La piété personnelle
Homme pieux ou homme religieux ?
Des relations vivantes de l'âme avec Dieu
Notre conduite dans l'assemblée découle de notre piété personnelle
Une piété formaliste est la négation de la vraie piété
Une piété réelle nous conduit à nous séparer du mal
Homme pieux ou homme religieux ?
L'homme pieux est celui dont la marche plaît à Dieu parce qu'elle n'a pas d'autre motif que de plaire à Dieu, connu par la foi.
La forme de la piété caractérise l'homme religieux, et s'il y a seulement cette forme c'est une condition des plus dangereuses : on professe connaître la vérité, on l'a entre les mains, mais on se soustrait à son action. Sachant ce qui plaît à Dieu, on fait ce qui plaît au cœur naturel. Ainsi en était-il des païens de Romains 1 : 18, et ainsi en est-il de l'état, combien plus grave, des « hommes » des temps fâcheux des derniers jours, qui, en possession de la vérité chrétienne, ont « la forme de la piété » mais en ont « renié la puissance » (2 Tim. 3 : 5). En réalité ils sont « sans piété » (v. 3) - le sens littéral étant ici : sans sainteté.
Des relations vivantes de l'âme avec Dieu
La piété est quelque chose de personnel, comme les autres qualités que le croyant est appelé à ajouter successivement à la foi (2 Pier. 1 : 7). Elle suppose que des relations directes entre une âme et Dieu existent (donc qu'il y a la vie de Dieu), et qu'elles sont entretenues (donc que la foi est sincère et active). Rappelons que ces relations bénies sont avant tout des relations de sainte crainte et de confiance, et aussi de reconnaissance et d'obéissance. La source où se puise leur vitalité jaillit intérieurement, elle est individuelle : c'est la connaissance personnelle de Christ tel que la Parole le révèle. La piété est réelle en proportion de la place que tient dans le cœur et la vie du croyant ce « mystère de la piété », qui est le secret par lequel toute piété est produite, et qui fait sa force, sa « puissance ». « Et incontestablement ce mystère est grand » (1 Tim. 3 : 16) !
C'est de la grandeur même de ce mystère que l'Assemblée tire sa fonction éminente. Elle la remplit bien imparfaitement, hélas, parce que ceux qui la composent ne font pas au mystère de « Dieu manifesté en chair » la place voulue !
Notre conduite dans l'assemblée découle de notre piété personnelle
Le degré de piété de chacun détermine sa « conduite dans la maison de Dieu », et de la conduite de tous dépendent l'ordre à l'intérieur et le témoignage au dehors de cette maison, « qui est l'Assemblée du Dieu vivant, la colonne et le soutien de la vérité» (v. 15).
Il y a là un courant dont le sens ne peut être inversé. Il ne descend pas de l'Assemblée, de l'Eglise, dans l'individu. Si précieux que soit le fait de l'existence de l'Eglise, celle-ci ne communique pas plus la piété que la foi ! Elle ne les garantit pas davantage. Elle ne saurait se substituer à la communion personnelle avec Christ. Tant valent les composants, tant vaut l'ensemble. Quelque influence qu'elle puisse exercer sur la conduite de personnes particulières, elle ne l'exerce qu'extérieurement, et à vrai dire indirectement. Elle peut exhorter, discipliner, mais elle ne peut produire elle-même la piété. Elle ne dispense pas de grâces, elle en reçoit d'en haut, elle en est l'objet de la part de Dieu ; Christ les assure ; l'Esprit Saint les distribue et en règle l'emploi, en opérations diverses, pour l'utilité commune ; mais le travail s'opère dans les individus.
La piété se manifeste en adoration, en bonnes oeuvres, en sainteté pratique, mais ces manifestations, bien qu'elles donnent à la vie de l'Assemblée son niveau du moment, sont le produit de la piété personnelle, et il ne peut en être autrement.
