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Les sept paroles de Jésus sur la croix (7)


La parole de confiance
          Le grand cri de Jésus et la déclaration du centurion
          La citation du Psaume 31
          Le couronnement de la vie de prière du Sauveur
          La ressemblance des paroles d'Etienne
 

La parole de confiance

" Ayant crié d'une voix forte, Jésus dit : Père ! entre tes mains je remets mon esprit. Ayant dit cela, il expira" (Luc 23 : 46).

            La septième parole du Christ sur la croix se trouve rapportée dans l’évangile de Luc, l’évangile consacré à la sainte et glorieuse humanité du Seigneur. L’évangile de Jean, qui a pour objet essentiel la divinité du Sauveur, montre comment le Seigneur a remis son esprit en tant que Dieu. L’évangile de Luc fait voir comment le Sauveur a quitté cette vie en tant qu’Homme.

 

                        Le grand cri de Jésus et la déclaration du centurion

             Avec Luc 23 : 46, il convient de citer : « Mais Jésus, ayant jeté un grand cri, expira » (Marc 15 : 37). « Jésus, ayant encore crié à voix forte, rendit l’esprit » (Matthieu 27 : 50). Le texte de Marc dit en outre : « Le centurion qui était là en face de lui, voyant qu’il avait expiré en criant ainsi, dit : Véritablement, cet homme était Fils de Dieu » (15 : 39). Bien que certains manuscrits ne contiennent pas le mot traduit par « après avoir crié », il importe de rapprocher Marc 15 : 37 et Marc 15 : 39. La déclaration du centurion fournit une réponse à la septième parole du Seigneur : « Père ! entre tes mains je remets mon esprit ».
          La déclaration du centurion et de ses subordonnés, rapportée dans Matthieu, offre un caractère plus général : « Lorsque le centurion et ceux qui, avec lui, veillaient sur Jésus, virent le tremblement de terre et ce qui venait d’arriver, ils eurent une très grande peur et dirent : Véritablement celui-ci était Fils de Dieu » (27 : 54).
           Après le récit de la septième parole et du dernier soupir du Sauveur, Luc rapporte une autre déclaration du centurion, qui est en parfaite harmonie avec le sujet de son évangile : « Voyant ce qui était arrivé, le centurion glorifia Dieu en disant : En vérité, cet homme était juste » (23 : 47).
           Le grand cri du Seigneur (Marc 15 : 37 ; Matt. 27 : 50) est sans doute sa septième parole prononcée, comme Luc 23 : 46 le raconte, « d’une voix forte ».
           Non seulement les expressions employées par Matthieu (27 : 50) et par Marc (15 : 37) s’accordent très bien avec le récit de Luc (23 : 46), mais encore, le mot grec traduit par « de nouveau » dans le verset de Matthieu (27 : 50) fournit une preuve décisive : ce terme ne peut se rapporter qu’au contenu du verset 46 de Matthieu 27, où nous entendons, pour ainsi dire, le Seigneur prononcer « d’une voix retentissante » sa quatrième parole, son cri de détresse profonde à la fin des trois heures de ténèbres : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ».
            Le dernier cri que le Seigneur a poussé « d'une voix forte » (Luc 23 : 46 ; Matt. 27 : 50 ; Marc 15 : 37) atteste toute la force et toute l’énergie vitale que le Seigneur avait conservées à travers ses maux et ses tourments cruels, et montre à quel point la mort du Sauveur a été libre et volontaire. La grandeur de sa Personne et de son sacrifice apparaît ainsi dans un jour saisissant. Entre les trois évangiles qui nous montrent, sous plusieurs aspects, la multiple intensité des souffrances du Sauveur et celui qui nous permet de contempler le charme et l’éclat de sa majesté divine, il existe une parfaite harmonie.
           Le Seigneur, aussitôt l’expiation achevée, était rentré dans la bienheureuse communion avec son Père. Rien ne lui voilait plus la face de Dieu. Son douloureux abandon avait pris fin avec les trois heures de ténèbres. Le Seigneur peut dire de nouveau : « Père ».

