LE SERVICE DE JEREMIE, LE PROPHETE (3)
Du vivant de Josias, Jérémie jouissait d'une certaine protection. Même si le peuple n'écoutait pas sa prédication, il ne semble pas avoir rencontré de résistance ouverte. Il n'en fut plus de même par la suite.
4.1 : L'hostilité de sa famille (Jér. 11 : 18-19, 21 ; 12 : 6-11)
Jérémie ne s'est pas rendu compte, tout d'abord, de l'hostilité de sa famille. L'Eternel l'en avertit : « Tes frères aussi, et la maison de ton père, eux aussi ont agi perfidement envers toi... Ne les crois pas, même s'ils te disent de bonnes paroles » (12 : 6). Avec les habitants d'Anathoth, ils voulaient tuer le prophète pour mettre fin à sa prédication (11 : 21). Jérémie ignorait ces complots (11 : 19), jusqu'à ce que l'Eternel l'en informe.
Combien il est douloureux de se trouver dans une famille divisée ! Le Seigneur Jésus en avait averti ses disciples : « Je suis venu jeter la division entre un homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère ; et les ennemis d'un homme seront les gens de sa maison » (Matt. 10 : 35-36). Lorsqu'une personne est amenée au Seigneur, elle rencontre parfois l'incompréhension des membres de sa famille ; elle peut avoir à subir leur hostilité, ou même la persécution, suivant les pays et les religions. Quelle reconnaissance, si la grâce nous est faite de nous trouver dans une famille unie, où chacun aime le Seigneur et cherche à le servir ; c'est le bel exemple de « la maison de Stéphanas, les prémices de l'Achaïe », qui s'étaient « voués au service des saints » (1 Cor. 16 : 15).
N'ayant pu mettre leur dessein à exécution, les proches de Jérémie ont dévasté son héritage et sa vigne. Jérémie a dû abandonner sa maison, le petit domaine qu'il devait avoir reçu de son père. Il considère avec tristesse cette terre dévastée, cette vigne foulée (12 : 7-11). Peut-être, lorsqu'il parle du « bien-aimé de son âme » (12 : 7), s'agit-il (comme dans la traduction anglaise) d'une bien-aimée, une fiancée qu'il aurait dû abandonner, sa famille l'ayant gagnée à leur hostilité. En tout cas, la parole de l'Eternel, qui vint à lui un peu plus tard, était claire : « Tu ne te prendras point de femme, tu n'auras point de fils ni de filles en ce lieu-ci » (16 : 1-2).
Le prophète s'en est allé solitaire, abandonnant son héritage et ses espoirs, mais tenant ferme malgré tout pour continuer à proclamer la parole de l'Eternel.
4.2 : La persécution de la part du peuple (Jér. 18 : 18-19)
Indigné de la prédication de Jérémie à l'occasion du vase remodelé par le potier, le peuple trame des complots contre le prophète et décide de le « frapper de la langue » en répandant peut-être de faux bruits sur lui (Jér. 18 : 18). Le dénigrer, le calomnier, voilà un bon moyen d'arrêter sa prédication et de faire que plus personne ne soit attentif à aucune de ses paroles ! David avait fait cette expérience ; il supplie Dieu : « Cache-moi loin du conseil secret des méchants... qui ont aiguisé leur langue comme une épée, ajusté leur flèche, – une parole amère » (Ps. 64 : 2-3). En Job 5 : 21, il nous est parlé du « fouet de la langue ».
L'apôtre Pierre exhorte les saints à s'approcher du Seigneur comme d'une pierre vivante car ils sont « une sainte sacrificature, pour offrir des sacrifices spirituels agréables à Dieu par Jésus Christ » ; mais auparavant, il les met particulièrement en garde contre « toutes médisances » (1 Pier.2 : 1-5). Que de mal a été fait parmi le peuple de Dieu en colportant des choses, vraies peut-être, mais qui dénigrent et déprécient ceux dont on parle, tout en essayant parfois de se rehausser soi-même ! Et que dire des calomnies, visant même des serviteurs de Dieu, risquant d'entraver leur ministère et de discréditer leur message, qu'il s'agisse de l'évangile ou de l'édification des croyants. Paul en a fait la triste expérience, en particulier à Corinthe (2 Cor. 10 : 10). Le Seigneur Jésus lui-même n'a-t-il pas été l'objet d'accusation de la part de faux témoins (Matt.26 :59+60), de pharisiens qui prétendaient qu'Il chassait les démons par le chef des démons (9 : 34) ?
