REFLEXIONS SUR LES ACTES DES APOTRES (25-28)
Chapitre 25
Paul devant Festus
Paul devant le roi Agrippa
Chapitre 26
Témoignage de Paul devant Agrippa
L’accusation de Festus et la réponse de Paul
Question de Paul à Agrippa, et dernier appel à tous
Chapitre 27
Départ pour Rome
Premier arrêt et refus de l’avertissement de Paul
Déclaration de foi de l’apôtre Paul
Tous sont sains et saufs !
Chapitre 28
Sur l’île de Malte
De Malte à Rome
Rencontre avec les chefs juifs
L’évangile accepté par les païens
L’évangile n’est pas lié
Festus arrive et, trois jours plus tard, il monte à Jérusalem. L’hostilité contre Paul est si forte que le souverain sacrificateur et les principaux d’entre les Juifs l’accusent aussitôt et demandent à Festus de faire venir Paul à Jérusalem. Malgré les années qui se sont écoulées, ils sont toujours prêts à accomplir leur serment et à exécuter leur vengeance. Telle est la rancœur religieuse ! Mais Festus refuse et une nouvelle fois les accusateurs de Paul doivent descendre à Césarée. Cette seconde comparution est pratiquement la répétition de la première, comme le montrent les versets 7 et 8. Paul a simplement à rejeter de nombreuses accusations non prouvées. Or le chapitre suivant nous apprend que Festus n’était pas familier avec les coutumes des Juifs. Mais sachant qu’ils étaient un peuple difficile à tenir, il veut gagner leur faveur et suggère que Paul soit envoyé à Jérusalem pour le jugement final.
Nous pouvons discerner la main de Dieu dans ce brusque changement de la part de Festus. Au cours de la nuit qui avait suivi l’émeute dans le sanhédrin, le Seigneur était apparu à Paul et lui avait dit qu’il fallait qu’il rende témoignage à Rome ; maintenant, il dirige les circonstances de manière à ce que cela se réalise. La suggestion de Festus amène Paul à en appeler à César, un privilège qui lui appartenait en tant que citoyen romain. Paul était conscient que le transfert proposé équivalait à le livrer entre les mains de ses ennemis ; et pourtant Festus savait très bien qu’il n’avait rien fait de mal. Si, pour apaiser les Juifs, Festus commençait à céder à leurs réclamations, il finirait par tout lâcher. L’appel de Paul règle la question. Comme il a fait appel à César, il doit aller à Rome. C’est la troisième occasion où nous voyons Paul revendiquer sa citoyenneté romaine et ici, bien évidemment, cela devait servir à l’accomplissement du propos de Dieu.
La venue d’Agrippa et de Bérénice pour saluer Festus donne à Paul une troisième occasion de rendre témoignage devant des gouverneurs et des rois ; et cette fois nous voyons beaucoup mieux la puissance avec laquelle il présentait la vérité. Même devant Festus précédemment, il n’avait pas omis de mentionner ce qui était au cœur de toute l’affaire ; car lorsque Festus parle à Agrippa de son cas, il déclare que l’objet de la controverse était « un certain Jésus qui est mort, mais que Paul affirmait être vivant » (v. 19). Cela montre qu’il avait compris le fait central de l’évangile, bien qu’il ait été un païen n’ayant pas la véritable connaissance. La mort et la résurrection de Christ sont à la base de toute bénédiction, ainsi que la pleine déclaration de l’amour de Dieu. Nous en connaissons quelque chose, alors que lui n’en savait rien. Et pourtant Paul en avait parlé clairement.
Les paroles que Festus adresse à Agrippa, après la convocation de la cour, montrent bien que, pour lui, tout cela demeurait un mystère ; et pourtant il avait compris de quoi il s’agissait. Paul est alors amené et l’audience commence. Festus n’avait rien de certain à écrire à son supérieur, l’empereur à Rome. Il espérait qu’Agrippa, plus familier avec la religion juive, serait capable de l’aider à mieux comprendre ce qui était en jeu, et saurait ce qu’il convenait de dire.
Témoignage de Paul devant Agrippa
Cette fois, il n’y a pas de longs préliminaires. Agrippa accorde immédiatement la permission à Paul de plaider sa cause. Paul peut alors se dispenser de tous les détails d’une défense et en venir directement au message que Dieu lui avait confié, après avoir reconnu qu’Agrippa était expert en la matière, et l’avoir prié de l’écouter avec patience.
