L’ECCLÉSIASTE ET LES RÉPONSES DU NOUVEAU TESTAMENT (4)
PROFITER DE LA VIE
Que nous en dit le Nouveau Testament ?
Sur le plan terrestre
La joie spirituelle et ses sources
À plus d’une reprise, le Prédicateur s’est posé la question : « Celui qui agit, quel profit a-t-il de ce à quoi il travaille ? » (3 : 9). Dans le cadre de son livre, promenant ses regards sur ce qui se fait « sous le soleil », il arrive de chapitre en chapitre à cette conclusion : « Il n’y a rien de bon pour l’homme que de manger et de boire, et de faire jouir son âme du bien-être dans son travail » (2 : 24). Il sait que Dieu « a fait toute chose belle en son temps» (3 : 11) : elles sont passagères. Mais sa conclusion demeure : « Il n’y a rien de bon pour eux, sauf de se réjouir et de se faire du bien pendant leur vie ; et aussi que tout homme mange et boive, et qu’il jouisse du bien-être dans tout son travail » (3 : 12-13).
Après avoir considéré les souffrances et les oppressions, rappelé même la révérence envers Dieu, il n’a d’autre issue que : « Voici ce que j’ai vu de bon et de beau : c’est de manger et de boire et de jouir du bien-être dans tout le travail dont l’homme se tourmente sous le soleil tous les jours de sa vie, que Dieu lui a donnés ; car c’est là sa part » (5 : 18).
Il nous donne plus loin divers conseils, indiquant les choses qui valent mieux que d’autres (ch. 7) ; il rappelle même que Dieu jugera chacun ; mais il n’en arrive pas moins toujours à la même conclusion : « Et j’ai loué la joie, parce qu’il n’y a rien de bon pour l’homme, sous le soleil, que de manger et de boire et de se réjouir ; et c’est ce qui lui demeurera de son travail durant les jours de sa vie que Dieu lui donne sous le soleil » (8 : 15).
Cette jouissance matérielle, passagère, égoïste, est-elle vraiment « la vie » ? Souvenons-nous que le cadre tracé par l’Ecclésiaste n’est pas à proprement parler les expériences personnelles de Salomon, mais celles de l’homme laissé à lui-même avec ses facultés naturelles, sans révélation, et qui, promenant ses regards autour de lui, raisonne sur la vie. Cette conclusion n’est-elle pas celle de quantités d’hommes autour de nous ? Souhaitent-ils autre chose que de bien manger, bien boire, se réjouir, se distraire ? Faut-il aussi s’étonner de tant de tristesse profonde, de vide, d’insatisfaction, « vanité et poursuite du vent » ?
D’autres en bien moins grand nombre, rechercheront, il est vrai, dans l’ascétisme, la solution de la vie. Ils croiront ainsi s’acquérir des mérites. Se priver volontairement de toute joie terrestre, est-ce là la vie ?
Que nous en dit le Nouveau Testament ?
Si l’on veut « aimer la vie » et « voir d’heureux jours », l’apôtre Pierre nous met en garde contre trois dangers (1 Pier. 3 : 10-11) :
- « garder sa langue du mal et ses lèvres de proférer la tromperie » : que de chagrins la médisance et la calomnie n’ont-elles pas produits ! que de conséquences douloureuses le mensonge et la fraude n’ont-ils pas amenées !
- « se détourner du mal et faire le bien» : chaque jour, chaque heure, amène pour le chrétien un choix ; il possède le discernement du bien et du mal, mieux encore que l’homme naturel ; n’avons-nous pas à veiller soigneusement, dans la vie journalière, à nous détourner du mal et à faire le bien ?
- « rechercher la paix et la poursuivre », nous rappelle l’exhortation du Seigneur Jésus : « Bienheureux ceux qui procurent la paix » (Matt. 5 : 9). Elle est renouvelée aux Hébreux : « Poursuivez la paix avec tous » (12 : 14), et aux Romains : « Autant que cela dépend de vous, vivez en paix avec tous les hommes » (12 : 18). Rechercher la paix et la poursuivre, dans le cercle de la famille et de ses amis, au sein de la famille de Dieu, parmi ses collègues de travail et ceux avec lesquels nous sommes en contact journalier - n’est-ce pas le moyen de « voir d’heureux jours » ? Que de larmes sont versées à la suite de disputes, de contentions, de jalousie !