            

                        La citation du Psaume 31

            D’après Luc, le Seigneur a dit : « Père ! entre tes mains je remets mon esprit ».  La version des Septante dit : « Entre tes mains je remettrai mon esprit ». Il semble que cette version, qui sert souvent de trait d’union entre l’Ancien et le Nouveau Testament (voir Act. 2 : 18 ; Héb. 10 : 5), annonce, d’une manière prophétique, le dernier cri du Sauveur sur la croix. Le léger détail dont il s’agit, « je remettrai » en regard de « je remets », offre un réel intérêt.
           L’absence du mot « Père » dans le Psaume 31 est bien compréhensible. Avant la venue du Seigneur ici-bas, Dieu n’était pas révélé comme Père ; et il n’était pas question pour les croyants de se trouver introduits dans la relation et dans la qualité d’enfants (voir 1 Tim. 6 : 16 ; Jean 1 : 14-18 ; 11-13). Ce n’est pas avec ce sens précis et, pour ainsi dire, juridique, que Dieu est appelé « père » dans l’Ancien Testament (Mal. 2 : 10) comme d’ailleurs en un passage du Nouveau (Eph. 4 : 6). Dans ces deux derniers versets, il s’agit, en un sens large et général, de la paternité de Dieu en tant que Créateur de tous les hommes.

          

                        Le couronnement de la vie de prière du Sauveur

            La prière est l’expression par excellence de la dépendance vis-à-vis du Père céleste, de la soumission à sa volonté, et, en un mot, de cette obéissance qui constitue, aux yeux de Dieu, la perfection même de l’homme.
            A ce titre, jusqu’à la fin, la prière a joué un rôle considérable dans la vie du Sauveur, Homme saint, parfait et glorieux. L’esprit de dépendance et de prière apparaît ainsi comme l’un des traits principaux de la nature morale du Christ, et, en conséquence, comme l’un des caractères distinctifs de la vie chrétienne, c’est-à-dire de la vie du Christ dans ses rachetés.
            La prière implique, d’autre part, une touchante communion de pensée, de sentiment et d’intention. Elle ne peut se réaliser que dans la communion avec Dieu. Et la prière ne se fait à bon escient qu’éclairée par l’Ecriture.
            Obéir était proprement une nouveauté pour le Sauveur venu en grâce ici-bas. Le Seigneur est le Créateur qui commande à tous les êtres selon son bon plaisir. Avant sa merveilleuse incarnation, au milieu des gloires et des félicités de sa vie céleste, le Sauveur n’avait aucune occasion de pratiquer l’obéissance. Cette vertu n’existait pas pour lui dans le ciel. Sur cette terre, flétrie par les ravages du péché, le Seigneur, « quoiqu’il fût Fils », a appris l’obéissance par les choses qu’il a souffertes » (Héb. 5 : 8) ; et « il s’est abaissé lui-même, étant devenu obéissant jusqu’à la mort, et à la mort de la croix » (Phil. 2 : 8).
            L'évangile selon Luc, qui nous rapporte la première et la dernière parole du Sauveur crucifié, est celui des quatre évangiles qui nous montre le mieux le rôle constant de la prière dans la vie de l’Homme saint, parfait, glorieux. Quelques remarques mettront ce fait en évidence.
            Il y a dans les quatre évangiles des expressions spécifiques qui ont trait au sujet particulier de chacun d’entre eux. La prière est, à ce titre, un élément spécifique de l’évangile selon Luc.
            Trois textes nous font connaître le baptême du Sauveur au Jourdain et l’admirable scène qui donne lieu, au début du ministère public du Seigneur, à la première révélation de la Sainte Trinité. Ce sont Matthieu (3 : 13-17), Marc (1 : 9-11) et Luc (3 : 21-22). Seul parmi ces trois textes, l’évangile selon Luc nous montre le Sauveur « priant » (3 : 21) à ce moment-là.
            Les trois évangiles synoptiques racontent l’appel des douze apôtres (Matt. 10 : 1-4 ; Marc 3 : 13-19 ; Luc 6 : 12-16). Luc est seul à mentionner la place immense de la prière dans la vie du Seigneur, à l’occasion de cet événement considérable. Nous lisons dans Luc : « Or, il arriva, en ces jours-là, qu’il alla sur la montagne pour prier. Et il passa toute la nuit à prier Dieu. Quand il fit jour, il appela à lui ses disciples. Il en choisit douze, qu'il nomma aussi apôtres » (6 : 12-13). Il résulte de ce témoignage qu’avant de choisir les Douze, et parmi eux Judas Iscariote, le futur traître dont l’infâme conduite devait être pour lui si cruelle (voir Ps. 41 : 9 ; Ps. 55 : 12-14 ; Jean 13 : 18), notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ avait passé la nuit entière à prier Dieu sur la montagne.

