Revenez à moi de tout votre cœur
L’invasion de sauterelles et un vibrant appel adressé aux sacrificateurs
L’appel au jeûne et à l’humiliation
Des années « mangées », mais rendues à ceux qui reviennent à Dieu de tout leur cœur
« Ainsi... dit l’Éternel, revenez à moi de tout votre cœur, avec jeûne, et avec pleurs, et avec deuil… Je vous rendrai les années qu’a mangées la sauterelle... » (Joël 2 : 12, 25)
Il est impossible d’assigner une date précise à la vision de Joël. Elle s’adresse essentiellement à Juda et elle est fortement imprégnée de la pensée du « jour de l’Éternel » (ou « jour du Seigneur » dans le Nouveau Testament), période de jugements qui précédera l’établissement du royaume de Christ sur la terre. Dans cette période, Gog (l’Assyrien prophétique, ce dernier et formidable ennemi) sera détruit, après avoir servi à exercer un châtiment contre le peuple de Dieu. Sans négliger cet aspect prophétique important, nous désirons considérer brièvement la portée morale, toujours actuelle, de cette portion de l’Écriture, et retirer aussi un encouragement en méditant les versets du chapitre 2 cités ci-dessus.
L’invasion de sauterelles et un vibrant appel adressé aux sacrificateurs
Au début de ce livre une prodigieuse armée de sauterelles s’abat, par vagues successives, sur des régions fertiles du pays et les transforme subitement en désert. Puis la sécheresse, suivie d’un feu dévorant, vient encore aggraver ce terrible fléau.
Cette calamité vient de Dieu (Joël 2 : 25 ; Ps. 105 : 34). C’est Lui qui fait entendre sa voix devant cette grande armée (Joël 2 : 11). Nous nous arrêtons facilement aux causes secondes, tout prêts à dénoncer - comme le faisaient les messagers à Job - ceux de Sheba, le feu tombé du ciel, les Chaldéens ou encore le grand vent venu d’au-delà du désert (Job 1 : 13-19). Le patriarche avait tout perdu en un instant, mais il ne se trompe pas ; il se prosterne et déclare : «L’Éternel a donné et l’Éternel a pris ; que le nom de l’Éternel soit béni !» (v. 21 ; voir Lam. 3 : 37-39).
Il faut reconnaître la main de Dieu dans ces visitations (És. 45 : 7). Quand nous passons par la discipline, ne perdons jamais de vue la fidélité de Celui qui nous la dispense. Cette difficulté, cet échec, cet accident sont permis par le Seigneur. II connaît le besoin précis de nos âmes et veut y répondre. Il corrige, avec mesure, le peuple qui est près de Lui, ici Juda, pour attirer son attention sur son état intérieur. « Écoutez ceci, vieillards », déclare le prophète. L’âge avancé ne devrait-il pas augmenter l’intelligence, rendre capable d’enseigner la sagesse, la crainte de Dieu ? (Job 12 : 12 ; 32 : 7 ; Ps. 34 : 11) ? Joël ajoute : « Prêtez l’oreille, vous tous les habitants du pays » (1 : 2). Quelqu’un pourrait-il rester insensible au sein d’une telle épreuve ?
Même au milieu de la ruine, demeurer en Sion, la montagne sainte (2 : 32 ; 3 : 17), si près de la maison de l’Éternel (1 : 9, 13-14, 16) est toujours un privilège insigne, mais aussi une grande responsabilité. Aussi la Parole de Dieu s’adresse-t-elle ensuite à ceux qui, au milieu de son peuple, s’enivrent, trouvant leur satisfaction dans les plaisirs trompeurs de ce monde (Prov. 23 : 31-32 ; Éph. 5 : 18). Le moût ôte le sens, empêche de discerner entre ce qui est saint et ce qui est profane (Lév. 10 : 9-10 ; Osée 4 : 11). Ils doivent se réveiller du lourd sommeil où rien, extérieurement, ne les distingue des morts. Pour opérer ce travail salutaire, Dieu a choisi de tarir la source de leurs joies factices.
Ce n’est pas volontiers que notre Dieu afflige et contriste les fils des hommes (Lam. 3 : 33). Son âme est en peine devant la misère de son peuple (Jug. 10 : 16). Malgré la gravité de leurs fautes, Il s’identifie avec ceux qui souffrent (És. 63 : 9) et déclare : C’est mon pays, ma vigne, mon figuier qui sont ainsi frappés (Joël 1 : 6-7).
Quel spectacle de désolation ! La terre elle-même mène deuil, soupire sous les conséquences du péché de l’homme (Rom. 8 : 22). Le blé est ravagé, le vin honteux, l’huile languit (Joël 1 : 10). Même les semences, promesse des moissons futures et figure de la vivante et permanente Parole de Dieu, pourrissent sous les mottes (v. 17). Dieu a brisé le bâton du pain (Ps. 105 : 16), c’est la famine. Aussi le prophète, profondément touché, se tient-il devant Dieu pour le peuple : « À toi, Éternel, je crierai » (v. 19).
