ETUDE SUR L’EPITRE AUX HEBREUX (12a)
CHAPITRE 12
Vers Jésus Christ, le vrai but (10 : 19 à 13 : 25)
L’auteur de l’épître vient de tracer le tableau de la foi des fidèles de l’Ancien Testament. Il a rappelé les effets merveilleux de cette foi : l’obéissance, le renoncement au monde, la constance, le courage qu’elle avait inspirés à ces croyants d’autrefois, bien moins privilégiés cependant que ne l’étaient les Hébreux. Maintenant, au début du chapitre 12, il invite ceux-ci à suivre leurs pieux ancêtres dans le chemin de la foi qu’ils avaient parcouru avant eux. C’est l’application de tout ce qui précède.
Seulement l’image de la course dans les jeux publics de la Grèce et de l’Orient - emblème souvent utilisé par l’apôtre Paul (1 Cor. 9 : 24-27 ; Phil. 3 : 13-14 ; 2 Tim. 2 : 5) - a remplacé celui du voyage ou pèlerinage qu’on trouve au chapitre 11. A un signal donné, les combattants s’élancent d’un point commun, la ligne de départ, pour atteindre le but placé à l’autre extrémité du stade. Là siégeait, sur une sorte de trône, le juge ou président des jeux. C’est lui qui avait ouvert la course et lui aussi qui allait couronner le vainqueur. Une foule de témoins ou de spectateurs, rangés en amphithéâtre autour du stade, encourageaient de leurs applaudissements les compétiteurs qui, pour mieux accomplir leur course, s’étaient débarrassés de tout ce qui aurait pu la ralentir.
Les coureurs sont ici l’image des disciples de Jésus. La course, c’est leur vie à partir du moment de leur conversion. Le but, le prix, c’est toujours la rémunération, la consommation, la cité qui est à venir. Le président de la course, c’est le Seigneur Jésus. La foule des spectateurs, ce sont les anciens, la « nuée de témoins » du chapitre 11. Ils ont couru en leur temps ; maintenant ils sont assis, ils se reposent, et contemplent, en quelque sorte, ceux qui courent après eux dans le stade. Suivons l’exemple qu’ils nous ont légué. Dédaignant les biens, le repos, la gloire d’ici-bas, traversons comme eux ce monde en étrangers et en voyageurs qui cherchent une meilleure patrie. En avant ! Telle fut, en réalité, leur devise ; que ce soit aussi la nôtre. Et, pour mieux accomplir notre course, rejetons tout ce qui pourrait l’entraver, regardant, comme eux encore, à la rémunération qui en sera le terme et le prix (11 : 26).
A l’exemple des anciens, est ajouté celui du Seigneur au verset 2, vrai homme comme Il est vrai Dieu. Jésus lui-même a couru dans le stade ; il a fourni patiemment sa carrière, soutenu qu’Il était par la perspective de la joie qui devait être le prix de ses humiliations et de ses douleurs. Il « a enduré la croix » et « méprisé la honte ». Maintenant Il ne court plus, Il se repose. Assis à la droite du Père, Il est à la fois le président de la course, le guide et le modèle des coureurs. Il est le juste Juge qui a déjà pleinement accompli la course de la foi. Il fallait que les Hébreux tiennent leurs regards fixés sur Lui, qu’ils considèrent Celui que l’inimitié du monde a poursuivi jusque sur le Calvaire, et qu’ils s’arrêtent devant sa croix sanglante. Alors ils ne se laisseraient pas abattre à la vue de ce qu’ils pourraient avoir encore à souffrir pour son Nom (v. 2-3).
Un autre motif de persévérance est donné ensuite (v. 4-11) : l’auteur le puise dans le côté moral des afflictions que les chrétiens endurent. Eprouvés déjà de bien des manières (10 : 32-33) - mais beaucoup moins cependant que ne l’avaient été les témoins du chapitre 11, et surtout leur divin Chef (12 : 2-3), puisqu’ils n’avaient pas encore versé leur sang pour la cause de la vérité -, les Hébreux auraient-ils oublié l’exhortation qui s’adresse à eux comme à des fils : « Mon fils, ne méprise pas la discipline du Seigneur, et ne te décourage pas quand tu es repris par lui » ? Cette parole est empruntée au livre des Proverbes (3 : 11). La suivante en est également tirée (v. 12) : « Car celui que le Seigneur aime, il le discipline, et il fouette tout fils qu’il agrée ». Tel est, en effet, le vrai caractère des châtiments que le Seigneur inflige aux siens : c’est une répréhension toute paternelle, un gage de son amour, plutôt qu’une marque de son courroux ; être exempt de correction, surtout à ce genre de correction auquel la foi nous expose, serait une preuve que nous n’appartenons pas à Dieu, que nous ne sommes pas de Sa maison.
