NUAGES
Job était un homme « parfait et droit, craignant Dieu et se retirant du mal », richement béni dans sa famille et dans ses biens. Chose si difficile, au milieu de la prospérité matérielle, il réalisait une vie de piété, la possession des richesses n'ayant pas détourné son coeur de Dieu. Qu'il fait bon connaître ainsi d'heureux jours sur la terre, comblé de tout, sans préoccupations d'aucune sorte, marchant dans la crainte du Seigneur. Qui n'envierait pas une telle part ? C'est un jour calme et serein dans la vie du patriarche, sans une ombre qui vienne le ternir. Son ciel est d'azur.
Mais voici des nuages qui apparaissent à l'horizon. Nous allons les voir s'accumuler les uns après les autres avec une extraordinaire rapidité, de telle sorte qu'en peu de temps il ne restera plus que le souvenir des jours heureux et paisibles. Tout est devenu sombre et douloureux. Cinq cents paires de boeufs et cinq cents ânesses emportées, jeunes hommes passés au fil de l'épée par « ceux de Sheba » ; sept mille brebis et les jeunes hommes consumés par « le feu de Dieu » ; trois mille chameaux dérobés et les jeunes hommes frappés par le tranchant de l'épée des Chaldéens. Ce sont trois nuages successifs. Toutes les richesses de Job sont englouties. Un quatrième va l'atteindre dans ses affections de père : ses propres enfants ont péri, tous les dix, dans la maison écroulée de leur frère premier-né. Par le cinquième, c'est lui-même qui est frappé « d'un ulcère malin, depuis la plante de ses pieds jusqu'au sommet de sa tête ».
Trois amis viennent pour le plaindre et le consoler ; ils s'asseyent avec lui à terre sept jours et sept nuits, contemplant sa douleur, sans qu'aucun prononce une seule parole : sixième nuage qui, chez Job, touche et irrite le « moi » à tel point qu'il ne peut le supporter. Il ouvre sa bouche pour maudire son jour. Un septième devait encore obscurcir son ciel : va-t-il entendre de la part d'Eliphaz, Bildad et Tsophar quelques paroles de compréhension et de consolation ? Aucune. Pas un d'entre eux ne se montre d'ailleurs capable de parler de Dieu comme il convient (Job 42 : 7, 8). Tous trois n'auront pour leur ami éprouvé que de sévères reproches, des paroles de condamnation !
Sept nuages dans la vie de celui dont Dieu avait pu dire qu'il n'y avait, sur la terre, « aucun homme comme lui, parfait et droit, craignant Dieu et se retirant dit mal », nombre complet d'épreuves de plus en plus douloureuses, atteignant Job de plus en plus profondément. Quel homme fut jamais éprouvé comme lui ? Aucun, sans doute. Seul, le saint Fils de Dieu a vu un plus sombre nuage se décharger sur lui à la croix du Calvaire, nuage si épais que, depuis midi jusqu'à trois heures de l'après-midi, il y eut des ténèbres sur tout le pays. Durant ces heures de ténèbres et d'abandon, Il portait nos péchés en son corps sur le bois de la croix, Il était fait péché pour nous. De sorte qu'Il peut nous dire, comme aussi à son peuple : « J'ai effacé comme un nuage épais tes transgressions, et comme une nuée tes péchés » (Es. 44 : 22). Ce nuage qui voilait la face de Dieu et qui aurait dû nous en éloigner pour l'éternité, nous n'aurons jamais à le connaître. Est-ce bien un sujet de louanges incessantes pour nos coeurs reconnaissants ?
Bien des nuages aujourd'hui assombrissent notre ciel. Nous ne savons pas exactement combien il y en a dans la vie de chacun des rachetés du Seigneur. Mais Lui le sait... Dans ces jours d'épreuves multipliées, considérons quelque chose de ce que Job a appris tandis que son ciel était noir, tout obscurci de sombres nuages. Lorsque ses trois amis cessent de parler pour le condamner, Elihu fait entendre sa voix : « Je suis plein de paroles, l'esprit qui est au-dedans de moi me presse » (Job 32 : 18). Il s'exprime comme oracle de Dieu et le souffle puissant de l'Esprit anime ses paroles. Que d'enseignements, donnés par Dieu par le moyen de son serviteur, dans les chapitres 32 à 37 !
Une question est posée à Job : « Comprends-tu le balancement des nuages, les oeuvres merveilleuses de Celui qui est parfait en connaissance ? » (37 : 16). Sans doute, il s'agit d'abord du domaine des choses physiques. Christ n'avait pas encore paru sur la scène de ce monde et Job ne possédait pas les Ecritures. C'est en considérant les cieux et la terre, les merveilles de la création, qu'il pouvait connaître quelque chose des révélations divines et qu'il avait le témoignage de la majesté et de la puissance de Dieu, comme aussi de sa fidélité et de sa miséricorde. Mais les images qui nous sont présentées ont une signification plus profonde ; elles nous font entrer dans le domaine des choses spirituelles.
