VOICI L’HOMME (11)
Voici votre roi ! (Jean 19 : 6-16)
La perplexité de Pilate est à son comble. Jusqu’ici, les Juifs s’étaient faits les défenseurs de ceux de leurs concitoyens qui comparaissaient devant lui. Aujourd’hui, c’est l’inverse qui se produit : il est convaincu de l’innocence de l’inculpé et, eux, exigent sa condamnation à mort ! Il ne leur cache pas son profond mépris : « Prenez-le, vous, et crucifiez-le ; car moi, je ne trouve pas de crime en lui » (Jean 19 : 6). Eux, prétendaient qu’il ne leur était pas permis de faire mourir personne (Jean 18 : 31). Ils ne s’embarrassèrent point de tant de scrupules lorsque, plus tard, ils lapidèrent Etienne (Act. 7). Devant l’opposition de Pilate, ils laissent enfin tomber le masque et, renonçant à leurs accusations d’ordre politique, ils déclarent : « Nous avons une Loi et, selon notre Loi, il doit mourir, car il s’est fait Fils de Dieu » (Jean 19 : 7).
Fils de Dieu ? C’est la première fois que le gouverneur entend cette expression. « Quand Pilate entendit cette parole, il fut encore plus effrayé. Il entra de nouveau dans le prétoire, et dit à Jésus : « D’où es-tu ? » (Jean 19 : 8-9). Le songe de sa femme lui revient sans aucun doute en mémoire. Le maintien plein de souveraine dignité du Seigneur en impose. L’un des dieux, s’étant fait semblable aux hommes serait-il descendu vers eux (Act. 14 : 11) ? Il L’avait traité sans ménagements et ses soldats L’avaient violemment outragé. Saisi de peur, il est décidé à ne pas aller plus loin.
Tiraillé entre ses terreurs superstitieuses et les reproches de sa conscience, entre sa crainte des hommes et la peur de la vérité, il ne sait quel parti prendre. S’il avait aimé la vérité, une dernière occasion lui était offerte de tomber sur sa face devant le Fils de Dieu et d’implorer son pardon. Mais il était un homme « double dans ses pensées, inconstant dans toutes ses actions » (Jac. 1 : 8). Ayant refusé de croire à la vérité, il était « semblable au flot de la mer, que le vent agite et soulève ; qu’un tel homme ne pense pas recevoir quoi que ce soit du Seigneur » (v. 6-7). Aussi lisons-nous : « Jésus ne lui donna pas de réponse » (Jean 19 : 9).
Ce silence blesse-t-il son orgueil, ou espère-t-il, par ses questions, découvrir le secret de cet homme mystérieux ? « Alors Pilate lui dit : Tu ne me parles pas, à moi ? Ne sais-tu pas que j’ai le pouvoir de te relâcher et que j’ai le pouvoir de te crucifier ? » (Jean 19 : 10). Quelle erreur ! Ni les menaces, ni les discours ne parviendront à effrayer ou à détourner de son chemin Celui qui ne craignait ni les hommes ni la mort. C’était « le prince de la vie » qui se tenait devant Pilate (Act. 3 : 15). C’était Celui qui avait dit : « Je laisse ma vie de moi-même ; j’ai le pouvoir de la laisser, et j’ai le pouvoir de la reprendre : j’ai reçu ce commandement de mon Père » (Jean 10 : 18). La réponse du Seigneur vient, pleine de dignité et de douceur à la fois : « Tu n’aurais aucun pouvoir contre moi, s’il ne t’était donné d’en haut ; c’est pourquoi celui qui m’a livré à toi a un plus grand péché » (Jean 19 : 11).
Pauvre Pilate ! Même si Dieu avait mis en sa main « l’épée contre son berger », le couteau contre son Fils bien-aimé (Zach. 13 : 7 ; Gen. 22 : 10), sa responsabilité demeurait entière. Néanmoins, « le juge de toute la terre » ferait « ce qui est juste » (Gen. 18 : 25). La grâce brille au travers du jugement. Le souverain sacrificateur qui avait livré Jésus à Pilate, et Pilate lui-même, recevront chacun un juste jugement. Tout cela ne fait qu’accentuer le trouble du gouverneur qui voudrait bien sauver Jésus de la mort. « Dès lors, Pilate cherchait à le relâcher » (Jean 19 : 12).
Mais la foule ne l’entend pas ainsi : elle connaît trop bien ses maîtres pour s’avouer vaincue ! Les Juifs, reprenant leurs premières accusations, s’écrient : « Si tu relâches celui-ci, tu n’es pas ami de César ; quiconque se fait roi s’oppose à César » (Jean 19 : 12). Ils enlacent ainsi le gouverneur dans leurs filets : se compromettre aux yeux de l’empereur, cela, Pilate ne voulait pas le risquer. L’histoire dépeint l’empereur Tibère sous les traits d’un souverain cruel, qui faisait exécuter sans pitié, sous ses yeux, ceux qui étaient tombés en disgrâce. Ainsi s’achèvent ces débats, où la lâcheté du juge le dispute à son mépris de la justice.
