La crainte du Seigneur
1. Le secret
2. La bannière
3. Le livre
4. Le Soleil
Il y a des principes scripturaires de grande importance qui sont tissés dans toute la trame de la Bible sans être à aucun moment cristallisés dans une déclaration formelle et définie. Prenez, par exemple, ce qui est dit dans l'Ancien Testament au sujet de « la crainte du Seigneur ». Cette expression se retrouve dans l'ensemble de l'Ancien Testament, mais elle est particulièrement mise en évidence dans le Deutéronome, où Moïse traite de la condition morale d'Israël, ainsi que dans les Psaumes, les Proverbes et les derniers Prophètes, où nous avons des paroles de témoignage divin à leur égard en raison de leur décadence et de leur échec. Un examen de ces passages et d'autres semblables suffirait, croyons-nous, à convaincre quiconque qu'il existe un principe de l'Écriture qui peut être formulé à peu près comme ceci :
Dieu accorde relativement peu d'attention à la position extérieure lorsqu'il n'y a pas de condition intérieure correspondante, mais il insiste lourdement sur la condition intérieure.
Par l’expression « position extérieure », nous ne parlons pas de la nouvelle position du croyant en Christ, ni de ces relations célestes et divines dans lesquelles il est introduit. Ces relations sont bien entendu d'une importance capitale. En effet, la connaissance et la jouissance de ces relations sont le seul moyen permettant de former et de maintenir une « condition intérieure » correcte en chacun de nous.
De plus, nous n'avons nullement l'intention de décrier la « position extérieure » comme si elle était sans importance. Notre but est simplement de montrer, d'après l'Écriture, quelle est l’importance relative de la position extérieure, et d’accorder la première place dans nos esprits aux choses à qui elle revient.
Nous voulons rapprocher quatre passages frappants de l'Ancien Testament, deux des Psaumes et deux du dernier des Prophètes.
« Le secret de l'Éternel est pour ceux qui le craignent, pour leur faire connaître son alliance » (Ps. 25 : 14).
Le psaume tout entier souligne la condition morale et spirituelle qui est agréable à Dieu. Il insiste sur l'humble confession des péchés, la confiance en Dieu, la douceur d'esprit et l'obéissance aux témoignages divins. Ces choses sont d'un grand prix aux yeux de Dieu dans toutes les dispensations, comme le montre le fait que, bien qu'écrit par David, ce psaume envisage la victoire finale de cette semence juste et pieuse à l'ère du millénium (v.13). Ce sont ces choses-là auxquelles Dieu s'intéresse aujourd'hui, et elles sont résumées dans l'expression « la crainte de l'Éternel ».
Mais voilà, c'est pour ceux qui craignent l'Éternel que se trouve son secret. Dieu ne fait pas connaître sa pensée et le secret de ses voies, ni n'admet dans l'intimité d’un ami tous ses enfants, et encore moins le monde. Tous les enfants de Dieu ont la même position quant à la grâce, ils jouissent de la même vie, de la même relation et de la même faveur, mais tous ne jouissent absolument pas de la même intimité de communion. Pour connaître la pensée de Dieu, une chose est nécessaire, et ce n'est pas une position extérieure, une position correcte ou une connaissance érudite des Écritures, mais un esprit et une vie remplis de la crainte de Dieu.
L'Écriture nous en donne de nombreuses illustrations. Lot fut considéré comme juste au même titre qu'Abraham, mais il ne fut jamais appelé, comme Abraham, « l'ami de Dieu » (Jac. 2 : 23). Alors que ce dernier a été mis au courant du secret de ce que Dieu allait faire à Sodome, Lot n'en a rien su jusqu'au dernier moment.
