LE CULTE ET LE MINISTERE PAR L'ESPRIT (4)
Troisième lettre : Comment on peut discerner la direction de l'Esprit dans l'Assemblée - Aspects négatifs
Bien-aimés frères,
Avant d'aborder le sujet spécial de cette lettre, il est deux points sur lesquels je désire me faire clairement comprendre.
Premièrement, la différence qui existe entre le ministère et le culte. Je prends ici le mot culte dans son sens le plus étendu, comme désignant les diverses manières dont l'homme s'adresse à Dieu : la prière, la confession, et ce qui est plus proprement le culte, savoir, l'adoration, l'action de grâces et la louange.
La différence essentielle entre le ministère et le culte, c'est que dans celui-ci l'homme parle à Dieu, et que dans celui-là Dieu parle aux hommes par ses serviteurs. Notre unique titre, mais pleinement suffisant, pour pouvoir rendre culte, est cette surabondante grâce de Dieu, laquelle nous a tellement approchés par le sang de Jésus, que maintenant nous connaissons et adorons Dieu comme notre Père, et que nous sommes maintenant rois et sacrificateurs pour Dieu. A cet égard, tous les saints sont égaux : le plus faible et le plus fort, celui qui a le plus d'expérience et celui qui n'est encore qu'un petit enfant, ont tous la même part à ce privilège. Le serviteur de Christ le plus doué ne possède pas plus de droit à s'approcher de Dieu, que le plus ignorant d'entre les saints parmi lesquels il exerce son ministère. Admettre le contraire serait agir comme on ne l'a que trop fait dans toute la chrétienté, c'est-à-dire instituer un « ordre » de sacrificateurs ou de prêtres entre l'Eglise et Dieu.
Nous avons un grand Souverain Sacrificateur. La seule sacrificature qui existe actuellement à côté de la sienne, est cette sacrificature attribuée à tous les saints, et qu'ils partagent tous également. Aussi ne pourrais-je pas supposer que, dans une assemblée de chrétiens, ceux que Dieu a qualifiés pour enseigner, pour exhorter ou pour prêcher l'Evangile, fussent seuls appelés à indiquer des hymnes, à prier, à louer Dieu, à lui rendre grâces (j'entends par là l'expression de l'action de grâces, de la louange...). Il se peut que Dieu se serve d'autres frères soit pour indiquer une hymne qui soit l'expression vraie de l'adoration de l'assemblée, soit pour exprimer, par des prières, les désirs réels et les vrais besoins de ceux dont ils font profession d'être l'organe ou la bouche. Et si Dieu trouve bon d'agir de cette manière, qui sommes-nous pour nous opposer à sa volonté ? Toutefois souvenons-nous bien que, si ces actes de culte ne peuvent être le privilège exclusif de ceux qui ont des dons, il faut qu'ils soient subordonnés à la direction du Saint Esprit. Ils sont tous régis par les principes contenus dans 1 Corinthiens 14, d'après lesquels toutes choses doivent se faire avec ordre et pour l'édification.
Le ministère (c'est-à-dire le ministère de la Parole, dans lequel Dieu parle aux hommes par le moyen de ses serviteurs) est le résultat du dépôt spécial, dans l'individu, d'un don ou de dons, de l'usage desquels il est responsable envers Christ. Notre droit à rendre culte est bien ce en quoi nous sommes tous égaux ; la responsabilité du ministère découle plutôt de ce en quoi nous différons. « Or ayant des dons de grâce différents, selon la grâce qui nous a été donnée... » (Rom. 12 : 6). Ce passage établit, de lui-même, la différence dont je parle entre le ministère et le culte.
