PLUS DE FRUIT (2)
I– JOB : la discipline pour connaître son propre coeur
L'un des buts du chemin au désert était d'amener le peuple à connaître ce qui était dans son coeur (Deut. 8 : 2), ce coeur que Dieu seul sonde vraiment : « Le coeur est trompeur par-dessus tout, et incurable ; qui le connaît ? Moi, l'Eternel, je sonde le coeur, j'éprouve les reins ; et cela pour rendre à chacun selon ses voies, selon le fruit de ses actions » (Jér. 17 : 9-10). C'est pourquoi le psalmiste priait Dieu de sonder son coeur, de connaître ses pensées, afin que la voie de chagrin qui pouvait se trouver en lui fasse place à la voie éternelle (Ps. 139 : 23-24).
Citons l'expérience d'Ezéchias, lorsque, au faîte de sa carrière, « Dieu l'abandonna pour l'éprouver, afin qu'il connût tout ce qui était dans son coeur » (2 Chr. 32 : 31). Par-dessus tout, il ya l'expérience de Job : la Parole de Dieu consacre tout un livre à nous enseigner que la satisfaction de soi (Job 33 : 9) doit faire place à la fois au jugement de soi-même (42 : 6). Le début de ce chapitre nous montre que Job ne pouvait que s'abandonner à la grâce de Dieu.
Soulignons-le d'emblée, la discipline dont Job a été l'objet n'était pas à proprement parler un châtiment, comme ses amis l'ont cru à tort. Dieu l'a employée pour mettre en évidence la propre justice qui se cachait dans le coeur de ce patriarche : c'était le seul moyen de l'amener à la vraie bénédiction. Parlant de Job, Jacques nous dit : « Vous avez vu la fin du Seigneur, savoir que le Seigneur est plein de compassion et miséricordieux » (Jac. 5 : 11).
1. Job béni (1 : 1-5)
La Parole dit et répète que Job était un homme parfait et droit, craignant Dieu et se retirant du mal. L'Eternel lui-même l'appelle « mon serviteur ». Il était béni dans sa famille : ses sept fils et ses trois filles paraissent avoir joui en tout cas d'une bonne entente entre eux. Il réussissait dans ses entreprises : son bétail se multipliait, ses cultures prospéraient. Sa vie morale était exemplaire : il était fidèle ; il s'occupait de l'orphelin et de la veuve ; il était hospitalier. C'était en outre un homme « considéré » (Job 29).
Que manquait-il donc à ce patriarche ? Même dans l'épreuve, il n'attribue rien à Dieu qui soit inconvenant et il ne pèche point de ses lèvres ; il conserve « sa perfection », mais... il en avait trop conscience : « Je tiendrai ferme ma justice et je n'en ferai pas abandon ; mon coeur ne me reproche aucun de mes jours » (27 : 6) ! Ou encore : « Moi, je suis net, sans transgression ; je suis pur, et il n'y a pas d'iniquité en moi » (33 : 9).
De ses enfants, Job disait : « Peut-être mes fils ont-ils péché et ont-ils maudit Dieu dans leur coeur » (1 : 5). Cela n'effleurait pas sa pensée que lui-même aurait pu parler contre Dieu.
Comment donc l'Eternel va-t-il s'y prendre pour amener Job à connaître le fond de son coeur ? C'est le thème du livre tout entier, 39 chapitres, beaucoup plus que pour placer devant nous la vie d'Abraham ou celle de Joseph !
2. Job éprouvé (1 : 13-22 ; 2 : 1-13)
Les épreuves vont fondre sur Job. Il sera dépouillé de ses biens. Il va être profondément touché dans ses affections par la mort de ses dix enfants. Mais son attitude reste remarquable : « L'Eternel a donné, et l'Eternel a pris ; que le nom de l'Eternel soit béni ! » (1 : 21). Il est ensuite touché dans son corps, la maladie s'abat sur lui, « un ulcère malin, depuis la plante de ses pieds jusqu'au sommet de sa tête » (2 : 7). L'ennemi se sert même de sa femme pour chercher à l'amener à maudire Dieu. Mais Job tient ferme et ne pèche point de ses lèvres.
Il ne s'agit pas d'une suite tragique d'accidents, d'une accumulation de malchances. Non, la Parole montre que Dieu régit tout. Alors que l'au-delà se dévoile un peu à nos yeux, c'est lui qui attire l'attention de Satan sur Job, tout en posant des limites au pouvoir de l'ennemi (1 Cor. 10 : 13) ! Job, malgré tout ce qui sera manifesté de son être intérieur, va-t-il glorifier Dieu sous les yeux de Satan ? En 1 Corinthiens 4 : 9, les apôtres sont offerts en spectacle même pour les anges, témoignage de leur foi à la gloire de Dieu, comme le furent aussi les trois jeunes Hébreux dans la fournaise (Dan. 3).
