ETUDE SUR L’EPITRE AUX HEBREUX (12b)
CHAPITRE 12 (suite)
Vers Jésus Christ, le vrai but (10 : 19 à 13 : 25)
L’éducation de la foi et ses conséquences pratiques
« C’est pourquoi, redressez les mains lassées et les genoux défaillants, et faites des sentiers droits à vos pieds, afin que ce qui est boiteux ne se démette pas, mais plutôt guérisse » (v. 12-13).
Ces versets font allusion à Es. 35 : 3-4 : « Fortifiez les mains lassées, et affermissez les genoux qui chancellent… voici votre Dieu… Lui-même viendra, et vous sauvera ». Par ce message annonçant la délivrance, les Hébreux étaient ainsi incités à recommencer avec un nouveau courage les œuvres de l’activité chrétienne et les saints exercices de la prière et des actions de grâce.
Les « sentiers droits » évoquent une marche par la foi et un service fidèle - des « voies bien réglées » (Prov. 4 : 26). Si, à l’instigation des faux docteurs, ou par la crainte de l’opprobre et de la persécution, les croyants avaient interrompu la sainte course (v. 1-2), ils devaient la reprendre sans retard, et courir tout droit devant eux, ne tournant « ni à droite ni à gauche » (Prov. 4 : 27). Ainsi, au lieu d’être en mauvais exemple et en achoppement aux chrétiens affaiblis et relâchés qui les entouraient, ils serviraient plutôt à les raffermir : « afin que ce qui est boiteux ne se démette pas, mais plutôt guérisse ».
« Poursuivez la paix avec tous, et la sainteté, sans laquelle personne ne verra le Seigneur » (v. 14).
En poursuivant la paix « avec tous », Gentils comme Juifs, ils manifesteraient l’esprit de douceur du Seigneur Jésus et produiraient « le fruit de la justice, dans la paix » (Jac. 3 : 18), comme il convient à des « fils de Dieu » (Matt. 5 : 9). L’apôtre Paul écrivait aux Romains : « Poursuivons ce qui tend à la paix et ce qui tend à l’édification mutuelle » (Rom. 14 : 19).
Sans la sainteté, personne, le Juif pas plus que le Gentil, ne verra le Seigneur. Le Juif avait trop appris à se reposer sur sa descendance d’Abraham, sa circoncision, sa séparation extérieure pour le service de Dieu ou la sainteté « nationale » ; il fallait insister auprès de lui sur la nécessité de la sainteté personnelle (Rom. 2 : 29 ; 2 Cor. 5 : 17 ; Gal. 6 : 15). La sanctification dont il s’agit ici n’est donc plus la sanctification dans le sens lévitique de ce mot ; ce n’est plus uniquement celle qui résulte d’un sacrifice, c’est-à-dire la purification de la conscience selon les prescriptions de la Loi de Moïse (9 : 14 ; 10 : 10) ; c’est essentiellement la sanctification morale, ou la purification du cœur. C’est la séparation d’avec le péché, le nazaréat chrétien. Christ en est le parfait Modèle, et son Esprit, le seul et vrai principe ; mais cette sanctification-là accompagne toujours l’autre. Dieu ne purifie pas la conscience des œuvres mortes sans purifier en même temps le cœur et l’affranchir de ses mauvais penchants, et Il les purifie l’un et l’autre par le même moyen, c’est-à-dire « par la foi » vivante en Christ (Act. 26 : 18). Il n’y a pas de vraie sanctification possible avant la foi et la régénération (Eph. 2 : 10), avant l’union avec Christ par la foi. « Nous ne sommes pas sauvés par la sanctification ; nous le sommes par la grâce, par le moyen de la foi (Eph. 2 : 8) ; mais la grâce et la foi, si elles sont vivantes en nous, ont pour résultat nécessaire et final la sanctification » (M. Bonnet).
« Veillant, de peur que quelqu’un ne manque de la grâce de Dieu ; de peur que quelque racine d’amertume, poussant des rejetons, ne vous trouble, et que par elle un grand nombre ne soient souillés » (v. 15).
