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MEDITATIONS SUR LE LIVRE DES JUGES (6)

 

Le cantique de Debora (Jug. 5)
Un chant de louange à Dieu pour la délivrance
L'évocation du bas état du peuple et de ses causes, avant que Dieu n'intervienne en sa faveur
La réponse des tribus
Jaël et Sisera

 

Le cantique de Debora (Jug. 5)

            Nous arrivons maintenant au chant de triomphe de Debora. Barak lui est associé, mais les paroles sont de toute évidence celles de la prophétesse. C’est un des rares cantiques que nous trouvons dans l’Ancien Testament, et le seul du livre des Juges. Il dévoile les pensées de Dieu quant à cette victoire.
            Le cantique des fils d’Israël après la traversée de la Mer Rouge lui ressemble beaucoup. Les deux décrivent une victoire, mais en Exode, elle est attribuée à l’Eternel seul, alors qu’ici, elle l’est à l’Eternel et à ceux dont Il s’est servi. Il y a aussi une ressemblance avec le dernier cantique de Moïse, juste avant sa mort, où il est parlé de la faillite du peuple. Mais considérons le contenu de ce cantique.

 

Un chant de louange à Dieu pour la délivrance

            Tout d’abord, nous avons le thème général : la louange à Dieu pour la délivrance opérée par les chefs qui, avec un peuple de franche volonté, se sont dévoués au combat. Mais la pensée se tourne aussitôt vers Celui qui est la source de toute victoire, l’Eternel lui-même. Il est présenté dans sa majesté, s’avançant d’Edom, et conduisant son peuple à la victoire, après leur voyage dans le désert. Cette majesté est aussi en relation avec le Sinaï, où Il donna la loi et fit alliance avec eux. D’emblée, l’âme est élevée dans cette atmosphère grandiose. Que les choses charnelles et les adversaires sont petits, en présence d’une telle grandeur divine ! Cela nous rappelle l’ouverture du Psaume 68 :
            « Que Dieu se lève, que ses ennemis soient dispersés, et que ceux qui le haïssent s’enfuient devant lui » et les sublimes accents d’Habakuk : « Dieu vint de Théman, et le Saint, de la montagne de Paran. Sélah. Sa magnificence couvre les cieux, et sa louange remplit la terre... Il se tint là et mesura la terre, il regarda et mit en déroute les nations ; et les montagnes antiques furent brisées en éclats, les collines éternelles s’affaissèrent.... Tu parcourus le pays avec indignation, tu foulas les nations avec colère » (Hab. 3 : 3-12).
            Il est beau de voir que ce sont les lèvres d’une faible femme qui louent ce Dieu tout-puissant infiniment glorieux. Les cieux parlent en silence de sa grandeur, mais c’est de la bouche des petits enfants et de ceux qui tètent qu’Il a établi sa louange. « Le Seigneur donna la parole » – tout est de Lui – « grande fut la foule des femmes qui répandirent la bonne nouvelle » (Ps. 68 : 11). C’est la faiblesse qui peut célébrer la puissance de Dieu qui intervient là où cette faiblesse est réalisée.

 

L'évocation du bas état du peuple et de ses causes, avant que Dieu n'intervienne en sa faveur