Quelle épreuve douloureuse pour le serviteur, mais quelle grave responsabilité pour ceux qui agissent ainsi à son égard.
Jérémie s'était tenu devant Dieu pour parler en faveur de son peuple afin de détourner d'eux la colère de l'Eternel (18 : 20). Devant la médisance et la calomnie, il ne peut que prier : « Eternel, fais attention à moi, et écoute la voix de ceux qui contestent avec moi ! » (v. 19).
4. 3 : Pashkhur (20 : 1-3)
A son retour de la vallée de Hinnom, où il avait brisé le vase devant les anciens et les sacrificateurs, Jérémie se tient dans le parvis de la maison de l'Eternel pour avertir encore une fois le peuple du jugement qui allait l'atteindre. Pashkhur, un sacrificateur, premier intendant de la maison de l'Eternel, l'entendant prophétiser, le frappe et le « met au bloc » à la porte haute de Benjamin. Le « bloc » était un instrument de torture où le prophète dut passer toute la fin de la journée et la nuit suivante, dans des souffrances physiques et morales dont la fin du chapitre montre la répercussion dans son âme.
Au cours des siècles, que de croyants ont dû subir la torture : Etienne lapidé à Jérusalem (Act. 7 : 57-60), Paul et Silas battus et emprisonnés à Philippes (16 : 22-34), les nombreux martyrs des premiers siècles de l'Eglise, les huguenots et d'autres croyants fidèles lors de la Réformation ; et de nos jours, combien d'enfants de Dieu en divers pays !
Comme nous le voyons en Hébreux 11 : 32-38, les uns sont délivrés, échappent au tranchant de l'épée ; d'autres sont torturés, éprouvés, égorgés, errants çà et là, dans le besoin, affligés, maltraités. Le mystère de la volonté de Dieu laisse un Jean-Baptiste périr dans la prison, alors qu'un Pierre en est délivré. A Smyrne, il est dit : « Sois fidèle jusqu'à la mort et je te donnerai la couronne de vie ». A Philadelphie : « Je te garderai de l'heure de l'épreuve qui va venir… » (Apoc. 2 : 10 ; 3 : 10).
Pourtant n'est-il pas frappant que dans le Nouveau Testament, la mort violente des serviteurs du Seigneur ne soit pas relatée, à l'exception d'Etienne (Act. 7), et, incidemment, de Jacques (Act. 12 : 2) ; ainsi au-dessus de tout, la mort du Seigneur Jésus lui-même, ses souffrances et son abandon sur la croix, retiennent l'attention de nos coeurs.
4. 4 : Les princes et les sacrificateurs (26 : 7-16, 24)
Les années ont passé, Josias est mort, le bref règne de Joakhaz a pris fin. Jéhoïakim vient de monter sur le trône. Jérémie, une fois de plus prophétise « dans le parvis de la maison de l'Eternel » (v. 2). Quand les sacrificateurs, les prophètes et tout le peuple l'entendent, ils ameutent la foule ; on le saisit en disant : « Tu mouras certainement » (v. 8). Les princes de Juda, entendant ces choses, montent à la maison de l'Eternel ; les sacrificateurs et les prophètes s'acharnent contre Jérémie : « Cet homme mérite la mort » (v. 11).
Les princes lui donnent pourtant l'occasion de s'exprimer. Il rappelle qu'il a obéi à l'injonction divine de « prophétiser contre cette maison et contre cette ville » (v. 12). Il renouvelle son exhortation : « Amendez vos voies et vos actions, et écoutez la voix de l'Eternel votre Dieu » (v. 13). S'ils reviennent à Lui, certainement il se repentira du mal prononcé contre eux. « Pour moi, me voici entre vos mains ; faites-moi comme il est bon et droit à vos yeux. Seulement, sachez bien que, si vous me faites mourir, vous mettrez du sang innocent sur vous » (v. 14-15).
Les princes sont attentifs et déclarent aux sacrificateurs que cet homme ne mérite pas la mort. Quelques anciens du pays rappellent la prophétie de Michée à laquelle Ezéchias avait prêté attention et le jugement avait été suspendu.
Akhikam, fils de Shaphan le scribe qui, avec Hilkija avait découvert le livre de la loi, intervient en faveur de Jérémie, afin qu'on ne le livre pas aux mains du peuple pour le faire mourir (v. 24).
Encore une fois, le prophète est délivré.