L’élu ne peut déchoir entièrement de la grâce, mais rappelons-nous qu’élu et professant ne sont pas du tout comparables ; de là la nécessité de l’avertissement que donne ici l’auteur et que nous ferons bien de prendre en sérieuse considération. C’est un des moyens que le Seigneur emploie pour stimuler notre lenteur naturelle et nous faire persévérer jusqu’à la fin. « Grande est la paresse de notre chair ; elle a donc besoin continuellement d’aiguillons ; le Seigneur touche ainsi nos cœurs, afin que ses exhortations ne restent pas sans effet » (Calvin).
L’infidélité du cœur, la fornication spirituelle, et l’idolâtrie sont comparées à une racine vénéneuse qui peut germer et se développer en secret dans notre âme, empoisonner ensuite notre vie, puis en troubler et en infecter plusieurs. Veillons donc !
« De peur qu’il n’y ait quelque fornicateur, ou profane comme Esaü, qui pour un seul plat vendit son droit de premier-né » (v. 16).
Le mot « fornicateur », quand il n’est pas distinct de celui d’adultère, signifie en général impur ou profane. Ce « profane » traite avec mépris les choses saintes, comme Esaü, qui pour un seul plat a vendu son droit de premier-né (Gen. 25) ; pour une jouissance toute matérielle et passagère, il a sacrifié une bénédiction divine et permanente. « Si nous voulons avoir place au sanctuaire de Dieu, apprenons à mépriser de tels mets, par lesquels Satan a l’habitude d’affriander les réprouvés et les tenir en ses filets » (Calvin). Le droit de premier-né qu’Esaü a vendu à Jacob était le droit d’hériter en plénitude de la bénédiction promise à Abraham (6 : 13-16).
« Vous savez en effet que, même si plus tard il voulut hériter de la bénédiction, il fut rejeté, bien qu’il l’ait recherchée avec larmes ; car il ne trouva pas lieu à la repentance » (v. 17).
Esaü a été réprouvé de toute la bénédiction attachée au droit d’aînesse ; il l’a perdue sans retour et a dû se contenter de la bénédiction inférieure et terrestre qu’Isaac avait prononcée sur lui (Gen. 27 : 39-40). Malgré ses larmes, il n’a pas pu connaître un changement de disposition dans le cœur de son père. Isaac avait parlé sous l’inspiration divine, sa parole était irrévocable.
Le couronnement de la foi
« Vous n’êtes pas venus, en effet, à une montagne qu’on pourrait toucher : feu ardent, obscurité, ténèbres, tempête, son de la trompette, bruit de voix, bruit tel que ceux qui l’avaient entendu demandèrent instamment que la parole ne leur soit plus adressée » (v. 18 et 19).
L’auteur de l’épître donne encore un motif de persévérance en disant aux Hébreux que leurs privilèges sont grands, infiniment plus grands que ceux de leurs ancêtres : ils n’étaient pas venus, comme eux, à une montagne qu’on touche avec la main, palpable, visible, terrestre (Ex. 19 ; Deut. 4 : 10-11). La Loi les tenait à distance sous le « feu ardent » (le jugement de Dieu), dans « l’obscurité et les ténèbres » (loin de sa lumière), dans la « tempête » (la condamnation), entendant le « son de la trompette » (dans la crainte de sa majesté). Ceux qui l’entendirent se refusèrent à ce que la parole leur fût adressée, de cette manière, et demandèrent qu’à l’avenir Dieu leur fit connaître ses volontés par le ministère de Moïse (Ex. 20 : 19 ; Deut. 5 : 24-28).
« Car ils ne pouvaient pas supporter ce qui était enjoint : « Si même une bête touche la montagne, elle sera lapidée » ; et si terrible était ce qui apparaissait que Moïse dit : Je suis épouvanté et tout tremblant » (v. 20-21).
Dans le chapitre 19 de l’Exode, nous lisons qu’un homme ou une bête ne pouvait pas s’approcher de la montagne de Sinaï sous peine de mort (v. 12-13).
