LE SERVICE DE JEREMIE, LE PROPHETE (1)
Nous ne donnons pas ici un commentaire du livre de Jérémie, mais une esquisse de la personnalité du prophète, de sa vie et de son service, marqués par la fidélité et l'obéissance, en un temps de faiblesse et de confusion. Par Jérémie, la voix de l'Eternel a été entendue une fois encore dans la ville où Il avait placé « la mémoire de son nom », avant sa destruction et le début du « temps des nations », qui dure encore, jusqu'à ce qu'Israël reconnaisse enfin son Messie.
1.1 : Sa famille
Jérémie faisait partie des « sacrificateurs qui étaient à Anathoth, dans le pays de Benjamin » (Jér. 1 : 1). Bien que connu comme prophète, il était donc de race sacerdotale, sans en avoir probablement jamais exercé la charge. Son village, Anathoth, situé à environ cinq kilomètres au nord-est de Jérusalem, avait été donné aux sacrificateurs descendants d'Aaron, de la famille de Kéhatites (Jos. 21 : 18 ; 1 Chr. 6 : 60).
Le père de Jérémie était Hilkija ; il s'agit peut-être du grand sacrificateur dont il est souvent parlé durant le règne de Josias. Cet homme craignait l'Eternel et sa parole. Par contre, les frères de Jérémie n'ont pas accepté sa prophétie : « Tes frères et la maison de ton père ont agi perfidement envers toi ; eux aussi ont crié après toi à plein gosier » (Jér. 12 : 6).
Jérémie, écoutant l'injonction de l'Eternel, ne s'est jamais marié : « Tu ne prendras point de femme, et tu n'auras point de fils ni de filles en ce lieu-ci » (Jér. 16 : 2). Honni de ses frères, sans épouse ni enfants, Jérémie fut un homme solitaire, qui ressentit le poids de cette solitude, même si, parfois, quelques amis se déclarèrent en sa faveur. Ne retrouve-t-on pas chez lui des traits de Celui qui viendrait plus tard, « Homme humble et solitaire » et qui, malgré toute la grâce qu'il déploierait, serait rejeté de son peuple ?
1.2 : L'époque de la prophétie de Jérémie
Pendant 41 ans, de 629 à 588 avant J.C., Jérémie exerça son ministère prophétique à Jérusalem et en Juda. La Parole de l'Eternel vint à lui « dans les jours de Josias, fils d'Amon », puis de « Jéhoïakim, fils de Josias, roi de Juda », et enfin « jusqu'à la fin de la onzième année de Sédécias… jusqu'à ce que Jérusalem fut emmenée en captivité » (Jér. 1 : 2-3). Son service se poursuivit, dans une relative obscurité, au milieu des pauvres du pays que Nébucadnetsar avait laissés après la dernière déportation. Puis il suivit en Egypte les débris du peuple qui s'y réfugièrent. Il est bien probable qu'il mourut là, après y avoir prononcé la dernière prophétie que nous ayons de lui (Jér. 44).
Jérémie a donc vécu toute la triste histoire des derniers rois de Juda.
1.3 : Les derniers rois de Juda
Après la mort de Josias, trois de ses fils et un de ses petits-fils montèrent sur le trône.
- Tout d'abord Joakhaz, son troisième fils, règne trois mois.
- Jéhoïakim, l'aîné de Josias, vient ensuite, pendant onze ans.
- Le fils de Jéhoïakim, Jéhoïakin, appelé aussi Jéconias, âgé de dix-huit ans, règne trois mois et dix jours.
- Sédécias, dernier fils de Josias, devient roi à la place de son neveu, à l'âge de vingt et un ans ; il règnera pendant onze ans.
- Parmi les descendants de Jéhoïakin, petit-fils de Josias, nous trouvons un Salathiel (Matt. 1 :12) ou Shealthiel (Esd. 3 : 2 ; Aggée 2 : 2), père ou grand-père de Zorobabel, gouverneur d'Israël lors du retour de l'exil, selon l'édit de Cyrus (Esd. 1 et 2).
Josias a régné trente et un ans. Jérémie commence à prophétiser la treizième année de son règne ; ces dix-huit ans constituent une période relativement facile de la vie du prophète. 2 Chroniques 35 : 25 exprime bien à quel point il ressentit la mort du roi : « Jérémie fit des lamentations sur Josias ». Ces lamentations ne nous ont pas été conservées ; le livre qui porte ce titre considère avant tout la destruction de Jérusalem et les persécutions que Jérémie lui-même a endurées.