Après avoir montré le vrai caractère de l’épreuve, l’auteur en indique aussi le but, et présente les raisons que nous avons de nous y soumettre. Nos pères terrestres nous ont corrigés, dit-il, et nous les avons respectés ; ne serons-nous pas à bien plus forte raison soumis au Père des esprits quand Il nous corrige ? Il y eut souvent de l’arbitraire chez nos pères, des vues erronées dans leur discipline d’un jour ; mais le Père céleste nous corrige toujours avec sagesse, et pour notre éternel profit ; il veut nous rendre participants de sa sainteté, afin de nous rendre ainsi capables de posséder un jour l’héritage auquel Il nous destine (9 : 15). La correction sera bien toujours en elle-même un sujet de tristesse et non de joie. Dieu, comme on l’a dit, n’abaisse pas sur nous son bâton pour que nous ne le sentions pas ; mais on ne tarde pas à éprouver qu’Il produit le fruit paisible de la justice chez ceux qui ont été exercés par la discipline. C’est pourquoi, dit l’auteur à ses lecteurs, reprenez courage (v. 12 et 13) et, sans vous laisser arrêter par aucun obstacle, courez droit au but de la céleste vocation.
Puis, une autre exhortation est donnée : poursuivre la paix avec tous leurs frères, Gentils comme Juifs, et généralement avec tous les hommes, mais jamais au préjudice de la paix avec Dieu et de la sainteté que nous devons poursuivre avec la même ardeur (v. 14). Sans elle, en effet, nul ne verra le Seigneur, nul n’entrera dans la cité qu’Il a préparée pour ceux qui l’aiment (Apoc. 21). De même, nous sommes invités à veiller les uns sur les autres dans l’amour (v. 15-17), afin que nul ne se prive, par le retour au monde et par l’apostasie, de la grâce qui est en Jésus Christ, afin que rien (aucune racine d’amertume, aucune infidélité, aucune idolâtrie secrète) ne les trouble et ne les infecte en se développant au milieu d’eux (Deut. 29 : 18), et qu’il n’y ait parmi eux ni cœur impur, ni cœur profane, terrestre, charnel qui, nouvel Esaü, échange, contre de passagères et misérables jouissances, l’immortelle couronne des premiers-nés. Car vous savez, continue l’auteur, que voulant obtenir ensuite la bénédiction du droit d'aînesse et les glorieux privilèges qui y étaient attachés, Esaü fut rejeté de son père, et, par conséquent, de Dieu lui-même.
L’exemple d’Esaü, exemple bien à propos, et la menace indirecte qui l’accompagne, étaient pour les Hébreux un sérieux « prenez-garde à vous ». Ainsi étaient introduites tout naturellement les graves instructions qui suivent.
Une nouvelle raison de persévérer jusqu’à la fin dans la profession de la vérité est encore donnée : le jugement auquel s’exposent ceux qui rejettent l’Evangile est d’autant plus terrible que celui-ci est infiniment supérieur à la Loi (v. 18-29). L’auteur ramène encore une fois ce sujet important et le résume en peu de mots. Le parallèle qu’il trace entre les deux économies revient à trois idées principales exprimées ou sous-entendues :
- L’économie de la Loi était temporelle, terrestre, provisoire et symbolique : c’était Sion, la Jérusalem d’en-bas, le sanctuaire terrestre, le sacerdoce typique. L’économie évangélique, au contraire, céleste, immatérielle, éternelle dans son essence, est la substance et la vérité de toutes les ombres de la Loi, la vraie Sion, dans laquelle règne l’Agneau (Apoc. 14), la Jérusalem d’en-haut, cité du Dieu vivant, où le Seigneur réside dans la plénitude de sa gloire, le vrai sanctuaire. Elle est le centre du culte de son peuple, le rendez-vous général de sa famille, où s’élève le vrai trône de Dieu, où paraît devant Lui le vrai Souverain Sacrificateur accomplissant son ministère au milieu des cris d’allégresse et des chants de triomphe des innombrables légions d’anges élus, rangés autour du trône selon les degrés de leur sublime hiérarchie.