Il commence par établir qu’il avait été élevé selon la forme la plus stricte du judaïsme, parmi les pharisiens. Ce dont il était accusé maintenant était en relation avec l’espérance qui avait soutenu Israël depuis les jours où Dieu avait donné sa promesse. Les Juifs gardaient toujours cette espérance, mais Paul soutenait qu’elle avait eu un accomplissement en Christ, et en particulier dans sa résurrection. Ainsi dès le début de son apologie, il donne la première place à la résurrection, celle-ci étant le principal objet du débat. Mais la résurrection dépasse les pensées des hommes, qu’ils soient juifs ou païens ; d’où sa question : « Pourquoi, parmi vous, juge-t-on incroyable que Dieu ressuscite des morts ? » (v. 8). Ce serait tout à fait incroyable s’il s’agissait simplement des hommes ; introduisez Dieu - le Dieu vivant et vrai - et le contraire est incroyable.
Dans ce troisième récit de sa conversion, nous voyons l’apôtre mettre l’accent principalement sur l’opposition obstinée et féroce qui l’avait caractérisé au début. Il était certes « un blasphémateur, un persécuteur et un violent », comme il le dit à Timothée (1 Tim. 1 : 13) ; il a été jusqu’à être « plein de rage » contre les disciples, et il les persécutait même jusque dans les villes étrangères (v. 11). Il agissait ainsi, car il était persuadé « qu’il fallait tout mettre en oeuvre contre le nom de Jésus le Nazaréen » (v. 9). C’est en plein midi, alors que le soleil brille de son éclat le plus vif, qu’il fut arrêté sur la route de Damas par « une lumière plus éclatante que la splendeur du soleil » et qu’il entendit la voix du Seigneur. La lumière non créée éclipse la lumière créée.
Plusieurs détails intéressants qui n’ont pas été mentionnés dans les récits précédents sont relevés ici. La lumière du ciel fait tomber à terre dans la poussière, non pas seulement Paul, mais tout le groupe. Et puis la voix s’exprime en langue hébraïque. C’est remarquable, car nous avons vu auparavant que les compagnons de Paul, bien qu’ils aient entendu la voix, ne l’avaient pas comprise. C’était dans leur propre langue, et pourtant ils ne comprennent pas. Ils ont été touchés physiquement, mais seul Paul l’a été spirituellement. L’élément essentiel d’une conversion réside non pas dans de grandes visions ou des sons mystérieux, mais dans l’opération vivifiante du Saint Esprit. Jésus n’a été manifesté qu’à Paul, et cela d’une manière telle qu’il Le reconnaît comme son Seigneur.
Une fois qu’il eut confessé Jésus comme son Seigneur, il lui fut clairement dit ce qu’il devait faire pour son salut personnel. Les récits précédents nous l’ont appris. Ici seulement nous voyons qu’à ce même moment, le Seigneur lui avait dit tout aussi clairement qu’il l’avait choisi pour faire de lui le serviteur de Sa volonté d’une manière très particulière. Il devait être témoin auprès de tous de ce qui venait de lui être révélé, et d’autres choses qui lui seraient communiquées par le Seigneur. Nous ne trouvons qu’ici le mandat que le Seigneur lui a confié dès le début, et les termes de ce mandat. Ils sont très remarquables et expliquent pleinement la carrière extraordinaire qui a été placée devant nous dans les chapitres précédents.
Selon le propos du Seigneur, il devait être mis à part, ou retiré, « du milieu du peuple et des nations » (v. 17) ; c’est-à-dire qu’il devait être séparé à la fois de son propre peuple, les Juifs, et des Gentils, de manière à avoir une place distincte de l’un et des autres. On a souvent dit que les paroles du Seigneur : « Je suis Jésus que tu persécutes » (v. 16) étaient la première mention des saints comme étant Son corps. On nous permettra peut-être d’ajouter que ces paroles sont la première allusion à la place distincte de l’Eglise, appelée tant d’entre les Juifs que d’entre les nations. Paul a commencé par être mis lui-même dans la position où seraient amenés tous ceux qui recevraient l’évangile qu’il était appelé à annoncer.
Mais la fin du verset 17 montre que c’est vers les nations qu’il était spécialement envoyé. Comme nous l’avons relevé plus haut, il a été en bénédiction à de nombreux Juifs tant qu’il a rempli son mandat dans le monde des nations ; ce n’est que quand il s’est détourné de cette mission pour s’adresser à ses frères juifs en particulier qu’il a échoué. Quel avertissement pour nous ! Notre Maître doit avoir la première place et notre sagesse doit se ranger à son plan pour notre vie et notre service. C’est vers les nations qu’il devait aller, « pour ouvrir leurs yeux » (v. 18).
