MEDITATIONS SUR LE LIVRE DES JUGES (14)
Le développement de l'idôlatrie (Jug. 17-18)
L’idolâtrie introduite parmi le peuple comme système établi
L’idolâtrie en Ephraïm
Michée et sa mère
Le Lévite de Juda
La tribu de Dan
Le développement de l'idôlatrie (Jug. 17-18)
Nous avons fini d’examiner l’histoire des diverses délivrances que Dieu a opérées pour son peuple par différents juges suscités pour cette raison. Le dernier libérateur n’en avait que le nom. Il faisait simplement suite aux juges précédents pour montrer l’aboutissement d’une faiblesse qui s’est hélas manifestée dès le début en ceux que Dieu avait suscités.
Cette faiblesse a eu son point culminant en celui qui était réputé pour sa force, laquelle n’a rien pu faire pour la délivrance pratique du peuple de Dieu, alors qu’elle aurait pu faire des merveilles, si elle avait été utilisée comme il faut. Il est, en effet, possible d’utiliser la puissance de Dieu à mauvais escient ; et combien souvent les personnes richement douées, par grâce, de dons et d’aptitudes que Christ même a donnés, en abusent, soit pour se glorifier, soit pour la gaspiller sans édifier les saints.
Avec Samson se termine l’histoire des délivrances. Il n’y en a plus dans ce livre. Cette pente descendante se termine avec la captivité du libérateur lui-même, au lieu de le voir emmener captive la captivité, comme Deborah le demandait à Barak dans son cantique, au début de ces délivrances. Le temps de Debora et Barak a été, peut-être, le plus brillant de toute cette période. Il n’y a pas de cantique maintenant, mais les soupirs du prisonnier dont la vie s’éteint avec le dernier acte, par lequel il cherchait, non à délivrer les saints, mais à se venger de ses ennemis pour la perte de sa vue.
Du chapitre 17 à la fin, nous avons un récit tout différent. Il ne s’agit plus du déclin d’Israël et de son esclavage entre les mains de l’ennemi, ni de leur bas état les amenant à crier à Dieu qui leur suscite un sauveur pour les délivrer.
Nous voyons d'abord que l’état d’âme de ce peuple loin de Dieu est manifesté - état qui est la cause de leur violence envers leurs semblables, et de leur corruption morale.
Puis, il s’agit des relations à l’intérieur du peuple. Nous avons souvent tendance à inverser les choses, en donnant de l’importance à ce qui n’est que le fruit d’une racine beaucoup plus subtile et profondément cachée que le fruit lui-même. Quiconque lit les récits terribles de la fin du livre aura honte de ses semblables, et que dire quand il s’agit de gens qui portent le nom de chrétien. Mais la violence et la corruption dans leurs relations entre eux venaient de leur éloignement de Dieu, c’est pourquoi la première partie du récit parle de cette relation avec Dieu.
L’idolâtrie introduite parmi le peuple comme système établi
Elle s’étend probablement sur toute la période des juges. En fait, l’idolâtrie instaurée là n’a jamais vraiment cessé, jusqu’à l’introduction de la royauté, aux jours de Samuel le prophète. Elle a commencé de bonne heure avec Dan. Ce que nous avons ici n’est pas postérieur à l’époque de Samson ; le récit est donné selon un ordre moral, et non chronologique. La première partie relatait essentiellement l’histoire externe du peuple – les esclavages et les délivrances extérieurs ; nous avons maintenant l’histoire interne, révélant l’état intérieur du cœur. Cet état était aussi mauvais que le pire esclavage sous lequel l’ennemi extérieur les avait maintenus.
Cette idolâtrie n’était pas vouée à des dieux païens, comme le culte des Baals et des Astartés, ces dieux des nations parmi lesquelles ils avaient habité ou par lesquelles ils avaient été encerclés, mais à des dieux domestiques. Nous verrons l’essor de cette idolâtrie pratiquée par le peuple qui maintenait, apparemment, les noms et la fonction de ceux qui appartenaient à Dieu.
