PLUS DE FRUIT (6)
V. PAUL : La discipline préventive en rapport avec le ministère
Une telle discipline est-elle vraiment opportune ? Les nombreux dangers que court un serviteur du Seigneur nous font saisir pourquoi la Parole en montre la nécessité.
Parmi ces dangers, relevons celui de Romains 12 : 3 : « Avoir une haute pensée » de soi-même ! Péril d'orgueil, de satisfaction de soi, qui guette tout ministère public, mais aussi chaque serviteur, quel que soit son don de grâce, ou la « mesure » que Dieu lui a confiée (2 Cor. 10 : 13).
En 1 Pierre 5 : 3, les anciens sont exhortés à ne pas « dominer sur des héritages » ; cet esprit de domination pourrait peser même sur des âmes ou sur d'autres serviteurs (Matt. 24 : 49).
La lassitude enfin est apte à gagner tout ouvrier du Seigneur (2 Cor. 4). L'éventuelle monotonie du service, surtout le relâchement dans la communion avec Dieu, la fatigue physique ou psychique, le dépassement des forces qui ont été données, - tout cela peut amener un homme jusqu'alors fidèle, à se lasser. Souvenons-nous que nous sommes des serviteurs et non pas des forçats ! En Actes 20 : 13, Paul désire aller lui-même à pied jusqu'à Assos, laissant ses compagnons faire le tour du promontoire avec le navire. Voulait-il méditer, solitaire le long de la route, dans une précieuse communion avec son Seigneur ?
En rapport avec ces divers pièges et d'autres, le Seigneur exerce une discipline préventive envers les siens ; elle n'est pas liée à la responsabilité du serviteur, mais découle de la sollicitude du Maître envers ceux qu'il emploie dans sa moisson ou dans sa maison.
L'EXEMPLE DE PAUL
Pourquoi choisir un tel serviteur pour illustrer l'enseignement de la Parole au sujet de la discipline divine au cours de son ministère ? Même le plus grand des apôtres en avait besoin. Relisons soigneusement 2 Corinthiens 12 : 5-10 où il l'exprime lui-même.
Le but essentiel de cette discipline était celui-ci : « Que je ne m'enorgueillisse pas à cause de l'extraordinaire des révélations ». Durant toute sa carrière, Paul a été l'objet constant et permanent de cette éducation de la part du Seigneur, afin de tenir le « moi » en échec. Le danger n'était pas d'avoir été au troisième ciel, mais de s'enorgueillir, ensuite des révélations reçues. Dans notre petite mesure, ne courons-nous pas un risque semblable quant aux vérités remises en lumière par un ministère que nous apprécions, mais dont il serait dangereux de s'enorgueillir : « Qu'as-tu, que tu n'aies reçu ? » (1 Cor. 4 : 7).
Trois fois l'apôtre supplie le Seigneur d'ôter l'écharde qui l'entrave. Mais, dans l'épreuve, il reçoit la merveilleuse réponse : « Ma grâce te suffit... Ma puissance s'accomplit dans l'infirmité ». Humblement, il peut alors dire : « Je prends plaisir dans les infirmités... car quand je suis faible, alors je suis fort ».
Cette discipline a revêtu deux formes : « Un ange de Satan pour le souffleter » (2 Cor. 12 : 7) et ce qu'il appelle « la sentence de mort » (2 Cor. 1 : 9, cf. 4 :11) : opposition extérieure (persécution) et opposition intérieure dans certaines assemblées.
a. L'écharde
Dieu avait voulu donner à son serviteur une écharde pour la chair, et la maintenir, malgré les supplications de l'apôtre. La Parole n'a pas jugé bon de nous faire savoir exactement en quoi elle consistait. Divers passages mentionnent une infirmité entravant son ministère, dont ses adversaires prenaient avantage pour le mépriser. Par exemple en 2 Corinthiens 10 : 10, on disait : « Sa présence personnelle est faible et sa parole méprisable ». Aux Galates (4 : 13-14), il écrivait : « Vous n'avez point méprisé, ni rejeté avec dégoût ma tentation qui était en ma chair ».
Souffrance continuelle pour l'apôtre, conscient que le Seigneur avait envoyé la discipline et la maintenait ; il avait appris à l'accepter de sa main. L'écharde lui rappelait qu'il n'était qu'un « vase de terre » ; si le vase avait voulu jouer un rôle, elle aurait mis un sceau d'humiliation sur son service.