4.5 : Un capitaine et des princes (37 : 11-21)
Quelques années plus tard, lors d'une suspension temporaire du siège de Jérusalem, Jérémie cherche à sortir de la ville pour aller peut-être chercher du ravitaillement au pays de Benjamin. Comme il passait la porte, un capitaine le saisit, l'accusant de se rendre aux Chaldéens. Jérémie a beau protester que c'est un mensonge, Jirija l'amène aux princes ; ceux-ci se mettent en colère, battent le prophète, et le jettent en prison « dans les caveaux », où il doit rester « bien des jours » (v. 16). Cette fois-ci, personne ne l'a délivré.
Nous ignorons combien de temps Jérémie passa dans cette fosse, jusqu'à ce que le roi Sédécias envoie et l'interroge en secret dans sa maison : « Y a-t-il quelque parole de par l'Eternel ? » (v. 17). Le roi anxieux espère un mot de soulagement. En face de lui, le prophète qui a tant souffert sait que d'une parole Sédécias peut le libérer, ou au contraire le renvoyer dans la fosse. Que répondre ? « Il y en a une », affirme Jérémie sans hésiter. Puis, après un silence où l'on devine le regard plein de compassion du prophète pour le jeune roi, et en même temps sa détermination à être fidèle au message que l'Eternel lui a confié : « Tu seras livré en la main du roi de Babylone ».
Pourtant Sédécias, en réponse à l'intercession de Jérémie, ne le renvoie pas dans les caveaux, mais le fait garder dans la cour de la prison. Un pain par jour nourrira le prophète, tant qu'il y en aura dans la ville (v. 21).
4.6 : Des hommes responsables et des princes (38 : 1-6)
Jérémie continue malgré tout à proclamer la parole de l'Eternel. Ce n'est plus le message des temps précédents : Amendez vos voix, repentez-vous, et le jugement sera suspendu. Maintenant le châtiment est venu. Nebucadnetsar assiège la ville : il faut l'accepter de la main de l'Eternel, se soumettre, et se rendre aux Chaldéens.
Lorsque certains hommes, dont la Parole a voulu conserver le nom (v. 1), entendent le prophète, ils disent au roi, de concert avec les princes : « Qu'on fasse donc mourir cet homme ! » (v. 4). A leurs yeux, Jérémie n'était qu'un traître qui cherchait à collaborer avec Nebucadnetsar. Sédécias, faible de caractère, le livre entre leurs mains, sentant qu'il ne pouvait rien contre eux. Ces hommes se saisissent alors de Jérémie et le jettent dans la fosse de la cour de la prison. « Il n'y avait point d'eau dans la fosse, mais de la boue, et Jérémie enfonça dans la boue » (v. 6).
Le prophète rappelle, dans ses Lamentations, la détresse de son âme dans cette terrible situation : « Ceux qui sont mes ennemis sans cause... m'ont ôté la vie dans une fosse, et ont jeté des pierres sur moi. Les eaux ont coulé par-dessus ma tête ; j'ai dit : Je suis retranché ! » (Lam. 3 : 52-54). Se sentant périr, il crie encore à son Dieu : « J'ai invoqué ton nom, ô Eternel ! de la fosse des abîmes. Tu as entendu ma voix... Tu t'es approché au jour que je t'ai invoqué ; tu as dit : Ne crains pas. Seigneur, tu as pris en main la cause de mon âme, tu as racheté ma vie » (v. 55-58).
En réponse à la supplication ardente de son serviteur, l'Eternel met au coeur d'Ebed-Mélec, un Ethiopien de la maison du roi, le désir de tirer Jérémie de sa situation. Cet homme prend sur lui d'entrer vers Sédécias et d'intercéder en faveur du prophète ; il obtient la permission de le délivrer. Le roi lui donne trente hommes pour l'assister. Ebed-Mélec, plein d'attention, prend « de vieux lambeaux d'étoffes et de vieux haillons » et les descend avec des cordes pour que Jérémie les mette sous ses aisselles, sous les cordes : « Et ils tirèrent Jérémie dehors avec les cordes, et le firent monter hors de la fosse » (v. 11-13).
Une fois de plus Dieu délivre son serviteur. Avant la fin du siège, lorsqu'il est encore enfermé dans la cour de la prison, Jérémie reçoit une parole spéciale de Dieu pour Ebed-Mélec : l'Ethiopien sera délivré au jour où la ville sera prise ; il ne sera pas livré en la main des hommes dont il a peur ; il aura sa vie pour butin, « car tu as eu confiance en moi, dit l'Eternel » (39 : 15-18). Le Seigneur n'oublie pas de récompenser les instruments qu'il emploie en faveur de ses envoyés (Matt. 25 : 34-40).