L’apostasie n’allait pas jusqu’à rejeter tout ce qui était en relation avec Dieu. Ce n’était pas l’ennemi extérieur venant comme un fleuve, et effaçant toute trace de Dieu et de Son autorité. Non, c’était des Israélites utilisant pieusement le nom de l’Eternel et l’invoquant pour implorer son secours et ses services, mais qui introduisaient leur propre système, et y liaient le saint nom de Dieu.
Cette forme d’idolâtrie était bien plus dangereuse que l’autre, à cause de sa subtilité. Parmi le peuple professant, ce qui est communément admis comme étant la volonté de Dieu est bien plus dangereux que tout ce qui porte des noms de blasphème qui montrent clairement que ce n’est pas de Dieu.
Cela est mentionné ici, à la fin de ce livre, pour montrer clairement qu’un état d’âme intérieur non jugé parmi le peuple, pendant toute cette période, aboutit à cette horrible apostasie, cette idolâtrie extérieure. C’est aussi ce qui explique la puissance de l’ennemi.
Voyons maintenant comment les choses ont commencé. Les scènes présentées sont très humiliantes, elles marquent cependant toujours l’idolâtrie.
Un fils vole 1100 pièces d’argent à sa mère qui maudit le voleur, sans savoir que c’est son fils. Il les cache un temps, puis, terrifié par la malédiction, il les rend à sa mère. Celle qui venait de maudire, va maintenant pieusement bénir son fils, non à cause de sa repentance, mais parce qu’elle a recouvré ses pièces. Elle le bénit de l’Eternel, lui disant qu’elle les avait consacrées à l’Eternel pour l’étrange utilisation d’en faire une image taillée.
Elle ne lui donne pour cela que deux cents pièces, soit les deux onzièmes, car quelle que soit la raison de ce que nous mettons à la place de Dieu, cela ne nous coûtera jamais toute notre fortune. L’idolâtrie ne donne donc qu’une partie pour faire son dieu, puis, comme pour rattraper son manque de dévouement, ajoute une énergie professante qui est censé le compenser.
Il est intéressant de noter que cet homme de la montagne d’Ephraïm, se nommait Michée. On aurait pensé qu’un homme portant ce nom - « Qui est comme l’Eternel ? » - serait à l’abri de toute forme d’idolâtrie. En effet, si les noms ont une signification pour le peuple de Dieu, et s’ils sont donnés avec foi, cela devrait se voir.
La mère prend 200 pièces de l’argent recouvré, en fait faire une image taillée, puis semble disparaître de l’histoire, après avoir ainsi prouvé son infidélité. Combien elle contrastait avec les fidèles en Israël, telle la mère de Samson ! Tout est fait avec l’approbation évidente du fils, qui prend l’image taillée, et l’établit dans sa maison comme idole.
Notons qu’il est de la tribu d’Ephraïm au milieu de laquelle le tabernacle était dressé, à Silo. Cette tribu représente les activités de la vie divine en contraste avec Juda, qui représente les vérités de la vie divine. La vérité divine doit être la base de tout culte divin, c’est pourquoi, en Israël, les choses n’ont été établies à leur véritable centre que lorsque, comme nous le voyons au Psaume 78, Dieu abandonne Silo et la tribu d’Ephraïm, et choisit la montagne de Sion qu’il aimait, en disant : « C’est ici mon repos à perpétuité ; ici j’habiterai, car je l’ai désirée. » (Ps. 132 : 14).
Juda représente la vérité divine et la louange qui jaillit d’un cœur éclairé et rempli par la vérité. Ephraïm, qui signifie « porter du fruit », représente la marche et l’activité de la vie divine résultant de la perception de la vérité. Nous l’avons pratiquement illustré dans Marie et Marthe (Luc 10). Marie correspond à Juda. Elle est assise aux pieds du Seigneur écoutant sa parole. A cette place, elle reçoit du Seigneur la vérité, et là, lui étant soumise, elle apprend à connaître la pensée du Seigneur à son égard. Nous devrions tous apprendre de cette manière. Marthe représente le service qui est assurément juste et bon à sa place, mais qui doit toujours provenir de la communion, sinon celui qui sert sera jaloux de celui qui jouit de la communion, comme Ephraïm l’a été de Juda ! Trop de cœurs sont remplis de la jalousie de Marthe, parce qu’ils ne sont pas réellement soumis comme de vrais élèves. Si Juda devient subordonné à Ephraïm qui prend le rôle de conducteur, le mécontentement en résultera, et Christ perdra la place de suprématie dans l’âme.
