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ETUDE SUR L’EPITRE AUX HEBREUX (2)

                                         

           

CHAPITRE 2 (suite)

 

Jésus Christ, Fils de l’homme (ch. 2 : 5  à 4 : 13) - suite

L’apôtre reprend et termine le sujet commencé au premier chapitre : Jésus infiniment supérieur aux anges. Un argument nouveau est donné : Il est le Prince et le Dominateur de la terre à venir. Ce que Paul avait déjà introduit dans le premier chapitre (v. 6-12), il le démontre maintenant à l’aide du Psaume 8. Les paroles de ce Psaume ne sont entièrement vraies que si on les applique à Jésus Christ. Il est le dernier Adam, le Fils de l’homme, en même temps que le Fils de Dieu. Et c’est à Lui que Dieu a soumis la terre à venir. « Le monde habité à venir » (v. 5) est la terre telle qu’elle sera sous la domination future de Christ. Alors, selon l’ensemble des oracles messianiques, le Fils de l’homme, assis sur le trône de David (Es. 9 : 7 ; Ps. 89 : 3-4 ; Luc 1 : 32-33...), règnera sur Israël et sur le monde entier (Ps. 72).
            La terre sera placée, non plus de droit seulement comme elle l’est depuis la résurrection de Jésus (Apoc. 1 : 5), mais de fait aussi sous le gouvernement du Seigneur :
                        - c’est l’empire universel du Fils de l’homme (Dan. 2 : 34-35, 44-45 ; 7 : 13-14 ; Apoc. 11 : 15-18 ; 19 : 6-7 et 20 : 6) ; son royaume sera alors débarrassé de tous ceux qui pratiquent l’iniquité ;
                        - c’est le siècle (ou âge prochain) dont le Christ sera le Père (Es. 9 : 6) : « Père du siècle ou Père d’éternité », par opposition au présent siècle mauvais dont le serpent ancien, le Tentateur, Satan, est le dieu (2 Cor. 4 : 4) ;
                        - c’est la régénération du monde, le renouvellement de toutes choses, annoncé par le Seigneur et tous les prophètes (Matt. 19 : 28) ;
                        - ce sont, enfin, les temps de rétablissement et de rafraîchissement par la présence personnelle de Jésus (Act. 3 : 19-21).
            Et si Paul dit : « le monde habité à venir dont nous parlons », c’est que, en effet, c’était là une idée familière aux Hébreux nourris chaque jour de la lecture de leurs prophètes, en même temps qu’une espérance bien chère à leurs cœurs.

