LES DISPENSATIONS (4)
3 - Le peuple d'Israël, les nations et l'Eglise
L'apôtre Paul distingue clairement ces trois catégories de personnes lorsqu'il dit : « Ne devenez une cause d'achoppement ni aux Juifs, ni aux Grecs, ni à l'assemblée de Dieu » (1 Cor. 10 : 32). Dans ce chapitre, nous allons voir leurs caractères distinctifs, leurs relations et quelques éléments de leur histoire.
Etapes de l'histoire d'Israël sous la loi
Dans notre esquisse des diverses dispensations successives, au chapitre précédent, nous n'avons considéré celle de la loi que de façon globale. Or cette période de quinze siècles est extrêmement riche en communications divines et en événements. Essayons d'en préciser les grands traits.
- Israël est quarante ans dans le désert, sous la conduite de Moïse. Le tabernacle a été construit, et l'Éternel habite au milieu de son peuple. Selon ses instructions détaillées, le culte a été institué. Le lien entre l'Éternel et son peuple est maintenu par le moyen de la sacrificature. La traversée du désert - avec toutes ses difficultés - est une épreuve de l'homme, en même temps qu'une manifestation des soins de la grâce de Dieu envers les siens (Deut. 8). Les murmures, l'incrédulité du peuple jalonnent les pages qui nous présentent cette période, de l'Exode au Deutéronome. D'un autre côté, toutes les institutions lévitiques sont des types des choses meilleures que Dieu a en vue pour le temps de la venue de Christ. Elles sont bien « l'ombre des choses à venir » (Col. 2 : 17 ; Héb. 10 : 1), « la figure et l'ombre des choses célestes » (Héb. 8 : 5).
- Sous la conduite de Josué, successeur de Moïse, Israël fait la conquête de Canaan, pays que Dieu avait promis à Abraham et à ses fils. Le tabernacle est dressé à Silo et la sacrificature demeure le lien officiel du peuple avec Dieu. La fidélité d'Israël est mise à l'épreuve d'une nouvelle manière. Le peuple aura-t-il l'énergie nécessaire pour conquérir de fait le pays que Dieu lui a donné ? (Jos. 1 : 3). Et saura-t-il demeurer « séparé de tout peuple qui est sur la face de la terre » ? Hélas ! la conquête incomplète du pays ouvre la porte à la cohabitation avec des nations idôlatres ; les conséquences en seront désastreuses.
- Dans la période des juges, l'histoire d'Israël se déroule selon un cycle affligeant : le peuple abandonne l'Eternel et s'attache aux idoles ; l'Eternel le livre en la main de ses ennemis pour le discipliner; dans la détresse, le peuple crie à l'Eternel; celui-ci use de miséricorde envers son peuple et suscite un juge pour le délivrer. Puis, le pays est en repos quelques années, et le cycle recommence (cf. Jug. 2 : 16-19). De façon générale, le rôle du juge comme conducteur du peuple est très limité ; Israël est sous le gouvernement direct de Dieu, selon cette parole prononcée plus tard : « Et votre Dieu, était votre roi » (1 Sam. 12 : 12). Mais en fait, « en ces jours-là, il n'y avait pas de roi ; chacun faisait ce qui était bon à ses yeux » (Jug. 17 : 6 ; 21 : 25).
- La vie de Samuel fait la transition entre la période des juges et celle de la royauté. En outre, elle marque l'avènement du ministère des prophètes. Samuel est à la fois le dernier des juges (1 Sam 7 : 15-17 ; Act. 13 : 20) et le premier des prophètes (Act. 3 : 24). Jusqu'alors, le souverain sacrificateur était le représentant du peuple devant Dieu, l'arche était le témoignage de la présence de Dieu au milieu du peuple, et les sacrifices, le moyen de maintenir les relations qu'il avait établies. Au moment où paraît Samuel, la sacrificature montre sa déchéance morale complète, dans la personne d'Eli et de ses fils; les sacrificateurs eux-mêmes entraînent le peuple à la transgression (1 Sam. 2, 12-36). Alors, sans être formellement ôtée, la sacrificature est reléguée au second plan. L'arche de l'Eternel est emmenée captive pour un temps chez les Philistins et le sanctuaire de Silo, où l'Eternel avait demeuré depuis l'entrée en Canaan, est détruit (Jér. 7 : 12). Dès lors, ce sont les prophètes qui constituent le vrai lien entre l'Éternel et son peuple.