C’est pour cette raison que l’idolâtrie devient possible. Elle surgit de vies très fertiles en activités. C’est ce qui est caractéristique d’Ephraïm : beaucoup de zèle, beaucoup d’activités justes et bonnes en soi, mais il manque la suprématie de la vérité exerçant son autorité sur l’âme.
De nos jours, il est fréquent de mettre Ephraïm avant Juda, de voir l’activité chrétienne, l’œuvre – parfois seulement philanthropique – éloigner les hommes toujours plus de Dieu, et aboutissant à glorifier l’homme avant la foi et la vérité.
Prenons un vrai service béni, où l’on est occupé de l’objet du service, des hommes et de leurs besoins. Cette activité peut être la présentation de l’évangile aux incrédules, ou de la vérité au peuple de Dieu. Si celui qui présente la vérité ou l’évangile n’est occupé que des auditeurs qui sont devant lui, au point de faire passer la Parole de Dieu au second plan, cela conduira très certainement à l’idolâtrie.
C’est donc un homme de la montagne d’Ephraïm – de la tribu qui suggère fruits, service et travail – qui introduit l’idolâtrie parmi le peuple de Dieu. N’est-ce pas frappant ? En se souvenant aussi comment la tribu d’Ephraïm était constamment jalouse, comme nous l’avions vu dans l’histoire de Gédéon et de Jephté, toujours fière de son service, et de sa propre grandeur, nous voyons clairement comment l’idolâtrie va de pair avec l’orgueil.
Nous avons maintenant des éléments de réponse à la question : Quelle idolâtrie est donc devant nous ici ? Ce n’est pas mettre un faux dieu à la place du vrai, ce n’est pas servir Baal et Astarté, c’est simplement permettre à des activités de la vie divine d’éloigner l’âme de la vérité. Ainsi, le service entraîne l’orgueil, l’orgueil la propre volonté, et la propre volonté à son tour façonne son dieu pour répondre à ses propres désirs, au lieu de se former pour répondre à la volonté de Dieu.
L’idolâtrie n’est pas spécifique à Israël, elle concerne tout homme. La racine de toute idolâtrie est toujours la propre volonté ; c’est se faire un dieu à soi. On commence par le moi et on façonne un dieu, pas forcément en argent ou fait de mains. Si aujourd'hui, il y a peu de risques que des personnes façonnent des dieux de leurs mains, il existe un outil plus dangereux et plus habile que les mains, c’est l’intelligence de l’homme. Partout où le moi se substitue à la volonté de Dieu, l’activité de l’esprit humain façonne un dieu pour se plaire à lui-même, et il le fait au nom du Seigneur, au nom du vrai Dieu !
Aujourd’hui, nous voyons partout ces œuvres faites de mains comme les peintures et les sculptures estampillées du nom de l’Eternel ! A l’époque d’Aaron, il avait été dit au peuple : « Demain, une fête à l’Eternel » (Ex. 32 : 5). Lorsqu’ils s’étaient réunis, ils avaient trouvé le veau que l’homme avait fait, à leur propre image. Aujourd’hui, des hommes n’adorent-ils pas Christ à leur façon, un dieu qu’ils ont eux-mêmes fabriqué, selon leurs propres pensées, et l’appelant du nom du Dieu vivant ? La racine de tout cela parmi les chrétiens professants – sans dénigrer les vraies activités chrétiennes – est la substitution de l’activité chrétienne à la foi chrétienne. La foi doit toujours être à la base, et si elle n’y est pas, une idole quelconque s’y rattachera, quelle que soit la grandeur de l’activité, même si elle porte du fruit pour Dieu.
Les détails de l’évolution des choses sont très simples. Au verset 5, nous voyons qu’il faut une maison pour placer l’image taillée de Michée, puis il faut un éphod ou vêtement sacerdotal, et des théraphims ou images secondaires, enfin il faut un sacrificateur pour présider sur tout cela. Michée nomme alors un de ses fils à cet effet. Mais il trouve bientôt mieux qu’un sacrificateur selon ses propres pensées, il trouve un sacrificateur de Dieu, au moins en partie.