C’était un tournant dans les voies de Dieu, car jusque-là les gens des nations avaient été laissés à eux-mêmes. Ils avaient été dans les ténèbres et l’ignorance, mais maintenant leurs yeux devaient être ouverts.
S’ils avaient effectivement les yeux ouverts par les travaux de Paul, ils se tourneraient des ténèbres et du pouvoir de Satan à la lumière et à Dieu. C’est ce que nous entendons par le mot conversion. Elle doit nécessairement inclure la conviction de péché, car personne ne peut venir dans la lumière de Dieu sans que cette conviction soit produite en lui. La réception du pardon résulte alors de ce « tournant ». Nous pouvons nous réjouir dans le pardon de Dieu et plus encore, nous recevons un héritage que nous partageons avec tous ceux qui sont mis à part pour Dieu. Le pardon est la bénédiction négative de l’évangile, si nous pouvons nous exprimer ainsi, et l’héritage, la bénédiction positive. Le pardon est une perte plutôt qu’un gain : la perte de nos péchés, de la satisfaction en eux, mais aussi du châtiment qu’ils encourent. L’héritage, c’est ce que nous gagnons.
Et tout cela est « par la foi en moi », dit Jésus (v. 18). Nous voyons ici comment on parvient à la bénédiction. Non pas par des œuvres, mais par la foi ; et Christ est l’Objet de cette foi. La valeur n’est pas dans la foi, mais dans l’Objet en qui la foi repose. Ainsi dès le moment même de sa conversion, la marche et le ministère à venir de Paul avaient été tracés pour lui ; et une révélation du Seigneur lui avait donné le message qu’il devait annoncer. Ainsi nous avons dans le verset 18 un résumé complet des bénédictions que l’évangile apporte à celui qui le reçoit par la foi. Les yeux de son cœur et de son esprit sont ouverts à la vérité ; il est amené des ténèbres à la lumière, et de la puissance de Satan à Dieu ; ses péchés sont pardonnés et il le sait ; il a une part à l’héritage commun à ceux qui comme lui sont mis à part pour Dieu.
Après avoir reçu ces instructions, Paul avait rempli fidèlement son mandat. Commençant par l’endroit où il se trouvait, puis sortant vers les nations, il avait montré partout aux hommes comment il fallait répondre à l’évangile. Ils devaient se repentir ; ils devaient se tourner vers Dieu ; ils devaient faire « des œuvres qui conviennent à la repentance » qu’ils professaient (v. 20). La repentance implique cette introduction dans la lumière qui nous rend capables de voir et de juger notre état de péché, et ensuite de le confesser devant Dieu. Or plus nous sommes conscients de notre péché, moins nous avons confiance en nous-mêmes ; et moins nous avons confiance en nous-mêmes, plus nous apprenons à nous confier en Dieu ; par conséquent, pour nous tourner vers Dieu, il faut d’abord nous détourner de nous-mêmes. Tout ceci est un exercice profond d’esprit et de cœur, de nature plus ou moins secrète, mais s’il est réel, il ne tardera pas à produire les actes et les œuvres qui conviennent. Si ces « œuvres qui conviennent à la repentance » font défaut, nous pouvons être certains que la repentance professée n’est pas réelle. Paul insiste sur ces trois points ; il savait évidemment qu’ils ne sont pas seulement la voie tracée par Dieu pour recevoir les bénédictions de l’évangile, mais qu’ils sont produits par l’évangile quand il est reçu par la foi.
Or c’est précisément cela qui avait suscité une telle animosité de la part des Juifs, car si c’était là le moyen d’entrer dans la faveur de Dieu, les nations y avaient accès aussi bien que les Juifs. Mais il montre très clairement à Agrippa que la base de ce qu’il avait prêché était ce qui avait été annoncé par Moïse et les prophètes. Il proclamait les souffrances de Christ, sa résurrection et le fait que, comme Ressuscité, Il apporterait la lumière de Dieu à toute l’humanité : non seulement aux Juifs, mais aussi aux nations. Avec quelle clarté le chapitre 49 d’Esaïe n’établit-il pas ce dernier point, tout comme le chapitre 53 prédit la mort et la résurrection de Christ !
Puis au verset 23, un témoignage éclatant est rendu devant Agrippa, Festus et tous ceux qui sont présents, aux faits glorieux qui sont à la base de l’évangile. Nous pouvons dire en effet que la prédication de l’évangile est tout d’abord la déclaration de ces faits. Donnons-leur donc la première place lorsque nous annonçons l’évangile ; c’est aussi important aujourd’hui qu’aux jours de Paul. Ensuite, comme nous l’avons vu, le verset 18 indique les bénédictions que l’évangile apporte ; et le verset 20, la manière selon laquelle les bénédictions de l’évangile sont reçues.