            Dans les jours de Shamgar et de Jaël – qui habitaient respectivement le Sud et le Nord du Pays et ont libéré le peuple chacun à leur manière – les chemins étaient délaissés, car le peuple, par crainte de l’ennemi, allait par des sentiers détournés.
            Quel triste tableau des résultats de l’esclavage spirituel ! Le psalmiste pouvait dire : « Il me conduit dans des sentiers de justice à cause de son nom » (Ps. 23 : 3). Dans le chemin de Dieu, la peur de l’Ennemi ne devrait jamais exister ; or ici, les sentiers étaient déserts ! Il n’y avait plus de relation entre villes, personne allant en divers lieux pour échanger le produit de sa terre contre des marchandises ou de l’or, plus de famille d’Israël allant en chantant au lieu où l’Eternel avait mis son nom – tout était solitude. Celui qui voulait se déplacer, se cachait à la vue de ses ennemis en passant par des chemins détournés. Ces chemins tortueux n’évoquent-ils pas l’hésitation et l’incertitude d’une faible foi ? Les enfants de Dieu sont souvent réduits à emprunter des moyens équivoques devant les difficultés, lorsque Jabin règne sur eux ! Quel contraste avec la grande route de l’Eternel pour Israël au jour de la bénédiction !
            « Et il y aura là une grande route et un chemin, et il sera appelé le chemin de la sainteté : l’impur n’y passera pas, mais il sera pour ceux-là. Ceux qui vont ce chemin, même les insensés, ne s’égareront pas. Il n’y aura pas là de lion, et aucune bête qui déchire n’y montera et n’y sera trouvée ; mais les rachetés y marcheront. Et ceux que l’Éternel a délivrés retourneront et viendront à Sion avec des chants de triomphe ; et une joie éternelle sera sur leur tête ; ils obtiendront l’allégresse et la joie, et le chagrin et le gémissement s’enfuiront. » (Es. 35 : 8-10).
            Les villes ouvertes - ou villages - aussi étaient délaissés. L’homme est un être social ; par grâce, c’est une loi de la nature qu’il ne soit pas seul. Si les villes évoquent souvent une exagération artificielle de ce désir de compagnie, les villages bourdonnant d’activité, dans les campagnes, parlent de façon heureuse d’une vie simple, sans contrainte.
            Une ville murée est un refuge si l’ennemi menace, ou une prison si celui-ci l’assiège ; dans les deux cas, la vie villageoise cesse. Les villes ouvertes, non murées, ont leurs maisons éparpillées parmi les champs, ce qui parle de repos et de sécurité, mais quand l’ennemi menace, ce n’est plus le cas.
            N’est-ce pas une triste nécessité de se réfugier dans les villes murées, chaque fois que le peuple de Dieu est dans l’esclavage ? Ce serait folie d’habiter dans les villages quand une force hostile peut déferler à tout moment et emmener tout le monde captif. Les murailles et les barres d’une ville sont nécessaires, et on doit y recourir pour être en sécurité.
            Certains se plaignent que la communion est trop limitée et trop stricte, que la vie sans contrainte des villes ouvertes a fait place à une rigueur martiale. Mais n’est-ce pas nécessaire ? Si le rationalisme ou d’autres infidélités veulent s’imposer, pouvons-nous les laisser s’introduire dans le peuple de Dieu ? Si quelqu’un parlemente avec l’Ennemi, peut-il avoir une place parmi les saints ?
            C’est un témoignage qui est certes à notre honte, mais c’est une sauvegarde en un jour de ruine. Habitons les villes fortifiées et surveillons de près les portes, car l’Ennemi cherche à s’implanter là où il peut, par le moyen de personnes ou de principes – nous ne pouvons pas séparer les deux. Une âme qui détient des principes non scripturaires doit être considérée à la lumière des principes qu’elle professe et non selon son caractère personnel. En perdant cela de vue, la porte est ouverte à toute sorte de mal. L’histoire de l’Eglise et l’état actuel de la chrétienté en rendent un même témoignage. Au lieu d’ignorer la difficulté et d’ouvrir grand les portes à une plus large communion, reconnaissons avec tristesse qu’il faut être attentifs et soigneux pour recevoir ceux qui professent être des enfants de Dieu. Mais bien que les « villes ouvertes » ne soient pas rétablies entièrement, il peut cependant y avoir une certaine mesure de restauration qui témoigne de la sagesse de Dieu.
            La raison de cet état de choses, aujourd’hui comme aux jours de Debora, est l’éloignement de Dieu et l’idolâtrie. « On choisissait de nouveaux dieux, alors la guerre était aux portes » (v. 8a). Qu’il soit partiel ou total, subtile ou grossier, cet éloignement est toujours suivi de la guerre. Tout ce qui usurpe la place de Dieu nous expose aux assauts de nos ennemis jurés.
            Quel était donc le niveau de préparation du peuple devant une telle invasion ? « On ne voyait ni bouclier ni pique chez quarante milliers en Israël » (v. 8b) ; pas une arme de guerre provenant de l’armurerie de la vérité divine ! Qu’en est-il aujourd’hui ? La Parole de Dieu seule est l’arsenal qui peut nous fournir « les armes de notre guerre » (2 Cor. 10 : 4) ; où sont les soldats de Christ, équipés de « l’armure complète de Dieu » (Eph. 6 : 11) ?

