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ETUDE SUR L’EPITRE AUX HEBREUX (10a)

                                         

 CHAPITRE 10

                        Avec Jésus Christ, un meilleur sacrifice (9 : 11 à 10 : 18)

            L’auteur de l’épître vient de justifier, aux yeux de ses lecteurs, juifs de naissance, la mort du Messie (ch. 9) ; il leur a montré en particulier qu’elle était nécessaire pour abolir le péché. Il montre maintenant, au chapitre 10, que seule cette mort pouvait le faire. En opposant la puissance du grand sacrifice de l’évangile à l’impuissance des sacrifices de la Loi, il termine ainsi toute son argumentation insistant sur l’infinie supériorité du sacerdoce de Jésus Christ.
            Les sacrifices de la Loi étaient voulus par Dieu, parfaits pour leur temps, et à leur place. Ils avaient un double but : purifier le peuple quant à la chair, et préfigurer le sacrifice qui le purifierait moralement (9 : 13-14). Cependant ces sacrifices, spécialement ceux de la solennité du jour des propitiations, étaient naturellement impuissants quant à la purification réelle, celle de la conscience. C’est ce que l’auteur établit dès le premier verset du chapitre 10 : la Loi n’avait que « l’ombre des biens à venir », l’ombre de la vraie propitiation et de ses bienheureux effets ; elle n’avait aussi que l’ombre du vrai sacrificateur. Elle n’avait pas « l’image même », c’est-à-dire le corps, la substance, la réalité des choses. Or, comment avec des « ombres », aurait-elle pu ôter le péché, purifier et « rendre parfaits » ceux qui s’approchent de Dieu par son moyen ?
            Cette même impuissance des sacrifices de la Loi est confirmée ensuite par le sentiment intime des adorateurs ; car si de tels sacrifices avaient véritablement expié les offenses, ceux en faveur desquels ils étaient offerts n’auraient plus eu le sentiment douloureux de leurs péchés ; leur conscience n’en aurait plus été chargée, et dès lors on aurait cessé de les offrir. Le fait même de leur continuelle répétition fournit à l’auteur une autre preuve de leur impuissance (v. 3) ; en effet, s’ils avaient réellement purifié la conscience, on n’aurait pas eu besoin de les renouveler chaque année (Lév. 16) ; toute répétition met en évidence dans ce cas l’imperfection, l’insuffisance. Elle est démontrée, enfin, par la nature même des choses (v. 4) : que pouvait avoir de commun le sang des bêtes avec l’abolition du péché et la purification de la conscience et quel rapport y a-t-il entre l’effusion de ce sang et la satisfaction réelle de la justice de Dieu ? A ce point de vue, Dieu n’agrée pas les sacrifices. Il n’approuve pas non plus qu’on les continue au-delà du temps qu’Il avait marqué pour leur durée, les ayant désormais remplacés, selon sa promesse, par le vrai sacrifice, le seul sacrifice expiatoire.
            L’auteur en appelle encore à cette Parole infaillible, dont les Hébreux reconnaissaient unanimement la suprême autorité (v. 5-10). Elle annonçait effectivement, au Psaume 40 : 6-8, la substitution future du sacrifice du Messie à toutes les offrandes de la Loi comme ne pouvant expier le péché, le remplacement de la première institution sacerdotale par une nouvelle institution qui doit demeurer à toujours, selon l’irrévocable volonté de Dieu qui avait d’avance arrêté par devers Lui le salut de son peuple et le moyen de ce salut : la mort de Jésus Christ. Or, c’est par cette volonté, que le Fils a parfaitement accomplie en s’offrant lui-même à Dieu pour nous, que nous sommes sanctifiés, c’est-à-dire purifiés de tous nos péchés.