Après Josias, Juda sombre dans la décadence religieuse et politique : aucun des descendants du roi pieux ne craignait l'Eternel ; les invasions du nord se multiplièrent. Trois fois de suite, l'ennemi déporta en Babylonie tout ce qui comptait dans le pays et s'empara en particulier des ustensiles de la maison de l'Eternel pour les mettre « dans son temple à Babylone » (2 Chr. 36 : 7) ; leur départ marque le début du « temps des nations » (Luc 21 : 24). Daniel et ses compagnons furent emmenés en captivité à cette époque, lors de la première déportation (Dan. 1 : 1-6).
Habakuk et Sophonie prophétisèrent en Juda du temps de Jérémie. Daniel et Ezéchiel firent de même, en Babylonie ; Dieu, dans sa grâce, parlait encore à son peuple malgré l'accumulation de ses fautes et son endurcissement ; mais « ils n'ont pas écouté » (Jér. 13 : 11).
Quel jour mémorable dans la vie de Jérémie quand Dieu lui parla pour l'établir prophète ! L'appel d'Esaïe avait été solennel, dans le cadre du temple, avec la vision de l'Eternel sur son trône, des séraphins qui proclamaient Sa sainteté, et la réaction du prophète disant : « Malheur à moi car je suis perdu ». Le charbon ardent pris sur l'autel, où avait été consumée la victime, touche ses lèvres ; propitiation est faite pour son péché. En réponse à la voix du Seigneur : « Qui enverrai-je et qui ira pour nous ? », Esaïe peut alors déclarer : « Me voici, envoie-moi » (Es. 6 : 8).
Rien de semblable pour Jérémie.
2.1 : Un prophète mis à part et appelé
Un jour de sa prime jeunesse, la voix de Dieu se fait entendre à Jérémie : en quelques points, elle précise pourquoi il veut l'envoyer. « Avant que je te formasse dans le ventre de ta mère, je t'ai connu » (v. 5a) : Préconnaissance de Dieu, qui, pour nous croyants, se lie à notre élection (1 Pier. 1 : 2), « avant la fondation du monde » (Eph. 1 : 4), et dont les motifs ne nous sont pas révélés.
Mais il y a plus quant à Jérémie. « Avant que tu sortisses de son sein, je t'ai sanctifié » (v. 5b). Le futur prophète, déjà conçu mais pas encore né, est « mis à part » (sanctifié) pour Dieu.
D'une manière générale et combien actuelle, on ne saurait trop insister sur le prix et la valeur d'un enfant aux yeux de Dieu dès sa conception. Jean le Baptiseur a tressailli de joie dans le ventre d'Elisabeth en entendant la salutation de Marie, la mère de Jésus (Luc 1 : 41).
Paul en Galates 1 : 15, dit de lui-même : « Dieu m'a mis à part dès le ventre de ma mère » (voir Act. 9 : 15 ; 22 : 14).
Pour Jérémie, l'Eternel ajoute : «Je t'ai établi prophète pour les nations » (v. 5c). Un peu plus loin, il précise : « Je t'enverrai » (v. 7).
Il semble découler de ces versets du premier chapitre de Jérémie que l'on peut reconnaître successivement :
- le choix éternel de Dieu quant au salut
- la mise à part particulière de certains serviteurs dès le sein maternel
- l'appel précis, pour tout ouvrier du Seigneur
- la formation à l'école de Dieu
- l'envoi dans le service lui-même.
2.2 : Un jeune serviteur ressentant sa faiblesse
Jérémie fort jeune, est tout effrayé à la perspective de ce qui s'ouvre devant lui : « Ah ! Seigneur Eternel ! Voici, je ne sais pas parler, car je suis un enfant » (v. 6).
Quoique beaucoup plus âgé, Moïse a fait la même objection, lorsque l'Eternel a voulu l'envoyer en Egypte : « Je ne suis pas un homme éloquent… j'ai… la langue pesante (Ex. 4 : 10).
Amos nous rappelle qu'il n'était pas fils de prophète, ni prophète lui-même, mais un simple et pauvre berger ; pourtant l'Eternel l'avait pris quand il suivait le menu bétail et lui avait dit : « Va, prophétise à mon peuple Israël » (Amos 7 : 14-15).
Timothée était jeune et timide ; pourtant l'apôtre avait voulu qu'il aille avec lui (Act. 16 : 3).