L’auteur attribue librement à Moïse ces paroles : « Je suis épouvanté et tout tremblant » consignées plus tard en Deutéronome 9 : 19 ; ce ne sont pas exactement les mêmes mots, mais c’est le même sens. On ne peut, du reste, que trembler sous Sinaï, ainsi que le témoigne Moïse, un serviteur de Dieu parmi les plus éminents et les plus fidèles dans l’Ancien Testament. « Le peuple et Moïse sont frappés de crainte et de frayeur au Sinaï pour nous faire comprendre que le sang de Jésus Christ peut seul nous donner la confiance d’approcher de Dieu, et bannir de nos cœurs la crainte servile de la Loi » (Quesnel).
« Mais vous êtes venus à la montagne de Sion ; et à la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste » (v. 22a).
Tous les traits de cet imposant tableau ne sont pas encore réalisés quant à nous ; mais ils le sont déjà dans la pensée divine et aux yeux de la foi. La montagne de Sion est opposée à la montagne de Sinaï (v. 18) ; tandis que celle-ci n’éveillait que des images de malédiction et de mort, Sion ne parle que de paix et de réconciliation : elle est le lieu de repos éternel, le siège du Seigneur Jésus (Apoc. 14 : 1-5), le centre du culte de la nouvelle alliance. Elle était préfigurée par cette cité terrestre de Sion où Dieu avait établi sa demeure (Ps. 132 : 13-14), où Il était servi, et auprès de laquelle la postérité d’Abraham, après avoir longtemps erré autour du Sinaï, dans les déserts de l’Arabie, avait enfin trouvé un lieu pour s’y reposer (Ps. 107 : 4, 7).
Et la Jérusalem céleste, cité du Dieu vivant (Apoc. 3 : 12) que les patriarches attendaient (11 : 16), est également opposée à la Jérusalem terrestre qui n’en était que l’ombre :
- La première était d’en bas ; elle était l’ouvrage des hommes ; elle était passagère ; elle était particulière à Israël.
- La Jérusalem céleste est d’en haut ; elle est l’ouvrage de Dieu (11 : 10) ; elle est permanente (13 :14) ; elle est la « mère » de tous ceux qui croient, Gentils comme Juifs (Gal. 4 : 25-26) ; elle sera l’habitation de l’homme complètement transformé à la ressemblance de Christ. Aussi, dans l’Apocalypse, la voyons-nous descendre d’auprès de Dieu après la première résurrection ou rédemption du corps (Apoc. 21 : 10). « L’auteur la nomme céleste pour que les Hébreux ne s’arrêtent plus à la terrestre » (Calvin).
« Et à des myriades d’anges, le rassemblement universel ; et à l’assemblée des premiers-nés inscrits dans les cieux ; et à Dieu, juge de tous ; et aux esprits des justes parvenus à la perfection » (v. 22b-23).
Après la cité viennent les habitants :
- « des myriades d’anges » (Dan. 7 : 10), serviteurs du royaume et témoins des immenses richesses de la gloire de Dieu.
- « les premiers-nés inscrits dans les cieux », rendus conformes à l’image du Premier-né (Rom. 8 : 29) – ils forment dès à présent devant Dieu un seul et même corps dont le Christ est la Tête (Eph. 1 : 22-23).
Les Israélites auprès de Sinaï étaient « l’assemblée » (Act. 7 : 38), et l’assemblée des « premiers-nés » (Ex. 4 : 22) ; mais ces premiers-nés n’étaient, en effet, que des Israélites, et leurs noms étaient inscrits sur la terre où ils avaient aussi leur héritage, et dans des registres d’hommes (Nom. 3 : 40). Mais l’ensemble des rachetés, dont Israël était le type, comprend les élus de toutes les nations, dans les cieux, où ils ont leur patrie et leur héritage (Luc 10 : 20 ; Phil. 3 : 20 ; Apoc.13 : 8).