Satan est « l'accusateur » des frères (Apoc. 12 : 10). Il est notre « adversaire » (1 Pierre 5 : 8). Il provoque Dieu contre Job (1 : 9-11 ; 2 : 4-5). Il « incite » David à dénombrer le peuple (1 Chr. 21 : 1). Il « s'oppose » à Joshua, le grand sacrificateur (Zach. 3 : 1) ; il « demande à cribler » Simon Pierre (Luc 22 : 31). Et pourtant il n'est qu'un agent entre les mains du Seigneur ; il disparaît à la fin de l'épreuve, laissant le saint en face de Dieu : Job au chapitre 42 de son livre, David à l'aire d'Ornan (1 Chr. 21-27), Joshua revêtu des vêtements de fête (Zach. 3 : 4), Pierre pleinement restauré (Jean 21 : 15-17).
Mais lorsqu'il a pris place dans un coeur, l'Adversaire ne laisse pas sa proie, tel un Judas (Jean 13 : 27), ou un Ananias (Act. 5 : 3).
Dieu a donné à Paul « un ange de Satan pour le souffleter » ; malgré cela, et par effet de la grâce divine, sa communion avec Dieu a été maintenue toute sa vie (2 Cor. 12 : 7).
La réaction de Job à l'épreuve est remarquable ; mais son histoire ne pouvait se terminer là. Dieu voulait le bénir doublement, se révéler à lui, manifester sa grâce et donner un vrai repos à cette âme inquiète (3 : 25-26). Job était un homme d'élite, une âme solitaire, dont Dieu s'occupe en grâce en dehors du peuple élu, pour le former et l'amener plus près de Lui.
3. Les trois amis (2 : 11-25 : 6)
La femme de Job l'incitait à maudire Dieu. Ses amis se rencontrent pour « le plaindre et le consoler » (2 : 11). Malgré toutes leurs bonnes intentions, ils vont le pousser à bout. Ils n'entraient pas du tout dans le plan de Dieu, et, se figeant dans leur point de vue, s'enferrent toujours plus dans leurs accusations et leurs affirmations erronées.
Quel exemple propre à nous rendre prudents, lorsque nous rendons visite à des amis dans l'épreuve ! On est facilement porté à juger, au lieu d'être réservé dans son appréciation des motifs de la discipline que Dieu permet pour notre frère. Combien il est nécessaire d'être conduit par l'Esprit de Dieu, pas à pas, mot après mot. D'abord écouter longuement ; ensuite, regardant au Seigneur, ouvrir sa Parole.
Les amis venaient « plaindre » Job, l'occuper de lui-même. C'est un piège. Si quelqu'un est dans l'épreuve, il ne s'agit pas de le plaindre, et de faire peut-être chorus à ses « pourquoi ». Mais bien plutôt, comme le feront dans la suite les frères et soeurs de Job, « sympathiser avec lui » (42 : 11), et surtout, à l'instar d'Elihu, diriger sa pensée et son coeur vers Dieu.
Pendant sept jours et sept nuits, considérant la déchéance de Job, les amis restent muets, après s'être répandus en pleurs, avoir déchiré leurs habits et jeté de la poussière sur leurs têtes. « Ils voyaient que sa douleur était très-grande » (2 : 13).
Devant ce silence chargé de reproches, Job n'y tient plus. Il explose. Il ne regimbe pas contre les circonstances ; il les accepte de la main de Dieu ; mais contre les motifs de cette épreuve, qu'il ne discerne pas et trouve injustes. De là son tourment et ses « pourquoi ».
Vingt-neuf chapitres placent devant nous le patriarche et ses amis discutant, disputant, contestant. Les trois amis disent et répètent : Dieu te châtie parce que tu as péché. Job réplique : Je suis pur, je n'ai pas commis d'iniquité. Poussé à bout il accuse Dieu : il est injuste, il ajoute à mon iniquité (14 : 17).
Le ton du débat s'accentue et s'exacerbe, amenant à la lumière cette propre justice, cette satisfaction de soi, cet orgueil spirituel, qui étaient au fond du coeur de Job. Il va rappeler dans la chapitre 29 toutes ses bonnes actions, tout le mal qu'il a su éviter ; estimant que Dieu le châtie à tort, il demande à pouvoir lui parler : « Oh ! si j'avais quelqu'un pour m'écouter !... Je lui déclarerais le nombre de mes pas ; comme un prince je m'approcherais de lui... » (31 : 35-37).