            L’expression symbolique la plus frappante de la vérité exposée dans ce chapitre - et peut-être aussi le trait le plus saillant, le plus caractéristique du parallèle entre les deux sacerdoces - se trouve dans les versets 11 à 14. Tandis que les sacrificateurs lévitiques se tiennent continuellement debout, offrant plusieurs fois les mêmes sacrifices (des sacrifices d’animaux qui ne peuvent jamais ôter les péchés, ni par conséquent rendre parfaits les adorateurs), celui-ci, le Christ, s’est assis à perpétuité. Quel contraste !
            - D’une part le sacrificateur juif debout dans l’accomplissement de ses fonctions, debout dans le parvis, debout dans le lieu saint le jour des propitiations ; il reste dans l’attitude du sujet devant son roi, du serviteur devant son maître (ch. 3), du serviteur qui n’achève jamais sa tâche, qui recommence toujours les mêmes sacrifices, et cela pour la raison toute simple que ces sacrifices n’ôtent pas les péchés ; le sacrificateur juif, enfin, ne pouvait s’asseoir nulle part dans le sanctuaire typique, et il ne restait dans le lieu très saint que le temps strictement nécessaire à l’accomplissement de son service annuel du Jour des propitiations
            - D’autre part, Jésus assis, assis à perpétuité dans le vrai sanctuaire, à la place d’honneur, sur le trône même de la Majesté divine, dans l’attitude du Seigneur. Il a achevé l’œuvre qu’Il avait à faire ici-bas (Jean 17 : 4), et ayant ôté le péché par le sacrifice de Lui-même, Il a pu s’asseoir et s’est, en effet, assis à la droite de Dieu  - Lui, le vrai propitiatoire -au-dessus des dominations, des principautés, des puissances et de tout nom qui se nomme, non seulement dans ce siècle, mais encore dans celui qui est à venir (Héb. 7 : 26 ; 8 : 1).

            Dès lors, tout autre sacrifice devient inutile, ce que l’auteur confirme par l’oracle de Jérémie 31 déjà cité au chapitre 8 : « Et je ne me souviendrai plus jamais de leurs péchés ni de leurs iniquités » (v. 17).  Là où les péchés sont remis, au point que Dieu ne veut plus s’en souvenir, il est évident qu’il ne saurait plus être question de sacrifices pour le péché ; ils sont nécessairement abolis. Le verset 18 termine la partie doctrinale de l’épître, entremêlée d’exhortations pratiques, et avec le verset 19 va commencer la partie pratique, entrecoupée à son tour de considérations doctrinales. Dieu vient de parler par le moyen de sa Parole (an 63 de notre ère) ; Il va bientôt parler par les dispensations de sa providence (an 70) et en finir avec l’établissement lévitique, avec ce vaste et imposant ensemble de symboles qui désormais n’ont plus leur raison d’être, d’ombres et de figures qui pour un temps avaient préfiguré la vérité, et qui, maintenant, accomplies et vides de sens, ne seraient plus que de creuses et funestes superstitions.

 

                        La Loi n’avait que « l’ombre des biens à venir »

            « Car la Loi, ayant l’ombre des biens à venir, non l’image même des réalités, ne peut jamais, par les mêmes sacrifices que l’on offre continuellement chaque année, rendre parfaits ceux qui s’approchent » (v. 1).
            Le sacrifice unique et parfait du Christ était nécessaire pour un véritable rachat : la Loi de Moïse avait seulement « l’ombre des choses à  venir » (Col. 2 : 17 ; Héb. 8 : 10-13 ; 9 : 11) ; ces « biens » sont encore futurs pour Israël comme nation, mais déjà réalisés pour ceux qui croient. Ils ne sont pas « l’image même », la substance, la réalité des choses. L’image opposée à l’ombre, c’est le corps, l’essence des choses, la vérité ; être « conformes à l’image de son Fils » (Rom. 8 : 29), c’est ressembler à l’original divin. L’ombre est ici la simple esquisse d’un objet, tandis que l’image est sa peinture achevée. Calvin dit que l’auteur de l’épître « emprunte cette similitude à l’art des peintres, et prend le mot ombre autrement que dans Colossiens 2 : 17, où il appelle « ombres » les anciennes cérémonies, parce qu’elles n’avaient pas en elles la substance des choses qu’elles figuraient ; mais il dit qu’elles étaient semblables à des traits grossiers qui sont comme l’ombre de la véritable peinture ». Cependant, ajoute le même auteur, « quoique notre condition soit meilleure que celle des pères sous la Loi, nous avons un même Christ et un même salut ; il n’y a de différence qu’en la manière de peindre ».
            « La Loi ne peut jamais rendre parfaits ceux qui s’approchent » ; l’auteur s’exprime au présent pour la raison déjà souvent énoncée : le temple et son culte subsistent encore au moment où il écrit. Les mêmes sacrifices pour le péché étaient offerts « continuellement chaque année » (9 : 7 ; Lév. 16 : 29, 34) ; c’est principalement de ces sacrifices-là qu’il s’agit dans l’épître où l’idée dominante est celle d’expiation. La conscience de ceux qui s’approchaient de Dieu, de son tabernacle, ne pouvait pas être purifiée ; la Loi ne pouvait pas les rassurer pleinement, ni leur procurer un pardon réel et leur ouvrir un libre accès auprès de Dieu, ce qui est pourtant le but d’une vraie institution sacerdotale.