Malgré son tempérament timide et réservé, Jérémie nous est apparu plein de la hardiesse que Dieu lui a donnée, et de la force d'âme qui l'a soutenu au travers des persécutions. Pourtant l'Esprit de Dieu n'a pas voulu omettre les moments de découragement que Jérémie a connus dans sa longue carrière. Considérons-en quelques-uns, ainsi que les réponses divines qui lui ont été accordées.
5.1 : L'inutilité de la prédication (8 : 21 ; 9 : 2)
Jérémie ressentait douloureusement en son âme la détresse qui serait la part de sa nation : « Je suis brisé de la ruine de la fille de mon peuple... je pleurerais jour et nuit les blessés à mort » (8 : 21 ; 9 : 1).
Mais il savait très bien que la cause des malheurs qui allaient survenir était l'iniquité de ses concitoyens, leurs mensonges, leur refus d'écouter Dieu, leurs calomnies, leurs tromperies, toutes leurs méchancetés (9 : 3-6).
A quoi bon prophétiser, avertir encore, puisque personne ne veut rien écouter ? « Oh ! qui me donnera dans le désert une cabane de voyageurs et j'abandonnerais mon peuple et je m'en irais d'avec eux » (9 : 2). Autrement dit, j'en ai assez, je voudrais fuir au loin et ne plus rien avoir affaire avec de telles personnes.
David avait éprouvé les mêmes sentiments, lorsqu'il était en proie à l'acharnement de ses ennemis : « Oh ! si j'avais des ailes comme une colombe, je m'envolerais et je demeurerais tranquille ; voici, je m'enfuirais loin, et je me logerais au désert » (Ps. 55 : 6-7).
Jérémie n'a pas alors reçu de réponse directe de Dieu dans son désarroi. Mais n'a-t-il pas pu bénéficier de l'une ou l'autre des ressources que la grâce de Dieu offre aux siens ? Quand David s'enfuyait devant Saül dans la caverne, il s'écrie : « Use de grâce envers moi, ô Dieu !... car en toi mon âme se réfugie, et sous l'ombre de tes ailes je me réfugie, jusqu'à ce que les calamités soient passées » (Ps. 57 : 1) ; il ne reçoit pas les ailes d'une colombe pour s'enfuir, mais l'ombre des ailes du Très-Haut pour s'y réfugier. « Rejette ton fardeau sur l'Eternel, et il te soutiendra ; il ne permettra jamais que le juste soit ébranlé », déclare encore David au Psaume 55 (v. 22).
5.2 : Dans la perplexité (12 : 1-3)
Comme nous l'avons vu, les premières persécutions que le prophète eut à subir lui vinrent de sa famille et des hommes de son village. Le début du chapitre 12 décrit sa réaction.
Jérémie est perplexe. La voie des méchants prospère, ceux qui agissent perfidement sont en paix ; dans leur bouche ils parlent de Dieu, mais Il est loin de leur coeur. Pourtant, ils sont plantés, ils prennent racine, ils progressent, ils portent du fruit (12 : 1-2). Le prophète lui-même, dont Dieu connaît le coeur, a suivi fidèlement l'Eternel. Il a répondu à son appel, mais les épreuves l'atteignent, et sa famille le hait.
Asaph fait la même expérience : il constate la prospérité des méchants, leur orgueil, leurs railleries, leur hauteur ; ils se moquent de Dieu, et pourtant « ils prospèrent dans le monde, ils augmentent leurs richesses » (Ps. 73 : 12). Lui, Asaph, qui a purifié son coeur et lavé ses mains dans l'innocence (v. 13), connaît l'épreuve journalière ; il est perplexe devant ce mystère des voies de Dieu : « Quand j'ai médité pour connaître cela, ce fut un travail pénible à mes yeux » (v. 16). Dieu donne une réponse à son serviteur, lorsque enfin, il entre « dans les sanctuaires de Dieu » (v. 17). Il comprend la fin des méchants ; il éprouve que le Seigneur est toujours avec lui et l'a tenu par la main droite. Les épreuves n'ont pas cessé : « Ma chair et mon coeur sont consumés » (v. 26). Ainsi il fait l'expérience que Dieu est le rocher de son coeur, et son partage pour toujours : « Je n'ai eu de plaisir sur la terre qu'en Toi... Pour moi, m'approcher de Dieu est mon bien » (v. 25, 28).
