Comment Dieu travaille ?
Un aspect de l'épître aux Romains.
Introduction
CHAPITRES 1 à 3 : 20 : Nécessité du travail de Dieu
CHAPITRES 3 : 21 à 5 : 11 : Ce que Dieu a fait pour nous
Plusieurs sujets sont développés dans l'épître aux Romains. Le premier est l'évangile (ou bonne nouvelle) : ce mot est employé quatre fois dans le premier chapitre (Rom. 1 : 1, 9, 15, 16). L'évangile est généralement considéré comme l'annonce du salut, le point de départ de la vie chrétienne, et cependant ici, au verset 15 du chapitre premier, Paul se propose de l'annoncer à des croyants : preuve que l'évangile va bien au-delà du salut de l'âme et comprend toute la pensée de Dieu révélée à l'homme, tout le plan de Dieu à son égard.
Un deuxième sujet est la justice de Dieu (Rom. 1 : 17) : le Dieu juste révèle et offre sa justice à l'homme après l'avoir convaincu qu'il en a besoin
Un troisième sujet, c'est l'oeuvre de Dieu (Rom. 14 : 20). A travers cette épître, nous voyons Dieu au travail. Il commence par mettre de côté les oeuvres de l'homme et fait successivement une oeuvre :
- pour nous (jusqu'au chapitre 5 : 11)
- en nous (à partir du chapitre 5 : 12)
- par nous (à partir du chapitre 12).
C'est sous cet aspect du travail de Dieu que l'épître a été considérée dans cet article.
Tant que l'homme a confiance en lui-même, il n'est pas prêt à faire confiance à Dieu et à le laisser travailler, il est donc nécessaire de lui ôter ses illusions.
Nous observons le même plan dans le livre d'Esaïe où Dieu doit déclarer dès le début (Es. 2 : 22) : « Finissez-en avec l'homme dont le souffle est dans ses narines ». Puis, progressivement, est introduit Celui que Dieu envoie, à son peuple Israël d'abord, mais aussi pour être une lumière des nations et son salut jusqu'au bout de la terre (Es. 49 : 6). De même, dans l'Exode, Israël nous est d'abord présenté sous l'esclavage en Egypte, sans aucune possibilité d'y échapper, de sorte que l'on peut constater ensuite ce que Dieu fait pour lui. Il le délivre, mais il fait plus : il en fait son peuple, un peuple d'adorateurs au milieu duquel il dressera son tabernacle (Ex. 40 : 34).
La structure est la même dans l'épître aux Romains : nous trouvons en premier lieu un triste portrait moral de l'homme en trois volets dans les chapitres 1 à 3 :
- un portrait du païen. On demande parfois ce que Dieu fera de ceux qui n'ont pas entendu l'évangile. Le verset 20 du premier chapitre répond que tout homme est doué d'une intelligence qui lui permet de discerner Dieu dans la création. Mais, faute de l'avoir glorifié et de lui avoir rendu grâces, l'humanité a sombré dans l'idolâtrie et dans la pire dégradation morale. Affreux tableau que celui de la fin du premier chapitre ! L'homme fait valoir ses progrès intellectuels, techniques, scientifiques ; mais ce qui intéresse Dieu, ce qui compte à ses yeux, ce ne sont pas les capacités dont il a lui-même doué sa créature, c'est le côté moral, le coeur de l'homme. Et là, l'Ecriture constate que « toute la tête (les pensées) est malade et tout le coeur (les affections) fait défaut. Depuis la plante du pied (la marche) jusqu'à la tête, il n'y a rien en lui qui soit sain » (Es. 1 : 5, 6).
Certes, tous n'ont pas été jusqu'à commettre les abominations mentionnées dans ce premier chapitre, mais il est fait mention à la fin de cette description, de ceux qui « trouvent leur plaisir en ceux qui les commettent ». Le fait de vivre dans un monde plein d'immoralité et de violence expose non seulement à minimiser le mal, à ne plus en avoir horreur (Rom. 12 : 9) mais à s'y intéresser (Rom. 1 : 32).
- un second portrait. Au début du chapitre 2, est présenté l'homme qui a progressé dans la civilisation et la culture : les philosophes, les humanistes et autres moralistes, ceux qui pensent savoir expliquer aux autres ce qu'ils doivent faire et ne pas faire. Leur existence montre que l'être humain possède une conscience. En découvrant les fautes d'autrui, il s'accuse lui-même, montrant qu'il sait distinguer le bien du mal, alors qu'il tombe dans les mêmes égarements ! Ainsi la conscience accuse l'homme bien plutôt qu'elle ne le disculpe (Rom. 2 : 15).
- un troisième tableau . Il dépeint le Juif, l'homme privilégié qui possède les commandements de Dieu et qui jouit d'une relation officielle avec Lui. Il connaît l'expression de sa volonté, ses exigences et il s'en prévaut... tout en les transgressant. D'une manière constante, le Juif se considérait au-dessus « des pécheurs d'entre les nations » (Gal. 2 : 15). Mais son privilège même le condamnait. La loi lui montrait ce que Dieu voulait et il était incapable de la respecter. Nous pouvons étendre aujourd'hui ce troisième tableau à tous ceux qui possèdent la Bible tout en faisant simple profession de christianisme.
