QUELQUES THEMES DU LIVRE DES PROVERBES (10)
LES PAROLES D'AGUR (Proverbes 30)
Humilité d'Agur devant la grandeur de Dieu
Deux demandes d'Agur
Les paroles d'Agur au sujet des hommes qui l'entourent
Quatre chemins merveilleux
Quatre choses insupportables
Quatre créatures petites et sages
Quatre êtres majestueux
Les idées les plus étranges ont été émises au sujet de la personne d'Agur. Pour les uns, Agur serait Salomon ; pour d'autres, le frère de Lemuel, etc. Cela nous prouve que l'intelligence de l'homme, appliquée aux choses de Dieu, même les plus simples, ne peut faire que fausse route. La parole de Dieu nous est donnée, non pour que nous y ajoutions nos pensées (v. 6), mais pour que nous nous laissions instruire par elle.
En dehors de ce passage, l'Ecriture ne nous donne aucune indication sur Agur, Jaké, Ithiel ou Ucal. Ces hommes sont autant d'inconnus, mais notre chapitre nous apprend sur Agur deux choses de toute importance :
- Il a parlé de la part de Dieu : « Paroles d'Agur, fils de Jaké, l'oracle prononcé par cet homme à Ithiel, à Ithiel et à Ucal » (v. 1). Il a prononcé un oracle, comme étant la bouche de Dieu (voir 1 Pier. 4 : 11).
- Tout en étant le porte-voix de Dieu pour Ithiel et pour Ucal, Agur ne pensait pas s'en attribuer aucun mérite : « Certes, moi je suis plus stupide que personne, et je n'ai pas l'intelligence d'un homme ; et je n'ai pas appris la sagesse, ni ne possède la connaissance du Saint » (v. 2-3). Il était un homme plus stupide qu'aucun autre ; l'intelligence d'un homme ordinaire lui faisait défaut ; il n'avait été à aucune école enseignant la sagesse ; il n'avait pas reçu comme d'autres un ensemble de connaissances communiqué directement par le Très-Saint. Il était bien différent à cet égard, comme en toutes choses, de ce glorieux prédicateur, le roi Salomon, auquel l'Eternel était apparu, lui disant : « Je t'ai donné un coeur sage et intelligent, en sorte qu'il n'y aura eu personne comme toi avant toi, et qu'après toi il ne se lèvera personne comme toi » (1 Rois 3 : 12).
Ce qui caractérisait donc Agur, cet homme inspiré, c'est qu'en lui-même il était le contraire d'un sage ; il en avait conscience et se plaisait à le proclamer hautement. Se condamner ainsi n'est pas chose commune, même chez les hommes enseignés de Dieu. Un autre prophète, Asaph n'y était pas arrivé de prime abord, et nous apprend par quel chemin il a dû passer pour se juger ainsi. Après maint combat, il était entré « dans les sanctuaires de Dieu » et placé dans la lumière de Sa présence, il avait dit comme Agur : « J'étais stupide et je n'avais pas de connaissance ; j'étais avec toi comme une brute » (Ps. 73 : 17, 22).
Ce jugement, remarquons-le, est à la base de la prophétie d'Agur. On ne peut être la bouche de Dieu en gardant une haute opinion de soi-même. Mais il met encore à nu la folie des hommes qui pensent rehausser la valeur des révélations divines et les rendre plus efficaces, par les études scientifiques ou littéraires qui font appel à l'intelligence naturelle, par l'éloquence, en un mot, par la sagesse de l'homme. Ils ont oublié ce que dit la Parole : cette sagesse rend vaine la croix de Christ, lui enlève son efficace et la prive de ses résultats (1 Cor. 1 : 17).