Au centre de la cité, se trouve Dieu, juge suprême de tous, des Gentils comme des Juifs. Il est leur Dieu, comme il est le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, leur Dieu dans un sens bienveillant, très paternel. Israël à Sinaï n’osait s’approcher du Souverain Juge ; l’Eglise s’approche librement de ce même Juge, devenu en Jésus son Dieu, son Père, son Protecteur : « Je leur serai pour Dieu » (8 : 10). « Le Seigneur, juste juge – est mon plus tendre Ami ». La traduction ordinaire de notre passage en dénature le sens qui est tout évangélique.
Les « esprits des justes parvenus à la perfection » sont les croyants de l’Ancien Testament, dont la vie de foi a été rappelée au chapitre 11. Ces justes, ou justifiés par la foi, représentent aussi en fait tous les croyants qui ont terminé leur course terrestre ; parvenus à la perfection dès à présent quant à leur âme, ils attendent auprès du Seigneur la rédemption de leur corps et l’entier accomplissement de la promesse.
« Et à Jésus, médiateur d’une nouvelle alliance ; et au sang d’aspersion qui parle mieux qu’Abel » (v. 24).
Jésus est ici opposé à Moïse ; c’est Lui qui est le centre et le moyen de cette bienheureuse union des anges élus et des rachetés. Il est médiateur de la nouvelle alliance, établie sur de meilleures promesses (ch. 8 et 10).
Le « sang d’aspersion » est le sang qui a ratifié la nouvelle alliance, opposé à celui qui avait ratifié l’ancienne (Ex. 24 : 8 ; Héb. 9 : 15-22). Il est justement appelé ainsi car, versé d’abord sur le Calvaire pour inaugurer et sceller la nouvelle alliance et pour expier le péché, puis, porté dans le sanctuaire céleste par notre Souverain Sacrificateur, il a été répandu devant Dieu sur le vrai propitiatoire (Lév. 16 : 14-15). Il n’a d’ailleurs pour nous d’efficacité, il ne purifie notre conscience, que s’il est appliqué d’abord à notre âme et comme répandu sur elle par le Saint Esprit au moyen de la foi (9 : 14). Voilà ce qu’exprimaient déjà certains rites symboliques de l’ancienne alliance ; ainsi, par exemple, il ne suffisait pas, pour purifier le lépreux, de faire couler devant lui et pour lui le sang de l’oiseau sur l’eau vive du vase de terre destiné à le recevoir ; il fallait encore en faire aspersion sur sa personne (Lév. 14). « Il n’y a que Jésus seul, dit Calvin, par lequel le Père nous soit apaisé, et qui nous rende sa face telle que nous ne craignions point d’aller à lui ; et l’auteur déclare ici comment Christ fait office de Médiateur, par son sang qu’il appelle sang d’aspersion, faisant allusion à la façon ancienne de la Loi de laquelle il a été parlé plus haut (9 : 19-22) ; de même qu’il a été une fois répandu pour nous débarrasser de nos péchés, il faut maintenant que nos âmes soient purifiées par foi ». Heureux celui qui sent le besoin d’en recevoir l’aspersion ; c’est une marque certaine de l’élection : « Elus… pour… l’aspersion du sang de Jésus Christ » (1 Pier. 1 : 2).
Le sang d’aspersion parle mieux qu’Abel. Il y a une voix dans le sang de Christ, comme il y en avait une dans celui d’Abel ; mais, alors que le sang d’Abel criait vengeance contre son frère, celui de Jésus crie grâce, même sur ceux qui l’ont versé ! Il parle à Dieu de miséricorde en notre faveur. Qu’il parle à notre cœur de reconnaissance envers Dieu !
« Prenez garde de ne pas refuser celui qui parle : car s’ils n’ont pas échappé, ceux qui avaient refusé celui qui parlait en oracles sur la terre, combien moins échapperons-nous, si nous nous détournons de celui qui parle ainsi des cieux » (v. 25).