On retrouve, dans le Psaume 19, quoique dans un ordre différent, ces trois côtés du témoignage rendu à l'homme :
- par la création (v. 1-6)
- par la parole (v. 7-11)
- par la conscience (v. 12-14).
Ainsi Dieu a un langage pour toutes ses créatures, même pour celles qui n'ont jamais eu l'occasion d'entendre l'évangile. Et sa conclusion, nous la trouvons au chapitre 3 : « tous sont sous l'emprise du péché », « pas de juste » (v. 10), « personne qui ait de l'intelligence » (v. 11), « tous corrompus » (v. 12). Quel bilan ! Le trouvons-nous trop sévère ? Dieu se doit à lui-même – et nous doit à nous, tel un médecin consciencieux – de nous dire la vérité. Alors au verset 22 tombe le verdict définitif : « Il n'y a pas de différence, car tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu ».
Dieu fait donc table rase des prétentions de l'homme avant de lui offrir sa grâce. Lorsqu'on veut construire une maison sur un terrain occupé par de vieilles bâtisses en ruine, il faut d'abord démolir celles-ci. La ruine de l'homme est une vérité solidement établie par l'Ecriture et nous avons à la reconnaître avant de faire un pas de plus.
Après un tel constat de faillite, propre à nous plonger dans le désespoir, n'est-il pas merveilleux de lire aussitôt, dans la même phrase (v. 23-24), que Dieu nous déclare « justifiés gratuitement par sa grâce, au moyen de la rédemption qui est dans le Christ Jésus » ?
Le désir de Dieu, c'est que nous soyons d'accord avec lui quant au jugement qu'il porte sur notre passé, et alors seulement il nous offre gratuitement ce qu'il a préparé pour nous. Qu'a-t-il préparé ? Ce dont ont besoin des injustes : D'une justice.
Mais un don ne devient ma propriété que si je l'accepte. La fin du chapitre 3 nous montre le côté de Dieu. Il offre gratuitement sa justice à l'injuste. Le chapitre 4 nous montre le côté de l'homme : la réception du don qui se fait par la foi. Pour mieux le confirmer, nous avons un exemple illustre dans la personne d'Abraham. Tout fidèle qu'il ait été, avec toutes les oeuvres qu'un homme tel que lui aurait pu faire valoir, c'est par la foi qu'il a été justifié !
Il l'a été avant l'alliance de la circoncision, preuve que le moyen de salut est bien la foi et s'étend à tous les hommes, pas aux Juifs seulement. Aucune différence quant au don : cette justice gratuite que la grâce de Dieu offre à tous, aucune différence non plus quant au moyen de se l'approprier et qui est la foi sans oeuvres. Dès lors c'est un cri de joie qui peut se faire entendre au chapitre 5 : 1, 2.
Sans force, impies, pécheurs et ennemis, nous avons trouvé, dans l'amour de Dieu donnant son Fils, la paix, la réconciliation et tous nos grands sujets de gloire et de joie. La question des péchés commis a été réglée, le lourd passif moral a été payé par un Autre, l'homme est rendu propre à entrer au ciel, dans la présence du Dieu qui est saint. Ses péchés sont pardonnés, mais une autre question se pose maintenant, c'est celle de la mauvaise nature appelée le péché, de l'arbre qui a produit ces mauvais fruits, de la source d'où coule cette eau corrompue. Et alors Dieu va faire un autre travail : après avoir travaillé pour nous – et en dehors de nous – il va accomplir une oeuvre en nous. En général, nous trouvons celle-ci beaucoup moins agréable, parce que Dieu nous apprend à nous connaître nous-mêmes et cette connaissance nous couvre de honte et de confusion.
Au chapitre 5 : 12-21, nous sont présentés deux chefs de race et leurs familles respectives. Nous appartenons par la naissance à la race d'Adam, qui se reproduit, moralement conforme à elle-même, d'une génération à l'autre. Race de pécheurs, de désobéissants, de transgresseurs, nous sommes de ce fait condamnés à mort, selon la sentence de Dieu dès le jardin d'Eden. Il n'y a pas d'autre issue : Dieu ne répare pas ce que l'homme a gâté. Ce qu'il fait : il introduit un nouvel Homme, son Fils, chef d'une nouvelle famille à laquelle appartient désormais l'enfant de Dieu. Sans doute, la vieille nature est-elle toujours dans le croyant, mais Dieu a réglé ce problème, car il n'y a pas place devant lui pour deux hommes : cette mort que l'homme en Adam méritait, elle a été subie par le Christ à la croix et, par conséquent, le croyant peut considérer cette vieille nature comme définitivement mise de côté par Dieu.
En cela consiste l'affranchissement, expression magnifique, synonyme de liberté, de délivrance. Bonne nouvelle s'il en est une, et qui fait bien partie de cette bonne nouvelle qu'est l'évangile complet !
De quoi sommes-nous délivrés ?