Un exemple encore plus frappant nous est fourni par le contraste entre les premiers chapitres de Matthieu et de Luc :
- Alors que le plus grand événement de l'histoire d'Israël était imminent, Jérusalem tout entière était enveloppée d'ignorance et d'indifférence. Non seulement Hérode, friand de plaisirs, mais aussi les sacrificateurs, les scribes versés dans la Loi et les pharisiens pleins de religiosité étaient dans la plus grande ignorance du fait que le Messie promis depuis longtemps était né au milieu d'eux. Ils en avaient reçu la première indication par l'intermédiaire de sages venus d'Orient, qui étaient étrangers à Israël et à l'alliance de la promesse. Pire encore, lorsqu'ils l'ont su, apparemment des mois après que l'événement se soit produit, ils ont été capables, avec assez de désinvolture et suffisamment d’exactitude, de citer les Écritures se rapportant au lieu où devait naître le Messie, et ont ensuite utilisé leur connaissance des Écritures pour tenter de le mener à la mort ! Tels étaient les hommes qui, à cette époque, se glorifiaient de leur position extérieure.
- L'Évangile de Luc s'ouvre sur des scènes bien différentes. Nous sommes introduits dans les demeures des humbles en Galilée - des gens sans renommée et sans position dans le monde, et nous les voyons prononcer des paroles inspirées au sujet de la naissance du Messie, des mois avant sa venue. De plus, lorsque Jésus est né à Bethléem, il y avait des bergers – des hommes pieux, mais les plus humbles qui soient, de simples veilleurs de nuit pour les troupeaux. Et par l'intervention d’un ange, ils ont eu connaissance de l'heureux événement quelques minutes seulement après qu'il se soit produit.
Quel si grand contraste ! Les hommes de noble ascendance et de haut rang sont complètement aveugles. Les hommes qui n'ont rien d'autre que la crainte du Seigneur sont parfaitement au fait du secret du Seigneur.
« Tu as donné une bannière à ceux qui te craignent, pour la déployer à cause de la vérité » (Ps. 60 : 4).
Le cadre de ce verset est nettement guerrier. Tout le contexte parle de conflit. La défaite marque les premiers versets, et, en vertu de l'intervention de Dieu, la victoire marque la fin.
Si donc, essuyant un revers, une armée est en proie au danger de se désagréger, et qu’elle se transforme néanmoins en une force capable d'aller à la victoire, ce doit être le fruit du déploiement d'un étendard de ralliement. C'est bien par le déploiement d'une telle bannière que Dieu est intervenu.
Les circonstances diverses des combats de David contre les Syriens et les Édomites ont certes donné l'occasion d’écrire ces paroles, mais l’étendue de leur signification ne se limite clairement pas à elles seules. La bannière de la vérité demeure à travers tous les conflits du pèlerinage des saints de Dieu, et elle doit être déployée. Un secret est une chose à chérir, qui, dans sa nature même, convient aux oreilles de certains mais non de tous. A l’inverse, une bannière illustre par nature la mise en exergue d'une inscription que tout le monde doit voir, qu'on la prenne à cœur ou non.
La vérité, donc, comme une bannière, doit être déployée bien haut. Mais quelles mains doivent la brandir ? Les mains de « ceux qui Te craignent » - et de nul autre. Il en a toujours été ainsi. Nous n'avons qu'à revenir à ces premiers chapitres de Luc pour en trouver des illustrations.
À peine les bergers ont-ils posé les yeux sur le Messie, enfant, qu'ils commencent à Lui rendre témoignage (Luc 2 : 17-18). Lorsque la prophétesse Anne le vit, elle s'en alla aussitôt « parler de lui à tous ceux qui attendaient la délivrance en Israël » (v. 38). C'est ainsi que l'étendard a été brandi, initialement dans un cercle très restreint.
De même, le début du livre des Actes est l'histoire du déploiement de la bannière de la vérité par des « hommes sans instruction et du commun », qui néanmoins étaient reconnus « pour avoir été avec Jésus » (Act. 4 : 13), signant la faillite complète de ceux qui revendiquaient la succession et les pouvoirs sacerdotaux. La seconde partie montre la bannière portée par Paul dans le monde païen et maintenue bien haut malgré l'opposition la plus féroce d'hommes du même acabit.
Lorsque nous arrivons aux épîtres, nous trouvons le même apôtre transmettant la bannière non pas à des hommes connus pour occuper une certaine position, non pas à des anciens ou à des diacres ou à des hommes ayant tel ou tel don, mais à Timothée, qui, plus que les autres, était caractérisé par une condition intérieure selon Dieu.