- Il appartient à Samuel, le prophète, d'établir la royauté en Israël. Le peuple ne sera plus sous le gouvernement direct de l'Éternel, mais sous celui du roi qu'il a établi. La demande d'un roi résultait d'un manque de foi et d'un désir mondain du peuple, et elle équivalait à un rejet de l'Eternel (1 Sam. 8 : 5, 7 ; 12 : 12). Mais d'autre part, Dieu allait accomplir par là ses desseins concernant la gloire de son Fils (1 Chr. 17 : 7-14 ; Ps. 2 : 6). Le rapport entre les rois et les prophètes est digne d'être relevé: les rois sont institués par les prophètes (lorsque les choses sont normales), et les prophètes usent sur les rois d'une autorité qui vient de Dieu. Trois rois règnent sur tout Israël : Saül - le roi selon le coeur de l'homme - puis deux types du Messie : David, le Messie souffrant, et Salomon, le même Messie établissant sa domination universelle et son règne de justice et de paix. Le grand événement du règne de Salomon est la construction du temple de l'Eternel à Jérusalem. C'est le lieu que l'Eternel a choisi pour y faire habiter son nom, celui dont il dit : « Mes yeux et mon coeur seront toujours là » (1 Rois 9 : 3).
- Mais l'infidélité de Salomon amène la division du royaume (1 Rois 11). Les deux tribus qui restent sous autorité de la famille de David (le royaume de Juda) connaissent quelques réveils spirituels, notamment sous Ezéchias et sous Josias, tandis que les dix autres tribus (le royaume d'Israël), conduites dès le départ dans l'idolâtrie, suivent un chemin d'apostasie croissante. Après deux siècles et demi d'existence, Israël est déporté hors de sa terre par Shalmanéser, roi d'Assyrie (2 Rois 17). Le royaume de Juda, quant à lui, subsiste un siècle de plus, puis ses habitants sont déportés à Babylone par Nebucadnetsar (2 Rois 25 ; 2 Chr. 36). Dans la suite, il n'est plus question que de Juda.
- La captivité à Babylone dure soixante-dix ans (Dan. 9 : 2 ; Jér. 29 : 10). C'est le temps de l'humiliation et de la misère pour Israël. Jérusalem est en ruines, le temple est détruit, l'arche a disparu. Selon la prophétie d'Osée, « les fils d'Israël resteront beaucoup de jours sans roi, et sans prince, et sans sacrifice, et sans statue, et sans éphod ni théraphim » (3 : 4) - c'est-à-dire sans roi, ni vrai Dieu, ni faux dieu. Désormais Israël est déclaré « Lo-Ammi » (pas mon peuple). Ce temps doit durer jusqu' à la restauration d'Israël, à la fin des jours (Osée 1 : 6-11 ; 2 : 14-23). Mais la miséricorde de Dieu va accorder une restauration partielle à Israël - ou plus précisément, à Juda - après l'accomplissement des soixante-dix ans.
- A la chute de l'empire babylonien, un édit de Cyrus, roi de Perse, invite tous les Israélites dispersés parmi les nations à retourner dans leur terre pour reconstruire la maison de l'Eternel, le Dieu des cieux, à Jérusalem (Esd. 1 : 1-4). Environ quarante-deux mille personnes, la plupart de la tribu de Juda, répondent à l'appel, rebâtissent le temple et, quelques décennies plus tard, reconstruisent la muraille et la ville. Ce retour de captivité est un accomplissement partiel des prophéties concernant la restauration d'Israël. Il permet la venue et la présentation du Messie au peuple, quelques siècles plus tard. Au départ, ce retour est un élan de coeur et de foi chez des hommes pieux dont Dieu a réveillé l'esprit (Esd. 1 : 5). Mais cet élan dégénère progressivement, et aboutit au formalisme et au pharisaïsme qui caractérise les Juifs religieux lorsque le Seigneur Jésus apparaît sur la terre. Cette dernière période d'Israël sous la loi est décrite par trois livres historiques: Esdras, Néhémie et Esther. Et trois prophètes datent de cette époque: Aggée, Zacharie et Malachie.