Prenons garde de mépriser des frères ayant de la peine à s'exprimer, tout en apportant vraiment un message substantiel de la part du Seigneur. En Actes 4 : 13, les apôtres étaient illettrés, leur accent galiléen ne les recommandait pas à Jérusalem ; mais, on les reconnaissait « pour avoir été avec Jésus ». Inversement, ne nous laissons pas arrêter nous-mêmes par des difficultés naturelles d'élocution ou la timidité ; mais simplement, humblement, apportons ce que le Seigneur a pu nous donner pour le bien des autres.
b. Les persécutions (l'opposition extérieure)
Écrivant aux Corinthiens, l'apôtre relève qu'il avait en lui-même « la sentence de mort », afin de n'avoir pas confiance en soi, mais en Dieu, qui ressuscite les morts, et était capable de le délivrer. Il était conscient d'accomplir dans sa chair ce qui restait encore « à souffrir des afflictions du Christ pour son corps qui est l'assemblée » (Col. 1 : 24).
En 2 Corinthiens, il nous donne un aperçu de ces persécutions (11 : 23-27), endurées en tant d'occasions diverses, bien plus nombreuses que les Actes ne les relatent. « Livré à la mort pour l'amour de Jésus » (4 : 11), il pouvait dire : « Je prends plaisir... dans les persécutions... pour Christ » (12 : 10). Il les ressentait pourtant vivement, comme en témoignent, au soir de sa vie, ces lignes à son enfant Timothée : « Tu as pleinement compris... mes persécutions, mes souffrances... quelles persécutions j'ai endurées » (2 Tim. 3 : 10-11).
Les Juifs en particulier, acharnés contre l'apôtre, s'en servaient pour entraver l'oeuvre du Seigneur. Ils l'avaient chassé avec ses compagnons par la persécution, les « empêchant de parler aux nations afin qu'elles soient sauvées » (1 Thes. 2 : 15-16). Paul recevait de la main de Dieu la souffrance découlant d'une telle discipline, certain que le Seigneur s'en servirait pour le bien : « Les circonstances par lesquelles je passe sont plutôt arrivées pour l'avancement de l'Evangile » (Phil. 1 : 12). A travers toutes ces persécutions, tous ces dangers de mort, la vie de Jésus était manifestée ; un témoignage était rendu à sa puissance et à son pouvoir. Ainsi s'accomplissait la prophétie de Christ, le Nazaréen glorifié, à celui qui avait tant persécuté les assemblées : « Je lui montrerai combien il doit souffrir pour mon nom » (Act. 9 : 16). Le « vase de terre » était brisé, afin que la lumière intérieure resplendît.
c. Les exercices et les déceptions dans les assemblées (l'opposition intérieure)
Cette opposition intérieure fut bien plus douloureuse pour l'apôtre que toutes les persécutions. Pourquoi dut-il l'endurer lui « apôtre appelé de Jésus-Christ... établi prédicateur et apôtre…, docteur des nations dans la foi et dans la vérité » ? (1 Cor. 1 : 1 ; 1 Tim. 2 : 7). Et cela non seulement de la part de judaïsants ou d'ennemis de la vérité, mais de certaines assemblées et de certains frères, pourtant enfants de Dieu, ayant la même foi en notre Seigneur Jésus-Christ ?
Mais qu'en serait-il advenu si Paul avait été bien accueilli partout ? Quels dangers spirituels n'aurait-il pas courus ? Le Seigneur n'a pas voulu qu'il en fût ainsi ; pour maintenir son serviteur dans l'humilité, pour qu'on ne l'estime pas au-dessus de ce qu'on le voyait être, ou de ce que l'on avait pu entendre dire de lui, il le faisait passer par cette douloureuse discipline.
Tout son coeur était engagé pour les divers rassemblements : « Il y a ce qui me tient assiégé tous les jours, la sollicitude pour toutes les assemblées ». (2 Cor. 11 : 28). Cette sollicitude s'étendait même aux églises qu'il n'avait pas visitées, comme Colosses et Laodicée. Quel profond chagrin ne ressentait-il pas lorsque les Galates étaient troublés par des émissaires les évangélisant « outre ce que nous vous avons évangélisé » (1 : 18). Il lui semblait devoir travailler de nouveau pour leur « enfantement... jusqu'à ce que Christ ait été formé en vous » (4 : 19). Avec quel regret il leur écrit : « Vous couriez bien, qui est-ce qui vous a arrêtés ? » (5 : 7).