C'est à propos de Timothée que Paul avait écrit auparavant : « Je n'ai personne qui soit animé d’un même sentiment avec moi pour avoir une sincère sollicitude à l’égard de ce qui vous concerne » (Phil. 2 : 20). Cette expression « animé d’un même sentiment », nous devons la relier non seulement à l'exemple de Paul, donné au verset 17, mais à l'exemple infiniment plus grand de Christ Lui-même, donné aux versets 5 à 8. Timothée était un homme en qui résidait dans une mesure toute particulière « cette pensée qui a été aussi dans le Christ Jésus » (v. 5), et c'est pourquoi c’est à lui que l'injonction d'adieu de Paul a été donnée : « N'aie donc pas honte du témoignage de notre Seigneur » (2 Tim. 1 : 8), et encore : « Prêche la parole » (2 Tim. 4 : 2).
La bannière du « témoignage du Seigneur » a été transmise – nous le répétons – par Paul le vétéran, non pas à une classe ou à un groupe d'hommes caractérisés par une certaine position extérieure, mais à une personne qui était caractérisée par une condition intérieure particulière, une personne qui possédait effectivement la « pensée de Christ ».
Cela illustre parfaitement notre thème et s'applique si bien à notre époque.
« Alors ceux qui craignent l'Éternel ont parlé l’un à l’autre, et l'Éternel a été attentif et a entendu, et un livre de souvenir a été écrit devant lui pour ceux qui craignent l'Éternel, et pour ceux qui pensent à son nom » (Mal. 3 : 16).
Le livre de Malachie nous donne le dernier aperçu, pour ce qui est de l'Ancien Testament, des Juifs qui avaient quitté les terres de leur captivité et étaient revenus à Jérusalem. Il nous donne également la première esquisse de l'état de choses qui s'est développé. Il révèle la présence d’un résidu au cœur sincère au milieu des dirigeants et du peuple satisfaits d'eux-mêmes. Les premiers chapitres de Luc, auxquels nous avons déjà fait allusion, se raccordent naturellement à la fin de Malachie, nous montrant encore un « reste (un résidu) selon l'élection (le libre choix) de la grâce » (Rom. 11 : 5). Nous pouvons assurément tenir pour acquis qu'un tel résidu n'a jamais fait défaut tout au long des 350 à 400 ans qui se sont écoulés entre les deux.
La particularité même sur laquelle nous nous attardons est au premier plan. Ils étaient caractérisés par « la crainte de l'Éternel ». Leur esprit était occupé de Lui, car ils « pensaient à Son nom », c'est-à-dire qu'ils s’entretenaient de tout ce qu'Il s'était révélé être, et ils se souciaient de Sa réputation en conséquence. Leur bouche était occupée de Sa parole, car ils « parlaient l’un à l’autre », et leurs paroles rencontraient l'approbation divine - « le Seigneur était attentif et entendait ». Ainsi, leurs entretiens étaient manifestement « propres à l'édification » (Éph. 4 : 29). En outre, leurs activités avaient Dieu pour but et pour objet, car il est parlé du « juste …, celui qui sert Dieu » (Mal. 3 : 18)
Nous n'avons aucun moyen de savoir qui étaient ces hommes de bien. Ils n’avaient pas la moindre renommée du temps où ils vivaient. Les personnes en vue à cette époque étaient les sacrificateurs, qui étaient les représentants faibles et déplorables de la hiérarchie établie par Dieu, autrefois glorieuse. Ces hommes s'étaient assis eux-mêmes « dans la chaire de Moïse » (Matt. 23 : 2). Ils étaient fiers, et les hommes les tenaient pour heureux (Mal. 3 : 15). Néanmoins, ils ont été réprimandés de manière accablante par le Seigneur par l'intermédiaire du prophète. Seuls ceux qui « craignaient le Seigneur » étaient approuvés.
