avec lui durant tout ce long trajet : « quarante jours et quarante nuits, jusqu’à Horeb, la montagne de Dieu. Et là il entra dans la caverne, et y passa la nuit » (v. 8-9). L’Eternel l’avait-il jamais envoyé à Sinaï, et pour s’y cacher ? En réalité il avait suivi son chemin, le chemin de sa volonté propre. Dieu, qui le cherche alors qu’Elie ne cherche pas à être dirigé par Lui, le laisse aller, sachant pourtant bien sa pensée profonde : se démettre au lieu même où la Loi avait été donnée, faire reconnaître ce qu’il a été et ce qu’il a fait, réclamer les rigueurs de cette loi contre le peuple qui n’a pas voulu la prendre à cœur, afin que soient jugés ceux qui cherchent la vie du seul témoin fidèle, bref, faire agir Dieu en vengeur de son prophète ! Il ne connaît pas Dieu autrement que comme le Dieu qui a donné la loi.
Mais, même s’il ne l’avait pas envoyé, Dieu ne perd pas de vue son serviteur défaillant. Mieux, il l’attend au terme de ce long chemin pour lequel il a pourvu à sa force extérieure - encore qu’Elie ait mis quarante jours là où il n’en fallait guère plus d’une douzaine. Ne reconnaissons-nous pas ici la condescendante sollicitude de notre Père, qui plus d’une fois, sans cesser de s’occuper de nous, nous a laissés aller notre chemin pour nous ressaisir au moment que sa sagesse et sa bonté avaient déterminé ? Il a donné à Elie tout le loisir de méditer et de revenir à lui. En fait, Elie, durant ces quarante jours, a remâché son amertume et sa crainte. Il a médité sur lui-même. Il va maintenant être trouvé par l’Eternel, il apprendra à Le connaître tel qu’il n’en avait eu jusque-là aucune idée, et c’est à cette lumière nouvelle que lui-même se connaîtra à fond.
« Que fais-tu ici, Elie ? » (19 : 9). Au fond de la caverne Elie entend la parole de Celui à qui il demandait de prendre son âme et qui avait répondu en lui donnant de quoi la faire vivre.
Est-ce ici que je t’appelais à me servir ? Que vient faire en Horeb le prophète envoyé vers mon peuple pour le ramener ? Si au moins il venait, comme l’autre grand serviteur que cette caverne a abrité jadis, intercéder pour Israël, et, dans le même amour que ce Moïse, rappeler mes promesses envers mon peuple ! Mais non, il ne sait pas à quel point cette nation coupable me demeure chère, il est ici pour « faire requête à Dieu contre Israël » ! (Rom. 11:2).
J’ai beaucoup fait, dit Elie, étant « jaloux pour l’Eternel », en face de ces indignes fils d’Israël détournés de Lui, « et je suis resté, moi seul, et ils cherchent ma vie pour me l’ôter ». « Moi »... « ils »...
Mais l’Eternel ne savait-il pas tout cela, l’alliance abandonnée, les autels renversés, les prophètes tués ? N’était-ce pas Lui qui avant de juger son peuple l’avait éprouvé par la sécheresse, et qui lui avait parlé par le moyen d’Elie ? S’il y avait échec dans cette tentative pour le ramener, à qui appartenait-il d’en faire le constat et de condamner les vrais responsables ? Quant à Elie, c’est à l’Eternel de lui retirer son ministère, non à lui de le résigner. Voilà donc ce que tu viens faire ici ? Je te dirai ce que tu dois faire, et ce que j’ai fait, moi. Mais d’abord : « Sors, et tiens-toi sur la montagne devant l’Eternel » (19 : 11).
« Devant l’Eternel ». Elie aurait-il méconnu ce point capital, lui qui naguère disait à Achab : « L’Eternel, devant qui je me tiens » ? (17 : 1). Il semble qu’il soit lent à obéir et que, encore dans la caverne, il attende le signe irrécusable de la Présence devant laquelle il devra se tenir. Il perçoit les manifestations successives de puissances destructrices auxquelles rien ne résiste, vent déchirant les montagnes, tremblement de terre, feu, mais dans lesquelles l’Eternel n’est pas. Que toutes les forces de la terre et des hommes s’élèvent contre l’homme de Dieu, il n’a rien à craindre, car Dieu n’est pas en elles ; et d’autre part, Dieu dispose de ces moyens et de bien d’autres pour punir quand il le faut, mais, quels que soient les instruments, Il « n’est pas » dans tous ces agents qui vont « devant lui ». Tel ou tel de ses « attributs » peuvent s’y laisser apercevoir, mais son Etre n’y est pas, ni sa vraie gloire. Ils peuvent seulement préparer à entendre la voix douce, subtile, et à reconnaître dans ce son pénétrant, mais souverainement paisible, Dieu se révélant en quelque chose de plus élevé que l’exercice nécessaire de ses jugements. Il est là. Sa parole de grâce est là.
Cette fois, Elie sort, se tient à l’entrée de la caverne, le visage couvert, comme le font les séraphins, comme Moïse avait caché le sien quand il craignait de regarder vers Dieu dans le buisson ardent (Ex. 3 : 6).