- L’ancienne « économie » était limitée à Israël, tandis que la nouvelle embrasse toutes les nations, l’Israël selon l’Esprit, composé de tous les rachetés, Gentils comme Juifs, qui ont combattu, qui combattent ou combattront jusqu’à la fin des temps, et dont les noms sont inscrits, non plus sur la terre et dans des registres humains (Nom. 3), mais dans les cieux mêmes et dans le livre de vie de l’Agneau.
- La première économie, c’était la Loi, publiée par le ministère des anges, et au milieu des plus effrayants prodiges. C’est ici le trait le plus saillant du parallèle. La première économie, c’était le feu brûlant, l’obscurité, le retentissement des trompettes, la tempête ; en un mot, c’était la majesté redoutable du souverain Juge, et tout le formidable appareil de Sinaï. La seconde économie, au contraire, c’est la grâce avec ses douces et riantes images, avec ses resplendissantes clartés et ses ineffables privilèges. Ce sont les saintes myriades des anges élus, qui ne sont plus là comme les publicateurs de la Loi de Dieu et les ministres de sa justice (Deut. 33 : 2 ; Ps. 68 : 17 ; Act. 7 : 53), mais comme les compagnons des rachetés dont ils partagent le bonheur ; c’est le Juge, mais le Juge devenu Dieu et par conséquent Protecteur et Ami de tous ceux qui croient, Juifs et Gentils. Ce sont les esprits des croyants qui ont été justifiés par cette foi qui leur a valu un bon témoignage (ch. 11), et qui, parvenus au repos éternel après une longue et laborieuse course, jouissent maintenant de la souveraine béatitude en attendant la rédemption de leurs corps et la plénitude de la perfection (11 : 40). C’est le Médiateur d’une nouvelle alliance établie sur de meilleures promesses (ch. 8), Jésus, tacitement opposé à Moïse et à Aaron, le Fils et le Seigneur opposé aux serviteurs, le Héraut de la grâce opposé à ceux de la Loi (ch. 3). Enfin, c’est le sang de la nouvelle alliance, opposé de même à celui des victimes « légales », le sang précieux répandu par Jésus sur la terre et contemplé dans les cieux où il parle de meilleures choses que celui d’Abel.
Telle est la « nouvelle » dispensation. Elle l’emporte sur la première de même que le céleste l’emporte sur le terrestre, la vérité sur l’ombre, ce qui est universel et permanent, sur ce qui était purement national et temporaire, la grâce, enfin avec tous ses bienfaits sur la Loi avec toutes ses terreurs.
Après l’exposé du privilège, l’auteur en arrive naturellement à la responsabilité (v. 25-29) : il fallait donc que les Hébreux prennent garde de ne pas refuser « celui qui parle » maintenant. En effet, si ceux-là n’échappèrent point au châtiment de Dieu - ayant méprisé Celui qui parlait sur la terre, au Sinaï, et qui parlait de la Loi -, « combien moins échapperons-nous, si nous nous détournons de celui qui parle ainsi des cieux…! ». Il parle dans le Fils, en Jésus (1 : 2), par son Esprit envoyé du ciel, et Il parle en grâce !
C’est toujours le retour au monde, l’apostasie, que l’auteur de l’épître a spécialement en vue. Dieu la frappera des peines les plus sévères au jour de la manifestation de son juste jugement. Déjà lors de la publication de la Loi au Sinaï, les châtiments infligés à l’incrédulité, remplirent d’un tel sentiment de terreur ceux qui en furent les témoins, mais que sera-ce quand Il viendra pour juger l’endurcissement et l'abandon ! Il n’ébranla alors que la terre (v. 18-19) ; mais, selon la parole d’Aggée (2 : 6-7, 20-23 ; 2 Pier. 3 : 10 ; Apoc. 6), Il secouera non seulement la terre, mais aussi le ciel, afin que les choses ébranlées, et qui ne doivent durer qu’un temps, cèdent la place à celles qui ne peuvent être ébranlées, à ce royaume de gloire qui doit durer éternellement (Apoc. 21 et 22).