Job pouvait-il comprendre le « balancement des nuages » ? Pourquoi un ciel si noir après des jours si heureux ? Pourquoi sept nuages ? Job ne pouvait pas plus comprendre, que cette expression soit prise dans son sens propre ou figuré. Nous ne le pouvons pas mieux que lui. Pourquoi telle difficulté dans le chemin, pourquoi tant d'épreuves qui semblent nous accabler ? Nous ne comprenons pas. Mais il reste une certitude pour la foi : ces nuages sont « les oeuvres merveilleuses de Celui qui est parfait en connaissance ». Sachant parfaitement ce que nous sommes et ce qu'il nous faut, Il envoie les nuages ou les chasse et, dans leur merveilleux balancement, nous pouvons voir la main de Celui qui ne se trompe jamais et qui nous dit aussi, comme à Pierre : « Ce que je fais, tu ne le sais pas maintenant, mais tu le sauras dans la suite » (Jean 13 : 7). Oeuvres merveilleuses !
Mais encore, ce nuage qui est survenu et a tout assombri dans un coeur, dans une maison, dans une assemblée, ce nuage est chargé d'eau (Job 37 : 11). La pensée de Dieu est toujours de bénir. S'Il humilie et éprouve, c'est pour faire du bien à la fin (Deut. 8 : 16). Le nuage qui a rempli les coeurs de tristesse, qui peut-être a fait couler les larmes, est tout chargé de la bénédiction d'en haut. N'oublions jamais, dans les jours sombres, qu'Il charge d'eau le nuage ! Comment cette eau sera-t-elle répandue ? Selon le commandement divin, elle viendra en trombe, « comme verge », ou bien « en bonté » (v. 12-13). Dans le premier cas, c'est la dévastation, c'est un châtiment - son oeuvre étrange et son travail inaccoutumé - tandis qu'Il désire envoyer la bénédiction ; alors, les nuages font couler la pluie qui tombe « en gouttes » (36 : 28), rosée de bénédiction, pluie fine et pénétrante qui fertilise et enrichit. Il y aura des fruits produits dans les coeurs, semblables à une terre amollie par l'ondée bienfaisante (Ps. 65 : 9-10). N'est-ce pas surtout par le moyen de la Parole que nous recevrons cette pluie de bénédiction ? « Ma doctrine distillera comme la pluie ; ma parole descendra comme la rosée, comme une pluie fine, sur l'herbe tendre, et comme des ondées sur l'herbe mûre (Deut. 32 : 2). « Comme la pluie et la neige descendent des cieux, et n'y retournent pas, mais arrosent la terre et la font produire et germer. Ainsi sera ma parole qui sort de ma bouche... » (Es. 55 : 10-11). Combien il est nécessaire, par conséquent, de lire cette Parole et, plus encore, d'y conformer nos voies, car cette pluie descendra sur nous dans la mesure où nous « écouterons ses commandements » (Deut. 11 : 13-15, 27). Elle est répandue de telle façon que nous puissions la recevoir et la recueillir sans en rien perdre ; pour cela, les nuages tombent « en gouttes ». Ce n'est pas parce que Dieu limite la bénédiction - le mot « abondamment » à la fin du verset 28 nous l'indique bien. Il en sera ainsi dans les jours heureux du règne, quand Celui devant lequel les rois se prosterneront et que toutes les nations serviront « descendra comme la pluie sur un pré fauché, comme les gouttes d'une ondée sur la terre » (Ps. 72 : 6). Alors, la terre abreuvée, amollie par des ondées, sera « enrichie abondamment » (Ps. 65 : 9-13).
A partir du chapitre 38, l'Eternel lui-même s'adresse à Job : « Peux-tu élever ta voix vers les nuages ? » (38 : 34). Il n'est pas au pouvoir de l'homme - quelque grand et puissant qu'il soit - de régler le cours des nuages et c'est une pensée réconfortante. Peut-être, il est vrai, le balancement des nuages aura-t-il lieu à la fervente prière du juste dont la demande est en accord avec ce que Dieu désire faire (Jac. 5 : 17-18) ; ce ne sera pourtant jamais sur son ordre direct. L'ennemi non plus ne pourra rien faire sans la permission divine et n'agira que dans les limites strictes qui lui auront été assignées : il y a, chaque fois, un « seulement » (Job 1 : 12 ; 2 : 6) ; Satan n'est jamais qu'un instrument dont Dieu se sert pour l'accomplissement de ses pensées de grâce envers l'un des siens (1 : 8 ; 2 : 3).