Il se tait, au seuil d’un domaine inconnu de lui, celui de cette merveilleuse grâce de Dieu dont les saints d’autrefois pouvaient saisir quelques rayons ou quelques souffles bienfaisants, mais qui « a été manifestée maintenant par l’apparition de notre Sauveur Jésus Christ » (2 Tim. 1 : 10).
Elie attend que Dieu parle.
Dieu parle en effet. Il poursuit l’opération de sa grâce qui veut vider ce cœur en détresse des causes profondes de son trouble et de son amertume. Un nouveau coup de sonde va amener ces causes en pleine lumière. La parole de l’Eternel vient à lui une seconde fois, avec la même question : « Que fais-tu ici, Elie ? » (19 : 13). Ce n’est plus au fond de la caverne, c’est au grand jour que l’entretien reprend.
Tu es en présence de Celui qui a toute puissance pour punir selon sa justice, mais dont le mobile suprême est la grâce. Es-tu à l’unisson, Elie ? Aimes-tu comme moi ce peuple qui est le mien ? L’aimes-tu comme tu vois que je t’aime ? Etais-tu plus digne que lui d’être aimé de moi ?
Elie élude sa réponse, ou plutôt il reprend obstinément sa même « requête ». Celle-ci est à la fois une accusation contre Israël - ah ! ce terrible esprit d’accusation contre nos frères ! -, la protestation de sa fidélité à lui, et toujours ce vœu ardent quoique inexprimé que Dieu se glorifie en vengeant son serviteur « resté lui seul », et qu’« ils » menacent.
Elle met fin, d’abord, à la mission du prophète en tant qu’attaché à une restauration d’Israël, impossible sans doute étant donné l’état moral du peuple et de son roi, mais aussi que le manque de foi d’Elie l’empêche de poursuivre.
Ton témoignage n’est pas reçu, une œuvre de jugement, purificatrice, va suivre ; tu la souhaitais ; elle ne te sera pas confiée, mais tu auras à investir ceux qui auront à l’exécuter. « Va », lui est-il dit une fois de plus, repars de ce Sinaï « par ton chemin », va oindre les instruments de ma colère, à Damas un roi de Syrie, en Israël un roi de race nouvelle, et enfin un prophète, que tu établiras « à ta place » (19 : 16).
Mais, ensuite, sache que « je me suis réservé sept mille hommes, tous les genoux qui n’ont pas fléchi devant Baal, et toutes les bouches qui ne l’ont pas baisé » (v. 18). Il y a en Israël « un reste selon l’élection de la grâce » (Rom. 11 : 5). Tu l’as ignoré. Eux ont entendu la voix douce et subtile qui t’était inconnue. Se peut-il que tu n’aies pas su que mes dons de grâce et mon appel sont sans repentir ? C’est ma gloire, et la joie de mon cœur, que d’en affermir l’assurance dans des cœurs humblement fidèles. Si tu aimes mon peuple, ce sera ta joie aussi, alors que la charge de préparer mes fléaux te pèsera.
Admirables voies de Dieu envers son serviteur découragé ! Pas de reproche direct, mais la démonstration de ce qui manquait à sa foi, savoir la connaissance de la gloire de Dieu en grâce. Leçon assurément précieuse, apprise dans le déploiement de soins et de secours qui ont préservé Elie de défaillir mortellement, mais leçon solennelle, qui l’a amené au dépouillement de lui-même. Il ne saurait plus se prévaloir d’être resté seul, sa place est dans les rangs de ces fidèles sans éclat que Dieu s’est réservés ; et cependant la même grâce le revêt d’une dignité telle qu’il peut oindre des rois et des prophètes.
Qu’il ait compris cette leçon divine, son comportement le démontre aussitôt. Loin de se hâter d’aller établir les rois exterminateurs, il ne va pas jusqu’au désert de Syrie, il n’arrivera pas à Damas : « Et il s’en alla de là (d’Horeb), et trouva Elisée » (19 : 19), qu’il devait oindre en dernier lieu pour être remplacé par lui. « Il passa vers lui et jeta son manteau sur lui ». Il arrête là sa propre action, se renonçant entièrement lui-même. « Va, retourne ; car que t’ai-je fait ? » (v. 20). Elisée agit sans qu’Elie le pousse, et il va « après lui », non comme nouveau prophète oint, mais comme serviteur du prophète que l’Eternel veut encore employer dans son même caractère maintenant qu’il est humilié, et fortifié de par son humilité même. Le moment allait venir où, enlevé au ciel sans passer par la mort, Elie laisserait à nouveau et définitivement tomber sur Elisée le manteau prophétique ; il lui conférerait cette fois, comme une onction mystique, le double de son esprit, pour un ministère qui, à la différence du sien, serait essentiellement un ministère de grâce. Elisée aura bien à accomplir ce qu’Elie a laissé à sa charge, oindre Hazaël et Jéhu, mais pour ce faire il déléguera vers ce dernier, pour la destruction de la maison d’Achab, un fils des prophètes, et quant à Hazaël, son appel pour le châtiment d’Israël et de la maison même de Jéhu se fera à travers les pleurs de l’homme de Dieu. Tant il est vrai que le jugement est l’œuvre étrange, inaccoutumée, de l’Eternel. Elie l’avait compris en apprenant qu’il n’était lui-même qu’un objet de grâce entre d’autres élus.
Que Dieu nous donne de faire notre profit d’une telle leçon.
D’après A. Gibert - « Messager évangélique » 1975 p. 57