L’exhortation qui clôt le chapitre (v. 28-29), introduite par « c’est pourquoi », découle de ce qui vient d’être dit. Recevant, dans la sûre et fidèle promesse de Dieu, un royaume inébranlable, qui, commencé ici-bas, doit subsister à toujours, retenons dans nos cœurs, non la Loi qui a fait son temps, mais la grâce qui demeure à jamais. Elle seule peut nous rendre capables de servir Dieu comme Il veut être servi, c’est-à-dire, dans l’esprit filial de l’évangile, en même temps qu’avec respect et avec crainte. Mais, le Dieu de la bonne nouvelle est aussi, « chose terrible » pour ceux qui le rejettent, un feu dont les ardeurs les consumeront au jour d’éternité (Héb. 10 : 27, 31).
La course de la foi en fixant les yeux sur Jésus
« C’est pourquoi, nous aussi, ayant une si grande nuée de témoins qui nous entoure, rejetant tout fardeau et le péché qui nous enveloppe si facilement, courons avec patience la course qui est devant nous, les yeux fixés sur Jésus » (v. 1).
L’expression « une si grande nuée de témoins » désigne les témoins (ou martyrs) d’autrefois présentés dans le chapitre précèdent. Spectateurs après avoir été coureurs, ils forment maintenant, selon l’image d’une course antique, la foule présente dans l’amphithéâtre, « ceux qui nous entourent ». Mais il ne faut pas trop forcer l’image. Les anciens, après avoir couru, se reposent, et le souvenir de leur foi et de son heureuse issue, doit nous engager à persévérer comme eux jusqu’à la fin : voilà tout ce que l’auteur veut dire. En tout cas, ce n’est pas sur eux qu’il nous invite à porter nos regards, mais uniquement sur Jésus, comme les coureurs grecs portaient les leurs, non sur les spectateurs, ce qui aurait été le sûr moyen de manquer le but et la couronne, mais, en pensée, sur le président de la course et sur le prix.
Nous avons à rejeter tout fardeau, tout ce qui peut nous embarrasser ou nous retarder dans la course : pensées, affections, soucis de la terre... « Quiconque veut courir en la course de Christ, premièrement qu’il se dépêtre de tous empêchements, car nous ne sommes déjà que trop tardifs et pesants, quand encore il ne viendrait aucun retardement d’ailleurs » (Calvin).
« Le péché qui nous enveloppe si facilement » entrave également la course du croyant - le péché en général, spécialement la faiblesse et le manque d'énergie dans la profession de l’espérance chrétienne. Ce péché qui préoccupe l’auteur ici est comme une plante rampante qui a bientôt enlacé de ses filaments l’objet auquel elle s’attache ; ainsi ce péché-là, et tout péché non jugé, enveloppe facilement le chrétien, l’embarrasse dans sa course et peut même l’arrêter entièrement !
« Courons avec patience (6 : 12 ; 10 : 36...) la course qui est devant nous. Montrons cet « empressement pour la pleine certitude de l’espérance jusqu’au bout » (6 : 10-11). La piste du stade nous est ouverte, et au bout il y a « ce qui est promis » (10 : 36), « le prix de l’appel céleste de Dieu » (Phil 3 : 14).
« Les yeux fixés sur Jésus, le chef de la foi et celui qui l’accomplit pleinement, lui qui, à cause de la joie qui était devant lui, a enduré la croix, ayant méprisé la honte, et est assis à la droite du trône de Dieu » (v. 2).
« Fixés sur Jésus », les yeux se détournent de tout autre objet pour les arrêter sur Lui seul, le contemplant, le considérant de près (v. 3), non plus seulement comme Apôtre et Souverain Sacrificateur de notre confession (3 : 1), mais aussi comme Prince de la foi, « celui qui l’accomplit pleinement ». Pour mieux comprendre le mot qui est traduit par cette dernière expression, il faut rester dans l’image : le prince ou conducteur dans la course chrétienne, est celui qui va devant, qui donne l’exemple, qui invite, encourage, entraîne les autres à le suivre. En un mot, c’est leur Guide et leur Modèle. Il est le Prince du salut amenant de nombreux fils à la gloire (2 : 10). Selon certaines traductions de ce passage, Il est le « consommateur » de la foi, Celui qui, arrivé le premier au but, et maintenant couronné de gloire et d’honneur à la droite du Père, doit poser un jour sur le front de ceux qui auront couru fidèlement après Lui dans le stade, la couronne de justice qu’Il leur montre dès à présent pour enflammer leur ardeur (2 Tim. 4 : 7-8). Autrefois coureur, maintenant Juge et Président de la course, Il les soutient, Il les anime de son puissant regard. « Christ ne nous propose pas seulement le prix, mais Il nous tend la main, Il nous fournit de force et vaillance ; Il nous prépare et nous rend propres à commencer la course, et, par sa vertu, nous fait aller jusqu’au but » (Calvin).