Agur se trouvait en présence de Dieu. Le verset 4 nous le prouve : « Qui est monté dans les cieux, et qui en est descendu ? Qui a rassemblé le vent dans le creux de ses mains ? Qui a serré les eaux dans un manteau ? Qui a établi toutes les bornes de la terre ? Quel est son nom, et quel est le nom de son fils, si tu le sais ? ». Agur nous rappelle Job devant le Dieu créateur (Job 38). Mais Job, après une longue expérience de lui-même, s'aperçoit alors qu'il ne sait rien, et a la bouche fermée, tandis qu'Agur, cet homme stupide, s'en est rendu compte d'emblée ; c'est pourquoi sa bouche est ouverte. Il peut dire à Ithiel et à Ucal : Pas plus que moi, vous n'avez la connaissance des choses visibles de cette création inférieure. L'homme ne peut les comprendre, les saisir, les contenir ou les diriger avec les moyens limités dont il dispose. Est-il monté aux cieux pour en voir les secrets ; en est-il descendu pour les révéler ? Ce que sont les choses créées et ce dont elles sont composées, notre observation peut, jusqu'à un certain point, nous en rendre compte, mais la manière dont elles ont été faites, établies et mises en ordre, nous échappe complètement. « Où étais-tu, quand j'ai fondé la terre ? » (Job 38 : 4). Même les origines de la création visible ne peuvent être connues que par la foi (Héb. 11 : 3). Combien moins pouvons-nous connaître les choses invisibles et Dieu lui-même ?
Or toutes ces choses ont été faites, sont maintenues et nous sont révélées par la parole de Dieu (Héb. 11 : 3 ; 2 : 3 ; Rom. 10 : 17). C'était aussi cette parole qu'Agur prononçait en oracles : « Toute parole de Dieu est affinée » (v. 5a), sans aucun alliage ; c'est par elle que nous connaissons Dieu : « Il est un bouclier pour ceux qui s'attendent à lui » (v. 5b). Ce Dieu est la part de ceux qui se confient en Lui ; il se révèle à nous pour se donner à nous, comme il le dit à Abram : « Ne crains point ; moi, je suis ton bouclier et ta très-grande récompense » (Gen. 15 : 1). Quel privilège ! Il est pour nous, Il est à nous ; Il se place entre le danger et nous, pour nous protéger toujours, pauvres êtres que nous sommes !
Lorsque, comme Agur, on prononce les oracles de Dieu, il faut se garder d'une chose : « N'ajoute pas à ses paroles, de peur qu'il ne te reprenne, et que tu ne sois trouvé menteur » (v. 6). Il est très grave, comme nous l'avons dit plus haut, d'ajouter à ses paroles au lieu de se laisser instruire par elles, afin de les communiquer à d'autres dans leur intégrité. On est gardé d'agir ainsi en acceptant sur nous-mêmes le jugement absolu qu'Agur prononçait sur lui-même.
Maintenant, avant d'exposer plus en détail ce qui lui a été révélé, Agur a deux choses à demander pour lui-même : « Je te demanderai deux choses ; ne me les refuse pas, avant que je meure : Éloigne de moi la vanité et la parole de mensonge ; ne me donne ni pauvreté ni richesse ; nourris-moi du pain qui m'est nécessaire, de peur que je ne sois rassasié, et que je ne te renie et ne dise : Qui est l'Éternel ? et de peur que je ne sois appauvri, et que je ne dérobe, et que je ne parjure le nom de mon Dieu (v. 7-9).
Ces choses, Agur désire les recevoir avant de mourir, afin d'avoir le temps de glorifier par elles, dans ce monde, le Dieu qui s'est révélé à lui.
La première de ces choses a trait à sa condition morale. Elle comprend deux objets qu'il demande à Dieu d'éloigner de lui : la vanité, la bonne opinion de nous-mêmes que nous voudrions inspirer à d'autres ; la parole de mensonge, ce qui est opposé à la parole de vérité. Dans les v. 4 à 6, Agur a indiqué à ses auditeurs le moyen d'échapper à ces deux dangers : c'est le jugement de soi et une juste appréciation de la parole de Dieu. Mais tout en connaissant ces choses, en les prêchant peut-être, notre coeur naturel est si rusé, que nous avons besoin continuellement d'avoir recours à Dieu pour être gardés de désobéir.
