LE CULTE ET LE MINISTERE PAR L'ESPRIT (3)
Deuxième lettre : L'Eglise édifiée par les dons
Bien-aimés frères,
En revenant au sujet sur lequel je vous ai écrit dernièrement, je voudrais vous présenter l'extrait suivant d'un ancien traité rédigé sous la forme d'un dialogue. L'auteur, si je suis bien informé, est un frère qui a été grandement honoré de Dieu, et connu personnellement de la plupart d'entre vous.
E- J'ai appris que vous affirmez que chaque frère est capable d'enseigner dans l'assemblée des saints.
W- Si je disais cela, je nierais l'existence du Saint Esprit. Personne n'est capable d'enseigner dans l'assemblée des saints, s'il n'a pas reçu de Dieu un don particulier dans ce but.
E- Croyez-vous que tout frère a le droit de parler dans l'assemblée, s'il le peut ?
W- Non certainement pas. Je nie ce droit à qui que ce soit. Un homme peut être naturellement très capable de parler et de bien parler, mais s'il ne peut pas « plaire à son prochain, en vue du bien, pour l'édification » (Rom. 15 : 2), le Saint Esprit ne l'a pas qualifié pour parler ; et s'il le fait, il déshonore Dieu son Père, il contriste l'Esprit, et méprise l'Eglise de Christ ; et de plus, il ne fait que manifester sa propre volonté.
E- Quelle est donc votre appréciation sur cette pensée ?
W- Pensez-vous que ce soit une pensée personnelle que de croire que, comme l'Eglise appartient à Christ, Il lui a accordé des dons, par lesquels seuls elle doit être édifiée et gouvernée, afin que son attention ne soit pas mal dirigée et son temps mal employé, en écoutant ce qui – aussi bien exprimé que ce soit - ne lui serait pas profitable ?
E- Non, j'admets cela, et je désire seulement que l'on ambitionne davantage de recevoir ces dons de Dieu, et que l'on mette plus de soin à combattre l'usage de tous les autres moyens, quelque crédit que puissent leur donner l'éloquence ou l'estime de l'homme.
W- Je soutiens encore que le Saint Esprit donne des dons à qui il lui plaît, et les dons qu'il lui plaît ; et que les saints devraient être tellement unis ensemble, que les dons d'un frère ne devraient jamais restreindre l'exercice des dons d'un autre, et que la porte devrait être ouverte aux petits dons aussi bien qu'aux grands.
E- Cela va sans dire.
W- Pas du tout ; car ni dans l'église nationale ni chez les dissidents, on ne trouve 1 Corinthiens 14 mis en pratique. En outre, j'affirme qu'aucun don de Dieu n'a à attendre la sanction de l'Eglise pour être exercé. S'il est de Dieu, Dieu l'accréditera et les saints en reconnaîtront la valeur.
E- Admettez-vous un ministère régulier ?
W- Si, par un ministère régulier, vous entendez un ministère constaté (c'est-à-dire que, dans chaque assemblée, ceux qui ont reçu des dons de Dieu pour l'édification soient en nombre limité et connus des autres), je l'admets. Mais si, par un ministère régulier, vous entendez un ministère exclusif, c'est inconvenant. Par un ministère exclusif, j'entends la reconnaissance de certaines personnes comme occupant si entièrement la place de docteurs, que l'exercice de dons réels par quelqu'un d'autre serait jugé anormal, comme, par exemple, dans l'église nationale et dans la plupart des chapelles dissidentes, où l'on regarderait comme anormal, un service accompli par deux ou trois personnes pourtant réellement douées par le Saint Esprit.
E- Sur quoi fondez-vous cette distinction ?
W- Sur Actes 13 : 1. Je vois qu'il y avait à Antioche cinq personnes surtout, reconnues par le Saint Esprit comme propres à enseigner : Barnabas, Siméon, Lucius, Manahem et Saul. Sans doute que, dans toutes les réunions, les saints s'attendaient à entendre parler ces cinq frères. C'était là un ministère constaté ; mais non pas un ministère exclusif : car quand Judas et Silas vinrent (15 : 32), ils purent sans difficulté prendre leurs places parmi les autres et ainsi les docteurs reconnus furent plus nombreux.
E- Mais quel rapport cela aurait-il avec l'indication d'un cantique… ou avec une prière ou la lecture d'une portion de l'Ecriture ?