Le second point est la liberté du ministère. La vraie idée, l'idée scripturaire de liberté du ministère, ne comprend pas seulement la liberté dans l'exercice des dons, mais aussi leur développement. Elle implique que nous reconnaissons dans nos assemblées la présence et l'action de l'Esprit, à tel point que nous ne mettons aucun obstacle quelconque à cette action, par qui il veut ; il est donc parfaitement clair que le premier développement d'un don doit être l'oeuvre de l'Esprit, commençant à agir par des frères qu'il n'employait pas ainsi auparavant. Tout principe contraire serait, il me semble, également attentatoire aux privilèges de l'Eglise et aux droits du Seigneur.
Mais alors, il est évident que, si les enfants de Dieu se réunissent sur un principe qui laisse au Saint Esprit la liberté d'agir par tel frère pour indiquer un cantique, par tel autre pour prier, par un troisième pour donner une parole d'exhortation ou un enseignement ; et si l'Esprit doit de même être laissé libre de développer des dons pour l'édification du corps ; il est évident, dis-je, que cela ne peut avoir lieu sans que, par là-même, l'occasion ne soit fournie à la précipitation et à la prétention d'agir en réalité en dehors de toute direction de l'Esprit. De là l'importance de savoir comment on peut distinguer entre ce qui est « de la chair et ce qui est de l'Esprit » !
Je déteste l'abus que l'on fait trop souvent d'expressions telles que « le ministère de la chair » et « le ministère de l'Esprit » ; cependant elles renferment une importante vérité, quand on les emploie avec justesse. Chaque chrétien a au-dedans de lui deux sources de pensées, de sentiments, de motifs, de paroles et d'actions, et ces deux sources sont appelées dans l'Ecriture « la chair » et « l'Esprit ». Notre action dans les assemblées des saints peut provenir de l'une ou de l'autre de ces sources. Il est donc très important de savoir bien distinguer entre elles ; il est important pour ceux qui agissent dans les assemblées, soit habituellement soit occasionnellement, de se juger eux-mêmes à cet égard ; c'est une chose essentielle pour tous les saints, puisque nous sommes exhortés à « éprouver les esprits » (1 Jean 4 : 1) ; ce qui peut parfois placer l'assemblée sous la responsabilité de reconnaître ce qui est de Dieu, et de signaler en le refusant ce qui procéderait d'une autre source.
C'est sur quelques-unes des principales marques à l'aide desquelles nous pouvons distinguer la direction de l'Esprit des prétentions et les contrefaçons de la chair, que je désirerais maintenant attirer votre attention. Et d'abord, je voudrais mentionner plusieurs choses qui ne sont pas pour nous une autorisation à prendre part à la direction des assemblées des saints.
1- On n'est pas autorisé à agir, simplement parce qu'il y a liberté d'agir. La chose est tellement évidente qu'il n'est nullement besoin de la démontrer ; et cependant nous avons besoin qu'on nous en fasse souvenir. Le fait qu'aucun obstacle formel ne s'oppose à ce que chaque frère agisse dans l'assemblée, donne la possibilité à ceux dont l'unique capacité est de savoir lire, de prendre une grande partie du temps en lisant chapitre après chapitre et en indiquant hymne après hymne. Tout enfant qui a appris à lire pourrait en faire autant ; et, en vérité, peu de frères au milieu de nous seraient incapables de diriger les assemblées, si toute la capacité requise consistait à savoir lire comme il faut des chapitres et des hymnes. Il est assez facile de lire un chapitre ; mais discerner celui qu'il convient de lire et le moment convenable pour le lire, est tout autre chose. Il n'est pas difficile non plus d'indiquer une hymne, mais en indiquer une qui renferme et exprime réellement l'adoration de l'assemblée, voilà ce qu'il est impossible de faire sans la direction du Saint Esprit.