La seconde de ces choses a trait à l'attitude de l'homme de Dieu dans ce monde. On peut la résumer par une parole : s'attendre à Lui. C'est ce qu'Agur avait déjà proclamé à d'autres, au verset 5, mais ce qu'il désire réaliser lui-même : « Ne me donne ni pauvreté ni richesse ». Je désire n'être matériellement ni indépendant, ni dépendant des circonstances qui m'entourent. Dans le premier cas, l'homme, trouvant dans les choses terrestres de quoi se rassasier et se satisfaire, oublie Dieu ; dans le second cas, il cherche à s'approprier ces choses en violant le commandement de l'Eternel au déshonneur porté sur son saint nom. Dans l'un, comme dans l'autre cas, c'est l'indépendance de Dieu. Il n'y a qu'une ressource pour être gardé de ces deux écueils : « Nourris-moi du pain qui m'est nécessaire ». Que je dépende entièrement de toi pour mes besoins que tu connais ! - Que cette requête nous suffise aussi. S'il en est ainsi, nous aurons trouvé le rare secret de n'avoir ni pauvreté, ni richesse dans ce monde.
Mais n'oublions pas que, dans la pratique de ces choses, ce n'est pas à nous de juger les autres : « N'accuse pas un serviteur auprès de son maître, de peur qu'il ne te maudisse et que tu n'en portes la peine » (v. 10). « Qui es-tu, » dit la Parole, « toi qui juges le domestique d'autrui ? C'est pour son propre maître qu'il se tient debout ou qu'il tombe » (Rom. 14 : 4). Cet esprit de dénigrement vient la plupart du temps de notre tendance à excuser notre mondanité en accusant les serviteurs du Seigneur d'être encore plus mondains que nous. Or c'est le maître qui juge son serviteur et ce n'est pas nous. C'est Lui seul qui apprécie la réalité des désirs de son esclave et qui le récompense ou non selon la fidélité de son service. Et de plus, la Parole ne dit-elle pas : « Ne jugez pas, afin que vous ne soyez pas jugés » (Matt. 7 : 1) ? Nous ne sommes jamais en droit d'imputer à nos frères des motifs à leurs actions. C'est le maître seul qui les connaît et les sonde. En agissant autrement, nous nous exposons à être nous-mêmes jugés et à « en porter la peine, » car « de la mesure dont nous mesurons, il nous sera mesuré » (Matt. 7 : 2).
A la suite des expériences dont nous venons de parler, Agur peut maintenant développer librement la pensée de Dieu sur les divers principes qu'on rencontre dans le monde, ceux que l'on doit suivre et ceux que l'on doit éviter.
Comment est d'abord caractérisée aux yeux de Dieu la génération qui nous entoure ? « Il est une génération qui maudit son père et qui ne bénit pas sa mère, une génération pure à ses propres yeux et qui n'est pas lavée de son ordure, une génération... que ses yeux sont hautains, et ses paupières élevées ! - une génération dont les dents sont des épées et les molaires des couteaux, pour dévorer les affligés de dessus la terre, et les nécessiteux d'entre les hommes » (v. 11-14).
Quatre choses affreuses devant Dieu caractérisent cette génération apostate :
- la révolte contre l'autorité et le mépris des liens que Dieu a établis dès le commencement pour les hommes
- la propre justice étalant son manteau sur le péché et sur la souillure
- l'orgueil, la haute opinion que les hommes ont d'eux-mêmes
- la méchanceté qui opprime les faibles et les misérables.
Tels sont les caractères généraux du coeur de l'homme, ses caractères publics, pour ainsi dire. En voici un autre : « La sangsue a deux filles : Donne ! donne ! Il y a trois choses qui sont insatiables, quatre qui ne disent pas : C'est assez !... le shéol, et la matrice stérile, la terre qui n'est pas rassasiée d'eau, et le feu, qui ne dit pas : C'est assez ! » (v. 15-16). Cet autre caractère se loge au plus profond du coeur ; c'est la convoitise, le désir insatiable d'acquérir quelque chose aux dépens de son prochain. Les deux filles de la sangsue n'ont qu'un nom. Elles peuvent avoir des traits, une apparence, des recherches et un but divers. Quand on sonde leur caractère intime, on trouve chez elles ce principe unique : « Donne ! donne ! ». Cette soif de jouissance égoïste qui régit le monde est comparable au sépulcre qui engloutit sans rien rendre à jamais, à la femme stérile qui reçoit sans produire jamais de fruit, à la terre aride qui boit toujours de l'eau sans être jamais rassasiée, au feu qui dévore sans jamais s'éteindre, tant qu'il lui reste un aliment à engloutir.