Après cette longue dispute, apparemment inutile, une seule conclusion s'impose : « Les paroles de Job sont finies » (31 : 40). Voilà le premier pas vers la restauration : se taire.
4. Elihu (chap. 32-37)
Pendant les longs entretiens de Job et de ses amis, Elihu, beaucoup plus jeune, écoutait (32 : 11-12). Ses traits de caractère sont la patience, la modestie, l'humilité ; il ne conteste pas ; il ne flatte pas ; il n'est pas partial, mais animé d'un esprit de droiture. Il ne fait pas preuve de suffisance, mais sait se mettre au niveau du pauvre qui souffre (33 : 6-7). Quel beau type du Sauveur qui viendra, Homme parmi les hommes, s'abaissant pour être au milieu de nous « comme Celui qui sert » (Luc 22 : 27).
Elihu présente la grâce, mais aussi la vérité. Il dit sans ambages à Job quelles sont ses fautes : se croire juste (33 : 9) et accuser Dieu (33: 10-11 ; 34 : 5). Mais il ne concentre pas les pensées du patriarche sur lui-même ; il le place devant le Seigneur.
Aussi Job doit-il se taire, réfléchir, cesser de discuter et de contester. Elihu l'avertit qu'il fait fausse route ; le Seigneur permet la discipline afin d'amener l'homme à « ce qui pour lui est la droiture », la droiture en se jugeant lui-même, seul chemin de la bénédiction et de la connaissance de la grâce. Mais il est conscient que seul « Dieu le fera céder, et non pas l'homme » (32 : 13).
Elihu souligne de nouveau le but de cette discipline : amener le croyant à reconnaître ses transgressions qui sont devenues grandes, à revenir de l'iniquité (36 : 8-21). Deux résultats peuvent être produits : écouter, servir Dieu (v. 11) et trouver la bénédiction ; ou bien ne pas écouter, et s'en aller dans le malheur (v. 12).
En terminant ses discours, Elihu va comparer cette discipline aux nuées, à l'orage que Dieu permet dans la vie des siens : « Il charge d'eau le nuage... les nuées... sous sa conduite... tournoient en tous sens, pour accomplir leur oeuvre... soit qu'il les fasse venir comme verge, ou pour sa terre, ou en bonté » (37 : 11-13). Sous l'effet de l'orage, de la discipline, le « coeur tremble et tressaille comme s'il sortait de sa place » (v. 1) ; « maintenant on ne voit pas la lumière brillante, elle est cachée dans les nues ». Mais le but de la discipline est la bénédiction : « Le vent passe et les chasse, et produit un ciel clair » (v. 21).
5. La présence de Dieu (chap. 38-41)
Tout au long de 29 chapitres, Job et ses amis ont discuté et contesté. Pendant six chapitres, Elihu a parlé de la part de Dieu à Job. Il suffira à l'Eternel de quatre chapitres pour achever l'oeuvre qu'Il poursuivait dans ce coeur : « Qui enseigne comme Lui ? » (36 : 22).
Job avait dit : « Que le Tout-Puissant me réponde ». Dieu s'abaissepour le faire. Il n'accable pas son serviteur de sévères reproches, pourtant justifiés. Il prend apparemment la place de l'élève : « Je t'interrogerai et tu m'instruiras » (38 : 3 ; 40 : 2). Il va poser nombre de questions à Job qui ne pourra répondre à aucune.
« Où étais-tu quand j'ai fondé la terre ? » (38 : 4). Dès la première interrogation, Job est pris de court. Quand enfin l'Eternel insiste : « Celui qui reprend Dieu, qu'il réponde à cela ! » (39 : 35), Job ne peut que dire : « Voici, je suis une créature de rien, que te répliquerai-je ? Je mettrai ma main sur ma bouche. J'ai parlé une fois, et je ne répondrai plus ; et deux fois, et je n'ajouterai rien ». C'était bien de se taire, mais l'Eternel voulait amener son serviteur plus loin, jusqu'à l'aveu complet et au jugement de lui-même. Aussi doit-il répéter : « Je t'interrogerai, et tu m'instruiras !... Me démontreras-tu inique afin de te justifier ? » (40 : 2-3).
Il a fait défiler devant lui quelques-unes de ses créatures, pour terminer par le léviathan, le crocodile ; sous cette image poétique on peut discerner la puissance de Satan, cet ennemi que l'homme ne peut vaincre : « Souviens-toi de la bataille, – n'y reviens pas ! » (40 : 27).
