LE CULTE ET LE MINISTERE PAR L'ESPRIT (1)
Cinq lettres sur le culte et le ministère par l'Esprit (W. Trotter).
Adressées au début du 19ème siècle à une assemblée de croyants avec lesquels l'auteur était particulièrement lié, ces lettres ont été ensuite publiées en Angleterre. La première édition française a eu lieu en 1858.
Dans la préface de la première édition de ces lettres en anglais, l'auteur exprimait le désir qu'elles soient « soumises à l'épreuve de la sainte Parole de Dieu ». Il ajoutait : « Quinze ans d'expériences variées ont contribué à enraciner et fortifier la conviction, que la marche et la position signalées dans ces lettres, sont l'une et l'autre de Dieu, quels qu'aient été les manquements des hommes qui les ont adoptées. Ce dont nous avons besoin, c'est de patience, de foi dans le Dieu vivant, d'amour pour Christ, de vraie soumission à l'Esprit, d'étude diligente de la Parole et d'une sincère soumission les uns aux autres dans la crainte du Seigneur ».
Première lettre : Dieu présent dans l'assemblée
Bien-aimés frères,
Il y a plusieurs points relatifs à notre position, en tant que rassemblés au nom de Jésus, sur lesquels je sens le besoin de m'entretenir avec vous. Je choisis ce moyen de le faire, comme vous offrant plus de facilité pour examiner et peser mûrement ce qui vous sera communiqué, que vous n'en auriez probablement dans un entretien ou une discussion libre à laquelle tous assisteraient. Je serais très reconnaissant qu'une telle discussion pût avoir lieu, si le Seigneur y inclinait vos coeurs, quand vous aurez examiné et pesé, en sa présence, les choses que j'ai à vous soumettre.
Un mot, en commençant, pour reconnaître la miséricorde de Dieu envers nous, comme assemblés au nom de Jésus. Je ne puis que courber la tête et adorer, en me rappelant les nombreux moments de réel rafraîchissement et de joie sincère qu'Il nous a donné de passer ensemble en sa présence. Le souvenir de ces moments, tout en remplissant le coeur d'adoration devant Dieu, nous rend indiciblement chers ceux avec lesquels nous avons joui de telles bénédictions. Le lien de l'Esprit est un lien réel ; et c'est dans la confiance qu'il m'inspire en l'amour de mes frères, que je voudrais, comme votre frère et votre serviteur pour l'amour de Christ, vous exprimer sans réserve ce qui me paraît être d'une grande importance pour la continuation de notre bonheur et de notre avantage commun, aussi bien que pour ce qui est beaucoup plus précieux encore : la gloire de Celui au nom duquel nous sommes assemblés.
Lorsque, en juillet dernier, nous fûmes conduits par le Seigneur, comme je n'en doute pas, à substituer des réunions libres, le dimanche soir, à la prédication de l'évangile, qui avait eu lieu jusqu'alors, je prévoyais tout ce qui s'en est suivi. Le résultat ne m'a point du tout surpris. Il y a des leçons relatives à la direction pratique du Saint Esprit qui ne peuvent être apprises que par l'expérience ; et bien des choses, qui peuvent maintenant par la bénédiction du Seigneur être appréciées par votre entendement spirituel et par vos consciences, auraient été alors complètement inintelligibles, si vous n'eussiez appris à connaître le genre de réunions auxquelles ces vérités s'appliquent. On dit que l'expérience est le meilleur des maîtres. Cela pourrait souvent être justement mis en doute ; mais on ne saurait douter que l'expérience ne nous fasse sentir des besoins que l'enseignement divin peut seul faire naître.
Vous me croirez, quand je vous dirai que le fait de voir mes frères mutuellement mécontents de la part qu'ils prennent les uns et les autres dans les assemblées, n'est pas pour moi un sujet de joie ; mais si cet état de choses contribuait, comme j'ai la confiance qu'il le fera, à ouvrir tous nos coeurs aux leçons de la parole de Dieu, qu'autrement nous n'aurions pu apprendre aussi bien, ce résultat serait au moins un sujet de reconnaissance et de joie.
La doctrine de l'habitation du Saint Esprit dans l'Eglise sur la terre, et par conséquent, de sa présence et de sa direction dans les assemblées des saints, m'apparaît depuis bien des années, sinon comme la grande vérité de la dispensation actuelle, du moins comme une des plus importantes vérités qui distinguent cette dispensation. La négation virtuelle ou réelle de cette vérité constitue un des traits les plus sérieux de l'apostasie qui s'est fait jour. Ce sentiment ne diminue pas chez moi, mais s'approfondit plutôt à mesure que le temps s'écoule.