L’accusation de Festus et la réponse de Paul
Pour le Romain, un païen, la notion de la résurrection était tout simplement incroyable - Paul d’ailleurs en était conscient, comme le montre le début de son discours ; aussi la mention de Christ ressuscité d’entre les morts arrache-t-elle une puissante exclamation à Festus. Combien souvent au cours des siècles n’a-t-on pas accusé les chrétiens de folie ! Nous trouvons ici pour la première fois cette insulte dans la bouche d’un homme du monde. Et pourtant ce n’était pas une vulgaire injure, car Festus était un Romain éduqué. Il attribue la « folie » de Paul à un excès d’étude et de savoir. Mais il ne le tient pas moins pour fou !
La réponse de Paul est émouvante par sa simplicité et sa dignité. Il s’adresse à Festus de la manière qui convient à son rang élevé, puis affirme qu’au contraire il a prononcé « des paroles de vérité et de bon sens » (v. 25). Pour Festus ce n’étaient que les élucubrations d’un esprit dérangé, car les dieux qu’il vénérait n’avaient pas de puissance au-delà de la tombe. L’homme faible peut tuer et faire descendre dans le sépulcre - c’est chose facile ; ce n’est que du Dieu vivant qu’il peut être dit : « L’Eternel fait mourir et fait vivre ; il fait descendre au shéol et en fait monter » (1 Sam. 2 : 6). Efforçons-nous tous d’annoncer l’évangile de telle manière que nos auditeurs puissent reconnaître que nous annonçons des paroles de sobre vérité.
Question de Paul à Agrippa, et dernier appel à tous
Après avoir répondu à Festus, Paul adresse un appel à Agrippa, qui prétendait croire aux écrits prophétiques et devait donc savoir qu’ils prédisaient effectivement ce que lui, Paul, annonçait. L’appel atteint son but. Il est à craindre, hélas ! que la réponse d’Agrippa ne signifie pas qu’il était presque convaincu de la vérité de l’évangile, mais plutôt que ce soit une tentative de rejeter l’effet de l’appel sous le couvert d’une plaisanterie. En effet il dit : « Bientôt, tu vas me persuader de devenir chrétien ! » (v. 28). Ses paroles montrent clairement que le terme « chrétien », attribué aux croyants pour la première fois à Antioche, était maintenant employé couramment. Il décrivait d’une façon très précise les disciples de Christ.
L’élévation morale qui se dégage de la réplique de Paul est très remarquable. Un pauvre prisonnier au milieu de toute la pompe et la magnificence d’une cour souhaite à ses juges de devenir tels qu’il est, à part ses liens (v. 29) ! Les anges qui contemplaient cette scène ont vu un héritier de la gloire éternelle et céleste comparaître devant les misérables de la terre faisant parade pour un bref moment de toute leur prétention. Paul savait cela, comme il savait aussi que pour personne il n’y avait rien de mieux que d’être réellement et complètement tel qu’il était.
Ces paroles mettent un point final à l’audience. Paul a eu le dernier mot; et nous pouvons nous réjouir en constatant comment, rempli de l’Esprit Saint, il se trouve au plein niveau du grand appel qui lui avait été adressé - l’appel qui nous est adressé à nous aussi.
Une fois encore, son innocence est proclamée par l’autorité compétente. S’il n’en avait pas appelé à César, il aurait été libre.
Alors qu’il était à Ephèse, Paul s’était proposé dans son esprit d’aller voir Rome aussi, et il l’avait dit (19 : 21), mais plus important encore, c’était la volonté du Seigneur pour lui : « Il faut que tu rendes témoignage aussi à Rome » (23 : 11). Nous venons de voir comment Dieu est intervenu derrière la scène pour que la décision soit prise de faire voile pour l’Italie. Ici de nouveau, Luc emploie le pronom « nous », indiquant qu’il est une fois encore au nombre des compagnons de Paul pour ce voyage qui allait être si désastreux, mais qui devait se terminer d’une manière si miraculeuse.