Quel tableau effrayant des principes du monde et de l'état de l'homme ! Et n'est-il pas naturel qu'il soit suivi de cette sentence : « L'oeil qui se moque d'un père et qui méprise l'obéissance envers la mère, les corbeaux du torrent le crèveront et les petits de l'aigle le dévoreront » (v. 17). Le mépris de l'autorité et la désobéissance, déjà mentionnés au verset 11, se résument en un seul mot : l'indépendance qui est à la base de tout mal chez l'homme. C'est elle que la Parole de Dieu qualifie du nom d'iniquité, quand elle nous dit : « Le péché est l'iniquité » (1 Jean 3 : 4). Or ces choses attireront sur les hommes le terrible jugement de Dieu qui suit la mort.
Le développement effrayant du mal et les caractères de l'homme sans frein ne sont que trop visibles sur la terre, mais s'il s'agit des voies de Dieu, l'esprit de l'homme est incapable de les reconnaître ; elles sont trop merveilleuses pour lui. « Trois choses sont trop merveilleuses pour moi, et il en est quatre que je ne puis connaître : le chemin de l'aigle dans les cieux, le chemin du serpent sur le rocher, le chemin d'un navire au coeur de la mer, et le chemin de l'homme vers la jeune fille » (v. 18-19).
- La voie du jugement de Dieu. Ce n'est pas que le jugement lui-même ne puisse être distingué au moment où il s'abat sur son objet, mais ce qui l'a préparé, ce qui l'a longtemps suspendu, ce qui l'amène, ce qui le décide, est aussi invisible à l'homme que la trace laissée par les ailes de l'aigle dans le ciel.
- La voie de la sagesse et de la prudence. Pareille au serpent (Matt. 10 : 16), elle se sert du rocher dur comme d'un chemin qui la conduit à son but. Nul ne peut voir ce chemin. L'incrédulité, l'endurcissement de l'homme, l'empire de Satan sur son coeur, sa haine contre Dieu, la sagesse les fait servir à l'accomplissement de ses desseins. « Ô profondeur des richesses et de la sagesse et de la connaissance de Dieu ! Que ses jugements sont insondables, et ses voies indiscernables ! Car qui a connu la pensée du Seigneur, ou qui a été son conseiller ?... A lui la gloire éternellement ! Amen » (Rom. 11 : 33-36). Tout proclamera cette sagesse et cette connaissance, mais maintenant il faut se contenter de savoir qu'elle atteindra son but.
- La voie suivie par le gouvernement de Dieu. Il y a un gouvernement divin ; l'homme en sent chaque jour les effets quand il lui faut subir les conséquences de ses actes. Certains faits entraînent fatalement certains résultats. Ainsi « celui qui sème pour sa propre chair moissonnera de la chair la corruption » (Gal. 6 : 8). Celui qui garde sa langue de mal verra « d'heureux jours » (1 Pier. 3 : 10). Mais, comment le gouvernement de Dieu arrivera-t-il à ses fins ? Comment nous fait-il atteindre le port désiré, aussi longtemps qu'en apparence le mal triomphe et que le bien est méconnu et opprimé ? C'est aussi obscur aux yeux de l'homme que le chemin du navire au coeur de la mer. On croit un instant pouvoir en suivre le sillage et voici qu'il a déjà disparu !
- La voie merveilleuse de l'amour. C'est celle « de l'homme vers la jeune fille ». Par quel chemin l'amour parvient-il à conquérir, à posséder l'objet de son désir ? Qu'est-ce qui l'a donc attiré vers nous ? Qu'a-t-il vu en nous qui ait éveillé ses sympathies ? Par quels moyens a-t-il réussi à se révéler et à faire naître une affection réciproque ? Autant d'énigmes que l'esprit de l'homme ne pourra jamais sonder.