Israël au milieu des nations
La simple lecture des Ecritures montre que la plus grande partie des révélations de Dieu aux hommes s'est faite par le canal d'Israël. « Les oracles de Dieu leur ont été confiés » (Rom. 3 : 2), dit l'apôtre Paul en parlant de l'Ancien Testament. Une partie importante du Nouveau Testament nous place aussi dans le cadre d'Israël : les quatre évangiles nous présentent le ministère du Seigneur Jésus parmi les Juifs. Les Actes nous montrent la prédication de l'évangile « au Juif premièrement, et au Grec » (Rom. 1 : 16), - cette expression pouvant caractériser aussi bien la structure du livre que l'ordre suivi par les apôtres dans leur ministère (Act. 13 : 46). En outre, quelques épîtres sont expressément adressées à des Juifs : celle aux Hébreux, et celles de Jacques et de Pierre.
Ceci attire notre attention sur la place unique du peuple d'Israël parmi toutes les autres nations. Cette place privilégiée résulte du libre choix de Dieu. « Parce qu'il a aimé tes pères, et qu'il a choisi leur semence après eux... il t'a fait sortir d'Egypte » (Deut. 4 : 37).
Il importe de souligner que l'alliance de Dieu avec Abraham était unilatérale et inconditionnelle. Dieu seul s'est engagé, et Il l'a fait avec la plus grande solennité (Gen. 15). Abraham crut Dieu, et sa foi lui fut comptée à justice (v. 6). Cette alliance a placé les patriarches et leurs descendants, pour une période d'environ quatre cents ans, sur un terrain qui n'est pas du tout celui de la loi, sur un terrain très proche de celui de la grâce que nous connaissons. La foi d'Abraham est en quelque sorte le prototype de la foi chrétienne (Rom. 4 : 11-12).
La relation de Dieu avec Israël comme peuple commence lors de sa délivrance d'Egypte. C'est le sujet du livre de l'Exode. « J'ai vu l'affliction de mon peuple qui est en Egypte... Et je suis descendu pour le délivrer... et pour le faire monter de ce pays-là... dans un pays ruisselant de lait et de miel » (Ex. 3 : 7-8). « Je vous prendrai pour être mon peuple, et je vous serai Dieu » (6 : 7). Dès lors, un peuple de la terre devient le peuple de Dieu. Jamais aucune autre nation n'aura ce privilège. Israël reçoit la loi au Sinaï (Ex. 20), et la première alliance de Dieu avec le peuple est conclue, alliance bilatérale et conditionnelle (Ex. 19 : 5 ; 24-3-8 ; Héb. 9 : 19). Israël est entouré de tous les soins de Dieu durant sa marche à travers le désert, puis, sous la conduite de Josué, entre dans le pays promis. Mais, dès le début, c'est l'histoire décevante de l'homme incapable de garder les commandements de Dieu, et jamais à la hauteur des bienfaits qu'il reçoit de Lui. C'est l'histoire de l'idolâtrie invétérée par laquelle il provoque à colère le Dieu de son alliance. Dieu interviendra plusieurs fois par des châtiments, en vue de ramener son peuple. Mais qu'ils aient lieu sous les juges ou durant la royauté, les réveils ne seront que de courte durée. Pendant des siècles, les prophètes chercheront à ramener le peuple à l'Éternel, alternant avertissements et encouragements, reproches et promesses, jusqu' à ce qu'il n'y ait « plus de remède » (2 Chr. 36 : 16).
Il n'était pas demandé à Israël d'avoir une activité missionnaire envers les nations. Ce peuple devait bien témoigner de l'existence du seul vrai Dieu parmi les païens, mais ceux-ci étaient « sans espérance » et « sans Dieu » (Eph. 2 : 12). Le Seigneur Jésus lui-même n'était « envoyé qu'aux brebis perdues de la maison d'Israël » et c'est vers elles seulement qu'Il a envoyé ses disciples au début de son ministère (Matt. 10 : 5 ; 15 : 24).
Durant des millénaires, Dieu « a laissé toutes les nations marcher dans leurs propres voies » (Act. 14 : 16). Mais « les temps de l'ignorance » ont pris fin lorsque le Seigneur Jésus ressuscité a dit à ses disciples : « Allez dans tout le monde et prêchez l'évangile à toute la création » (Marc 16 : 15). Et nous lisons dans les Actes : « Dieu donc, ayant passé par-dessus les temps de l'ignorance, ordonne maintenant aux hommes que tous, en tous lieux, ils se repentent » (17 : 30). Un apôtre Paul a été le pionnier de la prédication de l'évangile parmi les nations (Rom. 16 : 26 ; Gal. 2 : 7 ; Eph. 2 : 11-13 ; 3 : 8 ; ... ).