Je vous confesse ouvertement que, tout en reconnaissant pleinement qu'il y a des enfants bien-aimés de Dieu dans toutes les dénominations qui nous entourent, et tout en désirant tenir mon coeur ouvert à tous, il ne me serait plus possible d'être en communion avec un corps quelconque de chrétiens professants, qui substituerait des formes cléricales quelconques à la souveraine direction du Saint Esprit – pas plus que, si j'eusse été Israélite, je n'aurais pu avoir communion avec l'érection d'un veau d'or à la place du Dieu vivant. Que cela ait eu lieu dans toute la chrétienté, et que le jugement soit suspendu sur elle, à cause de ce péché et de tant d'autres, c'est ce que nous ne pouvons que reconnaître avec douleur, en nous humiliant devant Dieu, comme y ayant tous participé, et comme étant un seul corps en Christ avec un grand nombre de chrétiens qui, aujourd'hui encore, demeurent dans cet état de choses et s'en glorifient. Mais les difficultés qui accompagnent la séparation d'avec ce mal, difficultés que nous aurions certes dû prévoir et que nous commençons tous à éprouver, n'ont pas le pouvoir d'affaiblir mes convictions relativement à ce mal dont Dieu, dans sa grâce, nous a fait sortir ; et elles n'éveillent en moi aucun désir de retourner à cette espèce de position et d'autorité humaine et officielle ; position et autorité que s'arroge une certaine classe de personnes, ce qui caractérise l'église professante, et contribue à hâter le jugement qui tombera bientôt sur elle.
Mais, bien-aimés frères, si notre conviction de la vérité et de l'importance de la doctrine de la présence du Saint Esprit ne saurait être trop profonde, permettez-moi de vous rappeler que cette présence du Saint Esprit dans les assemblées des saints est elle-même un fait accompagnant celui de la présence personnelle du Seigneur Jésus (Matt. 18 : 20). C'est d'une simple foi en cela que nous avons besoin. Nous sommes enclins à l'oublier. Et l'oubli ou l'ignorance de ces faits est la cause principale de ce que nous nous assemblons sans en retirer aucun profit pour nos âmes. Si seulement nous nous assemblions pour être en la présence de Dieu ; si seulement, lorsque nous sommes réunis ensemble, nous croyions que le Seigneur est réellement présent, quel effet cette conviction aurait sur nos âmes !
Le fait est que, aussi réellement que Christ était présent avec ses disciples sur la terre, aussi réellement Il est maintenant présent, ainsi que son Esprit, dans les assemblées des saints. Si cette présence pouvait, de quelque manière, être manifestée à nos sens – si nous pouvions la voir comme les disciples voyaient Jésus – quel sentiment solennel nous éprouverions, et comme nos coeurs en seraient dominés ! Quel calme profond, quelle attention respectueuse, quelle solennelle confiance en lui, en résulteraient ! Il n'y aurait aucune précipitation, aucun sentiment de rivalité, d'agitation, si la présence de Christ et du Saint Esprit était ainsi révélée à notre vue et à nos sens.
Le fait de cette présence aurait-il moins d'influence, parce que c'est une affaire de foi et non de vue ? Christ et l'Esprit sont-ils moins réellement présents, parce qu'ils sont invisibles ? C'est le pauvre monde qui ne reçoit point cela, parce qu'il ne le voit point ; prendrons-nous donc la place du monde et abandonnerons-nous la nôtre ? « Car la où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis là au milieu d'eux », dit le Seigneur, et aussi : « Et moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Consolateur, pour être avec vous éternellement, l'Esprit de vérité, que le monde ne peut pas recevoir, parce qu'il ne le voit pas et ne le connaît pas ; mais vous, vous le connaissez, parce qu'il demeure avec vous, et qu'il sera en vous » (Jean 14 : 16, 17).