           Matthieu, Marc et Luc montrent, de même, les gloires fulgurantes de la Transfiguration et la majesté resplendissante de notre Seigneur Jésus Christ sur la sainte montagne (Matt. 17 : 1-8 ; Marc 9 : 2-8 ; Luc 9 : 28-36. voir 2 Pier. 1 : 16-19). Or, Luc est seul à spécifier le rôle de la prière dans cette scène capitale de la vie du Christ à la fin de son ministère en Galilée. Il nous dit : « Il arriva, environ huit jours après ces paroles, qu’il prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et qu’il monta sur la montagne pour prier. Et comme il priait, l’apparence de son visage devint tout autre, et son vêtement d'une blancheur resplendissante comme un éclair » (9 : 28-29). Tel est le rôle de la prière dans cet avant-goût magnifique de la glorification du Fils de l’homme.

          Quatre textes du Nouveau Testament nous parlent des souffrances du Seigneur au jardin de Gethsémané (Matt. 26 : 36-46 ; Marc 14 : 32-42 ; Luc 22 : 39-46 ; Héb. 5 : 7-9). Les trois évangiles mentionnent à plusieurs reprises la prière fervente du Sauveur. Et l’auteur de l’épître aux Hébreux décrit lui-même la douloureuse intensité des supplications du Christ.
            Nous admirons la façon dont le Fils épanche son coeur dans le coeur du Père. L’Homme saint, parfait, glorieux, qui ne pouvait souhaiter l’affreux abandon de son Dieu Fort pendant les trois heures de ténèbres, soumet sa parfaite volonté humaine à une autre volonté parfaite, la volonté divine. Matthieu et Marc nous donnent certains détails que, pour sa part, Luc ne nous donne pas ; en revanche, Luc est seul à nous dépeindre l’extrême angoisse du Sauveur en prière et les effets solennels de sa lutte spirituelle :sa sueur qui devinent comme des grumeaux de sang qui tombaient sur la terre (v. 44), 
            Aucun texte ne met en lumière la gloire morale, les perfections et les grâces de la nature humaine du Sauveur comme l’évangile de Luc. La première et la dernière parole du Seigneur sur la croix, qui sont aussi des prières, complètent et couronnent ce merveilleux ensemble. L'esprit de prière, d’obéissance et de soumission qui n’a cessé d’animer le Fils de l’homme pendant son ministère ici-bas, trouve son expression finale dans cette formule de dépendance suprême qui exprime et qui condense le secret de toute la vie terrestre du Sauveur et qui nous montre la sainte humanité du Seigneur parfaitement maîtresse de la mort elle-même : « Père ! entre tes mains je remets mon esprit ».
            Gloire au Fils de l’homme remettant son esprit entre les mains du Père sur la croix ! Gloire à jamais !

 

                         La ressemblance des paroles d'Etienne

            La première des deux paroles d’Etienne lapidé rappelle d’une façon frappante la dernière des sept paroles du Seigneur sur la croix.
            Le Sauveur mourant a dit : « Père ! entre tes mains je remets mon esprit » (Luc 23 : 46). La description du supplice d’Etienne contient ces mots : « Ils lapidaient Etienne qui priait et disait : Seigneur Jésus, reçois mon esprit » (Act. 7 : 59).
            Le texte du livre des Actes indique qu’Etienne a prononcé cette phrase mémorable en priant. L’invocation d’Etienne fait invinciblement penser au modèle donné par le Seigneur en personne. Heureux celui qui a reflété dans sa propre mort la gloire morale du Christ et qui nous laisse lui-même, à ce titre, l’exemple fidèle d’un témoignage dont l’éclat brille à travers les âges et jusque dans l’éternité !
            Comparées à celles du Seigneur crucifié, les deux paroles du premier martyr offrent d’intéressantes différences de détail. Elles présentent, d’autre part, l’ordre inverse. Ce fait, dont l’importance est manifeste, tient à des causes profondes dont le présent travail fournira l’explication au chapitre suivant.