 

La réponse des tribus

            Mais, passons à un côté plus brillant. Après avoir vu le choix volontaire de nouveaux dieux, nous voyons maintenant les chefs s’offrir volontairement, et ils seront bientôt suivis par le peuple.
            Quelle grande responsabilité ont ceux qui sont à la tête et exercent un ascendant parmi les saints ! Leur influence peut orienter grandement les décisions de leurs frères, que ce soit pour le bien ou pour le mal ; c’est solennel. Aucun homme ne convoitera cette place, s’il veut la tranquillité, car elle implique travail, prière, responsabilité, fermeté, amour ; s’il n’y a pas cet exercice, il conduira le peuple de Dieu à s’égarer.
            Le cœur de Dieu, comme celui de Debora, est tourné vers ces chefs qui se sont offerts au service des saints. Quand la paix reviendra, ces fidèles auront la joie de célébrer les victoires de l’Eternel, et de voir à nouveau le peuple dans les villages, sans que personne ne les effraie. Nous ne pouvons, hélas, l’espérer pour l’Eglise avant le retour du Seigneur, mais nous pourrons le voir localement partout où il y a ne serait-ce qu’une victoire partielle.

            A partir du verset 12, le cantique parle du peuple et du combat qui aboutit à la glorieuse victoire. Elle appartient certes à Dieu seul, mais Il prend soin de souligner la fidélité de tous ceux qu’Il s’associe, et, avec une sainte jalousie, Il pointe du doigt celui qui est indifférent ou qui est à la traîne.
            Ephraïm et Benjamin sont cités en premier, ensuite Makir (de la tribu de Manassé, de Galaad, au-delà du Jourdain) et Zabulon. Issacar est mentionné comme étant particulièrement associé à Barak, et portant le poids de la lutte. Zabulon est cité à nouveau avec Nephthali (v. 18), comme étant allé au péril de leur vie, sans motif égoïste, car ils n’ont pas pris « de butin d’argent » (v. 19).
            Où se trouve un tel courage aujourd’hui ? Où sont ceux qui sont prêts à sacrifier leur vie pour les frères, avec le seul motif de glorifier Christ dans la délivrance de son peuple ? De tels hommes sont associés au ciel, selon le style imagé du cantique : « On a combattu des cieux ; du chemin qu’elles parcourent, les étoiles ont combattu contre Sisera » tandis que sur la terre : « Le torrent de Kison les a emportés » (v. 20-21).