Parmi les Corinthiens, certains voulaient « une occasion » contre l'apôtre (2 Cor. 11 : 12). D'autres trouvaient « sa parole méprisable » (10 : 10), ou avaient recours à la calomnie. Avec mélancolie Paul doit leur dire : « J'aurais dû être recommandé par vous » (12 : 11) ; mais son affection était telle qu'il ajoutait : « Très-volontiers je dépenserai et je serai entièrement dépensé pour vos âmes, si même, vous aimant beaucoup plus, je devais être moins aimé » (12 : 15).
Aux Philippiens, il parle de ceux qui croient « susciter de la tribulation » pour ses liens (1 :17). Mais il savait aussi apprécier les encouragements reçus parmi eux (1 : 5, 8 ; 4 : 1, 15-19).
S'il faut rencontrer, dans notre très petite mesure, une opposition similaire, ne faut-il pas en accepter l'exercice, et se demander avec sérieux si l'on est bien dans le chemin de Dieu ? Si le Seigneur en redonne la conviction, alors humblement, tout en réalisant que l'on est qu'un vase de terre, persévérer.
Cette opposition et ce mépris que Paul rencontrait en divers lieux devaient aller s'accentuant jusqu'au bout de sa carrière.
d. L'abandon et la solitude à la fin de la course
Déjà en Colossiens 4, l'apôtre sentait venir cet isolement. Il parle de quelques compagnons d'oeuvre de la circoncision, les seuls qui lui aient été en consolation (v.11). Cet abandon deviendra tragique tout à la fin de sa vie, dans la deuxième épître à Timothée :
« Tous ceux qui sont en Asie… se sont détournés de moi » (1 : 15). Parmi eux se trouvaient les Ephésiens, connus pour le niveau spirituel le plus élevé présenté dans les épîtres.
Lorsque Onésiphore vient à Rome, personne dans l'assemblée, semble-t-il, ne savait où se trouvait l'apôtre, et ne pouvait ou n'osait en donner l'indication à l'ami qui le cherchait. Il a dû faire démarche sur démarche, « très- soigneusement », pour finalement le trouver, et, de la part du Seigneur, le consoler.
Pour le bien de l'oeuvre, Paul avait envoyé Tychique à Ephèse. D'autres s'en étaient allés, Crescens en Galatie, Tite en Dalmatie. Démas l'avait abandonné, ayant aimé le présent siècle. « Empresse-toi de venir avant l'hiver », dit-il à son cher Timothée (4 : 21). En effet, « l'hiver » était venu pour le vieil apôtre que tous délaissaient.
« Dans ma première défense », dit-il, « personne n'a été avec moi, mais tous m'ont abandonné » (4 : 16). Mais, expérience merveilleuse, pour la septième fois de sa vie, d'une façon toute particulière, « le Seigneur s'est tenu près de moi et m'a fortifié... Le Seigneur me délivrera... et me conservera pour son royaume céleste » (v.18).
e. Le fruit de la discipline
Nous en relèverons six, parmi bien d'autres :
- « Nous ne nous lassons point » (2 Cor. 4 : 16). Formé à l'école de Dieu, renouvelé de jour en jour dans son homme intérieur, l'apôtre persévérait. Il restait à la disposition de son Maître et des assemblées (Phil. 1 : 23-25), fatigué, mais poursuivant toujours (Jug. 8 : 4).
- Le sentiment profond d'avoir reçu son ministère « comme ayant obtenu miséricorde » (4 : 1), le soutenait à travers tous les obstacles. Tout service est une grâce, et non un devoir pénible ; la discipline par laquelle l'apôtre avait dû passer, en avait approfondi toujours plus la certitude dans son coeur.
- On penserait parfois, après tel ou tel service : « Je ne m'en suis pas trop mal tiré ». Ou l'on dira avec quelque suffisance : « Le Seigneur nous a bien bénis » !
L'apôtre, lui, avait dû apprendre qu'il n'était qu'un vase sans valeur : « Nous avons ce trésor dans des vases de terre, afin que l'excellence de la puissance soit de Dieu et non pas de nous » (2 Cor.4 : 7). Elie s'était cru meilleur que ses pères, mais Paul avait saisi qu'il ne valait pas plus que ce vase d'argile destiné à être brisé.