Tel est le privilège, telle aussi est la responsabilité. Prenez garde (3 : 12), ajoute l’auteur, de refuser, rejeter, ou mépriser ; le mot grec est le même qu’au verset 19 : ils « se refusèrent à ce que la parole leur fût plus adressée ». Ce terme « refuser » signifie proprement prier, supplier pour qu’une chose n’arrive pas, prier pour qu’elle soit détournée ; il signifie aussi répudier, récuser, refuser d’écouter.
Celui qui parle est Dieu. Il parle par le Fils « dans le Fils » (1 : 2) et par l’Esprit du Fils envoyé du ciel où Il se trouve maintenant (Eph. 4 : 8-12).
Ceux qui ont refusé d’écouter celui qui, sur la terre, les avertissait de la part de Dieu, n’ont pas échappé. Alors combien moins échapperons-nous, si nous nous détournons de Celui qui nous avertit des cieux. C’est toujours de l’apostasie qu’il est question (2 : 1-4 ; 10 : 28-31). Dieu avait parlé ou averti par Moïse au Sinaï (v. 18-21), Il avait parlé sur la terre. Il parle ou avertit maintenant par Jésus et par l’Esprit envoyé du ciel où Jésus siège à la droite du Père (v. 22-24). Il avait parlé selon la Loi, en jugement (v. 18-21). Il parle maintenant en grâce, pour le salut - ce qui aggrave singulièrement la culpabilité de ceux qui ne l’écoutent pas.
« Lui dont la voix ébranla alors la terre ! Mais maintenant il a fait cette promesse : « Encore une fois je secouerai non seulement la terre, mais aussi le ciel » (v. 26).
Ebranler et remuer expriment une grande révolution morale. Dieu ébranla la terre lorsque au Sinaï, Il traita, avec une nation de ce monde, la première alliance, terrestre à tous égards, dans ses enfants, dans ses promesses, son héritage, son sanctuaire, son sacerdoce, son culte. Plus tard, Il ébranla ou secoua non seulement la terre, mais aussi le ciel, lorsqu’à Jérusalem, et dans ce même temple que Jésus avait honoré de sa présence, Il inaugurera la nouvelle alliance, toute spirituelle et toute céleste, dans le Chef maintenant glorifié, dans ses enfants, Gentils et Juifs, à qui le ciel est désormais ouvert, dans ses promesses, son héritage, son tabernacle, son sacerdoce, et tout son culte. La parole d’Aggée (2 : 6-7), citée ici par l’auteur, exprime donc la grande et dernière révolution morale que devaient opérer dans le monde la venue du Messie, la descente du Consolateur et la prédication de l’évangile. Alors, la première alliance, avec son tabernacle fait de main d’homme, son sacerdoce et son culte, céda la place à la seconde et nouvelle alliance qui doit demeurer à toujours.
C’est l’interprétation ordinaire du passage. Mais la première venue du Messie et l’établissement de la nouvelle alliance en ont-elles épuisé le sens ? Il est permis d’en douter. Aggée, selon les habitudes de la prophétie, embrasse d’un seul coup d’œil les deux venues du Messie, la seconde comme la première, et le changement qui doit s’opérer dans le monde à son prochain avènement, comme celui qui s’opéra lors de sa première venue. Ainsi les versets d’Aggée (2 : 6, 20-23), ainsi que les versets 26 et 27 de notre chapitre et leurs nombreux parallèles, auxquels on n’attribue ordinairement qu’une signification figurée, obtiendront leur plein et littéral accomplissement. Les royaumes de la terre (les quatre empires) seront jugés, les nations soumises au Christ représenté par Zorobabel ; puis, les choses qui ont été faites pour un temps, les « premières » choses, feront place aux choses nouvelles, aux nouveaux cieux, à la nouvelle terre, à la nouvelle Jérusalem, qui doivent subsister éternellement (Apoc. 21 ; 2 Pier. 3 : 13). « Tout l’état du monde doit être changé à l’avènement de Christ, car tout ce qui est créé est sujet à corruption » (Calvin).