Et c'est pour eux que le « livre de souvenir » a été écrit devant le Seigneur. Leur histoire est conservée en haut, dans l’attente de paraître au grand jour lorsque les annales de l’histoire humaine au sujet des orgueilleux se seront évanouies. Non seulement leur histoire est en sûreté, mais ils seront eux-mêmes manifestés comme étant le « trésor particulier » du Seigneur (Mal. 3 : 17), au jour du Royaume à venir. « Ton peuple sera délivré : quiconque sera trouvé écrit dans le livre » : c'est ce qui est prédit dans le livre de Daniel (12 : 1) au sujet de la descendance pieuse dont le sort sera de traverser la grande tribulation dans les derniers jours.
Il semble assez évident, à partir d'un passage comme Apocalypse 3 : 7-11, que le livre de souvenir est toujours en usage et que l'on y inscrit encore l’histoire de ceux qui craignent le Seigneur et pensent à son Nom - c'est-à-dire ceux qui sont caractérisés par une certaine condition plutôt que par une certaine position.
« Et pour vous qui craignez mon nom, se lèvera le soleil de justice ; et la guérison sera dans ses ailes ; et vous sortirez, et vous prospérerez comme des veaux à l’engrais » (Mal. 4 : 2).
Derrière cette image frappante, nous avons la promesse de l'apparition du Seigneur. Il est le Soleil, c'est-à-dire le centre, la source de lumière et de chaleur, la source de l'autorité, du pouvoir et de la puissance. Il est le Soleil de justice, puisque, apparaissant dans une scène de chaos moral et d'injustice, la justice doit nécessairement être sa caractéristique principale.
Mais lorsqu'Il se lèvera comme le Soleil de la justice, ne sera-ce pas pour tous ? En effet, mais il ne se lèvera pas pour tous avec la guérison dans ses ailes. Pour beaucoup, Son apparition signifiera le contraire. Il se lèvera avec une chaleur ardente et brûlante : « Car voici, le jour vient, brûlant comme un four ; et tous les orgueilleux, et tous ceux qui pratiquent la méchanceté seront du chaume, et le jour qui vient les brûlera, dit l'Éternel des armées, de manière à ne leur laisser ni racine, ni branche » (Mal. 4 : 1). Il se lèvera « avec la guérison dans ses ailes » seulement pour ceux qui craignent son Nom.
Il est hautement significatif qu'ici, dans les dernières paroles de l'Ancien Testament, nous ayons les deux classes de personnes, non seulement si clairement distinguées l’une de l’autre, mais également si nettement étiquetées : « vous qui craignez mon nom », d'une part, et « les orgueilleux », d'autre part. Ce qui est significatif, c'est qu'ici, à la fin, se révèle clairement la tendance qui se manifeste inévitablement dans la carrière de ceux qui mettent l'accent sur la position plutôt que sur la condition. Elle se termine, s'est toujours terminée et se terminera toujours par l'orgueil, trait qui, de tous les autres, est le plus détestable pour Dieu.
Mettre l'accent en premier lieu sur la position extérieure, tout en reléguant les questions de condition spirituelle au second plan, tend nécessairement dans cette direction. On est alors occupé par certains privilèges et avantages extérieurs - réels ou imaginaires - dont on peut se vanter, tandis que les considérations de ce qu’est, en définitive, notre propre état ou notre piètre condition, qui tendraient à nous humilier, sont chassées hors de vue.
Mettre l'accent sur la condition intérieure et faire passer la position extérieure au second plan a l'effet inverse. Cela produit l'esprit doux et humble qui est d’un grand prix aux yeux de Dieu (1 Pier. 3 : 4) - un esprit tel que nous le voyons, par exemple, dans Marie qui a pu dire : « Mon esprit s’est réjoui en Dieu mon Sauveur, parce qu’il a regardé l’humble état de son esclave... » (Luc 1 : 48). En ce qui la concerne, elle est devenue la mère du Messie, et ainsi « l’Orient d'en haut » a visité les pauvres du troupeau de l’Éternel (Luc 1 : 78). Il se lèvera bientôt en gloire comme le « Soleil de justice » pour la justification et la bénédiction de ceux qui Le craignent.
F. B. Hole - Extrait de Scripture Truth, vol. 9