En entendant Agrippa dire que sans cet appel, il aurait pu être relâché, Paul, s’il s’était arrêté aux causes secondaires, aurait pu regretter amèrement d’en avoir appelé à César. Si l’on regarde à Dieu, tout est clair ; et Paul et quelques autres prisonniers commencent leur voyage. Mais bien que ce déplacement ait été selon la pensée de Dieu, cela ne signifie pas pour autant que tout se soit passé facilement et sans heurts. Au contraire, nous voyons dès le début que « les vents étaient contraires » (v. 4). Le fait que les circonstances sont contre nous n’est pas une preuve que nous ne marchons pas selon la volonté de Dieu ; et les circonstances favorables ne veulent pas non plus dire que nous sommes dans le chemin de sa volonté. Nous ne pouvons pas nous appuyer sur les circonstances pour dire avec certitude quelle est, ou quelle n’est pas, la volonté de Dieu pour nous.
Premier arrêt et refus de l’avertissement de Paul
Les éléments restent contraires et la navigation est laborieuse : « le vent ne nous permettait pas d’avancer » (v. 7). La mauvaise saison de l’année était arrivée, et les voyageurs avaient l’habitude de s’arrêter dans les ports hospitaliers. Ils arrivent en un lieu appelé Beaux-Ports, qui en dépit de son nom n’était pas un endroit clément ; et là les opinions divergent. Le patron du navire désire atteindre Phénice, tandis que Paul les avertit qu’ils vont au-devant « d’avaries et de beaucoup de dommages », non seulement pour le navire et son chargement, mais aussi quant à leurs vies (v. 10). Le centurion romain, responsable des prisonniers, doit décider et, après avoir entendu la voix de la sagesse humaine et de l’expérience nautique d’une part, et celle de l’intelligence spirituelle d’autre part, il tranche en faveur de l’avis du patron du navire.
Sans doute, tout le monde serait parvenu à la même conclusion que le centurion. Et lorsque le vent tourne et se met à souffler doucement du midi, il semble que Dieu cautionne cette décision. Mais de nouveau, nous voyons que les circonstances ne sont pas un guide fiable. Car s’ils lèvent l’ancre, ce n’est que pour être pris dans un vent orageux, le redouté Euraquilon (v. 14), qui contrecarre tous leurs plans. Ils ont agi par la vue et non par la foi, et il en résulte un désastre. Ils prennent toutes les mesures possibles pour travailler à leur propre salut, mais en vain, de sorte que finalement tout espoir d’être sauvés leur est ôté. Ce récit peut bien être pris comme une sorte d’allégorie, représentant les luttes de l’âme pour la délivrance de la culpabilité ou de la puissance du péché. Tout est inutile jusqu’à ce que Dieu intervienne, d’abord par sa parole communiquée par Paul, puis par sa puissance lors du naufrage.
Déclaration de foi de l’apôtre Paul
Les navigateurs sont presque morts de faim et tout à fait désespérés quand l’ange de Dieu apparaît à Paul. Une quinzaine de jours se sont écoulés depuis le début de la tempête, et jusque-là Paul n’a pas parlé avec autorité. Mais maintenant, il a reçu un message de Dieu, lui disant qu’il devait comparaître devant César, et que lui et tous ceux qui naviguaient avec lui seraient sauvés. Puisque Dieu a parlé, Paul peut s’exprimer avec autorité et avec l’assurance la plus complète. Après deux semaines de luttes sur une mer démontée, tous ces hommes devaient être déprimés et dans un état d’esprit lamentable. Mais qu’est-ce que les sentiments ont affaire ici ? Dieu avait parlé et par son attitude, Paul proclame : « J’ai confiance en Dieu » (v. 25a), en dépit de tous les sentiments du monde.
Dans la situation du moment, toutes les apparences aussi étaient contre le message de l’ange. Qu’un petit navire fasse naufrage et soit détruit, à une époque où les canots de sauvetage n’existaient pas, et que néanmoins les 276 passagers soient sauvés, paraît incroyable, impossible. Mais Dieu a parlé, et Paul fait fi de l’impossibilité ; il peut ajouter : « Il en sera exactement comme il m’a été dit » (v. 25b). En outre sa foi est telle que non seulement il parle dans son cœur, mais il rend témoignage à haute voix devant tous les autres occupants du navire. Leur délivrance n’avait pas encore eu lieu, mais pour lui, elle était aussi sûre que si elle s’était déjà produite.
On a défini la foi d’une manière très simple : « croire ce que Dieu dit, parce que Dieu le dit », et les paroles de Paul : « J’ai confiance en Dieu » le vérifient. Dans le cas présent, les sentiments, la raison, l’expérience, les apparences, tout s’opposait à la déclaration divine, mais la foi accepte ce que Dieu dit, en dépit de toutes les contradictions. La foi dans notre cœur emploie le même langage. Le témoignage de Dieu à notre égard a affaire avec un objet infiniment plus grand qu’un salut seulement temporel ; et il nous est communiqué non par la bouche d’un ange, mais par les saints écrits inspirés qui sont maintenant à notre disposition dans notre propre langue ; à nous de les recevoir de la manière qui convient. Nous croyons simplement Dieu et scellons par là que Dieu est vrai.