C’est là qu’intervient le Lévite ; ce détail est très instructif. Le Lévite est un jeune homme de la famille de Juda, qui vient de Bethléhem. Nous avons déjà vu que Juda devrait toujours être prééminent. Ce jeune homme insatisfait quitte ce lieu où se trouve la foi en la vérité divine, et va à la recherche de quelque chose de mieux. A l’instar d’Elimélec qui est parti de Bethléem, la maison du pain, parce qu’il manquait de nourriture, l’homme quitte ici la maison du pain afin d’améliorer sa condition. Comment pourrait-on être mieux ailleurs que dans une maison d’abondance ? Et pourtant, l’incrédulité agit toujours ainsi. L’insatisfaction éloignera toujours quelqu’un de la bénédiction, et l’amènera toujours à une place inférieure à celle qu’il occupait précédemment.
Ce jeune homme va à la montagne d’Ephraïm, et en réponse à la question de Michée le concernant, dit qu’il cherche un lieu et une occupation. Michée lui dit : « Demeure avec moi, et tu seras pour moi un père et un sacrificateur, et je te donnerai dix pièces d’argent par an, et un habillement complet, et ton entretien » (17 : 10). Alors, « le Lévite consentit à demeurer avec l’homme, et le jeune homme fut pour lui comme un de ses fils. Et Michée consacra le Lévite ; et le jeune homme fut son sacrificateur » (v. 11-12). C’est simple, un homme qui se fait un dieu peut bien, aussi, consacrer un sacrificateur pour en prendre soin ! Michée conclut avec la remarque à l'apparence pieuse : « Maintenant, je connais que l’Eternel me fera du bien, puisque j’ai un Lévite pour sacrificateur » (v. 13).
C’est presque grotesque ; en considérant ce passage, nous pouvons, hélas, l’appliquer aisément à ce que nous avons autour de nous aujourd’hui. Ce Lévite insatisfait veut améliorer sa condition. Il n’est que lévite ; il a, sans doute, souvent souhaité avec impatience un rôle supérieur, être sacrificateur peut-être, pour avoir non seulement le droit d’administrer les choses divines, mais aussi le droit d’accès à Dieu, pour se tenir entre Dieu et son peuple, devenant ainsi un canal de communication. L’occasion se présente. Michée l’invite chez lui, et lui offre une place de sacrificateur. Il lui confie la charge de tous les intérêts religieux, afin d’en être entièrement déchargé, et lui offre un salaire annuel, afin qu’il soit sans souci pour ses besoins personnels.
Ceci n’est-il pas écrit en prévision de nos jours où tant de lévites insatisfaits sortent de leur place et se démènent pour améliorer leur condition ? Rechercher une position plus élevée amène le serviteur à laisser la maison du pain, spirituellement et pratiquement. Son désir d’avoir une place dans le clergé, n’est-il pas suscité par un peuple tout disposé à ce qu’il prenne cette place ? En effet, nous savons que le cœur de l’homme n’aime pas être en contact trop étroit avec Dieu, il aime bien avoir un intermédiaire. C’est là la raison de la sacrificature. C’est agréable d’avoir quelqu’un qui s’occupe des choses les plus sacrées et les plus délicates de la religion, vous laissant faire ce qui vous plaît avec la conscience tranquille.
Un vrai ministère de la Parole est une chose bénie. Mais rappelons-nous, comme nous l’avons vu dans l’histoire de Gédéon, qu’il n’y a que deux classes de sacrificateurs : d’un côté, l’unique souverain sacrificateur, Christ, dont personne n’oserait usurper la place, et de l’autre, tout le peuple de Dieu. « Vous êtes une race élue, un sacerdoce royal » (1 Pier. 2 : 9). Le sacerdoce établi par l’homme, lui, détournera toujours un ministère destiné au service, vers la sacrificature. Jadis, le lévite préparait le sacrifice, afin que le sacrificateur puisse l’offrir à Dieu ; aujourd’hui, tout véritable ministère consiste simplement à préparer les matériaux de la vérité divine pour les saints, afin qu’ils puissent les présenter comme le sacrifice de leurs cœurs.
