“Je l'ai béni : aussi il sera béni”.
La connivence de la mère et du fils aboutit à la tromperie
La bénédiction est accordée à Jacob, « par la foi » (Héb. 11 : 20)
Lire Genèse 27: 1-40
La bénédiction est accordée à Jacob, « par la foi » (Héb. 11 : 20)
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Cette page douloureuse de l'histoire d'Isaac se déroule alors qu'il est vieux et que ses yeux sont « affaiblis de manière à ne plus voir » (Gen. 27 : 1). Ce chapitre contient d'abondantes références aux différents sens (la vue, l'audition, le goût, l'odorat et le toucher) : leur rôle important, à des moments précis, accentue la signification de la relative cécité du patriarche.
Jacob lui-même aura les yeux « appesantis », mais sa cécité contrastera avec celle de son père. Il sera capable de « voir » ce que son fils Joseph, d'une piété si remarquable par ailleurs, ne verra pas (Gen. 48 : 13-14). Isaac est ici aveugle physiquement, mais il l'est aussi, hélas, spirituellement : il se montre incapable d'agir selon la volonté de Dieu.
Le patriarche appelle auprès de lui son fils aîné, Esaü, en vue de lui donner la bénédiction correspondant au droit d'aînesse. Pour cela, il prend avec lui des dispositions surprenantes ; il cherche semble-t-il à donner à cette cérémonie un caractère vraiment intime. Sa volonté, si les choses se passent comme il le souhaite, est d'exclure son fils Jacob de cette bénédiction qui lui revient de droit, selon la volonté clairement exprimée de l'Eternel (Gen. 25 : 23 ; Rom. 9 : 11-13).
Qui plus est, cette fâcheuse initiative d'Isaac intervient au moment même où Esaü vient d'épouser, en contradiction formelle avec la volonté de Dieu (Deut. 7 : 1-3), deux Héthiennes, des femmes étrangères ; elles seront une constante amertume d'esprit pour Isaac et Rebecca. « La conduite d'Esaü était aussi insouciante que ses pensées relativement à son droit d'aînesse étaient profanes » (JND).
Isaac ne paraît pas réaliser quel désordre s'est installé dans sa maison. Le père et la mère ont, l'un et l'autre, élu un fils préféré qu'ils cherchent à favoriser. Isaac aime Esaü, un homme habile à la chasse, capable ainsi de satisfaire les convoitises de son père. Rebecca a fixé son choix sur Jacob, un homme simple qui aime à rester dans les tentes (Gen. 25 : 27-28). La communion est visiblement interrompue entre les époux. Rebecca n'a peut-être pas pardonné à son époux sa lâcheté lorsqu'il a menti en déclarant qu'elle était sa soeur : il craignait d'être tué par les hommes de Guérar, à cause de la beauté de Rebecca (Gen. 26 : 6-7).
Isaac a imaginé de bénir son fils Esaü à l'occasion d'un repas préparé par ce dernier : « apprête-moi un mets savoureux comme j'aime », lui commande-t-il (Gen. 27 : 4). Rien de commun dans la Parole avec les biographies flatteuses habituelles dans ce monde : elle révèle tout dans l'histoire d'un homme. Ici on découvre une tendance sensuelle, déjà ancienne, du serviteur de Dieu (1 Tim. 5 : 24) : il aimait faire bonne chère, « le gibier était sa viande » (Gen. 25 : 28). Isaac n'ayant pas jugé cette convoitise, elle va porter des fruits très amers. Quelle fin de vie décevante pour Isaac ! Il a 137 ans et malgré son pressentiment, il vivra encore 43 ans. Quoi qu'il en soit, au moment où sur cette terre tout ce qui appartient à la nature va s'évanouir rapidement, il est occupé de mets savoureux et sur le point d'agir en contradiction directe avec le conseil de Dieu.
Quel contraste avec le Seigneur Jésus, homme ici-bas, qui rejette toute proposition de l'ennemi qui voudrait l'amener à user d'un miracle pour satisfaire sa faim. Il répond : « Il est écrit : l'homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Matt. 4 : 4). Il ne cherche jamais à accomplir sa propre volonté.