Il en est de toutes ces choses comme d'un dessin très simple sur lequel la main d'un enfant a tracé une infinité de lignes sans motif précis et sans aucun ordre, en sorte qu'il est impossible à l'oeil de retrouver le trait primitif. Seul, l'auteur du dessin saura ce que recouvre l'inextricable dédale des voies de l'homme. Il en est ainsi de l'oeil de Dieu ; il discerne ses voies, et celles de l'homme ne peuvent les entraver. Toutes les voies de Dieu aboutissent à leur but. Et cependant le croyant peut les connaître, mais non pas d'après ce qu'il en voit sur la terre. Il lui faut entrer dans le sanctuaire : « O Dieu ! ta voie est dans le lieu saint », s'est écrié Asaph en son temps (Ps. 77 : 13). C'est ainsi que Dieu a fait connaître ses voies à Moïse, tandis que les fils d'Israël ne connaissaient que ses actes (Ps. 103 : 7).
« Tel est le chemin de la femme adultère : elle mange et s'essuie la bouche, et dit : Je n'ai point commis d'iniquité » (v. 20). Hélas ! le chemin de celui qui a rompu par le péché ses relations avec Dieu, est tout aussi incompréhensible. Il se repaît, satisfait ses convoitises, puis en efface la trace visible de manière à la cacher aux yeux des hommes ; il se fait illusion à lui-même sur son propre état et ne tient nul compte de Dieu qui a tout vu !
Après les choses incompréhensibles viennent les choses odieuses. Elles font trembler le monde qui en est témoin. « Sous trois choses la terre tremble, et sous quatre elle n'en peut plus : sous le serviteur quand il règne, et l'homme vil quand il est rassasié de pain ; sous la femme odieuse quand elle se marie, et la servante quand elle hérite de sa maîtresse » (v. 21-23). C'est en somme le renversement complet de l'ordre public ou privé établi de Dieu ; et nous savons que cet état de choses ira, s'accentuant de plus en plus, jusqu'à la fin. Le serviteur règne au lieu d'obéir ; l'homme vil est celui qu'on voit jouir de la prospérité ; la femme odieuse est celle qui trouve un mari ; la servante s'empare de l'affection de sa maîtresse et supplante les enfants qui ont naturellement droit. Ainsi, dans ce monde, c'est le mal qui réussit à s'imposer et remplace l'ordre divin. Un pareil fait n'est-il pas un lourd fardeau pour le coeur de celui qui s'est abreuvé à la source du bien, du vrai et du juste ? Rien d'étonnant à ce qu'il « ne sache pas ce qu'il faut demander comme il convient » ? Toutefois « l'Esprit lui-même intercède par des soupirs inexprimables » (Rom. 8 : 26).
Au milieu du chaos moral dont le monde nous offre le spectacle, trouverons-nous ici-bas la sagesse dont nous avons besoin ? « Il y a quatre choses petites sur la terre, qui sont sages entre les sages : les fourmis, peuple sans force, et qui préparent en été leurs vivres ; les damans, peuple sans puissance, et qui ont placé leurs maisons dans le rocher ; les sauterelles n'ont point de roi, mais elles sortent toutes par bandes ; tu saisis le lézard avec les mains, et il est dans les palais des rois » (v. 24-28).
La sagesse ne se fait connaître que dans les choses petites sur la terre. « Considérez votre appel, frères : parmi vous, il n'y a pas beaucoup de sages selon l'homme, pas beaucoup de puissants, pas beaucoup de nobles. Mais Dieu a choisi les choses folles du monde pour couvrir de honte les hommes sages ; et Dieu a choisi les choses faibles du monde pour couvrir les choses fortes ; et Dieu a choisi les choses viles du monde, celles qui sont méprisées et celles qui ne sont pas, pour annuler celles qui sont – afin que personne ne se glorifie devant Dieu » (1 Cor. 1 : 26-29). Oui, la sagesse selon Dieu va toujours de concert avec la petitesse.