            D'autres tribus se tenaient en arrière. La première d’entre elles est Ruben, le premier-né, le chef naturel que l’instabilité avait privé du commandement qui était revenu à Ephraïm. Il garde son caractère comme, hélas, beaucoup d’entre nous ; la même hésitation et le même égoïsme le caractérisent encore.
            Ruben, Gad et la demi-tribu de Manassé, avaient choisi pour part le pays à l’est du Jourdain, le côté terrestre. La raison avancée avait été : tes serviteurs ont des troupeaux. Ici, le « bêlement des troupeaux » (v. 16) les maintient toujours là. Leurs motifs sont partagés, ils ont une grande considération de cœur à se joindre à la noble compagnie des fidèles, et de grandes délibérations de cœur mais sans vraie décision. Ils restent près des étables, comme Dan sur ses navires, et Aser à son commerce au bord de la mer.
            Qu’ils sont nombreux aujourd’hui ceux qui restent indifférents à l’irruption du mal ! Combien le bêlement des brebis étouffe le gémissement des captifs ! « Le gémissement du prisonnier » atteint parfois leurs oreilles et leur fait sentir qu’ils devraient faire quelque chose, mais leurs brebis sont plus importantes que les brebis du Seigneur, leurs intérêts que les Siens. Ils se tournent sur leur lit, comme le paresseux (Prov. 26 :14), et n’ont jamais vraiment la foi pour se décider à mettre de côté le moi et ses préoccupations, et à donner la priorité à Dieu.
            Qui que nous soyons, et quel que soit notre service, nous ne ferons jamais rien de bon si nous n’accordons pas à Dieu la première place. Même si nous n’avons pas un service en vue, si nos affaires, nos familles ou les choses de la vie quotidienne, sont plus importantes pour nous que les intérêts de Dieu et de son peuple, nous ne combattrons jamais pour Lui.
            Lorsque le Seigneur Jésus a dit : « Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice » (Matt. 6 : 33), Il venait de parler de « ce que vous mangerez, et dont vous vous vêtirez » (v. 31) - c’est-à-dire des choses indispensables à notre vie terrestre. Cependant, face à ces nécessités mêmes, notre Seigneur dit délibérément : « Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice ». Prenons garde à cette parole. Où plaçons-nous la priorité ?
            Mais une parole de jugement plus solennelle est prononcée sur Méroz : « Maudissez Méroz... car ils ne sont pas venus au secours de l’Eternel... avec les hommes forts » (Jug. 5 : 23). Méroz est mis à l’index pour deux raisons : d’abord parce que leur situation géographique les impliquait particulièrement et parce que leur exemple aurait été très utile pour aider leurs frères, dans un moment critique. Mais, comme toujours, la faillite a plusieurs causes. Méroz signifie « habitants dans des palais de cèdre ». Cela n’évoque-t-il pas le luxe de l’autosatisfaction spirituelle, en opposition avec l’humilité requise dans le service pour le Seigneur ?
            Quel contraste entre les somptueux palais de cèdre de Méroz et l’humble tente de Jaël ! De nombreux enfants de Dieu ont amené la malédiction sur eux-mêmes pour avoir eu un palais de cèdre qui a éloigné leur cœur de Christ. En revanche, la tente du pèlerin et ses pieux peuvent contribuer à la victoire. C’est pour souligner ce contraste, que Jaël vient juste après Méroz, dans le chant de triomphe. Sans rechercher une place de premier rang, ni les honneurs, c’est une vérité bénie que le nom de ceux qui, comme Jaël, se rangent du côté de Dieu et de son œuvre, ne sera pas oublié dans le chant de triomphe, au jour où le Seigneur sera célébré dans la gloire.
            Avant de terminer cette partie, notons l’expression frappante utilisée pour décrire le comportement des habitants de Méroz : « ils ne sont pas montés au secours de l’Eternel avec les hommes forts » (v. 23). Nous sommes non seulement appelés à nous secourir l’un l’autre, mais surtout à aider le Seigneur. Certes, Il n’a pas besoin de notre soutien car, comme Il le fera un jour, Il peut renverser tous ses ennemis avec l’épée qui sort de sa bouche, mais notre Seigneur s’identifie Lui-même aux siens affligés ou emprisonnés et considère l’aide qui leur est apportée comme lui étant accordée personnellement. C’est cela, monter au secours de l’Eternel avec les hommes forts.

 

Jaël et Sisera

            L’appréciation portée sur la conduite de Jaël insiste sur les détails dont nous avons déjà parlé. Elle est « bénie par-dessus les femmes » (v. 24), car elle a tué l’ennemi puissant et fier qui tenait le peuple de Dieu dans la servitude !
            Ensuite, la description de la mère de Sisera est faite avec une ironie solennelle qui nous rappelle cette terrible parole : « Celui qui habite dans les cieux se rira d’eux, le Seigneur s’en moquera » (Ps. 2 : 4). Quelle pensée terrible que la dérision de l’Eternel !
            Les sages princesses de la mère de Sisera - chef de l’intellectualisme qui rejette la vérité de Dieu – donnent de bonnes raisons pour le retard des chars du vainqueur présumé. Ainsi, dans un jour à venir, le sage de la terre trouvera beaucoup de raisons pour le retard de la marche victorieuse de l’esprit humain. Pour l’intellectuel orgueilleux, il n’y aura ni triomphe, ni butin, ni vêtement brodé pour orner la chair. Lorsqu’ils diront « paix et sureté », une subite destruction viendra sur eux, et ils n’échapperont point (1 Thes. 5 : 3).
            Alors l’humble épouse, étrangère, recevra sa parure, et sera vêtue comme il sied à celle qui sera pour toujours avec Christ ; un repos éternel sera alors notre héritage.
            « Qu’ainsi périssent tous tes ennemis, ô Eternel ! mais que ceux qui t’aiment soient comme le soleil quand il sort dans sa force ! » (v. 31).

 

D'après S. Ridout