L'Ecriture nous met en garde contre ces désirs charnels qui « appesantissent » nos coeurs (Luc 21 : 34) et font la « guerre à l'âme » (1 Pier. 2 : 11). La famille d'Isaac connaissait bien son goût immodéré pour le gibier ; pourtant, Rebecca, au lieu d'aider son mari à abandonner ce triste penchant, va maintenant s'en servir pour parvenir à ses fins à l'égard de Jacob. Elle prendra soin, pour mieux abuser son époux, de préparer la viande qu'il aime tant ! (Gen. 27 : 14).
Quand on réalise un peu la solennité de l'acte que Dieu accordait au patriarche d'accomplir, les paroles qu'il adresse à Esaü sont très humiliantes. Il se préoccupe avant tout du plat que son fils doit d'abord lui préparer et déclare : « Apporte-le-moi, et j'en mangerai, afin que mon âme te bénisse avant que je meure » (Gen. 27 : 4, 10). Esaü obéit : il « s'en alla aux champs pour prendre du gibier, pour l'apporter » (Gen. 27 : 5).
Si les facultés d'Isaac paraissent déjà affaiblies, Rebecca jouit au contraire de toutes ses capacités, mais elle en fait mauvais usage. Veillons à ne pas agir de même avec tout ce que le Seigneur dans sa grâce nous confie (Rom. 12 : 1-2). Elle a entendu à la dérobée ce qu'Isaac disait à Esaü, « son fils ». Elle informe aussitôt en détail Jacob, qui est appelé ici « son fils », de ce qui se trame (Gen. 27 : 5-6). Comme son frère Laban, Rebecca se révèle une femme d'action. Elle a déjà dressé un plan, son fils n'a plus qu'à obéir (Gen. 27 : 8).
Jacob doit aller chercher deux chevreaux afin que sa mère en prépare un « mets savoureux » pour Isaac, « comme il aime ». Ensuite il se substituera frauduleusement à son frère pour porter le plat à son père, afin d'obtenir la bénédiction avant Esaü.
Rien dans l'Ecriture ne permet de penser que Rebecca voulait agir ainsi pour obéir à Dieu. Elle cherchait simplement, par ses propres moyens, à faire triompher son fils ; en suivant les conseils de sa mère, Jacob n'a pas su non plus compter sur Dieu qui aurait donné suite à la bénédiction par ses propres voies. Cependant, même si leur voie mensongère est loin d'avoir l'approbation divine, leur vilenie sert inconsciemment les conseils de Dieu.
Jacob n'oppose aucune objection de principe à la rouerie maternelle qui correspond aussi à son propre caractère. Si la culpabilité de Rebecca est indiscutable, celle de Jacob ne l'est pas moins. Il devra donc en subir les conséquences, à l'école de Dieu qui châtie le mal mais répond à la foi et veut « faire du bien à la fin » (Deut. 8 : 16). Sa vie ne sera qu'une succession d'épreuves, de troubles ; ses jours seront vraiment « courts et mauvais », comme il le déclare plus tard au Pharaon, avant toutefois de le bénir. Sa relation avec Dieu faisait de lui « le plus excellent » (Gen. 47 : 9-10 ; Héb. 7 : 7).
Jacob est prêt à suivre les mauvais conseils de sa mère pour faire échouer les desseins de son père Isaac. La seule chose qu'il appréhende, c'est d'être découvert (Prov. 26 : 26) : certes son père est aveugle, mais il lui reste entre autres l'usage du « toucher ». Or Esaü, à la différence de Jacob, est un homme très velu : s'il tâte Jacob, Isaac comprendra vite qu'on cherche à le berner. La bénédiction convoitée pourrait alors tourner en malédiction !
Mais, devant les réticences de son fils, Rebecca déclare sans hésiter : « Que ta malédiction soit sur moi, mon fils ! Seulement écoute ma voix, et va, prends-les-moi ». Elle veut parler des chevreaux (Gen. 27 : 13). Pour Jacob, il ne reste plus qu'à obéir, comme à l'accoutumée. L'attitude de Rebecca à l'égard de son mari met en évidence à quel point la famille est maintenant divisée. Quelle tristesse après un si beau commencement de vie commune ! Quel avertissement le Seigneur adresse à tous les couples chrétiens !