            « Autrement, est-ce qu’on n’aurait pas cessé de les offrir, puisque ceux qui rendent le culte, étant une fois purifiés, n’auraient plus eu aucune conscience de péchés ? Il y a, au contraire, dans ces sacrifices, chaque année, un acte qui remet en mémoire les péchés » (v. 1-3).
            Si ceux qui s’approchaient pour rendre culte avaient pu être rendus parfaits, ils n’auraient plus eu le sentiment douloureux, angoissant, de leur culpabilité, et n’auraient donc plus éprouvé le besoin d’offrir des sacrifices pour les péchés. Mais dans ces sacrifices de la Loi, il y avait, au contraire, une sorte de rappel des péchés chaque année, une remise en mémoire des péchés qu’Israël avait commis durant l’année qui venait de s’écouler (Lév. 16 : 21, 34).

            « Car il est impossible que le sang de taureaux et de boucs ôte les péchés » (v. 4).
            Le sang des bêtes pouvait bien, en vertu de l’institution divine, purifier les enfants d’Israël de toutes les transgressions qui les tenaient éloignés du tabernacle (Héb. 9 : 12-13 ; Mich. 6 : 6-8), et les affranchir des peines temporelles et civiles qu’ils avaient encourues (Lév. 16) ; mais il ne pouvait rien faire de plus. Ce genre de sacrifices avait surtout pour objet de placer sous les yeux du pécheur, dans la mort des victimes, une saisissante image de celle que lui-même avait méritée, et de tourner ainsi ses regards vers un plus excellent et plus parfait sacrifice.

 