Les versets 34 à 36 montrent que l’attitude et les actions de Paul sont en accord avec sa courageuse déclaration de foi. Nous le voyons ainsi mettre en pratique ce sur quoi Jacques met si fortement l’accent dans son épître, savoir que la foi, si elle est vivante, doit s’exprimer par des œuvres. Si, après avoir proclamé sa foi, il était resté déprimé et abattu comme les autres, personne n’aurait prêté beaucoup d’attention à ses paroles. Au contraire, après avoir donné un message de réconfort, il est à l’évidence lui-même plein de courage. Il rend grâces à Dieu, il mange et exhorte ses compagnons à faire de même. Ses œuvres confirment la réalité de sa foi et les autres en sont impressionnés. Eux aussi prennent courage et mangent. Les circonstances n’ont pas encore changé, mais eux sont transformés par la confiance de la foi qui remplit leurs cœurs ; elle leur a donné « l’assurance de ce qu’on espère, et la conviction des réalités qu’on ne voit pas » (Héb. 11:1). Tout cet épisode illustre d’une manière très belle ce que la foi est et comment elle agit.
Nous voyons aussi de quelle façon la foi est justifiée. Dieu est fidèle à sa parole et tous sont sauvés. Sa promesse s’est réalisée littéralement et exactement et non pas, comme cela arrive si souvent parmi les hommes, d’une façon approximative et avec une précision plus ou moins grande. Nous pouvons Le prendre au mot, avec une certitude absolue. Cependant cela ne signifie pas qu’il nous faille être fatalistes et ignorer les mesures de prudence élémentaires. Ce point est aussi illustré dans notre récit. Paul a annoncé que tous seraient sauvés, mais il ne permet pas aux matelots de s’enfuir du navire : leur présence était nécessaire ; et plus tard, lorsqu’ils eurent tous pris suffisamment de nourriture, ils allègent encore davantage le navire en jetant le froment dans blé à la mer. Ils ne restent pas sans rien faire, les bras croisés, comme le fatalisme le réclamerait, mais ils prennent les mesures de prudence qui conviennent, tout en se confiant dans la parole de Dieu. La fin est miraculeuse. Tous sont sauvés, d’une manière ou d’une autre.
Nous voyons encore la main de Dieu étendue sur Paul et sur ses compagnons, après leur arrivée sur l’île de Malte. Bien que les habitants soient des « Barbares » (v. 2) aux yeux des Romains - le mot « Barbare » désignait à cette époque ceux qui n’appartenaient pas au peuple romain -, ils usent d’une bonté exceptionnelle à l’égard des naufragés ; ils sont bientôt amenés à découvrir, par la tournure que prennent les circonstances, que l’un des nouveaux venus n’est pas une personne ordinaire. Paul travaille activement, faisant ce qu’il peut pour se rendre utile, lorsqu’une vipère s’attache à sa main. Les indigènes, superstitieux, interprètent à leur manière l’incident, mais constatant que le résultat attendu ne se produit pas, ils changent d’avis et optent pour la solution opposée. Les conclusions de la superstition ne sont jamais bonnes. Pour Paul, c’était sans doute un bien petit désagrément, en comparaison de tout ce qu’il avait traversé : il en dresse la liste en 2 Corinthiens 11 : 23-28. Et l’énumération n’était pas complète au moment où il écrivait. Il n’avait, par exemple, pas encore vécu le naufrage dont il est parlé dans notre chapitre. Mais il en avait déjà connu trois auparavant. Il n’y a sans doute pas beaucoup de personnes qui ont survécu à quatre naufrages, même parmi les matelots expérimentés, et Paul n’en était pas un.
Le chef de l’île manifeste de l’intérêt et de la bonté pour les naufragés, et Paul peut le récompenser en priant pour son père qu’il guérit. Nous ne voyons pas Paul rendre témoignage, mais par sa prière, tous sont amenés à reconnaître que la puissance en guérison qu’il détient ne lui appartient pas : elle est de Dieu. Constatant que la puissance divine est au milieu d’eux, les autres malades qui se trouvaient dans l’île viennent à leur tour et sont guéris. Dans la providence de Dieu, après les quinze jours de terrible épreuve, les naufragés connaissent ainsi une période de réconfort pour eux, et même d’honneurs, pendant trois mois. L’apôtre a écrit : « Je sais être dans le dénuement, je sais aussi être dans l’abondance » (Phil. 4 : 12). Ces trois mois furent un temps d’abondance.