Jésus « a enduré la croix » (Phil. 2 : 7-8), « ayant méprisé la honte » qui s’attache au service de Dieu dans un monde qui Le hait et qui est en pleine révolte contre Lui.
Mais Christ a aussi supporté la honte de la croix « à cause de la joie qui était devant lui », en vue de la joie et de la gloire qui Lui étaient personnellement réservées, et qu’Il voulait faire servir au salut des siens et partager avec eux (Ps. 16 : 11 ; Jean 17 : 4-5).
Il est « assis à la droite du trône de Dieu », non plus comme Souverain Sacrificateur seulement (1 : 3 ; 8 : 1 ; 10 : 12), mais comme ayant accompli, avec une fidélité infinie, la volonté de Dieu (Ps. 40 : 8 ; Jean 4 : 34) - l’œuvre que le Père Lui avait donnée à faire est parfaitement achevée (Jean 17 : 4).
« Car considérez celui qui a enduré une telle contradiction de la part des pécheurs contre lui-même, afin que vous ne soyez pas lassés, étant découragés dans vos âmes » (v. 3).
Cette dernière parole comprend tout ce que le Christ a souffert de la part des hommes, supportant leur opposition, leur haine et leur méchanceté (Ps. 109 : 4-5). Siméon avait dit à Marie : « Celui-ci (Jésus) est là… pour un signe que l’on contredira » (Luc 2 : 34). Soutenus et encouragés par son exemple, nous ne serons pas lassés, étant découragés dans nos âmes, par l’opposition des méchants.
« Vous n’avez pas encore résisté jusqu’au sang en combattant contre le péché » (v. 4).
C’est toujours le combat de la vie chrétienne, combat à mort contre le péché, que l’auteur envisage ici. Il le présente sous une autre image également familière à ses lecteurs : celle de la lutte corps à corps, ou du pugilat. Les combattants, armés du ceste (sorte de courroie de cuir ou de fer qui entourait les mains) cherchaient à se porter mutuellement des coups mortels. Les croyants hébreux de cette génération avaient été privés de leurs biens, battus et emprisonnés pour l’évangile (10 : 33-34), mais aucun d’eux n’avait encore été mis à mort ; non que les persécutions sanglantes ne fussent plus du goût des Juifs, mais les Romains, alors maîtres de la Judée, ne les autorisaient pas. Cependant les Hébreux, quoique traités moins sévèrement par un monde impie, que ne l’avaient été les fidèles de l’ancienne alliance et le Seigneur Jésus lui-même, ne cessaient pas de faiblir dans la profession publique de la vérité, et c’est ce que l’auteur de l’épître leur reproche (v. 3 ; 4 et 12). Le péché qu’il a surtout en vue est toujours celui que nous venons d’indiquer (v. 1). La vie du croyant est un long et incessant combat contre ce péché-là, celui du laisser-aller dans la vie chrétienne, et contre tous les autres qui nous enveloppent si facilement appelés ici « le péché ».
La discipline paternelle
« Vous avez oublié l’exhortation qui s’adresse à vous comme à des fils : « Mon fils, ne méprise pas la discipline du Seigneur, et ne te décourage pas quand tu es repris par lui ; car celui que le Seigneur aime, il le discipline, et il fouette tout fils qu’il agrée » (v. 5 et 6).
« Mon fils ! ». Calvin dit que, dans la pensée de l’auteur, « ce nom doux et gracieux doit nous attirer tellement que cette exhortation va jusqu’au plus profond de nos cœurs ».
L’exhortation donnée ici signale deux extrêmes qu’il importe d’éviter également :
- d’une part « mépriser » la discipline, c’est-à-dire prendre à la légère la correction du Seigneur, ne pas l’accepter, se raidir contre elle, ne considérant pas d’où elle vient, et dans quel but elle nous est infligée ;
- de l’autre, « se décourager », défaillir sous la discipline, au lieu de la faire servir à notre sanctification - ce dernier cas était plutôt celui des Hébreux.
« Vous endurez des peines comme discipline : Dieu agit envers vous comme envers des fils, car quel est le fils que le père ne discipline pas ? » (v. 7).