Ce n’est donc pas aux anges, quelles que soient la puissance et l’autorité qui leur ont été conférées sous la dispensation mosaïque, mais à Jésus, que Dieu a soumis la terre milléniale. Inaugurateurs et administrateurs, en un certain sens, de la précédente dispensation, appelés sous celle-ci à servir en faveur des héritiers du salut, les anges, dans la prochaine dispensation qui sera immédiatement soumise au Fils de l’homme, lui seront assujettis (Héb. 1). Alors sera accomplie la parole de Jésus : « Vous verrez le ciel ouvert, et les anges de Dieu monter et descendre sur le Fils de l’homme » (Jean 1 : 51). Alors aussi sera glorieusement réalisée la sublime vision de l’échelle mystique de Jacob (Gen. 28 : 12). La royauté future du Seigneur, sa royauté messianique, est le complément de ses gloires de Médiateur, et la clef de la prophétie.
            Le Psaume 8, que Paul cite à l’appui de sa thèse, peint successivement l’abaissement passager du Fils de l’homme, sa gloire actuelle dans les cieux, et sa gloire future sur la terre :
                        - son abaissement passager : « quelqu’un a rendu ce témoignage quelque part… » (v. 6a). Ce Messie, si grand, si glorieux, d’après les oracles mentionnés au chapitre premier, devait auparavant, selon d’autres oracles non moins positifs (ch. 2), et contrairement aux préjugés des Juifs, naître et vivre ici-bas dans l’humiliation ;
                        - la gloire dont Il jouit maintenant dans les cieux, et qui est la conséquence de son abaissement : « Tu l’as couronné de gloire et d’honneur » (v. 7b) ;
                        - la gloire dont Il doit jouir aussi sur la terre : « Tu as tout assujetti sous ses pieds » (v. 8a). C’est la parole que l’apôtre a plus spécialement en vue, celle qui sert de preuve pour établir la suprématie de Christ, car il ajoute : « En lui assujettissant tout, il (Dieu) n’a rien laissé qui ne lui soit assujetti. Or, maintenant, nous ne voyons pas encore que tout lui soit assujetti » (v. 8bc). Tout ne Lui est pas encore soumis de fait ; mais, en attendant, « nous voyons Jésus, qui a été fait un peu moindre que les anges à cause de la souffrance de la mort, couronné de gloire et d’honneur » (v. 9).
            La pensée de l’apôtre est évidente : la partie de l’oracle qui se rapportait à l’humiliation du Christ et à la mort dont elle serait suivie, a reçu son accomplissement ; le reste s’accomplira de même. La gloire dont Jésus jouit actuellement dans les cieux nous est un gage assuré de celle qui Lui est également réservée sur la terre, où toutes choses lui seront assujetties réellement et finalement, de fait comme de droit (Phil. 2 : 9-10). Alors retentira d’un pôle à l’autre pôle, à la gloire de Dieu le Père, le chant triomphal qui commence et termine le Psaume 8 : « Eternel, notre Seigneur ! que ton nom est magnifique par toute la terre… ! ». Alors sera pleinement et magnifiquement exaucée la première demande de la prière que le Seigneur, le Roi, enseigne à ses disciples pour ce jour-là : « Notre Père qui es dans les cieux, que ton nom soit sanctifié ; que ton règne vienne ; que ta volonté soit faite, comme dans le ciel aussi sur la terre » (Matt 6 : 9-10).
            Comme on le voit, nous appliquons le Psaume 8 à Jésus Christ directement : par son obéissance jusqu’à la mort de la croix, Il a reconquis, Lui, le second Adam, la domination primitive sur la création terrestre que le premier Adam avait reçue de son Créateur (Gen. 1) et perdue bientôt après par sa désobéissance (Gen. 3). Mais Christ ne l’a reconquise que pour en rendre participante l’humanité nouvelle dont Il est la souche et qu’Il veut associer à ses gloires.
            D’autres appliquent le Psaume à l’homme directement : Dieu l’a fait grand, Il l’a fait seigneur de la création terrestre ; cependant, roi déchu, triste et malheureux esclave de la chair, de la nature, du monde, nous le voyons aujourd’hui tombé sous la domination de tout ce qu’il devait maîtriser. Mais il y aura un terme à cet état de choses : un second Adam, Jésus, le Fils de l’homme, a été couronné de gloire et d’honneur, après avoir souffert la mort pour nous par la grâce de Dieu ; en Lui et par Lui, l’homme, complètement déshérité sera remis en pleine possession de la domination primitive ; en Lui et par Lui, la terre lui sera de nouveau soumise.
            La première interprétation nous paraît meilleure ; mais de quelque manière qu’on entende les versets de ce Psaume et l’application qu’en fait ici l’apôtre, l’argument général demeure au fond le même : c’est toujours à Jésus Christ, et non aux anges, que Dieu a soumis la terre à venir.

L’apôtre vient de dire que le Seigneur a été fait un peu moindre que les anges, en sorte que, par la grâce de Dieu, Il goûtât la mort pour tout (v. 9), et donc pour chaque homme. Ici le Juif incrédule se récrie, et plus d’un chrétien juif, encore mal affermi, s’étonne aussi peut-être et demande : Pourquoi fallait-il cet abaissement si profond, si incompréhensible, de Celui que Paul vient de nommer le Fils de Dieu, l’Héritier de toutes choses ? L’apôtre va donc montrer la convenance divine de la dispensation qui a soumis le Christ aux souffrances, et qui, par elles, l’a rendu parfaitement propre à être Prince du salut (v. 10-18).
            « Il convenait pour Dieu… » : la convenance divine des souffrances du Messie résultait nécessairement de sa « ressemblance de chair de péché » (Rom. 8 : 3) avec « de nombreux fils », de leur état actuel et de la nature de l’œuvre qu’Il venait opérer en leur faveur. Entre le Christ et eux, Celui qui sanctifie et ceux qui sont sanctifiés, il y a, devant Dieu le Père, dans son conseil éternel et selon sa Parole, une association privilégiée que Paul établit par trois citations de l’Ancien Testament. Or, les fils étant des hommes, et des hommes pécheurs, sujets comme tels à la condamnation, Jésus, pour les sauver, a dû souffrir. Il ne pouvait en effet les affranchir du châtiment du péché qu’ils avaient encouru - les délivrer ainsi de la crainte de la mort et de la puissance meurtrière de Celui qui l’a introduite dans le monde en y introduisant le péché - qu’en mourant à leur place, la sentence prononcée contre le péché étant irrévocable : la mort (Gen. 2 : 17 ; Rom. 5 : 12 et 6 : 23). D’autre part, Il ne pouvait mourir qu’en participant comme eux, mais sans péché, au sang et à la chair, c’est-à-dire à la nature humaine, à cette nature telle qu’elle existe actuellement, faillible, infirme, sujette à la douleur, à la mort et à toutes les conséquences de la chute morale de l’homme.
            A un autre point de vue encore, l’incarnation, l’abaissement et les souffrances du Seigneur étaient nécessaires : pour secourir, par son intervention auprès de Dieu, ses frères qui sont tentés - et pour le faire avec une réelle, avec une entière et profonde sympathie, avec une fidélité inaltérable, et remplir à leur égard toutes les fonctions d’un vrai Souverain Sacrificateur -, il fallait que Jésus leur soit rendu semblable en toutes choses. Il fallait qu’Il souffre lui-même ayant été tenté, et que, placé dans les mêmes circonstances que nous, associé à toutes nos misères innocentes, Il connaisse, comme homme, par expérience, nos épreuves et nos tentations. Autrement, Il n’aurait jamais éprouvé de sympathie humaine pour de pauvres pécheurs souffrants ; jamais Il n’aurait pu intervenir en leur faveur par un sentiment personnel de leurs besoins. Maintenant, assis à la droite du Père, Il comprend toutes nos difficultés ; du haut de son trône, Il nous regarde avec l’intérêt compatissant de l’Ami le plus tendre et le plus dévoué. Dans nos souffrances, dans nos faiblesses, dans nos luttes, Il nous secourt de toute la vertu de ce sang de l’aspersion, qui, sans paroles, plaide éloquemment notre cause devant Dieu, en même temps que de toute la puissance de ce bras qui a tiré les mondes du néant, les porte et les régit (ch. 1).