Je vous l'avoue, mes chers frères, lorsque, il y a quelque temps (non pas dernièrement, grâce à Dieu), nous avions lu cinq ou six chapitres et chanté autant d'hymnes autour de la table du Seigneur, et prié ou rendu grâces peut-être une seule fois, je me demandais si nous avions été réunis pour annoncer la mort du Seigneur ou bien pour nous perfectionner dans la lecture et dans le chant. Je bénis sincèrement Dieu des progrès qui ont eu lieu à cet égard depuis quelques mois ; toutefois il est bon que nous nous rappelions sans cesse que la liberté d'agir dans les assemblées ne nous autorise pas à y agir à notre gré.
2- On n'est pas suffisamment autorisé à agir dans tel ou tel moment, parce qu'aucun autre frère ne le fait. Le silence ayant pour but le silence ne peut être trop évité ; rien n'empêche qu'il ne devienne une « forme » tout aussi bien qu'autre chose ; mais le silence vaut mieux encore que ce qu'on dirait ou ferait simplement pour le rompre ! Je sais bien ce que c'est que de penser aux personnes présentes qui ne sont pas de l'assemblée, peut-être même pas converties, et de se sentir mal à l'aise du silence à cause d'elles. Lorsqu'un tel état de choses est fréquent ou habituel, il est possible que ce soit un rappel sérieux de Dieu à rechercher d'où cela peut provenir ; mais jamais cela ne peut autoriser un frère à parler, à prier ou à indiquer une hymne, dans l'unique but que l'on fasse quelque chose.
3- De plus, nos expériences et notre état individuels ne sont pas des guides sûrs quant à la part d'action que nous pouvons prendre dans les assemblées des saints. Il se peut qu'une hymne ait été d'une grande douceur pour mon âme ou que je l'aie entendu chanter ailleurs avec une grande jouissance de la présence du Seigneur ; mais dois-je en conclure que je suis appelé à indiquer cette hymne dans la première réunion à laquelle j'assisterai ? Il est possible qu'elle ne soit nullement en rapport avec l'état actuel de l'assemblée. Peut-être aussi ne serait-ce point du tout l'intention de l'Esprit qu'une hymne fût chantée. « Quelqu'un est-il joyeux, qu'il chante des cantiques » (Jac. 5 : 13). Une hymne doit exprimer les sentiments de ceux qui sont réunis ; autrement, en la chantant, ils ne seront pas sincères. Et qui pourra faire trouver une telle hymne, sinon Celui qui connaît l'état actuel de l'assemblée ? Il en est de même quant à la prière : si quelqu'un prie dans l'assemblée, c'est comme l'organe des requêtes et de l'expression des besoins de tous. Je puis avoir à me décharger sur le Seigneur, au moyen de la prière, de fardeaux personnels particuliers, qu'il ne conviendrait nullement de mentionner dans l'assemblée ! Si j'agissais de cette manière, l'unique effet en serait, probablement, de « rabaisser » tous mes frères au même niveau que moi. D'un autre côté, il se peut que mon âme soit parfaitement heureuse dans le Seigneur ; mais, s'il n'en est pas ainsi de l'assemblée, c'est seulement en m'identifiant avec son état à elle, que je serai rendu capable de présenter ses requêtes à Dieu. C'est-à-dire que, si je suis dirigé par l'Esprit à prier dans l'assemblée, ce ne devra pas être comme dans mon cabinet, où nul ne se trouve, excepté le Seigneur et moi, et où mes propres besoins et mes propres joies forment le sujet spécial de mes prières et de mes actions de grâces ; mais il faudra que je sois rendu capable de faire au Seigneur les confessions et de lui présenter les actions de grâces et les requêtes qui s'accordent avec l'état de ceux dont je deviens « la bouche », en m'adressant ainsi à Dieu. Une des plus grandes méprises que nous puissions faire, c'est de nous imaginer que « le moi », et ce qui se rapporte au moi, doive nous guider dans la direction des assemblées des saints. Une portion de l'Ecriture peut avoir intéressé à un haut degré mon âme, et je puis en avoir profité ; mais il ne s'ensuit pas que je doive la lire à la Table du Seigneur ou dans d'autres réunions des saints. Il se peut aussi que quelque sujet particulier m'occupe ou même me préoccupe, et que ce soit pour le bien de mon âme ; mais il se peut, en même temps, que ce ne soit pas du tout le sujet sur lequel Dieu veut que l'attention des saints en général soit attirée. Remarquez-le, je ne nie pas que nous ne puissions avoir été occupés spécialement, nous-mêmes, de sujets dont la volonté de Dieu serait que l'on occupât aussi les saints. Peut-être en est-il souvent ou même ordinairement ainsi chez les serviteurs de Dieu ? Mais ce que je ne crains pas d'affirmer, c'est que, en soi-même, le fait que nous ayons été occupés de cette manière n'est pas une direction suffisante. Nous pouvons avoir des besoins que les enfants de Dieu en général n'ont pas - du moins à ce moment-là-, et pareillement leurs besoins peuvent ne pas être les nôtres.