Tout ministère qui prend la place du peuple de Dieu en tant que sacrificateur, usurpe tout simplement la place du Saint Esprit dans les cœurs. Tout service qui s’immisce dans le sanctuaire sacré du cœur du croyant, pour lui dicter son adoration, correspond au lévite qui veut être sacrificateur. Un sacrificateur établi par l’homme conduit toujours à un dieu conçu par l’homme. L’esprit humain s’active à façonner un dieu d’après ses propres pensées. Il prend le nom de Christ, certaines vérités de Christ, son enseignement, etc. et avec ces matériaux – il est significatif que cette idole ait été faite d’argent – il façonne un faux Christ.
Le ministère de Christ, aujourd’hui, parmi le peuple de Dieu, montre-t-il un Christ tel que nous le présente l’Esprit de Dieu dans sa Parole, ou un Christ selon les pensées de l’homme ? La chrétienté n’a-t-elle pas un Christ selon les pensées des hommes ? Un sacerdoce humain ne peut avoir qu’un objet humain à présenter au culte.
Aujourd’hui, le dieu que les hommes professent connaître, et que l’on enseigne dans la chrétienté, n’a-t-il pas été dépouillé de ses attributs, n’est-il pas un homme ? Certainement. Le dieu dont les hommes parlent aujourd’hui, est-il tout-puissant et souverain, quand ils croient que le pouvoir est en eux-mêmes, qu’ils sont des êtres créés de leur propre volonté, qu’ils ont le libre arbitre, comme ils aiment à dire, et que tout dépend de l’homme ? Ce dieu, a-t-il une sainteté absolue, quand ils le façonnent pour faire répondre son attribut de sainteté à leurs pensées, et non pas selon ce qu’Il a révélé dans Sa sainte Parole ? Est-il un dieu de justice ? Aujourd’hui, il serait hué dans de nombreux endroits, celui qui oserait proclamer la justice inflexible et le jugement d’un Dieu tout-puissant.
Cela explique pourquoi il n’est plus prêché que l’homme est responsable devant Dieu, qu’il aura à répondre au jour du grand trône blanc, et qu’il recevra le jugement éternel pour les actes accomplis dans le corps, s’il n’est pas sauvé. C’est pourquoi rien n’est dit d’un châtiment futur et que ce terrible mot « enfer » a été rayé du vocabulaire des prédicateurs. C’est pourquoi Dieu est présenté de façon si triste, étant dépeint par l’homme à la manière des païens qui rient de leurs propres dieux et pensent pouvoir les tromper. Tout cela est condamné au Psaume 50, où Dieu dit à ceux qui tentent de le faire : « Tu as estimé que j’étais véritablement comme toi » (v. 21).
L’homme s’étant donc fait un dieu, se fait un sacrificateur pour l’aider à adorer son dieu. Pour cela, il ouvre la porte à toute idolâtrie qui a un nom chrétien. Il pense que l’œuvre du Seigneur prospère, et que le Seigneur va le bénir, puisqu’il a un sacrificateur, une maison, un éphod et une image qu’il appelle son dieu. Assurément, rien ne manque, il est satisfait de cette situation.
Mais un état comme celui-là ne peut pas rester statique ; s’il n’est pas jugé, il s’amplifiera. Après avoir vu le cas d’un individu isolé, nous allons maintenant voir comment il se répand, jusqu’à concerner toute la tribu de Dan.
Tout comme Juda représente la vérité, qui est à la base de tout gouvernement parmi le peuple de Dieu, ainsi Dan représente l’exécution du gouvernement. Dan signifie juge, comme il est indiqué dans la prophétie de Jacob. « Dan jugera son peuple comme une autre des tribus d’Israël » (Gen. 49 : 16). De façon frappante, Jacob prédit l’apostasie que nous voyons débuter ici.