                        La volonté de Dieu accomplie par le sacrifice de son Fils

            « C’est pourquoi, en entrant dans le monde, il dit : « Tu n’as pas voulu de sacrifice ni d’offrande, mais tu m’as formé un corps. Tu n’as pas pris plaisir aux holocaustes ni aux sacrifices pour le péché » (v. 5-6).
            Le Psaume 40 que l’auteur cite ne peut s’appliquer qu’au Messie. Dieu avait bien voulu ces choses pour un temps, comme moyens de purification quant à la chair, et comme figures du vrai sacrifice expiatoire (9 : 9-10, 13), mais non comme moyens de purification réelle et de communion véritable avec Lui. Dieu ne les a point agréés comme moyens de réconciliation avec Lui.
            « Tu m’as formé un corps » ; Dieu a formé un corps d’homme au Seigneur pour le sacrifice. C’est la traduction des Septante ; le texte hébreu dit : « Tu m’as creusé des oreilles » (Ps. 40 : 6). C’est donc le texte des Septante qui est entré dans la composition primitive de l’argument, et il est ainsi toujours mieux démontré que l’épître a été originairement écrite en grec et non en hébreu. Le texte hébreu peut s’expliquer par la Loi d’après laquelle un esclave israélite qui ne voulait pas profiter de la possibilité qui lui était accordée de quitter son maître au bout de la septième année (ou année de relâche), se laissait alors percer l’oreille avec un poinçon contre l’un des montants de la porte, ce qui l’engageait pour le reste de ses jours (Ex. 21 : 6 ; Deut. 15 : 17). La parole du Messie équivaudrait donc à ceci : « Tu m’as pris pour jamais à ton service ». Mais on peut objecter à cette explication que l’expression hébraïque n’est pas la même dans le chapitre de l’Exode que dans le Psaume. Elle signifie plutôt dans ce dernier : « ouvrir l’oreille, » c’est-à-dire rendre attentif, obéissant, docile. Le passage parallèle est Esaïe 50 : 5 : « Le Seigneur m’a ouvert l’oreille ». Le sens de notre verset serait alors : « Tu m’as disposé à l’obéissance la plus entière » - ce qui revient toujours au même. Au fond, le texte des Septante, que l’auteur de l’épître accepte, ne présente pas une autre idée : Tu m’as formé un corps, capable de t’être offert en sacrifice pour expier les péchés du monde. C’est l’incarnation, et par conséquent encore la soumission parfaite de Jésus Christ qui, pour nous racheter, a pris la forme de serviteur et s’est rendu obéissant jusqu’à la mort de la croix.

            « Alors j’ai dit : Voici, je viens - il est écrit de moi dans le rouleau du livre - pour faire, ô Dieu, ta volonté » (v. 7).
            Christ est venu dans le monde pour être le véritable holocauste et le véritable sacrifice pour le péché. Il est venu « en chair » (Jean 1 : 14) et pour expier le péché par sa mort.
            « Il est écrit de moi dans le rouleau du livre ». Les souffrances du Christ et les gloires qui devaient les suivre sont l’objet de toutes les révélations de l’Ancien Testament ; histoire, promesses, prophéties, symboles, types - tout se rapporte à Christ humilié d’abord, puis glorifié (Matt. 26 : 54 ; Luc 24 : 44 ; Act. 3 : 18 ; 1 Pier. 1 : 11…). Ce « rouleau » serait probablement celui qui renfermait les Psaumes. Les livres, chez les anciens, étaient de larges bandes de parchemin cousues les unes aux autres et pliées en rouleaux (Esd. 6 : 2 ; Ezé. 2 : 9 ; 2 Tim. 4 : 13).
             « Ta volonté » : c’est le mot du Psaume que l’auteur a principalement en vue. Il s’agit de la volonté générale de Dieu concernant tous les hommes et liant Christ, en tant que devenu homme. Mais c’est surtout la volonté particulière à l’égard du Seigneur : qu’Il se substitue aux sacrifices de la Loi et qu’Il meure pour sauver les brebis (Jean 10). Ici la volonté de Dieu se rapporte à deux choses : l’une qui est sous-entendue (le salut du peuple), et l’autre qui est exprimée (le moyen de ce salut, c’est-à-dire l’incarnation et l’offrande de Christ) (Jean 10 : 17-18). Jésus sait tout ce qu’Il aura à souffrir pour accomplir la volonté divine (Jean 18 : 4), mais Il n’hésite pas un instant. Sa mort à la croix a été le point culminant de son obéissance (Matt. 26 : 42 ; Gal. 1 : 4 ; Phil. 2 : 8).

            « Ayant dit plus haut : « Tu n’as pas voulu de sacrifices, ni d’offrandes, ni d’holocaustes, ni de sacrifices pour le péché, et tu n’y as pas pris plaisir » - offrandes présentées selon la Loi » (v. 8).
            Ce verset désigne, dans l’hébreu, les principaux sacrifices pour le péché ; tous préfiguraient également le sacrifice de Christ, mais tous ne le représentaient pas exactement sous le même aspect. Ainsi, par exemple, la victime pour le péché, celle surtout à laquelle notre épître fait continuellement allusion, c’était Christ qui devait se faire anathème pour nous afin de nous racheter de la malédiction de la Loi (Gal. 3 : 13). La victime pour l’holocauste et l’offrande de gâteau, c’était Christ qui, dans son obéissance volontaire jusqu’à la mort de la croix, devait être parfaitement agréable au Père, et rendre aussi parfaitement agréable à ses yeux quiconque s’approcherait de Lui par Jésus. Le sacrifice unique de Christ a tout à la fois accompli et remplacé tous les sacrifices de la Loi.
            « Tu n’y as pas pris plaisir » : c’est toujours au point de vue indiqué plus haut. Ce qui était pourtant offert selon la Loi, que Dieu lui-même avait donnée, n’était pas destiné à ôter le péché, ce que prouve le Psaume 40.