Permettez-moi d'ajouter que l'Esprit ne me dirigera jamais à indiquer des hymnes, parce qu'elles expriment mes vues particulières. Il se peut que, sur certains points d'interprétation, les saints qui se réunissent ensemble ne soient pas entièrement du même avis. Dans ce cas, si quelques-uns d'entre eux choisissent des hymnes dans le dessein d'exprimer leur propre opinion – quelque bonnes et vraies que soient d'ailleurs ces hymnes, – il est impossible que les frères et soeurs de l'assemblée les chantent ; et, au lieu d'harmonie, il en résulte du désaccord. Dans une réunion de culte, les hymnes que l'Esprit de Dieu fera choisir seront l'expression des sentiments communs à tous. En tout temps, mais en tout cas dans l'assemblée, empressons-nous de « garder l'unité de l'Esprit par le lien de la paix » ; et souvenons-nous que le moyen d'y parvenir, c'est de marcher « avec toute humilité et douceur, avec longanimité », nous supportant l'un l'autre dans l'amour (Eph. 2 : 4).
Laissez-moi vous rappeler ici que, dans le chant, dans la prière, dans le culte en un mot, quel que puisse être l'organe ou la bouche de l'assemblée, c'est l'assemblée qui parle à Dieu ; par conséquent le culte ne sera vrai, sincère, que s'il ne dépasse pas, mais exprime fidèlement l'état de cette assemblée. Béni soit Dieu, de ce qu'Il peut, par son Esprit, faire entendre une note plus haute (et il le fait souvent) qui vibre immédiatement dans tous les coeurs, et de ce qu'il donne ainsi au culte un ton plus élevé. Mais si l'assemblée n'est pas en état de répondre tout de suite à ce diapason de louange, rien ne peut être plus pénible que d'entendre un frère se répandre en ardents accents d'actions de grâces et d'adoration, tandis que les autres coeurs sont tristes, froids et distraits. Celui qui exprime le culte de l'assemblée doit avoir avec lui les coeurs de l'assemblée ; sans cela, on n'est pas en accord avec l'état véritable. D'un autre côté, puisque c'est Dieu qui nous parle dans le ministère, celui-ci n'est pas, comme le culte, limité par notre état ; il peut toujours être à un degré plus élevé. Si un frère employé dans le ministère est réellement, en parlant, la bouche de Dieu, comme il doit l'être, ce sera souvent pour nous présenter des vérités que nous n'avons pas encore reçues ou pour nous en rappeler d'autres qui ont cessé d'agir avec puissance sur nos âmes. Combien il est évident que, dans l'un et l'autre de ces cas, et dans tous les cas, il faut que ce soit l'Esprit de Dieu qui dirige.
Je pense qu'il vaut mieux laisser pour une autre lettre ce qui distingue la direction positive de l'Esprit. Je n'ai présenté jusqu'ici que la partie négative de ce sujet.
Je suis, bien-aimés frères, votre affectionné en Christ.
W. Trotter
(à suivre)