Il est significatif que les mots « leur lot » soient entre crochets ; ils n’y sont pas dans l’original - il est dit : « [leur lot] ne leur était point échu en héritage ». Pratiquement, ils étaient sans lot, sans héritage. En fait, la tribu de Dan ne l’avait pas conquis. Les Philistins en occupaient une grande partie et, comme nous l’avons vu, les Danites n’étaient pas en mesure d’expulser les Amoréens, de sorte qu’ils étaient chassés dans les montagnes où ils étaient si à l’étroit, qu’ils ne jouissaient pas de leur héritage.
C’est l’occasion idéale pour que l’idolâtrie s’introduise. Ceux qui ne jouissent pas pleinement de leur héritage sont prêts à laisser entrer l’ennemi qui les égarera. Tout comme Israël n’avait pas réussi à entrer en possession de ce qui lui appartenait, ainsi, si le cœur n’est pas rempli de son héritage spirituel et n’en jouit pas, il sera prêt à laisser entrer l’ennemi qui le conduira à l’idolâtrie. Les Danites se démènent, comme le lévite l’avait fait ; « Comme un oiseau erre çà et là loin de son nid, ainsi est l’homme qui erre loin de son lieu » (Prov. 27 : 8).
Un récit assez long nous montre la façon dont ils vont espionner pour acquérir un autre lot. Ils montent au nord du pays ; ce détail évoque le fait de tourner le dos au Seigneur. Ils montent tout au Nord, et reconnaissent un endroit pour eux-mêmes au milieu d’un peuple tranquille. C’est un endroit caché sur lequel régnait Jabin.
Bien sûr, leur conquête ne serait pas condamnable si le lot leur appartenait réellement, mais leur activité n’était pas liée à ce que Dieu leur avait donné. Si elle avait été dirigée contre les Philistins, s’ils s’étaient contentés d’élargir les limites que Dieu leur avait données, cela aurait été sans doute la foi. Mais ici, incapables de jouir de ce que Dieu leur a effectivement donné, ils vont chercher ailleurs un lieu plus facile que celui détenu par les redoutables Philistins. Hélas, le peuple de Dieu recherche souvent la facilité pour s’installer dans un lot plus agréable que celui que Dieu lui a donné, lequel, s’il est peut-être austère, donne pourtant de plus beaux fruits !
Quant à nous, ne nous arrive-t-il pas souvent de choisir ce qui nous coûte le moins, en évitant les ennemis dont nous craignons la puissance, et en essayant de combattre ceux qu’on peut vaincre facilement, mais qui, si nous ne sommes pas vraiment en communion avec Dieu, nous renverseront ? Ainsi, Dan va chercher un lot différent de celui que Dieu lui avait assigné.
Les choses que nous avons d’abord à surmonter sont celles qui sont proches de nous, que nous pouvons craindre, qui nous entravent et nous empêchent de jouir de notre part. Dans l’histoire de l’Eglise, beaucoup sont partis pour l’œuvre à l’étranger. Si le fait d’aller au loin pour répandre l’évangile est une bonne chose, néanmoins, pour le peuple de Dieu, la première chose, essentielle, est de jouir de notre héritage là où nous sommes.
Si nous ne vainquons pas les difficultés qui nous empêchent de jouir de nos privilèges, nous serons comme Dan, nous détournant de notre propre sphère, nous nous placerons sur un terrain inférieur quant à Dieu et ses intérêts. Il est important pour nous de réaliser que ce sont les compromis et la recherche de chemins plus faciles qui conduisent à déshonorer Dieu, et à lui désobéir.
Comme ils allaient, ces espions reconnaissent la voix du Lévite devenu sacrificateur dans la maison de Michée et lui demandent conseil. Ils demandent la direction à celui qui s’est écarté du chemin sur lequel Dieu l’avait appelé ! Ils demandent conseil, pour ainsi dire, à un dieu façonné par l’homme, un dieu dont les attributs de sagesse, de sainteté et de justice ont été ôtés, un dieu à l’image de la pensée de l’homme, à qui il n’est pas trop difficile d’obéir.
Ils obtiennent, évidemment, la direction qu’ils désirent. Il en est de même des gens aujourd’hui qui interrogent le dieu de leur propre pensée. Lorsque nous demandons l’aide de Dieu, à qui l’adressons-nous : à une idole, ou au Dieu vivant dont la volonté est exprimée dans sa Parole ? Combien de gens disent : le Seigneur m’a conduit ainsi et ainsi, le Seigneur a mis sur mon cœur de faire ceci et cela ! Ils avaient le sentiment de devoir le faire, mais, était-ce le sentiment de Dieu ?