W- Tout cela, comme le reste, relèverait de la direction du Saint Esprit. Malheur à l'homme qui, uniquement par volonté propre, indiquerait une hymne ou ferait une prière, ou lirait l'Ecriture dans une assemblée, sans y être conduit par le Saint Esprit ! En agissant dans l'assemblée des saints, il fait profession d'être dirigé par le Saint Esprit ; et cette profession, si elle est fausse, est quelque chose de très présomptueux. Si les saints savent ce que c'est que la communion, ils sauront aussi combien il est difficile de conduire la congrégation dans la prière et dans le chant. S'adresser à Dieu, au nom de l'assemblée ou proposer à celle-ci un cantique, comme le moyen d'exprimer à Dieu son état réel, demande beaucoup de discernement ou au moins la direction la plus évidente de la part de Dieu.
Tel est le jour sous lequel ces sujets étaient envisagés par un des premiers ouvriers parmi ceux qui, depuis plus de quarante ans, ont cherché à se réunir au nom de Jésus.
A l'appui de l'idée principale contenue dans cet extrait – savoir que Dieu ne désigne jamais tous les saints pour prendre part au ministère public de la Parole ou pour conduire le culte d'une assemblée, je voudrais vous renvoyer à deux portions de l'Ecriture.
1 Corinthiens 12 : 29, 30 : « Tous sont-ils apôtres ? Tous sont-ils prophètes ? Tous sont-ils docteurs ? Tous font-ils des miracles ? Tous ont-ils des dons de grâce de guérisons ? Tous parlent-ils en langues ? Tous interprètent-ils ? » Ces questions n'auraient pas de sens, s'il n'était pas évident que de telles places dans le corps ne sont remplies que par quelques-uns. L'apôtre venait de dire : « Et Dieu a placé les uns dans l'assemblée : d'abord des apôtres, en second lieu des prophètes, en troisième lieu des docteurs, ensuite des miracles »… Après quoi il dit : « Tous sont-ils apôtres ? » Cette portion des Ecritures traite avec beaucoup de détails de la souveraineté du Saint Esprit dans la distribution et l'exercice des dons dans le corps, l'Eglise ; elle prouve que la liberté du ministère découle de ce que Dieu a établi dans son Eglise. Et c'est dans cette portion même de la Parole de Dieu qu'il nous est dit que tous n'étaient pas des frères doués de Dieu, mais qu'Il en avait établi dans le Corps ; puis vient l'énumération des différents ordres et espèces de dons qui les distinguaient les uns des autres.
Ephésiens 4 : On a élevé des doutes quant à la possibilité d'agir suivant les principes contenus dans 1 Corinthiens 12 et 14, en l'absence d'une si grande partie des dons énumérés dans ces chapitres. Je n'ai point moi-même de tels doutes, et je me bornerai à demander à ceux qui en ont, où se trouvent dans l'Ecriture d'autres principes, d'après lesquels nous puissions agir ; et, s'il n'y en a point, quelle autorité nous avons pour agir suivant des principes qui ne se trouvent nulle part dans l'Ecriture ? Mais aucun doute de ce genre ne peut exister quant à Ephésiens 4 : 8-13 : « C'est pourquoi il dit : « Etant monté en haut, il a emmené captive la captivité, et a donné des dons aux hommes… et lui, a donné les uns comme apôtres, les autres comme prophètes, les autres comme évangélistes, les autres comme pasteurs et docteurs ; en vue du perfectionnement des saints, pour l'oeuvre du service, pour l'édification du corps de Christ ». Et remarquez qu'ils sont donnés jusqu'à ce que l'Eglise soit complète. Aussi longtemps que Christ a sur la terre un Corps, auquel le service de tels hommes est nécessaire, Il leur confère les dons de son amour, pour la nourriture et l'entretien de ce Corps : jusqu'à ce que nous parvenions tous à l'unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu ».
C'est donc par le ministère d'hommes appelés pour ce ministère ou ce service, que Christ prend soin de son troupeau et le nourrit, et que le Saint Esprit opère dans le Corps. Peut-être, il est vrai, ces hommes ont-ils un métier : Paul lui-même ne fabriquait-il pas des tentes ? Ils ne prétendent à aucune dignité cléricale ou position officielle ; ils n'en constituent pas moins la provision de Christ pour l'édification de ses saints et pour l'appel des âmes ; et la vraie sagesse des saints est de discerner ces dons, là où Christ les a mis, et de les reconnaître à la place qu'il leur a assignée dans Son corps. Les reconnaître de cette manière, c'est reconnaître Christ ; refuser de le faire, c'est, à la fois, nous faire tort à nous-mêmes, et déshonorer le Seigneur.