Il est vrai que Dieu « n'a pas manqué… de rendre témoignage de ce qu'il est par ses bienfaits », en plaçant devant les yeux de tous les hommes les signes de sa bonté et de sa puissance (Act. 14 : 17). Tous sont responsables selon cette mesure au moins (Rom. 1 : 20-21). Pierre dit « que Dieu ne fait pas de considération de personnes, mais qu'en toute nation, celui qui le craint et qui pratique la justice lui est agréable » (Act. 10 : 35). Y a-t-il beaucoup de personnes qui auront été amenées à craindre Dieu par le témoignage de la création, et sans les révélations qu'Il a faites par le canal d'lsraël ? Dieu seul le sait.
L'Eglise, hors d'Israël et des nations
Dès le jour de la Pentecôte (Act. 2 : 1), il y a sur la terre un nouveau peuple de Dieu. C'est l'Eglise, ou l'assemblée. « Car aussi nous avons tous été baptisés d'un seul Esprit pour être un seul corps » (1 Cor. 12 : 13). Ce jour-là, les disciples de Jésus - il y en avait alors environ cent vingt à Jérusalem (Act. 1 : 15) - ont été unis en un seul corps par le Saint Esprit. Dès lors, tous ceux qui croient en Jésus sont retirés soit du peuple juif soit de la nation terrestre à laquelle ils appartenaient (cf. Act. 26 : 17), pour faire partie de l'Eglise (le mot Eglise dérive d'un terme qui signifie : appelé hors de ... ). « Dieu a visité les nations pour en tirer un peuple pour son nom » (Act. 15 : 14). L'épître aux Ephésiens nous dit que « des deux » (Israël et les nations), Christ « en a fait un » , ayant « détruit le mur mitoyen de clôture » (la barrière d'origine divine qui séparait Israël de toutes les nations). Dès lors, quelle que soit leur origine, les croyants tous ensemble constituent «un seul corps» (Eph. 2, 14-16).
Tout ce qui concerne l'Eglise était un mystère que Dieu avait caché dans les âges passés, bien que cela fasse partie de son propos éternel. Au moment convenable, Dieu l'a mis en lumière devant tous, « afin que la sagesse si variée de Dieu soit maintenant donnée à connaître... par le moyen de l'assemblée » (Eph. 3 : 2-12). L'instrument spécialement choisi de Dieu pour révéler ce mystère, c'est l'apôtre Paul (1 Cor. 3 : 10 ; Col. 1 : 25). Au moment même de sa conversion, par la question : « Pourquoi me persécutes-tu ? », il apprend que les disciples de Jésus sont unis à lui comme faisant partie son corps. Il lui sera donné de développer par la suite les glorieuses vérités qui concernent l'assemblée.
Les privilèges distinctifs de l'Eglise découlent de son union avec Christ. La place de Christ détermine la place de l'Eglise, que ce soit devant Dieu ou devant le monde.
De la même manière, les privilèges distinctifs des chrétiens (c'est-à-dire des croyants qui font partie de l'Eglise) résultent de leur position en Christ. Il est éternellement le Fils du Père, et Il amène ceux qui sont « en Christ » dans la relation avec Dieu qui est la sienne. Dieu « nous a rendus agréables dans le Bien-aimé » (Eph. 1 : 6). Il « nous a fait asseoir ensemble dans les lieux célestes dans le Christ Jésus » (2 : 6). De là découle une plénitude de bénédictions spirituelles.
Entre les deux peuples de Dieu, dans la dispensation de la loi et dans la dispensation actuelle, il y a plus de contrastes que d'analogies. On faisait partie du premier par sa naissance, on entre dans le second par la nouvelle naissance. Les bénédictions promises à Israël étaient matérielles et terrestres, les chrétiens sont « bénis de toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes en Christ » (Eph. 1 : 3). Israël possédait un pays, l'Eglise est constituée de gens qui sont étrangers sur la terre, parce qu'ils ont été moralement retirés du présent siècle mauvais (Gal. 1 : 4).
J.-A. M – article paru dans le « Messager Evangélique » (1998 p. 312-320)
(A suivre)