            Le Nouveau Testament ne nous dépeint ni le supplice de Pierre, ni le supplice de Paul, ces apôtres éminents. Notre attention, de cette manière, ne se trouve pas détournée de la passion du Seigneur lui-même. Mais le Nouveau Testament ne manque pas de nous décrire la mort d’Etienne, ce témoin du Sauveur, plus humble, mais non moins fidèle, afin de marquer, avec une netteté parfaite, la façon dont nous sommes appelés à glorifier Dieu en reproduisant, dans la mesure proposée à chacun, les caractères et l’exemple du Christ.
            Le cas d’Etienne est fort instructif. Il était un homme plein de foi et de l’Esprit Saint, plein de grâce et de puissance. La sagesse avec laquelle il parlait sous l’action du Saint-Esprit se montrait irrésistible. Et son visage semblait pareil à celui d’un ange (Act. 6 : 5, 8, 10, 15 ; comp. Ex. 34 : 29).
            Avant de nous rapporter la lapidation et les suprêmes prières d’Etienne, le livre des Actes indique ce qu’il était, ce qu’il faisait, ce qu’il voyait, ce qu’il disait (7 : 55-56). Etienne était plein de l’Esprit Saint (voir 6 : 5). Il avait fixé les yeux sur le ciel. Il voyait la gloire de Dieu, et Jésus à la droite de Dieu. Il parlait des cieux ouverts et du Fils de l’homme glorifié à la droite de Dieu.
            La contemplation du Seigneur de gloire ne manque pas de produire des résultats grandioses. De l’exemple du premier des martyrs, l'apôtre Paul lui-même a largement profité et fait profiter ses frères. Avant sa conversion, il avait assisté et consenti au supplice d’Etienne (Act. 8 : 1), et il écritt plus tard, dans sa seconde épître aux Corinthiens : « Or nous tous, contemplant à face découverte la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image, de gloire en gloire, comme par le Seigneur en Esprit » (3 : 18).  Si le Nouveau Testament ne donne ni le récit du martyre de Pierre, ni celui de Paul, il nous laisse néanmoins voir avec une clarté remarquable les sentiments de dépendance, de prière et de foi qui ont animé ces deux grands apôtres jusqu’à la fin de leur vie terrestre. Ce sujet, qui est d’un grand intérêt, se rattache, en quelque sorte, comme la première parole d’Etienne lapidé, à la septième parole du Seigneur sur la croix.

            L’apôtre Pierre, qui s’appelle lui-même « témoin des souffrances du Christ » et qui remarque si bien qu’il y a pour chacun l’occasion de souffrir « comme chrétien » (1 Pier. 5 : 1 ; 4 : 16. voir 2 : 20-25), dit, en termes formels, dans sa première épître écrite, semble-t-il, peu de temps avant sa mort : « Que ceux qui souffrent selon la volonté de Dieu remettent leur âme, en faisant le bien, à un fidèle créateur » (4 : 19).
            La seconde épître de Pierre fait voir combien, « au moment de déposer sa tente », c’est-à-dire de quitter cette vie, cet apôtre songeait, non seulement pour lui-même, mais aussi pour tous les croyants, à la beauté d’« une entrée dans le royaume éternel de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ » (1 : 14 ; 10-11). Or, Etienne fournit l’exemple accompli d’une somptueuse arrivée auprès du Seigneur de gloire.
             De son côté, l’apôtre Paul, durant les dernières années de son existence ici-bas, montre un grand souci de glorifier dans sa mort le Seigneur, en reflétant les caractères du Sauveur mourant. L'épître aux Philippiens, marque cette préoccupation en termes d’une vigueur frappante. Confiant dans la prière des enfants de Dieu, ses frères, et dans l’abondance des ressources fournies par l’Esprit de Jésus Christ, Paul dit avec une pleine assurance : « Christ sera glorifié dans mon corps, soit par la vie, soit par la mort » (1 : 20). Renonçant à tout « en vue de gagner Christ » (3 : 8), il ajoute : « pour le connaître, lui, et la puissance de sa résurrection, et la communion de ses souffrances, étant rendu conforme à sa mort, si en quelque manière je peux parvenir à la résurrection d’entre les morts » (3 : 10-11).
            Ce noble souci, l’apôtre l’avait non seulement pour lui-même, mais encore pour tous ses frères, comme l’indique expressément le verset 17 du chapitre 3. C’est à ses frères qu'il dit au chapitre 2 : « Ayez donc en vous cette pensée qui a été aussi dans le Christ Jésus, lui qui, étant en forme de Dieu, n’a pas regardé comme un objet à ravir d’être égal à Dieu, mais s’est anéanti lui-même, prenant la forme d’esclave, étant fait à la ressemblance des hommes ; et, trouvé quant à son aspect comme un homme, il s’est abaissé lui-même, étant devenu obéissant jusqu’à la mort, et à la mort de la croix » (v. 5-8).

          Cette préoccupation générale n’a pas manqué de produire un effet qui se rapporte, lui aussi, comme la première parole d’Etienne lapidé, à la septième parole du Seigneur crucifié. La seconde épître à Timothée - la dernière en date de toutes les lettres de l’apôtre, écrite au moment où il pressentait son prochain départ (4 : 6), et qui nous est laissée comme son testament spirituel - contient cette déclaration capitale, par laquelle l’apôtre confie en quelque sorte au Sauveur sa personne et son destin jusqu’à l’heure suprême : « Le Seigneur me délivrera de toute oeuvre mauvaise et me conservera pour son royaume céleste. A lui la gloire aux siècles des siècles ! Amen » (4 : 18).

 

D'après P. Regard