Dieu n’agit pas seulement par la providence, et ne guide certainement pas son peuple par des sentiments non fondés sur sa parole. Nous pouvons dire que le Seigneur nous conduit à faire ceci ou cela, mais si ce n’est pas le Saint-Esprit qui nous conduit par sa sainte Parole, nous risquons d’être dirigés par nos propres sentiments, ou pire, par certaines pensées que l’ennemi aurait mis dans notre esprit, ou par des circonstances paraissant providentielles qu’il aurait disposées. Souvent, on appelle rechercher la pensée du Seigneur le fait de s’enquérir à la maison de Michée, auprès d’un lévite qui prend la place de sacrificateur et d’une icône qui n’est qu’une idole, au lieu de s’enquérir auprès du Dieu vivant et vrai.
Les Danites vont donc explorer le pays, et tout semble répondre à leur attente : c’est une belle terre facile à conquérir ! Ils reviennent alors à Dan, convoquent la tribu, et partent en expédition. Là encore, les choses sont si frappantes qu’elles prêteraient à sourire si ce n’était pas si triste. Cette troupe désire les services d’un homme qui servait dans une petite sphère, n’étant sacrificateur que d’une famille. Ils lui disent : Nous t’offrons mieux, transfère ton système et prend en charge une tribu et non plus seulement une famille insignifiante, ce sera plus utile. N’est-ce pas mieux d’inclure dans ton service toute une tribu d’Israël, au lieu de te limiter à ton petit cercle d’influence ?
Alors, le Lévite, surpris d’un tel avancement et très heureux, considère maintenant comme une direction claire du Seigneur d’entrer dans ce champ d’activité plus étendu. Il croit être conduit à une place plus utile où il y a plus d’activité. Nous ne blâmons pas de vrais services dévoués à Christ, mais cet état de choses où l’homme s’immisce dans le sacerdoce, et usurpe la place que Christ seul peut occuper, au détriment des saints, et au déshonneur de Dieu. Nous devons en avoir horreur, et le fustiger partout où nous le voyons aujourd’hui. Si le Seigneur peut dire du système clérical : « ce que je hais » (Apoc. 2 : 15), haïssons ce qui s’immisce dans les choses de Christ, en remplaçant le Saint Esprit.
Après la vaine résistance de Michée qui constate que la tribu est plus forte que lui et que leurs propositions sont plus fortes que les siennes, le Lévite va tout joyeux dans son nouveau champ d’activité et emmène son idolâtrie – son image taillée, son éphod et tout son attirail – jusqu’à Dan. Là, jusqu’à la captivité du pays (mots significatifs), jusqu’à ce que Dieu vienne en jugement et que l’arche soit enlevée de Silo, cette subtile idolâtrie va régner dans la tribu de Dan. Elle fera lever la pâte tout entière pour aboutir, à n’en pas douter, à une idolâtrie plus profonde, à savoir les deux veaux que Jéroboam, fils de Nebath a mis en place, l’un à Béthel, en Éphraïm, près de l’origine de l’idolâtrie, et l’autre à Dan, l’endroit où elle a culminé.
Ainsi, aux jours de la division sous Jéroboam fils de Nebath, tout Israël apostat est marqué par l’idolâtrie. Combien le mal se propage ! Aujourd’hui, quand nous voyons combien le levain du système clérical a levé dans toute la chrétienté, et comment ceux qui auraient dû être les serviteurs de Christ ont été mis dans un clergé à part, nous ne pouvons pas en parler trop sévèrement. S’il est une chose à laquelle nous devrions résister avec horreur et avec toute notre énergie, c’est ce qui contriste la présence du Saint-Esprit en chaque croyant, qui contrarie la souveraine sacrificature unique de Christ, et le précieux fait que tout croyant a accès au sanctuaire par le sang de Jésus.