On peut dire la même chose de la fin de leur voyage, après qu’ils se sont remis en route. Les étapes se succèdent sans événement fâcheux.
A l’arrivée à Pouzzoles, des frères prient Paul de demeurer avec eux une semaine ; il en résulte une heureuse visite. Il est clair que le centurion responsable a maintenant appris à connaître ses prisonniers, et il est disposé à accorder à Paul une liberté remarquable. Pendant le reste du trajet sur terre, des frères, ayant entendu dire qu’il arrivait, viennent à sa rencontre ; c’est un grand encouragement pour Paul, un homme spirituel, en communion étroite avec Dieu et dépendant de Lui, mais malgré cela, il ne néglige pas de rendre grâces à Dieu ; l’amour et la communion de croyants, dont la stature spirituelle était probablement de beaucoup inférieure à la sienne, lui permettent de prendre courage. C’est frappant et très encourageant pour nous. Veillons à ne pas mépriser, et à ne pas sous-estimer non plus, la valeur de la communion des saints.
Ainsi Paul arrive à Rome. Ses circonstances sont très différentes de celles qu’il s’était imaginé lorsqu’il avait fait part de ses projets aux croyants de cette ville (voir Rom. 15 : 22-32), mais par la volonté de Dieu, il est venu avec joie, et a connu là « la plénitude de la bénédiction de Christ ». La main de Dieu repose encore sur lui, car bien que prisonnier, il lui est accordé d’être dans son propre logement, sous garde, jouissant de la liberté pour servir et rendre témoignage.
Rencontre avec les chefs juifs
Trois jours seulement après son arrivée, l’apôtre peut convoquer ceux qui étaient les notables de la colonie juive à Rome et leur parler un peu de son cas. Il dit clairement qu’il ne veut pas porter d’accusation contre sa nation, mais que son seul crime aux yeux des Juifs est en rapport avec « l’espérance d’Israël », c’est-à-dire le Messie promis depuis longtemps. Les Juifs de leur côté avouent ignorer tout de ce qui le concerne, mais connaître le Christ que Paul prêche. Pour eux, être chrétien signifie appartenir à une « secte... que partout on... contredit » (v. 22). Remarquons le partout ; pas seulement parmi les Juifs, mais aussi parmi les nations. Le vrai christianisme n’a jamais été populaire et il ne le sera jamais. Il atteint trop profondément les fibres de la nature humaine.
Ils déclarent pourtant vouloir entendre ce que Paul désire leur dire, et un jour ayant été fixé, plusieurs viennent. Pendant une journée entière, il leur expose la vérité, rend témoignage et cherche à les persuader. Son sujet est le royaume de Dieu et Jésus, celui qui est le centre et le fondement de ce royaume ; tout ce qu’il expose est fondé sur la loi de Moïse et les prophètes qui l’avaient annoncé. Relevons les trois verbes employés ici.
D’abord il expose les saintes Écritures, montrant ce qu’elles ont à dire et révélant leur puissance. Puis il rend témoignage de Jésus : il leur parle sans doute de ce que lui-même savait personnellement de Sa gloire dans le ciel, et leur montre l’exactitude avec laquelle Il avait accompli tout ce que les Ecritures avaient annoncé concernant Sa venue dans l’humiliation. Enfin il cherche à persuader ses auditeurs que tout ce qu’il a dit est la vérité. Paul ne leur annonce pas un évangile « à prendre ou à laisser », comme on l’entend dire ; il laboure avec amour et zèle pour toucher les cœurs de ceux qui l’écoutent, et obtenir d’eux une réponse de foi. Veillons à l’imiter en cela, car souvenons-nous que si seule l’opération du Saint Esprit dans le cœur des hommes est effective, souvent l’Esprit se plaît à utiliser la persuasion des serviteurs de Dieu remplis d’amour et de zèle.
C’est ce qui se produisit. Nous voyons ici que si certains ne crurent pas, d’autres « refusaient de croire » (v. 24). Il en est presque toujours ainsi lorsque la Parole est annoncée. Ce n’est que dans le livre des Actes, lorsque Pierre prêcha à Corneille, que nous voyons tout le monde se convertir ; mais ce n’est pas habituel, car dans le temps actuel Dieu appelle des élus tant d’entre les Juifs que d’entre les nations.