Une autre question est encore posée à Job, qui est en même temps un encouragement pour un coeur éprouvé : « Qui a compté les nuages dans sa sagesse ? » (38 : 37). Grâce infinie ! Ces nuages, Il les a tous comptés. Nous dirons peut-être qu'il ne devrait pas y en avoir autant, que le ciel est trop noir... N'était-ce pas trop pour Job que ces sept sombres nuages dans sa vie ? Tous comptés, un à un ! Et cela, « dans sa sagesse ». Pas un qui ne soit nécessaire et pas un de plus qu'il ne sera nécessaire. C'est le Même « qui compte le nombre des étoiles » (Ps. 147 : 4), qui compte aussi tous nos pas (Job 14 : 16 ; 31 : 4), nos allées et nos venues (Ps. 56 : 8) et les cheveux de notre tête (Luc 12 : 7), qui a compté aussi les nuages qui viennent obscurcir notre ciel - avec la même puissance infinie, la même sagesse insondable et le même amour qui ne varie jamais !
Le chapitre 42 du livre de Job nous montre les résultats du « balancement des nuages ». Tous avaient été comptés dans Sa sagesse, chargés d'eau, et ils laissaient couler maintenant sur le patriarche une pluie de bénédictions, en gouttes, mais abondamment. Que de richesses et de connaissances, les premières données, les autres acquises au travers d'un ciel tout chargé de nuages ! « Mon oreille avait entendu parler de toi, maintenant mon oeil t'a vu ». Ne valait-il pas la peine d'avoir vu les sept nuages dans son ciel pour pouvoir dire ensuite : « Mon oeil t'a vu » ? Connaissance et contemplation de la personne de Christ, que les trois jeunes Hébreux avaient eue aussi au milieu de la fournaise. « Voici, nous disons bienheureux ceux qui endurent l'épreuve avec patience. Vous avez ouï parler de la patience de Job et vous avez vu la fin du Seigneur, savoir que le Seigneur est plein de compassion et miséricordieux » (Jac. 5 : 11). Ce qui enrichit provient de l'affliction : « l'or vient du Nord » (Job 37 : 22). Job peut compter son « or » quand le vent a passé, chassé les nuages et produit un ciel clair ; maintenant il voit la lumière brillante, Celui qui est la vraie lumière. Il a été enrichi dans la connaissance de sa Personne. Des sept nuages, il ne reste que la bénédiction dispensée dans une large mesure, l'eau dont ils étaient chargés et qui a été répandue « en gouttes... abondamment ». - « Passant par la vallée de Baca, ils en font une fontaine ; la pluie aussi la couvre de bénédictions » (Ps. 84 : 6).
Que ces quelques remarques nous engagent à lire et méditer le livre de Job, pour y puiser de précieux encouragements dans ces jours tellement chargés de nuages. Il y a sans doute une parole qui s'adresse à nos consciences : considérons nos voies et scrutons-les, afin que l'eau dont le nuage est chargé ne soit pas envoyée sur nous « comme verge », ce qui serait une autre épreuve que le nuage. Quelle souffrance alors, juste châtiment de notre infidélité, augmentée du regret d'avoir perdu la bénédiction que notre Dieu avait préparée pour nous. Car c'est la pluie de la bénédiction qu'Il prépare en couvrant de nuages les cieux (Ps. 147 : 8). Mais surtout, Il veut donner par ce livre une parole de consolation et d'espérance à tous ceux qui sont exercés par les nuages qu'Il envoie ; au milieu de la tristesse du « présent », Il dirige les regards vers le « plus tard » où le fruit sera rendu (Hébr. 12 : 11).
Bientôt va se lever le « matin sans nuages ». Il ne sera plus besoin de nuages pour amener la bénédiction durant ces jours glorieux du règne où « Celui qui domine parmi les hommes, sera juste, dominant en la crainte de Dieu ». Une riche et abondante bénédiction sera répandue : « Par sa clarté, l'herbe tendre germera de la terre après la pluie » (2 Sam. 23 : 4). Alors, Celui que David avait devant les yeux en prononçant ces paroles « sera prince au milieu d'eux », Lui, le vrai David. Sur son peuple restauré, Il fera tomber « la pluie en son temps : ce seront des pluies de bénédiction » (Ezé. 34 : 23-31). En attendant ce jour où se lèvera le Soleil de justice apportant la guérison dans ses ailes, sachons regarder non pas au nuage, mais au-dessus du nuage, à Celui qui l'a chargé d'eau. Tout est sombre et noir autour de nous, de plus en plus sombre, de plus en plus noir... Mais, assurés de l'amour de Jésus, de cet amour qui est le même dans toutes ses manifestations, celles qui font tressaillir nos coeurs d'allégresse comme aussi celles qui font pleurer nos yeux, nous pouvons bien chanter :
La vie est-elle sombre
Quelquefois à mes yeux ?
Tu dissipes toute ombre,
0 Sauveur glorieux !
Au-dessus du nuage
Je puis voir ta splendeur :
Ton regard m'encourage,
Me comble de bonheur.
P. Fuzier – article paru dans le « Messager Evangélique » (1943)