De la chair, du moi et de la confiance qu'il inspirait, des illusions sur le bien existant dans la nature humaine : voilà où Dieu veut nous amener : être entièrement d'accord avec Lui a ce sujet. Et comment sommes-nous délivrés ? Par la mort. Mais « mort » dans l'Ecriture ne signifie pas inexistence ni anéantissement ; cet état indique une séparation, une absence de relation avec Dieu. Par exemple, Ephésiens 2 : 1 parle de ceux qui étaient « morts » dans leurs fautes et dans leurs péchés » comme étant bien vivants quant à la chair ; en Apocalypse 20 : 12, devant le grand trône blanc, nous voyons les morts, grands et petits, se tenir debout ; et nous savons que la seconde mort est bien une existence, éternelle, hélas loin de Dieu.
Les membres de l'homme, ses multiples facultés, employés jusque-là, pas toujours pour faire de mauvaises choses, mais toujours pour lui-même, pour sa propre satisfaction, vont, chez le croyant, changer de propriétaire. Ces membres : notre langue, notre intelligence, notre mémoire... ne sont que des instruments neutres, placés sous une certaine direction. Les voilà délivrés de l'assujettissement obligatoire au moi par la « mort » de celui-ci ; ils sont disponibles pour une autre autorité qui se substitue à la première. C'est le Christ qui va utiliser ces mêmes membres, autrefois au service du moi, des convoitises, du péché, du monde, pour un nouveau service ; ils vont devenir instruments de justice (Rom. 6 : 13).
Mais dans la pratique, cette nouvelle autorité ne peut pas toujours s'exercer, parce que la chair, sortant de sa place (la mort), s'attribue des droits qu'elle a perdus. D'où l'exhortation du verset 11 : « Estimez-vous vous-mêmes comme morts » ; autrement dit, surveillez la chair, maintenez-la où Dieu l'a placée, ne la laissez pas reprendre le contrôle de ce qui ne lui appartient plus.
Nous tenir pour morts, c'est réaliser pratiquement cette destitution du moi, ce fait que tout en nous – nos facultés, nos capacités – appartient à un nouveau maître et doit rester à sa disposition. Car le Seigneur l'a dit : « Personne ne peut servit deux maîtres ». C'est une vérité que nous avons à saisir par la foi, comme le pardon des péchés.
L'affranchissement d'un croyant est donc un acte de foi de sa part, comme la conversion, et il ne faudrait pas croire qu'il est nécessaire pour comprendre cela d'arriver à la fin de sa vie chrétienne. Mais le principe est une chose, l'expérience pratique en est une autre et nous savons que notre tendance est de refuser au Seigneur ce qui lui appartient, pour le mettre à nouveau au service du « moi ».
Au chapitre 7 : 12, nous assistons à un combat décourageant. Un homme lutte, il a la vie de Dieu, il sait ce qu'est le bien mais il n'a pas la force de l'accomplir ou plutôt il cherche la force en lui-même, et ce n'est pas là qu'elle se trouve. Tout au long de ce chapitre, ce pauvre croyant est occupé de lui-même ; nous trouvons au moins quarante fois « je », « moi », « me » : c'est le moi qui est le centre. Cet homme cherche à se débarrasser de ses tendances, il cherche à plaire à Dieu, mais enregistre échec sur échec. Qui de nous n'a pas fait cette expérience ? Nous prenons une bonne résolution, et elle s'envole vite !
Cela signifie-t-il qu'on ne doit pas faire d'effort, puisque c'est inutile ? Doit-on tout laisser aller ?
Certes, il y a des efforts à faire mais dans le sens d'une surveillance à exercer sur soi-même. Dans une armée, sur le front, la vigilance de la sentinelle exige un effort différent de celui du combattant, mais la victoire en dépend dans une large mesure. Tenir la chair dans la mort, cultiver la communion avec le Seigneur, ce n'est pas peu de chose et c'est en cela que consiste notre effort (qui n'est possible qu'avec le secours du Saint Esprit) : rester près du Seigneur, pour que, tenus par sa main, nous comprenions enfin que nous avons besoin de lui pour tout. Séparés de lui, nous ne pouvons rien faire (Jean 15 : 5). Aussi, à la fin de ce chapitre 7, nous entendons ce croyant qui a vainement essayé de s'extraire du marécage dans lequel il était embourbé, s'écrier enfin : « Je ne peux pas me délivrer moi-même ; j'ai besoin qu'une main se tende vers moi. Qui me délivrera de ce corps de mort ? Tout seul cela m'est impossible ». Justement le Seigneur attend que nous ayons fait cette expérience-là, qui peut être plus ou moins longue et pénible, pour se faire connaître à nous comme le grand libérateur.
Ainsi, à mesure que la grâce de Dieu travaille en nous, Dieu nous fait perdre peu à peu nos illusions sur nous-mêmes et nous apprend à nous confier plus pleinement en Lui. Nos déceptions proviennent de ce que nous pensons trouver du bien dans l'homme. Il nous faut expérimenter que tout ce que nous ne pouvons pas trouver en nous, il faut l'attendre de Jésus Christ, notre Seigneur. C'est là que se trouvent véritablement notre paix et notre bonheur.
J. Koechlin – « Simples réponses bibliques » BPC Valence
(à suivre)