Le repas est promptement préparé. La ruse de Rebecca se voit dans les détails : parmi les vêtements d'Esaü absent, elle prend des habits précieux réservés pour des occasions spéciales, et en revêt Jacob. Puis, utilisant des peaux des chevreaux, elle recouvre soigneusement les mains et le cou de son fils. Enfin, elle place dans sa main le mets savoureux et le pain qu'elle a préparés pour tromper son mari (Gen. 27 : 15-17). Tout montre qu'elle est le « cerveau » de ce rapide complot, préparé avec soin : il ne reste plus qu'à passer à l'action !
Avec l'attitude respectueuse qui convient, Jacob s'approche d'Isaac et lui dit : « Mon père ! ». Mais peu après, à la question un peu inattendue d'Isaac : « Qui es-tu, mon fils ? », Jacob répond par un mensonge : « Je suis Esaü, ton premier-né ; j'ai fait comme tu m'as dit ». Puis il se hâte d'inviter son père à se lever, à s'asseoir et à manger de son gibier, afin, dit-il, « que ton âme me bénisse » (Gen. 27 : 19).
En posant une simple question, Isaac a provoqué à son insu le premier mensonge de son fils. Il faudra bien des années et d'amères expériences pour qu'un jour, à Peniel, ce supplanteur reconnaisse devant l'ange qu'il est bien « Jacob » (Gen. 32 : 27). Mais quand on s'engage dans un tel chemin, il est rare de pouvoir s'arrêter à un seul mensonge ; un mensonge en appelle un autre : les péchés vont par troupeaux !
De façon logique, Isaac s'étonne : « Comment en as-tu trouvé si tôt, mon fils ? ». Par sa nouvelle réponse, Jacob aggrave encore sa faute, car il introduit le nom de Dieu dans ses propos mensongers ; il affirme avec aplomb : « Parce que l'Eternel, ton Dieu, me l'a fait rencontrer devant moi » (Gen. 27 : 20). Jacob peut se réjouir d'avoir une mère aussi ingénieuse, car Isaac lui demande d'approcher pour qu'il puisse le tâter et s'assurer qu'il est vraiment son fils Esaü. Le déguisement étant fort bien fait, Isaac se déclare satisfait de ce qu'il peut toucher : « les mains sont les mains d'Esaü ». Dans les questions spirituelles, ne nous laissons pas guider par nos sentiments – ils peuvent très rapidement varier. Notre seule assurance est la Parole de Dieu.
Un seul point continue visiblement à troubler le vieillard : « La voix est la voix de Jacob ». Toutefois, il se décide à le bénir, mais non sans avoir demandé une fois encore : « Es-tu vraiment mon fils Esaü ? ». Jacob formule à nouveau son mensonge : « Je le suis » (Gen. 27 : 22-23). Isaac, toujours un peu dubitatif, est pourtant persuadé que le moment est venu, avant de le bénir, de manger le gibier de son fils ; il désire encore s'assurer qu'il s'agit bien du produit de la chasse de son aîné. Jacob le sert, en lui apportant même du vin, cette boisson forte qui ôte le sens (Lév. 10 : 9-10).
Absolument convaincu qu'il a bien affaire à Esaü, Isaac l'invite : « Approche-toi, je te prie, et baise-moi, mon fils ». Jacob s'approche et le baise. Cette accolade faisait probablement partie du cérémonial habituel. Certainement, Jacob se réjouit à nouveau de l'habileté de sa mère, apparemment absente, car le récit précise : « Isaac sentit l'odeur de ses vêtements, et le bénit et dit : regarde, l'odeur de mon fils est comme l'odeur d'un champ que l'Eternel a béni » (Gen. 27 : 27). L'odeur est bien celle de cette vie au grand air qu'affectionne Esaü (Jacob, lui, restait dans les tentes) ; c'est ainsi qu'Esaü procurait facilement à Isaac la viande savoureuse qu'il aimait. Tout semble, à peu de chose près, conforme à ce qu'Isaac attendait : le toucher, le goût, le contact, l'odeur. Et pourtant il vient d'être complètement trompé ! Heureusement, il a été ainsi providentiellement gardé d'agir contre le conseil de Dieu.