Cette manière plus large d’entendre le passage a l’avantage de ne pas rompre la suite et l’enchaînement des idées : en effet, l’auteur, après avoir parlé aux Hébreux de l’infinie supériorité de leurs privilèges, ajoute ici qu’ils s’exposeraient infailliblement à un jugement d’autant plus terrible s’ils méprisaient de si magnifiques prérogatives, et il poursuit évidemment le développement de la même pensée jusqu’à cette parole qui la termine et la résume si naturellement : « Car aussi notre Dieu est un feu consumant » (v. 29). C’est le même ordre d’idées qu’au chapitre 2 : 1-4 ; 3 : 7-19 ; 4 : 1-8 ; 10 : 28-30) ; c’est essentiellement d’un jugement qu’il s’agit, et il est encore à venir.
« Ces mots : « Encore une fois » indiquent le changement des choses ainsi ébranlées, en tant que choses créées, afin que demeurent celles qui sont immuables » (v. 27).
L’expression « encore une fois », montrant que ce n’est plus qu’une fois, une seconde et dernière fois, indique le déplacement dans le temps ou le changement final (7 : 12) des choses ébranlées à Sinaï, en tant que choses qui ont été faites pour un temps seulement - les cieux et la terre actuels. Nous pouvons regarder vers celles qui ne sont pas ébranlées, qui ne peuvent l’être, le royaume de Christ (v. 28), les nouveaux cieux et la nouvelle terre qui demeurent à toujours.
« C’est pourquoi, recevant un royaume inébranlable, retenons la grâce et, par elle, servons Dieu d’une manière qui lui soit agréable, avec révérence et avec crainte » (v. 28).
Le croyant reçoit par la foi, et comme un don gratuit (4 : 16), un royaume inébranlable. Il existe déjà sur la terre, mais dans un état de mélange et d’imperfection ; il sera purifié au jour de Christ (Matt. 13 : 36-43). La foi qui rend l’avenir présent le reçoit dès maintenant ; elle en saisit d’avance toutes les gloires et toutes les félicités.
« Retenons la grâce », la faveur libre et imméritée de Dieu, son amour gratuit et les effets de cet amour, avant tout le pardon des péchés (Rom. 5 : 15). Retenir la grâce, c’est non seulement demeurer ferme dans la foi en la libre faveur de Dieu, et dans la profession de cette foi (Act. 13 : 43), mais encore et par-dessus tout l’avoir, la posséder en soi, opérant avec puissance sous l’influence du Saint Esprit, et produisant les fruits de la consolation et de sanctification qui lui sont propres.
Ce culte, ce « service intelligent » conforme à la Parole est agréable à Dieu ; il est avant tout la consécration de notre personne entière au Dieu de l’évangile (Rom. 12 : 1). Deux choses pourraient empêcher de le lui rendre d’une manière qui lui soit agréable : l’esprit de crainte légale, de servitude, et l’esprit de légèreté, de mondanité. Or, la grâce est également opposée à ces deux choses : pour éviter la première, retenons d’une main ferme la doctrine de l’expiation et de ses bienheureuses conséquences ; et, pour éviter la seconde, rappelons-nous que si Dieu est amour, Il est aussi sainteté, il est justice, et que s’Il pardonne, c’est afin qu’on le craigne (Héb. 10 : 26-31 ; Ps. 130 : 4). Sa légitime indignation contre le péché, souvent révélée des cieux, n’éclata jamais avec plus de force que dans la mort de son Fils unique, notre divin Garant. La grâce, que nous sommes exhortés ici à retenir pour que nous puissions servir Dieu d’une manière qui lui soit agréable, n’exclut pas la crainte, la crainte filiale ; elle l’inspire, au contraire, et la nourrit.
« Car aussi notre Dieu est un feu consumant » (v. 29).
Oui, le Dieu de l’évangile, est un feu consumant (Deut. 4 : 24). Dieu fort et jaloux, « il ne souffre en ceux qui veulent lui appartenir, ni idole, ni souillure, parce qu’Il veut les posséder seul et tout entiers » (M. Bonnet).
D’après E. Guers