Rappelons-nous aussi que Dieu a mis ces dons dans le Corps, dans tout le Corps ; que c'est à l'ensemble du Corps que Christ les a donnés, et que nous ne sommes pas tout le Corps. Supposez que l'Eglise soit restée manifestement une, comme elle l'était au temps des apôtres : même alors, il se pourrait très bien que, dans tel endroit, il n'y eût point d'évangéliste, et, dans tel autre, point de pasteur ou docteur ; tandis qu'ailleurs, au contraire, se trouverait plus d'un évangéliste, plus d'un pasteur et docteur. A présent, alors que l'Eglise est tellement dispersée et tellement divisée, combien ce que nous venons de dire ne doit-il pas être plus vrai pour de petites assemblées qui se réunissent ici et là au nom de Jésus !
Le Seigneur Jésus ne se soucie-t-il plus de son Eglise, parce qu'elle est divisée, déchirée ? A-t-il cessé de manifester ses soins pour elle, en lui accordant les dons nécessaires et convenables ? Nullement. Mais c'est dans l'unité de tout le Corps qu'on les trouve : nous avons besoin de nous rappeler cela. Tous les saints de X... forment l'église de Dieu de cet endroit : il peut y avoir des évangélistes, des pasteurs et docteurs parmi les membres du Corps qui sont encore dans l'Eglise établie ou au milieu des méthodistes et des dissidents. Quel profit retirons-nous de leur ministère ? Et comment les saints qui sont avec eux peuvent-ils profiter des dons que Christ a mis au milieu de nous ?
En exposant ces pensées, bien-aimés frères, mon but a été de vous faire comprendre que, si, parmi les soixante-dix ou quatre-vingts qui se réunissent à X... au nom du Seigneur, il ne s'en trouve point qui aient reçu ses dons, selon ce qui est dit dans Ephésiens 4 ; ou qu'il y en ait seulement deux ou trois, le fait que nous nous réunissons de cette manière, n'augmentera pas, par lui-même, le nombre de ces dons. Un frère que Christ lui-même n'a pas fait pasteur ou évangéliste, ne le deviendra pas en commençant à se réunir là où la présence du Saint Esprit et la liberté du ministère sont reconnues.
Si, parce qu'il y a affranchissement des restrictions humaines, ceux qui n'ont pas été donnés par Christ à son Eglise, comme pasteurs, docteurs ou évangélistes, et qui s'en attribuent la position ou agissent comme tels, en résultera-t-il de l'édification ? Non, mais au contraire, de la confusion : « Dieu n'est pas un Dieu de désordre, mais de paix, comme dans toutes les assemblées des saints » (1 Cor. 14 : 33).
Si de tels dons manquent au milieu de nous, confessons notre pauvreté ; si nous en possédons deux ou trois, soyons pleins de gratitude, reconnaissons-les à la place que Dieu leur a assignée, et prions afin d'obtenir des dons et des ministères plus nombreux et meilleurs. Mais gardons-nous de supposer que l'action d'un frère, que le Seigneur n'a pas lui-même établi dans cette position, puisse remplacer un don. L'unique effet d'une telle action est d'attrister l'Esprit, et de l'empêcher d'agir par le moyen de ceux qu'Il emploierait, sans cette entrave, au service des saints.
Si la position dans laquelle nous sommes ne répondait nullement à ce qui se trouve dans l'Ecriture, de telles questions s'élèveraient difficilement. Lorsque tout est arrangé, réglé par un système humain, que des hommes établis par un évêque, une conférence ou une congrégation, n'ont qu'à se conformer, dans leurs offices, à une routine prescrite par les règles auxquelles ils sont soumis, de telles questions n'ont point de raison d'être. Les difficultés mêmes liées à notre position prouvent, par leur caractère, que cette position est de Dieu. Il nous y a amenés par son Esprit, par le moyen de la Parole, est pleinement suffisant, et ne nous fera pas défaut dans les difficultés ; mais Il nous les fera traverser d'une manière profitable pour nous et pour sa propre gloire.
Soyons seulement simples, humbles et modestes. Ne prétendons pas à quelque chose de plus que ce que nous possédons ou à faire ce pour quoi Dieu ne nous a pas qualifiés.
Je réserve quelques points de détail pour une autre lettre.
En attendant, je reste votre affectionné en Christ.
W. Trotter
(à suivre)