            « Alors il dit : « Voici, je viens pour faire ta volonté ». Il annule le premier ordre de choses afin d’établir le second » (v. 9).
            Après la citation de l’oracle, la conséquence en est déduite : par cette déclaration, le premier ordre de choses sacerdotal est ôté. Il n’était que l’expression d’une promesse sous une forme symbolique, une parabole ou allégorie qui n’avait plus sa raison d’être une fois la réalité venue ; le premier ordre de choses est mis de côté parce qu’il n’avait pas ôté le péché.
            Le second ordre de choses sacerdotal, qui est la réalisation de la promesse, est ainsi l’accomplissement de la volonté de Dieu (v. 8). Ce qui avait été établi par l’autorité divine a été aboli plus tard par cette même autorité. Impossible d’exprimer plus clairement et avec force que ne le fait ici l’auteur inspiré, la suppression totale du premier sacerdoce et la substitution du nouveau qui ne sera remplacé par aucun autre.

            « C’est par cette volonté que nous avons été sanctifiés, par l’offrande du corps de Jésus Christ faite une fois pour toutes » (v. 10).
            Cette volonté arrêtée de Dieu avant l’établissement du culte lévitique, avant même la chute de l’homme et la fondation du monde, a été parfaitement accomplie par Jésus Christ qui s’est livré pour nous.
            Nous sommes « sanctifiés », c’est-à-dire purifiés de nos péchés (v. 2) ou des œuvres mortes (9 : 14). Le mot « sanctifiés », dans cette épître, se rapporte ordinairement à la purification de la conscience par la foi au sacrifice du Messie ; c’est la sanctification telle qu’elle résulte d’une offrande ; mais la purification du cœur et de ses affections par la vertu sanctifiante de l’Esprit de Dieu en est toujours la conséquence. Ce sont la sanctification du cœur et celle de la conscience découlant l’une et l’autre de la même source, la foi vivante en Christ avec qui nous avons été identifiés (faits une même plante) dans sa mort et dans sa résurrection (Rom. 6 : 5). Jésus ne nous affranchit pas de la coulpe et de la condamnation du péché, sans nous affranchir en même temps de son empire et déposer en nous le germe d’une vraie sanctification.
            C’est « par l’offrande du corps de Jésus Christ » que nous avons été sanctifiés. « L’auteur veut exprimer ainsi que Christ a trouvé en Lui-même de quoi apaiser son Père, en sorte qu’Il n’a point eu besoin d’aides, comme le sacrificateur lévitique ; Christ seul est suffisant pour accomplir tout ce que Dieu requiert » (Calvin).
            Cette offrande a été faite « une seule fois » (9 : 28), « une fois pour toutes ». Perfection et pleine efficacité du sacrifice de « l’Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde » (Jean 1 : 29) !
            Il résulte des versets 5 à 10 que la volonté de Dieu est l’unique source de notre salut et que le sacrifice de Christ en est l’unique moyen (Apoc. 7 : 10). L’envoi de Christ dans le monde et la rédemption par son sang sont l’effet, la conséquence - et non le principe ou la cause - de l’amour de Dieu pour nous. Il ne pouvait nous sauver par un simple acte de sa volonté et le sacrifice de Jésus était nécessaire pour satisfaire sa justice et maintenir dans un parfait équilibre ses attributs glorieux.