Les afflictions dont il s’agit dans ce verset et les suivants, sont en général toutes les épreuves, mais plus spécialement celles qui, généralement, accompagnent la profession de l’évangile. Le mot grec, rendu par « discipline », en indique le vrai caractère : c’est proprement l’enseignement qu’un père donne à son fils en le corrigeant. Les épreuves du chrétien ne sont, en effet, dans la main de Dieu, que de paternelles corrections. « Ce sont, dit Calvin, des remèdes qu’Il emploie pour détruire en nous le péché ; des moyens dont Il use pour nous retenir sous le joug de sa discipline, de peur que notre chair ne se débauche ».
Le jugement de Dieu commence par sa maison, afin que nous ne soyons pas condamnés avec le monde (1 Pier. 4 : 17 ; 1 Cor. 11 : 32). « Quoiqu’Il punisse indifféremment tant les étrangers que les domestiques (les gens de sa maison), toutefois, Il déploie tellement son bras envers ces derniers, que cependant Il montre qu’Il a un soin particulier d’eux. Tout fidèle, quand il est châtié, doit penser aussitôt que cela lui advient parce qu’il est aimé de Lui » (Calvin). Toute discipline dispensée par le Seigneur aux siens est motivée par son amour : « Moi, je reprends et je châtie tous ceux que j’aime » (Apoc. 3 : 19).
« Si vous êtes exempts de la discipline à laquelle tous participent, alors vous êtes des bâtards, et non pas des fils. De plus, nous avons eu nos pères terrestres pour nous discipliner, et nous les avons respectés ; à plus forte raison, ne serons-nous pas soumis au Père des esprits et nous vivrons ? » (v. 8-9).
L’éducation que nous recevons du « Père des esprits » prouve que nous sommes des fils, des enfants légitimes. Si nous étions « exempts de la discipline », nous serions des « bâtards », et, par conséquent, nous n’aurions point de part à l’héritage du Père. « Nous n’estimons pas le bénéfice de l’adoption comme il convient de le faire, et rejetons toute la grâce de Dieu quand nous nous soustrayons à sa verge » (Calvin).
Nos « pères terrestres » sont ainsi nommés parce qu’ils ont été les instruments de la génération de nos corps. Nous les avons respectés quand ils nous châtiaient ; ne serons-nous pas soumis au Père des esprits et nous vivrons de la vie éternelle et bienheureuse ? Dieu est le Père des esprits, le « Dieu des esprits de toute chair » (Nom. 16 : 22 ; 27 : 16) ; c’est Lui qui nous a donné la vie (Job 33 : 4) et un esprit qui nous permet d’entrer en relation avec Lui (Zach. 12 : 7). « Parce qu’en les créant, Il ne se sert pas des hommes et qu’Il les réforme miraculeusement par la vertu de son Esprit, Il est appelé le Père des esprits » (Calvin). Non seulement Il produit en nous la vie véritable - la vie divine - par sa Parole et son Esprit, mais encore Il la maintient et la développe par le moyen éducateur de l’épreuve.
« Car ceux-là disciplinaient pendant peu de jours, comme ils le trouvaient bon ; mais celui-ci le fait pour notre profit, afin que nous participions à sa sainteté. Or aucune discipline, pour le présent, ne semble être un sujet de joie, mais plutôt de tristesse ; cependant, plus tard, elle rend le fruit paisible de la justice à ceux qui sont exercés par elle » (v. 10-11).
L’éducation de nos « pères terrestres » donnée « comme ils le trouvaient bon », a été sans doute faillible. Elle n’était que pour « peu de jours », pour ces quelques matins et ces quelques soirs qu’on appelle la vie. Mais le « Père des esprits » nous discipline « pour notre profit ». Cette éducation paternelle a deux buts :
- « afin que nous participions à sa sainteté », et par là même à sa félicité : la sainteté est ici l’entière consécration à Dieu, la séparation de tout mal ;
- « rendre le fruit paisible de la justice à ceux qui sont exercés par elle » : la correction, d’abord amère, produit souvent au début agitation, impatience, et murmures ; mais le fruit qu’elle rend pour le fidèle est finalement doux et agréable. « Après que nous avons été châtiés, nous connaissons d’esprit rassis quel profit nous a apporté ce qui nous semblait auparavant aigre et fâcheux » (Calvin).
Fidèle discipline d’un Dieu de sainteté,
Où la grâce divine abonde en fruit porté !
Tu formes sur la terre tes bien-aimés enfants.
Sois loué, tendre Père, pour tes soins vigilants !
D’après E. Guers