Pierre nous montre ce qui nous permet de voir d’heureux jours ; l’apôtre Paul souligne de son côté : « Dieu nous donne tout, richement, pour en jouir » (1 Tim. 6 : 17). Le « tout » dont il est question ici ce sont bien, d’après le contexte, des choses terrestres. N’avons-nous pas à recevoir avec reconnaissance tous les bienfaits que Dieu sème sur notre chemin ? Les joies de la famille, du foyer - s’il nous accorde le bonheur d’en fonder un - les joies de l’amitié et des contacts au sein de la famille de Dieu ; les joies que l’on trouve dans la nature, dans l’observation de ses beautés (le Seigneur Jésus ne disait-il pas à ses disciples : Regardez les lis des champs ? Avec eux, il passait à travers les blés mûrs ; il les engageait aussi à regarder les oiseaux) ; joie de connaître et d’apprendre ; joie de la santé, des forces que Dieu nous donne.
Compte les bienfaits de Dieu !
Tu verras, en adorant,
Combien le nombre en est grand.
Mais pour jouir vraiment de ces bienfaits, il faut mettre 1 Timothée 6 en relation avec Romains 8 : 32 : « Celui même qui n’a pas épargné son propre Fils, mais qui l’a livré pour nous tous, comment ne nous fera-t-il pas don aussi, librement, de toutes choses avec lui ? ». Sans doute les « toutes choses » de Romains 8 vont-elles beaucoup plus loin que le « tout » de 1 Timothée 6 ; mais le principe reste : Dieu nous fait don librement de « toutes choses ». Comment le fait-il ? - « Avec Lui » ! Voilà le grand secret du chrétien. Il peut jouir avec reconnaissance de tout ce qu’il reçoit de la main de Dieu, parce qu’il en jouit avec le Seigneur Jésus.
L’apôtre Paul précise, dans son épître aux Philippiens, quelques critères de ces « toutes choses » : « Tout ce qui est vrai,... honorable,... juste,... pur,... aimable,... de bonne réputation - … que cela occupe vos pensées » (Phil. 4 : 8). Une telle énumération exclut les joies impures du monde, si souvent corrompues par le péché ; toutes celles aussi auxquelles nous ne pourrions pas avoir part « avec Lui ». S’il faut aller dans tel lieu pour y vibrer avec le monde, y sommes-nous vraiment allés « avec le Seigneur », en recevant de la main de Dieu la prétendue joie que nous croyons y trouver ?
Ainsi, sur ce plan tout terrestre rappelons-le, le Nouveau Testament ne nous demande pas de repousser, de mépriser de telles joies ; au contraire, il nous invite à en jouir comme venant de la main de Dieu, à en jouir avec Jésus ; mais aussi à nous souvenir que nous prenons, en quelque sorte, cette joie comme « en passant» ; la vraie part de notre cœur est ailleurs. Cela ne nous empêchera pas, le long du chemin, de cueillir les épis et les fleurs que, dans sa bonté, Dieu y aura placés, pour qu’avec reconnaissance nous y trouvions aussi de la joie.
Et surtout nous nous souviendrons de la parole de l’apôtre : « Étant satisfaits de ce que vous avez présentement » (Héb. 13 : 5). À Timothée, Paul soulignait : « Ayant nourriture et vêtement, nous serons satisfaits » (1 Tim. 6 : 8), écho de l’Ecclésiaste, qui déjà avait déclaré : « Mieux vaut le creux de la main rempli, et le repos, que les deux mains pleines, avec le travail et la poursuite du vent » (4 : 6). Recevoir avec reconnaissance de la main de Dieu les bienfaits dont Il nous comble ; et surtout, être satisfaits de ce qu’Il nous accorde, sans se laisser entraîner à cette poursuite insatiable, dont le Prédicateur nous a rappelé si souvent le vide.