Ayons ce mal en horreur, quel qu’en soit le nom (mais les idoles n’ont pas toujours de nom) ; il est facile d’avoir un clergé sans le savoir, c’est de l’idolâtrie, veillons-y. C’est la paresse spirituelle qui se décharge de la responsabilité du culte et des actions de grâces, qui fait qu’un clergé se forme, et qu’ainsi l’idolâtrie apparaît.
L’idolâtrie que nous avons ici n’est que l’aspect intérieur de l’apostasie visible de tout le peuple amené sous la botte des ennemis de Dieu. C’est solennel ! Cet état de choses manifesté ici, n’est-il pas la raison de leur impuissance face à l’ennemi ?
Tout à la fin, il nous est dit que ce lévite est fils de Guershom, fils de Moïse ; lui et ses fils furent sacrificateurs pour la tribu de Dan jusqu’au jour de la captivité du pays. Ce Lévite, qui a pris la place de sacrificateur lié à l’idolâtrie, était descendant de Moïse lui-même, le grand législateur d’Israël. Quelle pensée ! Une descendance spirituelle, ou hériter de caractères spirituels, n’existe pas : « il vous faut être nés de nouveau », a dit Jésus à Nicodème (Jean 3 : 7). Un descendant de Moïse peut devenir le chef de file de l’apostasie, tout autant qu’un roi païen, ennemi de Dieu.
Il est solennel de penser que les descendants de ceux qui ont été proches de Dieu quant à un privilège ou un service, mais qui n’ont pas la même foi, puissent utiliser la spiritualité de leurs ancêtres pour excuser leur propre idolâtrie. Ne voyons-nous pas parfois aujourd’hui des hommes revendiquer la spiritualité de ceux qui ont fondé leur groupement religieux, lesquels avaient vraiment aimé Christ et Lui avaient été fidèles selon leurs lumières ? Ne trouvons-nous pas des gens prétendre à l’excellence spirituelle en tirant profit de la piété de leurs pères ?
Souvenons-nous que la présence du Saint Esprit au milieu du peuple de Dieu règle toutes ces questions. Nous n’avons pas à regarder en arrière à nos pères, à l’époque de Luther, ou de Wesley, ou même de Paul, Dieu merci. Cet Esprit qui a parlé par Paul et qui a donné l’énergie aux serviteurs de Christ qui Lui ont été fidèles dans les jours passés, habite aujourd’hui dans l’Eglise et dans chaque croyant. Tout croyant est donc un instrument que l’Esprit de Dieu peut utiliser, s’il s’abandonne à lui.
C’est l’Esprit qui nous ouvre les réalités divines et nous garde ainsi de l’idolâtrie. C’est Lui qui nous révèle les beautés et les gloires de Christ, notre vrai sacrificateur, et nous garde ainsi de toute pensée de sacrificature établie humainement. Si les croyants réalisaient la présence de l’Esprit de Dieu demeurant parmi eux, ils trouveraient le remède à cette tendance au cléricalisme et à l’idolâtrie qui y est liée.
Rappelons-nous que l’apôtre Jean, qui parlait si bien de l’amour divin et de la vérité divine, à la fin de son épître consacrée à présenter les réalités de la vie divine pour le croyant, a dit : « Enfants, gardez-vous des idoles » (1 Jean 5 : 21).
Veillons à ne pas avoir de pensées qui ne seraient pas de Dieu. N’éliminons rien de la révélation de l’Esprit, par sa sainte Parole, quant à Dieu et Jésus Christ, notre grand Souverain sacrificateur, et nous éviterons l’idolâtrie.
Réjouissons-nous de notre possession dans la montagne d’Ephraïm, et nous ne serons pas caractérisés par l’insatisfaction qui cherche toujours autre chose ; nous jouirons de notre part en Juda, et la louange en jaillira. Dieu sera ainsi glorifié en nous et parmi son peuple.
Ces dangers si pressants partout, dont Dieu nous avertit, peuvent être évités, même parmi les saints les plus faibles, si la foi se saisit des provisions qu’Il nous donne.
Nous avions vu une partie de la leçon de ces deux chapitres, au chapitre « De Guilgal à Bokim », mais l’Esprit de Dieu y insiste à nouveau ici, et nous ne pouvons pas l’ignorer. Puisse-t-elle être écrite dans nos cœurs !
D'après S. Ridout