Le contraste est saisissant avec le tableau des bénédictions annoncées à ce peuple avant son entrée dans le pays : « L’Éternel t’établira pour lui être un peuple saint... te fera surabonder en prospérité... t’ouvrira son bon trésor ». Mais ces promesses étaient conditionnelles, assurées « si tu écoutes les commandements... que je te commande aujourd’hui, pour les garder et les pratiquer » (Deut. 28 : 9-14). Maintenant Dieu, à la suite de leur désobéissance et de leur idolâtrie, doit leur envoyer « la malédiction, le trouble et la réprobation » (Deut. 28 : 20). Les greniers sont vides, les granges renversées et les âmes, privées de nourriture, très appauvries, comme au temps où Madian pillait Israël (Juges 6 : 5-6), ne peuvent que dépérir.
Les sacrificateurs, ceux qui servent l’autel, doivent ressentir d’une façon toute particulière l’offense faite à Dieu. Il est frustré, car Il ne peut plus recevoir au temps fixé ce qui Lui est dû, et qui parle à son cœur de Celui qui est « son pain », sa parfaite joie (Nom. 28 : 2). Il n’y a plus de vraie appréciation de Christ au temps de la famine. Sans la lecture et la méditation quotidiennes de la Parole de Dieu, notre âme n’est pas nourrie de Christ ; et cette disette spirituelle appauvrit d’abord le culte rendu à Dieu au sujet de son Fils. Les dons d’un peuple choisi pour sacrifier la louange ont cessé. L’offrande et la libation sont retranchées de la maison de l’Éternel (1 : 9, 13 ; 2 : 14), répète le prophète. Cette offrande de gâteau accompagnée d’huile et d’encens est une figure de Christ dans sa parfaite humanité, durant sa marche ici-bas, toute à la gloire de Dieu (Matt. 3 : 17). La libation, versée sur les sacrifices, rappelle que la Victime, dans l’obéissance parfaite à la volonté de Dieu, a livré son âme à la mort.
Comment un sacrificateur pourrait-il désormais s’approcher de Dieu ? Il est devenu inutile : « On ne paraîtra pas à vide devant ma face » (Ex. 23 : 15).
L’appel au jeûne et à l’humiliation
Dans une si grande tribulation, va-t-on « écouter la verge et Celui qui l’a décrétée » (Mich. 6 : 9) ? Comprendre enfin que l’état spirituel est plus fâcheux que la situation matérielle, si triste soit-elle ? Plein de grâce et miséricordieux, lent à la colère et grand en bonté, Dieu appelle les siens à se repentir : « Encore maintenant, revenez à moi de tout votre coeur » (Joël 2 : 12). La trompette avait pu sonner avec éclat, à l’heure du danger, pour rappeler le peuple en mémoire devant l’Éternel (Nom. 10 : 9). Elle doit résonner maintenant pour convoquer une assemblée solennelle (Nom. 10 : 7). Tous les habitants du pays, quel que soit leur âge, sont appelés à jeûner. Même celui qui a nouvellement pris une femme et serait, en temps ordinaire, exempt de toute affaire, doit s’y associer, avec sa jeune épouse (Joël 2 : 16 ; Deut. 24 : 5).
Au jour de la détresse, une réelle humiliation est la seule porte d’espérance, car Dieu ne reste pas insensible aux instantes prières des siens (Ps. 34 : 18). Il appartient aux sacrificateurs, serviteurs de l’Éternel, de pleurer entre le portique et l’autel. C’est là le seul terrain auquel nous avons accès dans la présence de Dieu, où nous trouvons faveur auprès de Lui, à cause de l’œuvre parfaite de Christ.
Si, dans une vraie repentance, on déchire son cœur au lieu de ses vêtements (Joël 2 : 13), « l’Éternel sera jaloux pour son pays et aura pitié de son peuple » (v. 18). Il est prêt à répondre à ceux qui L’implorent avec intelligence : « Épargne ton peuple... ton héritage... Pourquoi dirait-on parmi les peuples : Où est leur Dieu ? » (v. 17 ; voir aussi Nom. 14 : 13- 14 ; Ps. 79 : 10 ; 115 : 2). De la montagne de Sion peut venir une intervention puissante de la grâce souveraine de Dieu (Joël 2 : 32). Il fait de grandes choses en faveur des siens, tout va renaître et prospérer. La bénédiction, longtemps retenue, va se répandre avec une telle abondance, que tous seront rassasiés (v. 19 ; Lév. 26 : 5).
Avec tristesse, nous évoquons souvent l’Assemblée à ses débuts. Elle était vraiment à la gloire de Dieu, dans toute la grâce de sa jeunesse et dans l’amour de ses fiançailles (Act. 2 : 42-47).