N'est-ce pas souvent notre objection ? Trop jeune, trop ignorant pour exprimer une prière en présence d'autres ; et lorsqu'on est en communion à la table du Seigneur, trop timide pour prier dans l'assemblée ! Les années passent ; on se trouve toujours trop jeune, en tout cas incapable, et l'on reste silencieux jusqu'à l'âge mûr, et même jusqu'à la vieillesse !
Que dire du témoignage extérieur ? Combien de fois on sent son incapacité à parler du Seigneur, à faire briller le témoignage de sa grâce, oubliant que lorsqu'Il nous y engage, il y a en lui des ressources suffisantes pour nous aider à y répondre.
Lors de la multiplication des pains, devant l'ordre du Seigneur : « Vous, donnez-leur à manger », les disciples pensent que leurs provisions (cinq pains et deux poissons) sont bien insuffisantes pour tant de monde. Mais que dit Jésus ? « Apportez-les-moi ici » (Matt. 14 : 16-18). Il multiplie alors les pauvres ressources des disciples, de façon à rassasier toute la foule, laissant encore de reste nombre de paniers ou de corbeilles.
2.3 : Encouragement et promesses de Dieu
L'Eternel va encourager Jérémie par diverses promesses, mais tout d'abord retentissent deux ordres précis :
- premièrement : « Tu iras » (v. 7). Il avait dit de même à Gédéon, qui se trouvait le plus petit de la maison de son père : « Va avec cette force que tu as » (Jug. 6 : 14).
- puis l'Eternel continue : « Tout ce que je te commanderai, tu le diras » (v. 7) ; et pour lui ôter toute frayeur, Il ajoute : « Je suis avec toi pour te délivrer » (v. 8).
La même voix qui, avec des parole semblables, avait encouragé Gédéon (Jug. 6 : 16), s'est fait entendre aussi à l'apôtre Paul arrivé à Corinthe « dans la faiblesse, dans la crainte et dans un grand tremblement » (1 Cor. 2 : 3). Dans une vision de nuit, le Seigneur lui dit : « Ne crains point, mais parle et ne te tais point, parce que je suis avec toi » (Act. 18 : 9).
Jérémie n'allait pas parler de son propre fond. L'Eternel étend sa main et touche sa bouche : « Voici, j'ai mis mes paroles dans ta bouche » (v. 9). Des révélations seraient faites au prophète : il aurait à les transmettre fidèlement.
Nous n'avons pas à attendre de nouvelles révélations, puisque nous avons l'Ecriture complète, « utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice » (2 Tim. 3 : 16). Et l'apôtre d'ajouter, dans ses dernières paroles à Timothée : « Prêche la parole, insiste en temps et hors de temps, convaincs, reprends, exhorte » (2 Tim. 4 : 2).
Pour encourager son serviteur, l'Eternel lui envoie deux visions :
- le bâton d'amandier (v. 11-12) : le premier arbre qui fleurit presque au milieu des rigueurs de l'hiver ; en hébreu : l'arbre qui « veille », comme Dieu veille sur sa parole, la fait proclamer « de bonne heure », expression si souvent répétée par Jérémie. Cet amandier rappelait aussi la verge d'Aaron, bâton de bois mort qui en une nuit « avait bourgeonné, et avait poussé des boutons, et avait produit des fleurs et mûri des amandes » (Nom. 17 : 8). Type de cette puissance de vie qui était en Christ et l'a ressuscité d'entre les morts, la même qui opère en chaque croyant pour le faire passer de la mort à la vie (Eph. 1 : 19-20).
- le pot bouillant (v. 13) : si la vision de l'amandier était encourageante, celle-ci a rempli d'effroi le coeur du prophète. Ce pot bouillant, « dont le devant est du côté du nord », allait se renverser pour répandre son contenu sur le sol ; figure du malheur qui allait fondre sur tous les habitants du pays, personnifié par le roi de Babylone. L'imminence du jugement devait engager le prophète à délivrer fidèlement son message, quoi qu'il lui en coûtât.
2.4 : Le caractère du message de Jérémie
Quel message terrible devait apporter Jérémie : « Regarde, je t'ai établi… pour arracher, et pour démolir, et pour détruire, et pour renverser » (v. 10). Ce fut la tragédie de sa vie : toujours prédire le jugement, la destruction, la déportation. Sans doute, en certaines pages, annonce-t-il une bénédiction future, très lointaine (31 : 28) ; pourtant tout l'essentiel de son message consiste à avertir le peuple des jugements inéluctables qui vont fondre sur lui, à cause de son obstination et de son orgueil.