- Les fourmis font leurs provisions pour le mauvais jour ; elles sont prévoyantes ; leur sagesse consiste à se pourvoir de ce qui entretiendra leur force, car elles n'en ont aucune en elles-mêmes. Tel est le croyant, faisant personnellement provision de la Parole de Dieu.
- Les damans des rochers - il s'agit probablement du hyrax syriacus qui ressemble à la marmotte - sont sages aussi ; la puissance leur manque, mais ils trouvent leur sécurité dans les rochers. Le croyant se fonde sur Christ (Matt. 7 : 24) ; il a trouvé son refuge dans le Rocher (1 Cor. 10 : 4).
- Les sauterelles n'ont pas de roi ; l'autorité leur manque ; mais leur force est dans leur rassemblement. Telle la force de l'Assemblée, chose sage entre les sages ; en des jours où toute autorité visible a disparu.
- Le lézard est un être sans défense quelle que soit la main qui le saisit. Peut-on voir quelque chose de plus craintif et de plus misérable ? Et cependant rien ne l'empêche de loger dans la demeure de la magnificence royale. La sagesse du croyant consiste à n'être rien et son insignifiance même lui ouvre un libre accès dans la gloire.
Voici donc nos coeurs réconfortés au milieu du spectacle du mal et en présence de l'impossibilité de connaître les voies cachées de Dieu. La sagesse s'est révélée à nous dans les choses humbles et petites, mais ce ne sont pas seulement d'infimes créatures qui nous en donnent l'exemple ; nous avons appris à la connaître en Celui qui, étant Dieu d'éternité, s'est abaissé jusqu'à nous et s'est anéanti jusqu'à la mort de la croix.
S'il y a dans ce monde des choses sages auxquelles nous devons être rendus attentifs, il y a aussi des choses belles au milieu de toutes les choses repoussantes produites par le péché : « Il y a trois choses qui ont une belle allure, et quatre qui ont une belle démarche : le lion, le fort parmi les bêtes, et qui ne se détourne devant qui que ce soit ; le coursier qui a les reins ceints ; ou le bouc ; et le roi, contre qui personne ne peut se lever » (v. 29-31).
Si nous ne trouvons la sagesse que dans la petitesse, nous ne trouvons la beauté que dans la marche. Oui, elle est belle l'allure du lion, la force dans la marche, qui va droit son chemin, dédaignant les obstacles. - Elle est belle, l'allure du coursier, aux reins ceints à la fois pour servir autrui et pour fournir une course rapide. - Elle est belle, l'allure du bouc qui va devant le troupeau (Jér. 50 : 8), lui donnant l'exemple de la marche, amenant toutes les brebis au bercail. - Elle est belle enfin, l'allure du roi, une marche d'autorité divine, à laquelle aucune puissance ne peut résister.
Ah ! Qu'il nous soit donné, les yeux fixés sur Christ, parfait modèle de toutes ces allures (Jean 1 : 36), d'en reproduire la beauté dans notre marche ici-bas ! Donne-nous, ô Dieu, de connaître la sagesse dans l'humilité, de réaliser la puissance dans la marche !
Mais « si tu as agi follement en t'élevant et si tu as pensé à mal, mets la main sur ta bouche » (v. 32).
Au cas où la folie de notre coeur naturel, nous ayant élevé à nos propres yeux, nous ait fait sortir du chemin de l'humilité et de la puissance, pour nous exposer aux mauvais principes qui agissent dans le monde, que nous reste-t-il à faire, sinon à nous humilier, à dire comme Job : « Voici, je suis une créature de rien... Je mettrai ma main sur ma bouche... J'ai horreur de moi, et je me repens dans la poussière et dans la cendre » (Job 39 : 37 ; 42 : 6).
« Car la pression du lait produit le beurre, et la pression du nez fait sortir le sang, et la pression de la colère excite la querelle » (v. 33).
N'oublions pas que ce qui est bon devient excellent sous la pression exercée par la main de Dieu. Si l'humiliation n'est pas produite par les voies naturelles, ce sera le châtiment qui la produira ; tandis que toute pression exercée sur la chair ne peut produire que des résultats selon la chair.
« Messager évangélique » 1902 p. 141, 161