Pour Jérémie, la réponse n'est pas si consolante, elle est plutôt un avertissement : « Si tu as couru avec les piétons et qu'ils t'aient lassé, comment rivaliseras-tu avec les chevaux ? » (Jér. 12 : 5). Autrement dit, si des épreuves relativement mineures, comme celles qui proviennent de ta famille, te lassent déjà, que feras-tu quand en surviendront de plus graves, comparées ici à des « chevaux » ou à un « Jourdain enflé » ? Nous devons apprendre à supporter les épreuves présentes, afin d'être fortifié pour celles qui sont à venir.
5.3 : Devant l'opposition douloureuse (15 : 10-21)
Les persécutions allaient en effet s'aggraver, et Jérémie en ressentir le poids. « Malheur à moi, ma mère, de ce que tu m'as enfanté homme de débat... chacun me maudit ! » (15 : 10). Quel fardeau de devoir constamment annoncer le jugement, alors que de faux prophètes autour de lui prédisaient la paix ! Il n'en récoltait que malédiction et opprobre pour lui-même.
Pourtant, il dit à l'Eternel : « Tes paroles se sont-elles trouvées, je les ai mangées ; et tes paroles ont été pour moi l'allégresse et la joie de mon coeur » (v. 16). La redécouverte du livre de la loi avait été pour lui une très grande joie ; il s'était nourri des paroles de Dieu. Il s'était séparé aussi des moqueurs, de ceux qui n'acceptaient pas cette parole ; il s'était « assis solitaire » (v. 17).
A quoi bon tout cela ? « Pourquoi ma douleur est-elle continuelle... elle refuse d'être guérie » (v. 18). Se tournant vers Dieu, il se demande si Celui-ci ne l'a pas trompé ! Ai-je bien fait de répondre à son appel d'être prophète ? Serais-tu pour moi « comme une source qui trompe, comme des eaux qui ne sont pas constantes ? » (v. 18).
Dans la plainte de Jérémie il y a des choses « précieuses », en particulier son appréciation de la Parole de Dieu ; mais aussi des choses « viles », telle la défiance qui monte dans son coeur à l'égard de l'Eternel.
Job avait maudit le jour de sa naissance ; il avait accumulé les reproches contre Dieu et l'avait même accusé. L'Eternel, en se révélant à lui, ramène son serviteur, et lui donne, par le moyen de l'épreuve, une plus grande connaissance de la grâce divine : « Mon oreille avait entendu parler de Toi, maintenant mon oeil t'a vu : c'est pourquoi j'ai horreur de moi » (Job 42 : 5-6). Dans le jugement de lui-même, Job trouve la restauration.
Qu'en est-il de Jérémie ? Que lui dit la parole divine ? « Si tu te retournes, je te ramènerai, tu te tiendras devant moi » (v. 19). Autrement dit, détourne-toi de toi-même, tourne-toi vers moi ; et moi dans ma grâce je te ramènerai. De nouveau « tu te tiendras devant moi » ; tu auras la part du prophète qui se tient dans le conseil secret de l'Eternel en sorte qu'il voie et entende sa parole (23 : 18).
D'autre part, « si tu sépares ce qui est précieux de ce qui est vil, tu seras comme ma bouche ». Laisse de côté tes récriminations et tes doutes, retiens ce qui est précieux, et tu en reviendras à ton appel initial : « Voici, j'ai mis mes paroles dans ta bouche » (1 : 9). Tu t'es « assis solitaire » (15 : 17). Dieu approuve son attitude.
« Qu'ils reviennent vers toi, mais toi ne retourne pas vers eux » (v. 19). Même si tu souffres de ta solitude, ne t'associe pas à ces hommes méchants. Les promesses du premier chapitre sont presque mot pour mot renouvelées : « Je te ferai être à l'égard de ce peuple une muraille d'airain bien forte ; ils combattront contre toi, mais ils ne prévaudront pas sur toi ; car je suis avec toi pour te sauver et pour te délivrer » (v. 20 ; voir 1 : 18-19).
5.4 : Sous la torture (20 : 7-18)
Durant la fin de la journée et toute la nuit, Pashkhur avait mis Jérémie au bloc, à la porte de Benjamin ; là, tout le monde pouvait le voir, torturé et souffrant, et se moquer de lui à l'envi. Quelle fut sa réaction ?