- Dans l'épreuve, dans les persécutions, dans l'opposition, il avait fait l'expérience de la fidélité de Dieu et de ses ressources : « Dans la tribulation de toute manière, mais non pas réduits à l'étroit ; dans la perplexité, mais non pas sans ressource ; persécutés, mais non pas abandonnés ; abattus, mais ne périssant pas » (v. 8-9). Aussi pouvait-il dire : « Je suis rempli de consolation ; ma joie surabonde au milieu de toute notre affliction » (7 : 4).
- Toute la discipline traversée avait produit chez le serviteur ce qui en est la plus haute recommandation : « Une grande patience » (6 : 4). Il avait été autrefois un ardent zélateur, plein d'énergie pour défendre la cause de Dieu - du moins le croyait-il. Mais maintenant son attitude en tout temps, qui le recommandait comme serviteur de Dieu était cette grande patience... dans la mauvaise et dans la bonne renommée... comme inconnu et bien connu... comme n'ayant rien, et possédant toute chose (6 : 4-10). Il pouvait écrire aux Philippiens : « J'ai appris à être content en moi-même dans les circonstances où je me trouve. Je sais être abaissé, je sais aussi être dans l'abondance ; en toutes choses et à tous égards, je suis enseigné » (4 : 11-12).
- Enfin, fruit suprême, l'apôtre conclut son épître en disant : Je ne suis rien (2 Cor. 12 : 11).
« Je suis crucifié avec Christ ; et je ne vis plus, moi, mais Christ vit en moi » (Gal. 2 : 20).
« Pour moi, vivre c'est Christ » (Phil. 1 : 21).
« L'excellence de la connaissance du christ Jésus, mon Seigneur, à cause duquel j'ai fait la perte de tout » (3 : 8).
Tout ce fruit aurait-il été produit si Paul n'avait enduré la discipline pénible qui avait fait saigner son coeur, mais l'avait rejeté sur le coeur de Dieu ?
CONCLUSION
Quelle meilleure conclusion à tirer de ces pages, sinon celle que la Parole elle-même nous donne : « Aucune discipline, pour le présent, ne semble être un sujet de joie, mais de tristesse ; mais plus tard, elle rend le fruit paisible de la justice à ceux qui sont exercés par elle » (Héb. 12 : 11).
Job l'a été, et longuement, mais combien admirable est sa conclusion : « Mon oreille avait entendu parler de toi, maintenant mon oeil t'a vu » (Job 42 : 5).
Abraham, exercé dans sa famille, devant supporter longtemps les épines résultant de ses écarts, voit sa foi triompher, et le merveilleux témoignage en être rendu à la gloire de Dieu.
La tragédie de la famille de Naomi aboutit à ce qu'elle-même revient avec Ruth au pays du Dieu d'Israël et trouve la joie et la consolation.
L'orgueil spirituel d'Elie, dont il ne se rendait pas compte, a fait place, sous la discipline, à l'humilité qui commence par jeter son manteau sur le jeune homme qui sera prophète à sa place, alors que, dans l'ordre des trois missions dont Dieu le charge en Horeb, c'était la dernière à accomplir.
Les Récabites ont écouté leur père ; ils ont tenu ferme à travers la longue discipline personnelle dans laquelle il les avait engagés ; Dieu peut les louer pour leur fidélité.
Jean-Marc, arrêté dans l'oeuvre par la crainte des difficultés, devient, après une longue discipline, « utile pour le service » (2 Tim. 4 : 11).
Paul, le grand apôtre, soumis à l'épreuve de l'écharde, des persécutions, de l'opposition intérieure, a manifesté une grande patience et a persévéré jusqu'au bout sans se lasser, dans une communion croissante avec son Seigneur.
Moïse l'avait dit au peuple, à la fin de la traversée du désert : Il t'a humilié, il t'a éprouvé, il t'a fait connaître ses soins... tout cela « pour te faire du bien à la fin » (Deut. 8 : 16).
N'est-il pas vrai que « toutes choses travaillent ensemble pour le bien de ceux qui aiment Dieu » (Rom. 8 : 28) ?
D'après la brochure de G. André : « Plus de fruit » (la discipline paternelle)