La joie spirituelle et ses sources
Le croyant possède une source de joie bien plus profonde, bien plus élevée que toutes celles de l’Ecclésiaste : joie spirituelle dont l’apôtre peut dire aux Philippiens : « Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur ; je vous le dirai encore : réjouissez-vous » (4 : 4).
Joie qui a aussi sa source dans l’Esprit Saint : « fruit de l’Esprit » (Gal. 5 : 22) ; « justice, paix et joie dans l’Esprit Saint » (Rom. 14 : 17).
Joie découlant de la foi : « Que le Dieu d’espérance vous remplisse de toute joie et paix en croyant » (Rom. 15 : 13). Impossible de se réjouir, si l’on veut porter tous ses soucis et ses peines, au lieu de les déposer dans la paix sur le cœur d’un Père qui nous aime ; en nous attendant à Lui, nous pouvons alors jouir de tout ce que son Esprit nous fait trouver en Christ.
Entre beaucoup de passages, prenons quelques exemples de sources pratiques de joie spirituelle.
- Dans la troisième partie de notre étude, nous avons déjà rencontré la joie de donner (Act. 20 : 35 ; 2 Cor. 9 : 7).
- La plus grande joie du jeune chrétien est celle d’être sauvé : « Voici, je vous annonce... un grand sujet de joie... aujourd’hui, dans la cité de David, vous est né un sauveur, qui est le Christ, le Seigneur » (Luc 2 : 10-11). Lorsque Philippe va dans une ville de Samarie, et que des âmes se tournent vers le Seigneur, « il y eut une grande joie dans cette ville-là » (Act. 8 : 8). Quand, un peu plus tard, il rencontre l’eunuque sur le chemin désert qui va de Jérusalem à Gaza, lui parle de Jésus, et le quitte après l’avoir baptisé, « l’eunuque continue son chemin tout joyeux » (v. 39).
- Quelle joie aussi d’amener des âmes au Seigneur ! Peut-être se sera-t-Il servi de nous comme instrument entre beaucoup d’autres pour le faire, ou nous fait-Il assister à l’éclosion de la vie divine dans une âme. C’est le merveilleux refrain de Luc 15 : « Réjouissez-vous avec moi, car j’ai trouvé ma brebis, celle qui était perdue... Réjouissez-vous avec moi, car j’ai trouvé la drachme que j’avais perdue... Il fallait faire bonne chère et se réjouir ; car celui-ci, ton frère, était mort et il est revenu à la vie » (v. 6, 9, 32). À plus d’une reprise, l’apôtre, en parlant de ceux qui ont été amenés au Seigneur par son moyen, les appellera « ma joie et ma couronne » (Phil. 4 : 1).
- Joie aussi de servir le Seigneur et les siens. Les soixante-dix s’en reviennent avec joie (Luc 10 : 17). Même si Jésus leur montre que d’avoir son nom écrit dans les cieux, est une joie plus grande que de servir (v. 20), il n’en reste pas moins que cette première expérience de service les avait remplis de joie.
- Joie de la prière exaucée en Jean 16 : 24. Exposer nos requêtes à Dieu garde nos cœurs et nos pensées dans la paix (Phil. 4 : 6-7). Mais voir l’exaucement de la prière, remplit de joie.
- Par-dessus tout, joie de la communion avec Christ (1 Jean 1 : 3-4). Communion individuelle dans l’obéissance et la dépendance, part du sarment attaché au cep ; joie merveilleuse, celle du Seigneur lui-même, qui enseignait ces choses à ses disciples, afin que « ma joie soit en vous et que votre joie soit complète » (Jean 15 : 11).