Jérémie rappelle à Dieu que lui-même ne voulait pas être prophète ; mais l'Eternel l'avait « saisi » et avait été le plus fort. Qu'en avait-il récolté, sinon dérision et moquerie ? « Toutes les fois que je parle, je crie, je proclame la violence et la dévastation ; car la parole de l'Eternel m'a été à opprobre et à moquerie tout le jour » (v. 8). Il avait pensé : « Je ne parlerai plus en son nom ». Mais la parole avait été en lui comme un feu brûlant ; il n'avait pu la retenir (v. 9).
De tous côtés, on le calomniait. Ses familiers, les hommes d'Anathoth, guettaient sa chute, afin de se venger de lui.
Pourtant le prophète se ressaisit. Au milieu de tant d'épreuves, l'Eternel est avec lui (v. 11). Le sentiment de cette présence l'amène même à chanter, à louer, à anticiper la délivrance (v. 13). Tels, plus tard, Paul et Silas, dans la prison (Act. 16 : 25) !
A la suite d'un nouvel accès de douleur et de l'effort de Satan, Jérémie exprime sa détresse : « Maudit le jour où je naquis... Pourquoi suis-je sorti du ventre, pour voir le trouble et l'affliction, et pour que mes jours se consument dans l'opprobre ? » (v. 14-18).
Là se termine ce que Dieu a voulu retenir dans sa Parole de l'état d'esprit de son serviteur. Nous savons par d'autres passages qu'il n'a pas abandonné son ministère ; la nuit terrible à la porte haute de Benjamin a lourdement pesé sur son âme ; le souvenir de cette détresse nous a été conservé ; mais la persévérance du prophète ne reste-t-elle pas un modèle pour nous ?
5.5 : L'accumulation des souffrances (Lam. 3 : 1-33)
Dans les deux premiers chapitres des Lamentations de Jérémie, le prophète se lamente surtout sur Jérusalem et sa destruction. Dans les chapitres 4 et 5, il rappelle les détresses du siège, et les conséquences de la victoire finale de Nebucadnetsar. Au centre du livre, au chapitre 3, il rapporte surtout ses propres épreuves, dans un langage tel que, comme divers psaumes, il peut s'appliquer aussi aux souffrances de Christ.
Le prophète n'accuse pas le peuple et ses chefs de toutes les persécutions qui lui ont été infligées. Il les reçoit de la main de Dieu : « Je suis l'homme qui ai vu l'affliction par la verge de sa fureur » (v. 1). Il rappelle les années de prison avec leurs ténèbres (v. 6), la privation de la liberté (v. 7, 9) ; il se souvient de la torture qui lui a brisé les os (v. 4) ; il évoque les moqueries dont il a été l'objet : « Je suis la risée de tout mon peuple, leur chanson tout le jour » (v. 14). Sa vie s'est consumée « loin de la paix » ; il a « oublié le bonheur » (v. 17) ; tout n'a été qu'affliction, absinthe et fiel : « Mon âme s'en souvient sans cesse, et elle est abattue au-dedans de moi » (v. 20).
Que de détresses cet homme de Dieu, pourtant si fidèle, n'a-t-il pas traversées ! Sa carrière porte bien le reflet de Celui qui viendrait, « homme de douleurs et sachant ce que c'est que la langueur », duquel, plus que de tout autre, il pourra être dit : « Il est méprisé et nous n'avons eu pour lui aucune estime » (Es. 53 : 3).
Si Jérémie se souvient de tant de souffrances, il souligne aussi les consolations reçues : « Je rappelle ceci à mon coeur, c'est pourquoi j'ai espérance : ce sont les bontés de l'Eternel que nous ne sommes pas consumés, car ses compassions ne cessent pas ; elles sont nouvelles chaque matin ; grande est ta fidélité ! » (v. 21-23). Paroles qui ont soutenu la foi de nombreux croyants à travers les âges.
Mais il faut apprendre, et dans le silence, à attendre le salut de l'Eternel (v. 26). Recevoir de sa main la discipline qu'il permet, « porter le joug dans sa jeunesse » (v. 27). S'il le faut, accepter la solitude et se taire, parce que les épreuves viennent de lui, dans l'assurance toutefois que « s'il afflige, il a aussi compassion, selon la grandeur de ses bontés » (v. 32).
D'après « Jérémie, le prophète » de G. André