LA GRACE ET LE GOUVERNEMENT
Ce sujet est très important à considérer ; nous croyons même que la difficulté qu’on éprouve quelquefois pour expliquer certains passages des Saintes Ecritures et interpréter plusieurs des actes de la Providence divine, se rattache précisément à un manque de clarté sur l’immense différence entre ces deux choses : Dieu en grâce, et Dieu en gouvernement.
Nous désirons, avec le secours du Saint Esprit, examiner quelques passages de la Parole de Dieu, où se trouve clairement établie la distinction que nous devons faire entre la grâce et le gouvernement.
Adam (Gen. 3)
Le chapitre 3 de la Genèse fournit le premier et le plus ancien tableau qui nous soit présenté de la grâce de Dieu, et celui aussi de son gouvernement. Dans ce chapitre, nous avons sous les yeux un homme pécheur, un homme coupable, ruiné et nu. Mais nous rencontrons aussi Dieu en grâce, qui remédie à la ruine, purifie le coupable et couvre sa nudité. En tout cela, Dieu agit selon ses propres voies. Il ferme la bouche au serpent et le voue à une éternelle ignominie. Il établit les bases de sa propre et éternelle gloire, procurant la vie et la justice au pécheur. Il l’accomplit par le moyen la « semence » de la femme, c’est-à-dire Christ.
Voilà bien la grâce, magnifique et parfaite, sans conditions : c’est celle de Dieu. Il donne son propre Fils, qui sera frappé par sa justice, pour la rédemption de l’homme. Il le donne pour être mis à mort, afin de procurer, par ce moyen, une robe de justice divine au pécheur, qui n’a plus que sa nudité pour partage. Voilà, je le répète, ce qui était vraiment la grâce, et la plus éclatante.
Mais remarquons soigneusement que, après cette première et grande manifestation de la grâce, nous rencontrons un premier et solennel acte du gouvernement divin. C’est la grâce qui a revêtu l’homme ; c’est le gouvernement qui le chasse d’Eden. « L’Eternel Dieu fit à Adam et à sa femme des vêtements de peau, et les revêtit » (v. 21). Voilà l’acte de la pure grâce. Mais ensuite nous lisons : « Il chassa l’homme, et plaça à l’orient du jardin d’Eden les chérubins et la lame de l’épée qui tournait çà et là, pour garder le chemin de l’arbre de vie » (v. 24). Ici, nous avons un acte du gouvernement, très solennel et sérieux. Le vêtement de peau était le précieux gage de la grâce ; la lame de l’épée, le signe solennel du gouvernement. Adam se trouvait simultanément placé sous les effets de ces deux principes. Quand il regardait son vêtement, il pouvait penser à la grâce divine ; et lorsqu’il considérait l’épée, il se souvenait du gouvernement divin. Ainsi, le vêtement, d’un côté, et l’épée, avec les chérubins de l’autre, peuvent être considérés comme les symboles les plus anciens de la grâce et du gouvernement. Les « chérubins », gardiens de la sainteté de Dieu, accompagnent constamment ce gouvernement.
Peut-être demandera-t-on : Comment se fait-il que Dieu ait chassé l’homme hors du jardin, alors qu’auparavant Il lui avait accordé son pardon ? La même question peut se répéter au sujet de chacune des scènes qui, dans tout le cours de la Parole et dans l’histoire entière du peuple de Dieu, nous fournit un exemple remarquable de l’action de la grâce, réunie à celle du gouvernement. La grâce pardonne ; mais les roues du gouvernement (Ezé. 1) continuent à tourner dans toute leur terrible majesté. Adam était parfaitement pardonné ; néanmoins son péché a produit ses propres résultats. La culpabilité était ôtée de dessus sa conscience ; mais la sueur restait sur son front. Il est sorti du jardin pardonné et vêtu ; mais c’était pour se trouver désormais au milieu des épines et des chardons. Dans son âme, il pouvait jouir des précieux fruits de la grâce ; en même temps que dans sa condition publique il subissait les arrêts solennels et inévitables du gouvernement. Est-ce que les épines et les chardons desquels Adam se trouva entouré, à son expulsion d’Eden, ont quelque rapport avec le plein pardon duquel la grâce l’avait auparavant assuré ? Evidemment non. Son cœur avait été réjoui par les rayons brillants issus de la « lampe » de la promesse, et il avait été revêtu de la robe que la grâce avait confectionnée pour lui. Tout cela existait pour lui, avant d’être envoyé dans un monde de misères et de larmes, pour y travailler et y souffrir, par le juste décret du trône du gouvernement. Le gouvernement de Dieu a chassé l’homme, mais pas avant que la grâce de Dieu l’ait pardonné et revêtu. Le gouvernement l’a envoyé dans un monde de ténèbres ; mais pas avant que la grâce ait placé entre ses mains la lampe de la promesse, pour soutenir son cœur au milieu de ces ténèbres. La force nécessaire pour soumettre son cœur au solennel décret du gouvernement lui était donnée, en proportion de l’expérience qu’il faisait de la riche libéralité de la grâce.