Notre part, chrétiens, est bien différente : « Combien sont beaux les pieds de ceux qui annoncent la paix, de ceux qui annoncent de bonnes choses » (Rom. 10 : 15). Esaïe en avait eu la vision, celle des pieds de Celui qui annonce la paix. Dès lors, à la suite du Seigneur Jésus, combien de messagers ont été envoyés pour proclamer le même évangile, tout en avertissant les pécheurs des dangers qu'ils courent (Héb. 2 : 3). Jésus a confié à ses disciples, et à nous à leur suite, la mission de prêcher en son nom « la repentance et (littéralement : pour) la rémission des péchés » (Luc 24 : 47).
Lors de sa première prédication aux nations, Pierre conclut, après avoir présenté Jésus comme juge des vivants et des morts, en disant : « Quiconque croit en Lui reçoit la rémission des péchés » (Act. 10 : 42-43). De retour à Jérusalem, il est en butte aux critiques des frères « de la circoncision », qui lui reprochent d'être « entré chez des hommes incirconcis et d'avoir mangé avec eux » (Act. 11 : 3). L'apôtre leur expose comment le Seigneur l'a conduit ; après l'avoir entendu, ils ne peuvent que se taire et conclure : « Dieu a donc en effet donné aux nations la repentance pour la vie » ! Dans son ministère, l'apôtre Paul proclamait le même message, insistant « sur la repentance envers Dieu et la foi en notre Seigneur Jésus Christ » (Act. 20 : 21).
En annonçant l'évangile, le chrétien est appelé à avertir ceux qui le refusent, du jugement qui les atteindra ; mais son but est de présenter la grâce, la bonne nouvelle, tandis que Jérémie annonçait d'abord le jugement et la destruction.
Les serviteurs de Dieu qui présentent l'évangile rencontrent souvent l'opposition de leurs auditeurs parce qu'ils leur montrent leur état de péché et les appellent à la repentance. L'exemple de Jérémie est un encouragement à ne pas craindre l'opprobre qui résulte d'un témoignage fidèle. Il nous enseigne aussi que la patience de Dieu prendra fin et que son jugement viendra. Il veille sur sa Parole pour l'accomplir : « Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point » (Matt. 24 : 35). N'est-ce pas un solennel avertissement pour tous, mais aussi un puissant encouragement pour la foi qui attend l'accomplissement des promesses de Dieu ?
2.5 : L'envoi du prophète pour accomplir sa mission
Le jeune homme devait maintenant passer à l'action : « Toi, ceins tes reins, et lève-toi, et dis-leur tout ce que je te commanderai » (v. 17). Pour qu'il ne s'effraie pas, l'Eternel utilise trois comparaisons propres à affermir sa confiance :
- « une ville forte » aux murailles imprenables. Dieu avait rendu Jérémie aussi puissant que cette forteresse.
- « une colonne de fer » que rien ne semblait pouvoir jamais ébranler. Le jeune homme timide apprit alors que Dieu le rendrait aussi résistant que ce pilier de fer.
- « des murailles d'airain » hautes, massives, indestructibles ; pas un défaut à ce rempart étincelant. « L'Eternel est autour de son peuple, dès maintenant et à toujours » (Ps. 125 : 2).
Mais, ajoute le Seigneur, la hardiesse est donnée au prophète, non pas en faveur du pays et de ses princes, mais « contre les rois de Juda, ses princes, ses sacrificateurs, et le peuple du pays » (v. 18). Encore une fois quelle différence avec notre part : nous avons la joie de présenter l'évangile, non « contre » ceux qui nous entourent, mais bien en leur faveur.
L'Eternel renouvelle sa promesse : « Moi je suis avec toi pour te délivrer ». Sans doute, le peuple et ses chefs combattront contre lui ; il rencontrera persécutions et souffrance ; mais « ils ne prévaudront pas sur toi » (v. 19).
Cette assurance de la présence du Seigneur avec lui va fortifier le jeune prophète, et lui donnera le courage nécessaire pour délivrer son message. La même promesse a accompagné Moïse le législateur (Ex. 3 : 12), Gédéon le juge (Juges 6 : 12), Zorobabel et Joshua chefs du peuple revenu de l'exil (Aggée 2 : 4), et tant d'autres après eux ; tel Timothée, auquel l'apôtre adresse ce dernier souhait : « Que le seigneur Jésus Christ soit avec ton esprit » (2 Tim. 4 : 22).
D'après « Jérémie, le prophète » de G. André