En effet, le Seigneur ne voulait pas seulement apprendre à Job à se taire, mais l'amener près de Lui pour jouir de Sa communion. Devant la grandeur du Tout-Puissant, il va sentir son néant et l'abîme où son obstination l'a conduit. Qu'en est-il de nous-mêmes qui ne possédons pas seulement la révélation du Créateur, mais avons celle du « Fils unique qui est dans le sein du Père et l'a fait connaître » ? Mieux on aura appris à nous connaître et à nous détourner de nous-mêmes, plus nous le connaîtrons, Lui et son coeur (Phil. 3 : 7-10).
6. Confession et restauration (42 : 1-11)
Des multitudes de versets nous rapportent comment Job a contesté, accusé Dieu, s'est justifier. Cinq versets suffisent pour relater la confession qui va lui ouvrir le chemin de la bénédiction.
« Je sais que tu peux tout, et qu'aucun dessein n'est trop difficile pour toi » (42 : 2). Placé devant la puissance de l'ennemi, Job doit reconnaître que celle de Dieu est la seule à laquelle il puisse avoir recours.
Mais il lui faut faire aussi l'aveu de son ignorance : « J'ai donc parlé, et sans comprendre, de choses trop merveilleuses pour moi, que je ne connaissais pas ». Il s'était targué de tout discerner, de tout connaître ; dans la présence de Dieu, il a dû constater qu'il ne savait rien. Combien facilement il nous arrive de discourir sur des choses trop merveilleuses pour nous, alors qu'un peu d'humilité nous siérait bien davantage !
Quelle est la conclusion de Job ? « Écoute, je te prie, et je parlerai ; je t'interrogerai, et toi, instruis-moi » (v. 4). Dans le silence et dans la présence divine, écouter et apprendre ; se laisser corriger, instruire, former, n'est-ce pas la part que nous avons besoin de rechercher souvent, à l'écart, seul avec Lui ?
Etre à tes pieds comme Marie,
Laissant les heures s'écouler
Dans un silence qui s'oublie,
Jésus, pour te laisser parler.
Mais il ne s'agit pas seulement d'entendre : « Mon oreille avait entendu parler de toi, maintenant mon oeil t'a vu » (v. 5) : expérience personnelle et profonde de l'âme, dans le secret avec son Seigneur.
Telle a été la vision du jeune Esaïe dans le temple, celle qui déterminera toute sa vie (Es. 6), ou la vision de Paul dans le même temple, alors qu'il entendra la Voix lui dire : « Va, car je t'enverrai au loin vers les nations » (Act. 22 : 17-21).
Job qui avait osé dire : « Mon coeur ne me reproche aucun de mes jours », déclare : « J'ai horreur de moi et je me repens dans la poussière et dans la cendre » (v. 6). Il connaît maintenant son propre coeur, mais surtout Dieu et sa grâce, « la fin du Seigneur... plein de compassion et miséricordieux » (Jac. 5 : 11).
La bénédiction va se déverser sur le patriarche, amené enfin au point où Dieu le voulait : reconnaître Sa grandeur et Son amour ; se rendre compte de sa propre misère et s'abandonner à la grâce. Une chose devait encore avoir lieu : pardonner à ses amis. Job prie pour eux. « Et l'Eternel rétablit l'ancien état de Job quand il eut prié pour ses amis » (v. 10). Eux l'avaient poussé à bout, ils n'avaient pas parlé de Dieu comme il convient. Ils avaient imputé à l'Eternel d'avoir fait venir un châtiment sur leur compagnon. Quelle invitation à la prudence dans nos jugements ! Luc 6 : 36-37 nous le rappelle : « Soyez donc miséricordieux, comme aussi votre Père est miséricordieux,... ne condamnez pas et vous ne serez point condamnés ». Les trois hommes doivent apprendre la même leçon que leur ami, et accepter d'offrir un « holocauste » afin d'être au bénéfice de la même propitiation (33 : 24), qui avait, aux yeux de Dieu, rendu Job « agréable » (42 : 8).
L'Eternel donne à Job le double de tout ce qu'il avait eu... sauf le nombre des enfants. En effet, si tout le bétail d'autrefois avait été perdu, les enfants ne l'étaient pas : ils avaient été recueillis auprès de Dieu, eux pour lesquels leur père avait offert le sacrifice ; ils attendaient le jour de cette résurrection dont le patriarche avait pu dire : « Après ma peau, ceci sera détruit, et de ma chair je verrai Dieu, que je verrai, moi, pour moi-même ; et mes yeux le verront, et non un autre » (19 : 26-27).
D'après la brochure de G. André : « Plus de fruit » (la discipline paternelle)
(A suivre)