Avant que les Juifs incrédules partent, Paul leur adresse une dernière parole : il leur rappelle le passage d’Esaïe 6, cité par le Seigneur lui-même en Matthieu 13, et par Jean dans le chapitre 12 de son évangile. Ce triste et terrible processus d’endurcissement et de mort spirituelle avait commencé déjà du temps d’Esaïe, quelque sept siècles avant Christ. Il était beaucoup plus avancé lorsque Christ était sur la terre ; et maintenant l’étape finale était atteinte. Paul prononce ces paroles réalisant que pendant la période de l’évangile, celle d’Israël comme nation est terminée. En tant que nation, ils sont aveugles et sans intelligence dans les choses de Dieu, mais très engagés quant à celles du monde. Cela n’est évidemment pas en contradiction avec le fait que Dieu appelle encore « un reste selon l’élection de la grâce » (Rom. 11 : 5).
Relevons qu’en citant ce passage, Paul dit : « L’Esprit Saint a bien parlé » (v. 25). Si nous comparons avec Esaïe 6, nous entendons le prophète dire à l’égard de ce message, en parlant de l’Eternel des armées : « Et j’entendis la voix du Seigneur » (v. 8) ; si nous prenons Jean 12, nous trouvons le commentaire suivant : « Esaïe a dit cela parce qu’il a vu sa gloire et qu’il a parlé de lui » (v. 41), et il suffit de lire les versets précédents pour voir que « sa » et « lui » se réfèrent à Jésus. De toute évidence, l’Eternel des armées doit donc être identifié à la fois avec Jésus et avec le Saint Esprit : trois Personnes et cependant un Dieu.
L’évangile accepté par les païens
Le verset 28 nous donne les dernières paroles de Paul, d’après le récit des Actes. Elles sont très significatives en ce qu’elles indiquent le point où ce livre nous a conduits. L’apôtre transmet un ultime message de Dieu : savoir qu’en conséquence de l’aveuglement et de la dureté des Juifs, Son salut avait été maintenant envoyé aux nations ; et il ajoute : « eux, ils écouteront » (v. 28). Cela ne signifie pas que tous le recevront, mais plutôt que, contrairement aux Juifs, il y aura là des oreilles attentives. Grâces à Dieu, cela s’est vérifié au cours des siècles.
Lorsque le Seigneur, s’adressant à une mère cananéenne dans la détresse parce que sa fille était « cruellement tourmentée par un démon », mentionne les enfants et les chiens, la pauvre femme, comprenant l’allusion, admet n’être qu’un chien d’entre les nations. Elle se réclame de la bonté de Dieu, bonté suffisante pour lui accorder quelques miettes de grâce. Le Seigneur lui donne raison, qualifie de grande sa foi et l’honore en répondant à son désir (Matt. 15 : 22-28). Mais ici nous avons quelque chose de plus merveilleux encore. Les enfants ont méprisé et rejeté les bonnes choses qui leur ont été offertes ; et alors non seulement les miettes, mais toute la nourriture est donnée aux chiens. Selon les paroles de Paul, « si leur chute est la richesse du monde, et leur amoindrissement, la richesse des nations, combien plus le sera leur plénitude ! », c’est-à-dire leur pleine restauration (Rom. 11 : 12). Cela ne veut pas dire que tout le monde est définitivement réconcilié, mais que Dieu manifeste maintenant sa faveur envers le monde, en offrant son salut à tous les hommes.
Paul est toujours prisonnier, mais il lui est accordé de louer un logement, d’y demeurer et d’y recevoir tous ceux qui désirent le voir. Il a ainsi des occasions de rendre témoignage, et la parole de Dieu n’est pas liée. Pour ce qui en est du livre des Actes, nous laissons Paul ici : il y passe deux ans entiers, prêchant le royaume de Dieu et enseignant les choses qui regardent le Seigneur Jésus Christ, sans empêchement. Dans la providence de Dieu, son jugement est remis à plus tard et ainsi une porte lui est ouverte. Pendant cette période, Onésime s’est converti et d’autres sans doute aussi. Et certaines des épîtres de l’apôtre ont été écrites alors.
L’histoire apostolique se termine avec la fin des Actes des apôtres ; la doctrine apostolique commence avec l’épître aux Romains. Or c’est la doctrine qui nous permet de comprendre la signification de l’histoire, tandis que celle-ci nous rend capables d’apprécier l’autorité et le poids de la doctrine parce que ces serviteurs fidèles, à l’exemple de leur Maître, ont d’abord fait puis ils ont enseigné selon qu’il est écrit au début de ce livre : « Tout ce que Jésus commença de faire et d’enseigner » (1 : 1).
D’après F. B. Hole