Mais à cette fraîcheur a succédé une grande langueur spirituelle. Le premier amour a été abandonné et l’égarement de nos cœurs, attirés par ce monde dont nous avions pourtant été retirés, est devenu continuel. Beaucoup de sauterelles, aux goûts très variés, ont envahi nos vies. Elles ont en commun leur voracité et l’étendue de leurs ravages.
Des années « mangées », mais rendues à ceux qui reviennent à Dieu de tout leur cœur
Faisons devant Dieu, sans complaisance, chacun pour soi, le compte de leurs méfaits. Combien d’années dans notre courte vie ont déjà été mangées ainsi par la sauterelle, l’yélek, la locuste ou la chenille ? Passe-temps qui envahissent peu à peu notre vie, sans qu’ils nous paraissent dangereux, mais qui nous font perdre bien des heures précieuses à la lumière de l’éternité. Convoitises diverses, qui tendent toujours à nous enlacer (Jac. 1 : 14), à dévorer ce qui appartient au Seigneur (1 Cor. 6 : 19). Travail absorbant, auquel se lie souvent, hélas, l’amour de l’argent (1 Tim. 6 : 10) qui peut ainsi devenir une idole, et tout envahir, au détriment d’une croissance spirituelle harmonieuse (Marc 4 : 19). Piège si grand enfin, de nous laisser prendre par les goûts scientifiques, artistiques, littéraires, ou même les activités politiques de ce monde, au lieu d’être transformés par le renouvellement de notre entendement, pour discerner la volonté de Dieu en toutes circonstances (Rom. 12 : 2).
Peut-être sommes-nous prêts, hélas, à passer légèrement sur nos mauvaises tendances sans en juger les fruits, autrement dit les mortifier - elles sont toujours là -, à excuser notre manque de zèle pour Christ, mais l’état du témoignage suscité dans les derniers jours montre clairement le peu de fruit produit à la gloire de Dieu.
L’Ennemi voudrait tirer profit de notre misère, il cherche à affaiblir les forces des porteurs de fardeaux (Néh. 4 : 10). Il s’efforce de détruire tout rassemblement dont Christ est effectivement le centre, où les droits de Christ sont reconnus, et les résultats glorieux de son œuvre proclamés. Le déclin est trop accentué, insinue cet ennemi, il est impossible de revenir en arrière. Voyez ces murailles en ruine, ces portes consumées par le feu, il y a trop de décombres ! (voir Néh. 2 : 13). Si nous lui prêtons l’oreille, il ajoutera bientôt : Vous comprenez bien qu’on ne peut plus appliquer la Parole à la lettre, il faut adapter ses enseignements aux besoins de notre temps ! - Se laisser séduire par ces raisonnements spécieux provoquerait inévitablement des ravages plus grands encore. Dieu n’abaisse jamais le niveau. « À la loi et au témoignage ! » est toujours, malgré la ruine, le mot d’ordre pour les siens, et l’Écriture nous avertit : Si nous ne parlons pas ainsi, il n’y a pas d’aurore possible pour le peuple de Dieu (És. 8 : 16, 20).
L’heure est tardive, la venue du Seigneur est proche, mais encore maintenant, la confession de notre état de décadence spirituelle, accompagnée d’une humiliation vraie pour avoir contribué à cet état de choses et déshonoré ainsi le Nom de Christ, est le seul chemin possible pour une restauration (Joël 2 : 14 ; Osée 6 : 1). Ce n’est pas par nos propres efforts que nous pourrons retrouver ce qui a été perdu. Mais Dieu est puissant pour nous restaurer si, abandonnant toute prétention, nous nous rejetons entièrement sur Lui, sur sa grâce parfaite. Un cœur « brisé et humilié », qui « tremble à sa Parole », est d’un grand prix devant Lui (voir Ps. 51 : 17 ; És. 66 : 2). Cette grâce brille en faveur d’une Naomi, revenue à vide, et dans l’amertume d’une vie gaspillée loin du pays (Ruth 1 : 21 ; 4 : 15).
Emparons-nous de la promesse que Dieu fait ici à son peuple terrestre, c’est une des plus précieuses de la Parole : « Je vous rendrai les années qu’a mangées la sauterelle, l’yélek, et la locuste, et la chenille... vous mangerez abondamment et serez rassasiés, et vous louerez le nom de l’Éternel, votre Dieu, qui a fait des choses merveilleuses pour vous...» (Joël 2 : 25-26). Il Lui appartient d’effacer les tristesses et la honte passées, d’accorder à celui qui est revenu de tout son cœur quelque chose de meilleur que ce qu’il avait perdu en s’écartant. « Quand Dieu nous fait grâce nous trouvons non seulement la grâce, mais Dieu lui-même », disait un de nos anciens conducteurs. Alors la louange jaillit de nos cœurs vers Celui qui daigne se trouver au milieu d’un faible résidu, vraiment réuni à son Nom.
D’après Ph. L - « Messager évangélique » (1979 p. 20)