Je suis de plus en plus persuadé que la grande chose qui nous manque, c'est la foi en la présence personnelle du Seigneur, et dans l'action de l'Esprit. N'y a-t-il pas eu des temps, où cette présence était réalisée au milieu de nous comme un fait ? Et combien de tels moments étaient bénis ! Il pouvait y avoir, et il y avait des intervalles de silence, mais comment étaient-ils employés ? A s'attendre sérieusement à Dieu. Non dans une inquiète agitation de savoir qui prierait ou qui parlerait ; non en tournant les feuilles des bibles ou les livres de cantiques pour trouver quelque chose qu'il nous parût convenable de lire ou de chanter. Non, ni dans des pensées anxieuses au sujet de ce que penseraient de ce silence ceux qui étaient là comme assistants. Dieu était là. Chaque coeur était occupé de lui. Et si quelqu'un avait ouvert la bouche uniquement pour rompre le silence, on aurait senti que c'était là une interruption réelle. Quand le silence était rompu, c'était par une prière qui renfermait les désirs, et exprimait les aspirations de tous les assistants ; ou par un cantique auquel chacun pouvait s'unir de toute son âme ; ou par une parole qui s'adressait avec puissance à nos coeurs. Et quoique plusieurs personnes pussent être employées, pour indiquer ces hymnes, prononcer ces prières ou ces paroles, il était évident qu'Un seul et même Esprit les dirigeait dans tout ce service, chacun y ayant sa part assignée, comme si le programme en avait été déterminé d'avance. Aucune sagesse humaine n'aurait pu concevoir un tel plan. L'harmonie était divine. C'était le Saint Esprit qui agissait par les différents membres, dans leurs diverses places, pour exprimer l'adoration ou pour répondre aux besoins de tous ceux qui étaient présents.
Et pourquoi n'en serait-il pas toujours ainsi ? Je le répète, bien-aimés frères, la présence et l'action du Saint Esprit sont des faits, et non pas une pure doctrine. Et assurément si, de fait, le Seigneur et l'Esprit sont présents avec nous quand nous sommes réunis ensemble, aucun fait ne peut être d'une importance comparable à celui-là. C'est certainement le grand fait qui absorbe tous les autres, celui qui devrait caractériser tout le reste dans l'assemblée.
Il ne s'agit pas ici seulement d'une négation. Cette présence ne signifie pas seulement que l'assemblée ne doit pas être conduite d'après un ordre humain et fixé d'avance ; elle signifie plus que cela : si le Saint Esprit est là, il faut qu'il dirige l'assemblée. Sa présence ne veut pas dire non plus que chacun a la liberté d'y agir à sa guise. Non, elle signifie l'opposé de cela. Il est vrai qu'il ne doit y avoir aucune restriction humaine ; mais si l'Esprit de Dieu est présent, nul ne doit prendre une part quelconque au culte, excepté celle que l'Esprit lui assigne et pour laquelle il le qualifie. La liberté du ministère provient de la liberté du Saint Esprit de distribuer à chacun en particulier comme il lui plaît (1 Cor. 12 : 11).
Mais nous ne sommes par le Saint Esprit ; et si l'usurpation de sa place par un seul individu est une chose intolérable, que dira-t-on de l'usurpation de sa place par un certain nombre d'individus, agissant parce qu'il y a liberté d'agir, et non parce qu'ils savent qu'ils ne font que se conformer à la direction du Saint Esprit en agissant comme ils le font ? Une foi réelle en la présence du Seigneur mettrait de l'ordre à toutes ces choses. Ce n'est pas que l'on doive désirer le silence pour soi, ou que quelqu'un doive s'abstenir d'agir, uniquement à cause de la présence de tel ou tel frère. J'aimerais tout autant qu'il y eût toutes sortes de désordres, afin que l'état réel des choses se manifestât, que de le sentir contenu par la présence d'un individu. Ce qui est à désirer, c'est que la présence du Saint Esprit soit réalisée de telle sorte que personne ne rompe le silence que sous sa direction ; et que le sentiment de sa présence nous garde ainsi de tout ce qui est indigne de lui et du nom de Jésus qui nous rassemble.
Sous une autre dispensation, nous lisons l'exhortation suivante : « Prends garde à ton pied, quand tu vas dans la maison de Dieu, et approche-toi pour entendre, plutôt que pour donner le sacrifice des sots ; car ils ne savent pas qu'ils font mal. Ne te presse point de ta bouche, et que ton coeur ne se hâte point de proférer une parole devant Dieu ; car Dieu est dans les cieux, et toi sur la terre : c'est pourquoi, que tes paroles soient peu nombreuses » (Eccl. 5 : 1, 2). Certes, si la grâce dans laquelle nous sommes, nous a donné un plus libre accès auprès de Dieu, nous ne devons pas user de cette liberté, comme d'une excuse pour le manque de respect et pour la précipitation. La présence réelle du Seigneur au milieu de nous devrait certainement être un motif plus pressant encore à observer une sainte révérence et à réaliser une pieuse crainte, que la considération que Dieu est au ciel et nous sur la terre. « C'est pourquoi, recevant un royaume inébranlable, retenons la grâce par laquelle nous servions Dieu d'une manière qui lui soit agréable, avec révérence et avec crainte. Car aussi notre Dieu est un feu consumant » (Héb. 12 : 28, 29).
W. Trotter
(à suivre)