« Après avoir entendu ces paroles, Pilate amena Jésus dehors et s’assit sur l’estrade, dans le lieu appelé le Pavé et en hébreu Gabbatha » (Jean 19 : 13). Il prend, avec solennité, la place de juge suprême pour prononcer son verdict. Avec non moins de solennité, le Saint Esprit prend acte du lieu, du jour et de l’heure où ce jugement fut rendu. Dissimulant sa lâcheté sous des paroles blessantes, Pilate adresse au peuple des propos chargés de mépris : « Voici votre roi !... crucifierai-je votre roi ? » (Jean 19 : 14-15). Une fois de plus, les Juifs courbent la tête sous l’affront. Allant jusqu’à nier l’existence de leur Messie national, ils s’écrient : « Nous n’avons pas d’autre roi que César ». Les soldats le dépouillèrent de la pourpre, et lui remirent ses propres vêtements (Marc 15 : 20). Alors il le leur livra pour être crucifié » (Jean 19 : 16). L’heure du supplice approche...
Jetons encore un regard rétrospectif sur cette scène. Pilate, le peuple, Jésus - tels en sont les protagonistes.
Pilate, le gouverneur païen, était conscient dans une certaine mesure de la gravité des événements et du mystère divin qui entourait la personne de son prisonnier. Malheureusement, avide d’honneurs et de popularité, il ne put se décider pour Christ tandis qu’il en était encore temps. On peut lui appliquer cette parole du Seigneur : « Quel profit y aura-t-il pour un homme s’il gagne le monde entier, mais qu’il fasse la perte de son âme ? » (Matt. 16 : 26). La faveur de l’empereur à laquelle il sacrifia et le Seigneur Jésus et sa propre âme, n’avait de prix que pour cette terre ; d’ailleurs, il devait perdre cette faveur quelques années plus tard. En l’an 36, soit six ans environ après la mort de Jésus, Pilate tomba en disgrâce et mourut de mort violente (suicide ou condamnation à la peine capitale).
Mais la responsabilité du peuple juif est plus lourde que celle de ce malheureux. « Voici votre roi », lui avait dit Pilate. Et c’était vrai. Aveuglé par sa haine, le peuple répondit : « Nous n’avons pas d’autre roi que César ». Déjà, dans la parabole, ils avaient dit : « Nous ne voulons pas que celui-ci règne sur nous » (Luc 19 : 14). Mais bien longtemps auparavant, alors que le peuple était encore dans le désert, l’Éternel avait dit de lui : « Jusques à quand ne me croira-t-il pas, après tous les signes que j’ai faits au milieu de lui ? » (Nb. 14 : 11). C’est « à bien des reprises et de bien des manières » (Héb. 1 : 1) que Dieu lui avait parlé par les prophètes, « chaque jour se levant de bonne heure, et les envoyant » (Jér. 7 : 25), « mais ils n’ont pas voulu entendre » (Es. 28 : 12). « Et ils n’ont pas voulu marcher dans ses voies », ni « le servir », ni « être attentifs au son de la trompette » (Es. 42 : 24 ; Jér. 2 : 20 ; 6 : 16-17). « A la fin de ces jours-là », Il leur parla « dans le Fils ». Mais « vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vie », a dû dire Jésus (Jean 5 : 40). Le Père a préparé un banquet pour ses fils, mais « le fils aîné », figure d’Israël, « ne voulut pas entrer » (Luc 15 : 28). Ils « tiennent fermement à la tromperie, ils refusent de revenir ». « Ceci a été ton chemin dès ta jeunesse », tel a été « l’égarement continuel » de ce peuple rebelle (Jér. 8 : 5 ; 22 : 21). Combien poignantes sont les paroles du Seigneur Jésus, s’adressant à Jérusalem : « Jérusalem, Jérusalem, la ville qui tue les prophètes et qui lapide ceux qui lui sont envoyés, que de fois j’ai voulu rassembler tes enfants comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l’avez pas voulu ! » (Matt. 23 : 37). Lui, Il l’avait voulu ; mais pas eux ! Et si, dans leur révolte, « ils ont rendu leurs faces plus dures qu’un roc », Lui a, par amour « dressé sa face comme un caillou », afin d’en sauver tout d’abord quelques-uns, puis aux temps de la fin, « tout Israël » (Jér. 5 : 3 ; Es. 50 : 7 ; Rom. 11 : 26).
Au-dessus de Pilate et du peuple, s’élève bien haut, dans une solitude pleine de majesté, la personne de Christ, le seul qui, devant ce tribunal, était innocent. A aucun moment, Il ne se soumet à la volonté de l’homme, mais Il n’en est que plus soumis à celle de Dieu. Du chemin parcouru par l’Homme obéissant, chemin qui L’a conduit « à la mort, et à la mort de la croix » s’est élevé constamment jusqu’à Dieu un « parfum de bonne odeur » (Eph. 5 : 2).
D’après von Kietzell Fritz – « Messager Evangélique » (1969 p. 281-285)
A suivre