Noé (Gen. 6-8)
Passons maintenant au cas de l’arche et à celui du déluge, aux jours de Noé. Elle nous présente, de la même manière que la robe de peau et la lame de l’épée, un exemple frappant de la grâce et du gouvernement divin.
L’histoire inspirée de Caïn et de sa postérité retrace, avec une fidélité sans faille, les « progrès » de l’homme dans sa position déchue. En même temps, l’histoire de Seth, et celle de sa postérité directe, nous expose, dans un contraste saisissant, les progrès de ceux qui étaient appelés à vivre d’une vie de foi, au milieu de cette même scène, où les décrets du trône du gouvernement avaient amené nos premiers parents. Les premiers ont accompli leur carrière suite à la chute, jusqu’à ce que, leurs iniquités étant consommées, ils aient vu fondre sur eux le jugement terrible émanant du trône du gouvernement ; les derniers, au contraire, poursuivant, par la grâce, leur carrière ascendante, ont été finalement transportés à la suite du jugement sur une terre restaurée.
Maintenant il est intéressant de remarquer ceci : avant l’exécution d’aucun acte de jugement de la part du trône de Dieu, la famille élue et tous ceux qui étaient avec eux, ont été enfermés en parfaite sécurité dans l’arche, le vaisseau de la grâce. Noé, en sûreté dans son arche, comme Adam l’avait été dans son vêtement de peau, était le témoin de la merveilleuse grâce de l’Éternel ; et comme tel, il pouvait contempler sans crainte le trône du gouvernement, quand Dieu versait ainsi sa terrible colère sur un monde souillé. Dieu en grâce a sauvé Noé, avant de balayer la terre avec son balai de jugement. Voilà encore un exemple des deux principes, la grâce et le gouvernement : la grâce qui agit en salut, le gouvernement qui se montre par le jugement. C’est Dieu qui agit dans les deux cas. Chaque particule matérielle de l’arche apportait au cœur la douce impression de la grâce ; chaque nouvelle vague du déluge annonçait le solennel décret du gouvernement.
Jacob (Gen. 25-36)
Le récit de la vie de ce patriarche est très instructif. Il montre comment la grâce et le gouvernement de Dieu se combinent de manière très solennelle et frappante. L’histoire entière de cet homme remarquable présente une suite d’événements qui mettent notre sujet en pleine lumière. Je ne mentionnerai que le seul fait de l’indigne tromperie dont il s’est rendu coupable envers son père Isaac, dans le but de supplanter son frère Esaü.
La souveraine grâce de Dieu avait assuré à Jacob, bien avant sa naissance, une prééminence dont aucun homme ne pouvait le priver. Mais, n’étant pas disposé à attendre les temps et les moyens de Dieu, il a entrepris de faire réussir ce dessein par lui-même. Avec quel résultat ? La suite de sa vie en fournit la réponse. L’exil loin de la maison de son père ; vingt ans d’une dure servitude ; son salaire changé dix fois ; sa mère qu’il n’a pas revue ; la crainte d’être tué par son frère irrité. Puis le déshonneur entré dans sa famille ; la terreur de perdre la vie de la main des habitants de Sichem. De plus, la conduite coupable de ses dix fils envers leur frère Joseph ; son chagrin profond causé par la mort supposée de son fils chéri, et, à nouveau la crainte de mourir des suites de la famine.
Quelles leçons n’y a-t-il pas en tout cela ! Jacob était l’objet de la grâce souveraine, immuable, éternelle. C’est là un point parfaitement établi. Mais, en même temps, il était aussi l’objet du gouvernement de Dieu. Souvenons-nous qu’aucun acte, aucune opération de la grâce, ne peut suspendre le cours des roues du gouvernement. Leur marche est irrésistible. Autant vaudrait, avec une paille, vouloir arrêter le flot de la marée montante, ou tenter de dominer la tempête avec une toile d’araignée, que d’essayer d’arrêter, par une puissance angélique, humaine ou diabolique, le cours puissant du char gouvernemental de l’Eternel.
Moïse (Nom. 20)
Ce fidèle conducteur du peuple d’Israël « parla légèrement de ses lèvres » aux eaux de Mériba (Nom. 20). Quel en a été le résultat ? Par le décret gouvernemental de Dieu, l’entrée de la terre promise lui a été fermée !
Mais alors que le décret du trône le retenait hors de Canaan, la grâce infinie de Dieu l’a amené sur le mont Nebo (Deut. 34). De là, il a vu le pays de la promesse ; mais il n’était pas tel qu’il a été après la prise de possession par Israël, mais tel que l’alliance de l’Eternel l’avait donné.