- Joie de la communion fraternelle, individuelle ou collective. À la fin de sa carrière, l’apôtre Paul peut écrire à Timothée, son compagnon qui durant tant d’années avait voyagé et souffert avec lui : « Je désire ardemment te voir... afin d’être rempli de joie » (2 Tim. 1 : 4). Quelle joie de revoir un ami dans le Seigneur, avec lequel on a marché dans le chemin. Joie aussi de se retrouver ensemble autour du Seigneur, tout spécialement dans le culte où nous Le contemplons dans sa mort et sa résurrection. Expérience inoubliable des disciples qui, au soir du premier jour de la semaine, lorsque Jésus leur eut montré ses mains et son côté, « se réjouirent quand ils virent le Seigneur » (Jean 20 : 20).
- Joie profonde aussi dans la contemplation du Seigneur lui-même. L’apôtre Jean rappelle avec émotion, au soir de sa vie, qu’il L’avait vu de ses yeux, contemplé, touché de ses mains ; il voulait faire part aux croyants de tout ce qu’il avait ainsi vu et entendu, afin qu’ils aient communion avec les apôtres qui avaient vécu avec Jésus : « Cela, nous vous l’écrivons afin que votre joie soit complète » (1 Jean 1 : 4). Cette joie n’est pas d’ailleurs la part exclusive de ceux qui avaient vécu avec le Seigneur ; Pierre dit : « Croyant en Lui, bien que maintenant vous ne le voyiez pas, vous vous réjouissez d’une joie ineffable et glorieuse » (1 Pi. 1 : 8). Par la foi, voir Jésus dans sa vie sur la terre, tel que les évangiles nous le présentent ; le voir marcher, prier, entrer dans la synagogue, s’avancer le long de la mer, dominer les flots, ou s’asseoir lassé du chemin au bord du puits - cela remplit le cœur d’une joie profonde ; le contempler dans sa gloire, transforme à son image (2 Cor. 3 : 18). Quelle consolation pour les disciples qui voyaient avec tristesse le Seigneur Jésus s’en aller à la croix, lorsqu’Il leur dit, en parlant de sa résurrection : « Je vous reverrai, et votre cœur se réjouira, et personne ne vous ôte votre joie » (Jean 16 : 22). Vision toujours actuelle, aujourd’hui, pour la foi.
- Joie enfin dans l’espérance de la venue du Seigneur, dont Romains 12 : 12 nous dit : « Réjouissez-vous dans l’espérance ». L’apôtre rappellera à Tite la « bienheureuse espérance » qui est devant nous (2 : 13).
- Joie suprême qui sera nôtre au retour de Christ, « à la révélation de sa gloire », lorsque nous nous réjouirons « avec allégresse » (1 Pier. 4 : 13b). Le serviteur fidèle entendra la voix du Seigneur dire : « Entre dans la joie de ton Maître» (Matt. 25 : 21, 23) ; et le chœur céleste retentira : « Réjouissons-nous et tressaillons de joie, et donnons-lui gloire ; car les noces de l’Agneau sont venues » (Apoc. 19 : 7).
- Plus profonde encore est la joie que seul le chrétien peut connaître, la joie dans la souffrance : souffrances à travers les circonstances variées de la vie (Jac. 1 : 2 ; souffrances pour le Seigneur (1 Pier. 4 : 13a). Le chrétien peut toujours se réjouir. Pourquoi ? Parce qu’il se réjouit « dans le Seigneur » (Phil. 3 : 1 ; 4 : 4).
Voilà le secret de toutes les joies que nous avons considérées. Cette simple joie terrestre, comprise dans les « toutes choses » que Dieu nous donne richement, nous ne pouvons vraiment l'éprouver qu’« avec Lui ». Avec Christ nous connaissons la joie du salut, le nôtre ou celui d’autrui ; dans le service, dans la communion, dans le rassemblement, c’est encore « avec lui » que notre cœur se réjouit. Et dans la perspective de son retour, n’est-ce pas d’être pour toujours « avec le Seigneur » qui fait notre joie profonde ? Dans les jours de souffrance, de deuil, d’isolement, si, malgré tout, la joie peut rester tout au fond de notre cœur, c’est parce que toutes ces choses, nous les traversons « avec Lui ». Il ne nous fera jamais défaut ! J. N. Darby a écrit : Si Jésus est au fond de votre cœur, votre joie sera profonde.
D'après G. André
A suivre