La bénédiction d'Isaac commence par l'évocation de l'odeur qu'il vient de sentir sur les vêtements d'Esaü : « Que Dieu te donne de la rosée des cieux et de la graisse de la terre, et une abondance de froment et de moût ! ». Prophétiques, ces paroles d'Isaac concernent le temps où le pays dans lequel il a commencé à semer (Gen. 26 : 12) appartiendra vraiment au peuple d'Israël, selon les promesses faites à Abraham, cet homme de foi.
Le fils d'Isaac jouira aussi d'une suprématie sur les autres peuples, comme d'ailleurs sur ses frères : c'est le cercle élargi de la famille qui est envisagé ici. En lisant le v. 29, on pense à Joseph, mais le chapitre 49 de la Genèse montre Joseph et Juda élevés au-dessus des autres tribus. Cette bénédiction est complète, irrévocable. Isaac le reconnaît. Malgré le « cri très grand et amer » jeté par Esaü, il dira, conservant la dignité dont Dieu l'a revêtu et l'excessive faiblesse de sa chair : « Je l'ai béni : aussi il sera béni » (Gen. 27 : 33-34).
Les yeux enfin ouverts, Isaac, éprouve une tristesse qui est selon Dieu (2 Cor. 7 : 10) ; il réalise le danger auquel la grâce divine vient de le faire échapper. Selon son dessein en grâce, Dieu s'était proposé de bénir Jacob et ce dernier devait l'être ! « Par la foi Isaac bénit Jacob et Esaü à l'égard des choses à venir » (Héb. 11 : 20). C'est le seul acte de foi de ce patriarche qui soit relevé par l'Esprit Saint.
Reconnaissant la fâcheuse manière dont il s'est conduit dans cette circonstance si importante de sa vie, Isaac parle maintenant non seulement comme oracle de Dieu, mais comme quelqu'un qui se tient devant Lui, dans la dignité et l'énergie de la foi.
Le comportement d'Isaac à la fin de ce récit montre comment la foi peut nous élever au-dessus de toutes nos fautes et de leurs conséquences pour nous faire prendre la place où la grâce de Dieu nous a amenés.
Rebecca devra supporter le triste résultat de son activité perfide : elle ne reverra plus Jacob. Et pour son fils, combien de difficultés vont immédiatement s'ensuivre ! La haine d'Esaü va le contraindre à s'enfuir. Toutefois le patient travail de la grâce de Dieu s'accomplira en Jacob. Combien aurait-il été préférable de tout laisser entre les mains de Dieu, qui aurait agi en son temps ! Apprenons à rester dans la dépendance du Seigneur, à ne jamais chercher à diriger nous-mêmes les circonstances de notre vie (Jér. 10 : 23).
Esaü ne pourra pas « trouver lieu à la repentance » (Héb. 12 : 17) ; en vain, il accuse Jacob d'avoir pris son droit d'aînesse et sa bénédiction, mais ne les avait-il pas méprisés ? Il est impossible d'hériter de la bénédiction divine sans la foi. Qu'aucun lecteur ne rejette la grâce de Dieu !
La faute d'Isaac que nous venons d'évoquer a été parfaitement lavée et effacée. Cet homme a pris place au milieu « des esprits des justes consommés » (Héb.12 : 23). Le récit de sa vie a été conservé dans le Livre inspiré pour manifester la grâce de Dieu et servir d'avertissement à tous les croyants (1 Cor. 10 : 11). C'est tous les jours de notre vie qu'il faut demander : « Garde-moi, ô Dieu ! car je me confie en toi (Ps. 16 : 1). Parvenu au terme de sa course, l'apôtre Paul déclare : « J'ai combattu le bon combat, j'ai achevé la course, j'ai gardé la foi ». Et pourtant, il ajoute peu après : « Le Seigneur me délivrera de toute mauvaise oeuvre et me conservera pour son royaume céleste » (2 Tim. 4 : 7, 18).
Ph. L 28-09-06