 

                        La perfection de l’offrande de Jésus Christ

            « Or, tout sacrificateur se tient debout chaque jour, faisant le service et offrant souvent les mêmes sacrifices qui ne peuvent jamais ôter les péchés ; mais celui-ci, ayant offert un seul sacrifice pour les péchés, s’est assis à perpétuité à la droite de Dieu, attendant désormais jusqu’à ce que ses ennemis soient mis pour marchepied de ses pieds » (v. 11-13).
            Tout sacrificateur lévitique, notamment leur chef - dans la solennité du Jour des propitiations, mais aussi dans son imperfection -, se tient debout. C’est le sens du mot grec (Matt. 6 : 5 ; Luc 1 : 11 ; 5 : 1 ; 6 : 8 ; 18 : 11 ; Jean 7 : 37 ; 20 : 14 ; Act. 2 : 14 ; 3 : 8 ; 27 : 21 ; Jac. 2 : 3...). Il faisait chaque jour son service (Nom. 28 : 3), ou chaque jour des propitiations (Lév. 16), et offrait souvent les mêmes sacrifices qui ne peuvent jamais ôter les péchés (Ps. 50 : 8-13 ; Es. 1 : 11).
            Mais « celui-ci », Christ, « après avoir offert un seul sacrifice pour les péchés, s’est assis à perpétuité à la droite de Dieu ». Le sacrifice de Christ ayant aboli le péché n’a pas besoin d’être renouvelé ; aussi Jésus, après l’avoir offert, s’est-Il assis à la droite de Dieu dans les lieux célestes. Il « s’est assis », alors que le sacrificateur se tenait « debout » (v. 11). Le Psaume 110, déjà cité (1 : 3 ; 8 : 1), l’est à nouveau. L’invitation que le Père adresse au Fils : « Assieds-toi à ma droite… » atteste qu’Il agrée pleinement le sacrifice parfait que Jésus Lui a offert pour nous. Ici l’argumentation de l’auteur repose sur un seul mot : « Assieds-toi » ; or, dans un sujet de cette importance, aurait-il basé son argumentation sur un mot que l’Esprit Saint n’aurait pas donné ?
            Il attend « jusqu’à ce que ses ennemis soient mis pour marchepied de ses pieds ». Le même Psaume sera entièrement accompli par la victoire que Christ a pleinement remportée sur tous ses ennemis et par son universelle domination (1 Cor. 15 : 25-28).

            « Car, par une seule offrande, il a rendu parfaits à perpétuité ceux qui sont sanctifiés » (v. 14).
            Par l’offrande de Lui-même, Jésus les a rendus parfaits pour toujours, au moyen de la foi. Il a été « rendu accompli » Lui-même « par des souffrances » (2 : 10), et ensuite Il a « rendu parfaits » ceux qui croient - ce que le sacerdoce lévitique n’avait eu ni la puissance ni la mission de faire (7 : 19 ; 10 : 1). Il leur a acquis par sa mort la rémission complète de leurs péchés, un libre accès auprès de Dieu et l’héritage éternel (10 : 19-20).

 

                        Le témoignage du Saint Esprit

            « Et l’Esprit Saint aussi nous en rend témoignage ; car, après avoir dit : « Voici l’alliance que j’établirai pour eux après ces jours-là, dit le Seigneur : En mettant mes lois dans leurs cœurs, je les graverai aussi dans leur pensée », il dit : « Et je ne me souviendrai plus jamais de leurs péchés ni de leurs iniquités » (v. 15-17).
            L’auteur, selon son habitude, se hâte d’appuyer ce qu’il vient de dire par les déclarations de l’Ecriture. Il démontre la perfection et la pleine et éternelle efficacité du sacrifice de Christ par les paroles de Jérémie 31 (v. 33-34), déjà citées au chapitre 8. C’est un nouvel hommage rendu à la personne du Saint Esprit (3 : 7-11), ainsi qu’à l’inspiration de la Bible.
             « Je ne me souviendrai plus jamais de leurs péchés ni de leurs iniquités ». C’est, dans le passage de Jérémie, la parole que l’auteur a particulièrement en vue (voir 8 : 12). Le pardon est réel, complet, éternel pour tous ceux qui croient ; le type du bouc émissaire, le bouc pour azazel (Lév. 16 : 8, 10, 20-22), est pleinement réalisé.