Et puis, que se passe-t-il encore ? C’est l’Eternel lui-même qui ensevelit son cher serviteur. Quelle grâce brille en tout cela ! Assurément si l’esprit est saisi de crainte en entendant le solennel décret à Mériba, le cœur s’extasie à la vue de l’incomparable grâce de Dieu déployée au sommet du Nebo. Le gouvernement de l’Eternel retient Moïse hors de Canaan. Sa grâce l’élève sur le Nebo et lui creuse un tombeau ! Y a-t-il jamais eu semblable sépulture ? Ne pouvons-nous pas dire que la grâce qui a creusé le tombeau de Moïse n’a jamais été surpassée, sinon par celle qui a procuré le tombeau de Christ ? Oui, l’Eternel peut creuser un tombeau, ou donner un vêtement ; mais la grâce qui brille dans ces actes si admirables est considérablement rehaussée, si on la considère en rapport avec les solennels décrets du gouvernement divin.
David (2 Sam. 11-12)
Examinons encore un autre cas qui illustre de façon frappante la grâce et le gouvernement : David, dans l’affaire d’Urie, le Héthien.
Dans un triste moment, David tombe de son élévation. Sous l’influence d’une convoitise qui l’aveugle, il se précipite dans l’horrible abîme de la souillure morale. Là, dans cet abîme profond, la conviction de sa faute, comme un trait de lumière, atteint sa conscience et tire de son cœur brisé ces paroles : « J’ai péché contre l’Éternel ». Quel accueil sa repentance a-t-elle reçu ? Une claire et prompte réponse de cette grâce à laquelle notre Dieu prend plaisir. « L’Eternel a fait passer ton péché » (12 : 13). Voilà la grâce pure. Le péché de David était parfaitement pardonné ; il ne peut y avoir de doute à cet égard. Mais à peine les doux accents de cette grâce ont-ils frappé les oreilles de David, que le retentissement solennel des roues de son gouvernement se fait entendre. A peine la miséricorde a-t-elle pardonné la faute que l’épée est tirée du fourreau pour exécuter le jugement nécessaire. C’est profondément solennel ! David était complètement pardonné ; néanmoins Absalom s’est rebellé contre son père. La beauté de la grâce et la dignité du gouvernement sont toutes les deux des choses divines. David était autorisé à entrer dans les parvis du sanctuaire, du fait de la grâce qu’il avait reçue (12 : 20) ; mais ensuite il se voit obligé de gravir les rudes coteaux du mont des Oliviers, par la conséquence nécessaire des décrets du gouvernement (15 : 30). Et nous pouvons affirmer sans crainte que jamais la harpe de David n’a fait entendre de sons plus harmonieux, à la louange de la grâce divine, qu’au moment même où il a fait l’expérience de l’action sévère du gouvernement divin.
« Ce qu’un homme sème, cela aussi il le moissonnera » (Gal. 6 : 9). C’est très solennel. La grâce pardonne ; elle le fait librement, pleinement et éternellement. Mais il est également vrai que l’on récolte ce qu’on a semé !
Un maître envoie son domestique ensemencer son champ avec du blé. Par ignorance, stupidité ou grossière inattention, le semeur jette en terre une mauvaise semence au lieu de semer du blé. Le maître apprend l’erreur, mais il désire exercer sa grâce : il pardonne à son domestique, il le fait libéralement, complètement. Qu’en résultera-t-il ? Ce généreux pardon changera-t-il la nature de la récolte ? Assurément non. Quand la saison viendra, au lieu des épis dorés qu’on aurait pu attendre, le serviteur verra avec amertume le champ du maître rempli d’herbes nuisibles. La vue de ces mauvaises herbes lui fera-t-elle douter de la grâce de son maître ? Nullement. Comme la grâce du maître n’altère en rien la nature de la récolte, de même la nature de la récolte ne touche en rien à la grâce du maître, ni ne détruit le pardon qui en découle. Ce sont deux choses parfaitement distinctes.
Ce que nous venons de dire fait comprendre, du moins jusqu’à un certain degré, la différence qu’il y a entre la grâce et le gouvernement. Le passage de Galates 6 est un court exposé, mais il est susceptible d’une application très générale, du grand principe gouvernemental, un principe de l’importance la plus sérieuse et de l’application la plus vaste. « Ce qu’un homme sème » : peu importe de quelle personne il s’agit. Votre moisson sera selon la nature de la graine semée. La grâce pardonne, elle peut même vous élever plus haut et vous rendre plus heureux que vous ne l’auriez jamais été. Mais si vous semez de mauvaises herbes au printemps, vous ne récolterez pas du blé à la moisson. C’est une chose aussi claire qu’elle est sûre. C’est une vérité établie par l’Ecriture, et qui est confirmée par l’expérience journalière. Il arrive que nous rencontrions des amis, remplis de la jouissance de la grâce, connaissant le pardon de tous leurs péchés, marchant dans une communion sans nuage avec Dieu. Cependant, ils souffrent dans leur corps, ou dans leur situation, des terribles conséquences de leurs folies passées, ou des excès dans lesquels ils étaient tombés. Ici encore, vous avez la grâce et le gouvernement. Rien n’est plus important, à sa place, que d’avoir une vue claire de ce sujet. On s’apercevra vite combien elle est propre à nous aider efficacement dans l’étude de la Parole de Dieu.
C. H. Mackintosh - D’après un article du « Messager évangélique » (1941)