Une piété formaliste est la négation de la vraie piété
Quand il n'y a que la forme de la piété, sans sa puissance, on voit l'individu se cacher, pour ainsi dire, derrière la collectivité. Qu'est-ce, en effet, que garder la forme tout en reniant la puissance, sinon se réclamer d'un corps religieux qui professe le nom de Christ, et vivre selon les pensées de son propre cœur, en laissant à ce corps la responsabilité des relations avec Dieu ? Aux ministres de ma religion à faire ce qu'il faut pour régler mon sort dans l'au-delà ! Le corps en question, qui tout à la fois prend de telles responsabilités et accepte de telles appartenances « tout extérieures », ne garde lui-même, dans ces conditions, que l'apparence de la vie, quelles que soient par ailleurs ses activités et ses buts. Nous reconnaissons là la condition générale de la chrétienté où nous sommes, en marche vers l'apostasie qui sera consommée quand la profession même aura été abandonnée. Tant que les corps professants demeurent, sous une forme ou sous une autre, l'individu tire d'eux sa qualification religieuse. Dieu soit béni de ce qu'il distingue, au sein de cet état de choses, bien des âmes pieuses que Lui seul peut-être connaît ; le Seigneur donnera leur récompense à ceux qui n'ont pas connu les profondeurs de Satan, et à ceux qui n'ont pas souillé leurs vêtements (Apoc. 2 : 24 ; 3 : 4) ; mais c'est tout autre chose qu'avoir conscience de participer comme élément vivant à un corps qui vit parce que ses membres vivent par l'Esprit de Dieu.
La piété formaliste, négation de la vraie piété, se conçoit mal en dehors d'une profession religieuse collective ; elle n'aurait guère de raison d'être sans elle. Un vêtement ne tient pas debout seul ; la profession a besoin de reposer sur quelque chose, fût-ce un squelette. Pour le simple professant le corps religieux auquel il appartient n'est qu'un organe honorable de la société, du monde.
Une piété réelle nous conduit à nous séparer du mal
La piété n'a pas besoin de support terrestre, elle subsistera dans les situations les plus diverses, même les plus pénibles, même les plus isolées. Elle conduit le fidèle à se séparer du mal, même s'il doit rester seul ; elle a donné à bien des croyants dans le passé la force d'être haïs, retranchés de la société des hommes, persécutés, mis à mort. Mais le plus souvent le Seigneur accorde à ceux qui ont à cœur son nom la faveur de se rassembler en ce nom, ne seraient-ils que deux ou trois ; leur profession collective sera vraie selon la réalité de la piété de chacun d'eux. S'ils « invoquent le Seigneur d'un cœur pur » (2 Tim. 2 : 22), quelle bénédiction leur est assurée ! Malgré la ruine, ils éprouveront que les ressources sont toujours là, pour que, tirant tout de sa Tête, qui est Christ glorifié, « le corps, bien ajusté et lié ensemble par chaque jointure du fournissement », produit, « selon l'opération de chaque partie dans sa mesure », son propre accroissement pour l'édification de lui-même en amour (Eph. 4 : 16). Mais si ceux qui ont été conduits à se « séparer de l'iniquité » pour se rassembler au seul titre de l'unité du corps de Christ abandonnent la «puissance de la piété», ils retombent dans une profession formaliste plus coupable que toute autre.
Il n'est pas besoin de souligner la gravité de ce que nous venons de présenter. Le chrétien ne doit pas s'attendre à être « formé » par l'assemblée, il l'est par sa communion personnelle avec Christ, et il est responsable de concourir, dans sa mesure, à ce que l'Assemblée réponde à sa vocation. Que le Seigneur nous le mette à cœur. « Mais toi…», disait Paul à Timothée. « Mais vous…», disait Jude aux « appelés, bien-aimés en Dieu le Père et conservés en Jésus Christ ».
D'après A. Gibert - « Messager évangélique » (1965 p. 113-116)