            « Or, là où il y a pardon de ces choses, il n’y a plus d’offrande pour le péché » (v. 18).
            Le « pardon de ces choses », c’est celui des péchés et des iniquités ; il n’y a plus d’offrande pour le péché, il n’y a plus à offrir des sacrifices expiatoires ! Après le parfait sacrifice promis par tant d’oracles, représenté par tant de symboles, tous les autres sacrifices doivent prendre fin. Le prétendu sacrifice de la messe, que le Concile de Trente a appelé « un véritable et propre sacrifice expiatoire » est donc un démenti formel donné au Saint Esprit, en même temps qu’un retour grossier au judaïsme.

 

            Avant de poursuivre la lecture de l’épître, résumons la partie essentiellement doctrinale que nous avons étudiée. L’auteur veut donc éclairer les Hébreux encore asservis aux formes extérieures du culte mosaïque et les rattacher sans retour à l’économie évangélique qui en est l’accomplissement. Pour démontrer l’infinie supériorité de cette économie sur la précédente, il établit la suprême grandeur de la Personne adorable qui l’a promulguée, le Fils de Dieu. L’auteur inspiré l’envisage successivement comme inaugurateur (ch. 1 et 2), apôtre (ch. 3 et 4) et souverain sacrificateur de la nouvelle dispensation (chap. 5 à 10). A ce triple point de vue, il l’oppose aux anges, à Moïse et à Aaron, c’est-à-dire à tout ce que les Hébreux avaient appris, dès leur enfance, à vénérer le plus dans leurs institutions religieuses comme dans leur histoire, à tous les noms dont le prestige les avait jusqu’alors retenus enchaînés à une dispensation qui avait accompli sa tâche et fait son temps.

            Le point qui concerne Jésus Christ comme souverain sacrificateur de son peuple est nécessairement celui auquel l’auteur, par le but même qu’il se propose, est appelé à donner le plus de développement (ch. 5 à 10). Avant tout, il définit la nature et démontre la réalité du sacerdoce de Christ (ch. 5 : 1-10) ; puis, après une digression nécessaire à son argumentation (v. 11-14 ; ch. 6), il établit (ch. 7 et 8) la supériorité infinie du sacerdoce de notre Seigneur, au moyen du Psaume 110 : 4, et du chapitre 31 de Jérémie (v. 31-34). Il puise également ses preuves dans le parallèle entre les deux sacerdoces qu’il oppose de fait l’un à l’autre au double point de vue de leur exercice et de leurs résultats respectifs (ch. 9 et 10 : 1-18).
            Ce parallèle est établi essentiellement sur trois points : la personne des sacrificateurs, le sanctuaire dans lequel ils officient et le ministère qu’ils accomplissent.
            - La personne des sacrificateurs. De Christ à Aaron (souverain sacrificateur de la Loi), il y a toute la distance qui sépare le corps de l’ombre, le saint du pécheur, le sacrificateur immortel et établi avec serment du sacrificateur mortel et établi par simple commandement, le Fils de Dieu du fils d’Amram (Ex. 6 : 20) - en un mot le Créateur de la créature. 
            - Le sanctuaire dans lequel ils officient. Aaron n’avait pour sanctuaire qu’un tabernacle terrestre, ouvrage de la main des hommes ; Christ a pour sanctuaire le ciel même où, couronné de gloire et d’honneur, il paraît maintenant pour nous devant la face de Dieu.
            - Le ministère, enfin, qu’ils accomplissent :
                   . d’abord au parvis : au lieu où Aaron renouvelait continuellement les mêmes sacrifices (Lév. 16) dont la répétition ne servait qu’à mieux constater leur impuissance, et dont le fruit tout cérémoniel et politique, n’appartenait qu’à la nation juive, Jésus a offert à Dieu, dans la plénitude du temps, l’unique et grand sacrifice qui rend parfait et sauve tous les croyants, Gentils comme Juifs, et qui, par cela même, ne doit plus être renouvelé.
                   . puis, dans le lieu très saint : Aaron entrait dans le sanctuaire terrestre, image du véritable, à travers le tabernacle d’assignation (lieu saint), ouvrage de la main de l’homme, et en soulevant un voile de coton. Il y entrait chaque année, pour en ressortir dès que les fonctions de ce jour solennel étaient terminées. Il y entrait seul et par la vertu du sang des victimes expiatoires, dont l’aspersion ne procurait à la nation juive qu’un rachat annuel, cérémoniel et figuratif. Il ne soulevait un instant le grand voile que pour le laisser retomber immédiatement après. Enfin, il se tenait debout devant le propitiatoire, comme un serviteur, avons-nous dit, devant son maître et comme un serviteur qui recommence toujours sa tâche parce qu’il ne parvient jamais à ôter les péchés. Mais Jésus est entré dans le ciel même, à travers le voile de sa chair. Il y est entré par la vertu de son propre sang que Dieu voit (Ex. 12 : 13), dont l’efficacité dure à toujours, et qui nous a obtenu une éternelle rédemption. Dieu a pour toujours déchiré le voile ; par sa mort douloureuse, Jésus nous a pleinement manifesté et ouvert le chemin du ciel. Il l’a de plus inauguré ; Il l’a pris lui-même, Il l’a suivi le premier pour entrer dans le véritable sanctuaire, où Il s’est assis à la droite de la magnificence, au-dessus des anges et de tous les rangs de leur glorieuse hiérarchie, après avoir aboli le péché par l’offrande de son propre corps. Et maintenant sa famille entière, composée de Gentils comme de Juifs (la nouvelle race sacerdotale, le sacerdoce royal) est admise avec Lui et par Lui dans le sanctuaire immuable où elle sert le Père en esprit dans la liberté glorieuse de ses rachetés.
            Enfin, Aaron ne ressortait du sanctuaire terrestre, en la journée des propitiations, que pour annoncer au peuple, par le fait même de son retour au parvis, une rédemption purement cérémonielle, une rédemption simplement annuelle, tandis que Jésus Christ, apparaissant une seconde fois sans péché, doit apporter à ceux qui l’attendent, un salut effectif, complet, éternel, et introduire l’Israël de Dieu dans toute la joie et toute la gloire de son Seigneur.
            Voici le cri de reconnaissance et d’admiration que la comparaison des deux sacerdoces fait pousser à Quesnel : « O, mon Dieu, quelle différence entre le souverain sacrificateur des Juifs et celui des chrétiens : pour eux un homme mortel, pour nous le Fils de Dieu ! Celui-là entrait dans un sanctuaire fait par des hommes ; Jésus Christ dans celui qui est l’ouvrage de Dieu. Celui-là avec le sang des bêtes, celui-ci avec son propre sang, le sang de l’homme-Dieu. L’un ne purifiait que le corps, l’autre sanctifie l’âme ; celui-là les impuretés légales, celui-ci tous les péchés et toute la corruption d’Adam. Le sang que le premier offrait pour l’impureté légale ne servait que pour les péchés passés, et il fallait offrir d’autres victimes chaque année et chaque jour pour de nouveaux péchés ; le seul sacrifice de Jésus Christ suffit pour les péchés passés, présents et à venir ! ».
            Tel est, dans les chapitres 9 et 10, le parallèle entre les deux sacerdoces, ou, si l’on préfère, leur opposition dont les traits reparaissent continuellement dans toute l’épître sous la forme d’allusions plus ou moins transparentes au rituel lévitique. Ainsi ressortait pour les Hébreux l’impérieuse obligation d’en finir au plus tôt avec les ombres de la Loi pour s’en tenir aux vivantes et immuables réalités de l’évangile.

             

D’après E. Guers