En résumé : le Seigneur a dû participer à notre nature et à notre condition pour deux raisons principales :
                        - afin de mourir pour nos péchés et nous sauver ainsi de l’enfer et de ses terreurs ;
                        - pour intervenir efficacement en notre faveur auprès de Dieu, et accomplir ainsi jusqu’au bout l’œuvre d’un Souverain Sacrificateur miséricordieux et fidèle.
             L’une de ces raisons, comme on le voit, a donc spécialement rapport à la première partie de l’œuvre sacerdotale de Christ, le sacrifice, et l’autre à la seconde, l’intercession.

                        Le « monde habité à venir » soumis à Jésus et non aux anges

« En effet, ce n’est pas aux anges qu’il a assujetti le monde habité à venir dont nous parlons… » (v. 5a). Les anges ont eu part à la publication de la loi du Sinaï : « La parole annoncée par le moyen des anges a été ferme » (v. 2). Ils ont été souvent employés dans les affaires d’Israël ; l’un d’eux surtout semble avoir été plus spécialement préposé à la garde de ce peuple, et occuper un rang très élevé dans la « hiérarchie » des « pouvoirs » et des « autorités » célestes (Col. 1 : 16) : c’est celui qui a tiré Israël hors d’Egypte (Nom. 20 : 16), qui a promulgué la loi du Sinaï (Act. 7 : 38), qui a protégé le peuple et l’a guidé dans le désert (Ex. 23 : 20) ; plus tard, il est apparu à Josué comme un « homme » sous le nom de chef de l’armée de l’Eternel (Josué 5) ; cet ange, selon quelques-uns, est le même que l’archange Michel (Jude 9 ; Apoc. 12 : 7) ; un autre ange Gabriel, dont il est parlé dans Daniel 9, paraît avoir concouru avec lui à la délivrance d’Israël quand ce peuple était captif à Babylone (Dan. 10 : 13, 21). C’est encore Micaël, « le grand chef », qui protège aujourd’hui la nation juive durant la dispersion, et c’est lui qui doit l’assister dans la grande crise qui précédera immédiatement sa restauration finale (Dan. 12 : 1). Néanmoins, quelle que soit la puissance qu’il a plu à Dieu de déléguer aux anges sous la précédente dispensation (Ps. 103 : 20), c’est à Christ, et non pas à eux, qu’Il a soumis la terre à venir dont nous parlons, dit l’apôtre à ses lecteurs juifs.
            « Mais quelqu’un (David) a rendu ce témoignage quelque part (Ps. 8 : 4-6) : Qu’est-ce que l’homme, que tu te souviennes de lui ? et le fils de l’homme, que tu le visites…? » (v. 6). Jésus, de Nazareth, vrai homme, est le Fils de l’homme (Ps. 80 : 17 ; Dan. 7 : 13 ; Zach. 6 : 12, 13). « Fils d’homme » est le nom que Daniel Lui donne et que Lui-même prend dans les Evangiles. Dieu s’est souvenu de Lui. Il L’a « visité ». Il a pris en Lui son plaisir. Il L’a soutenu pendant tout le « travail de son âme » (Es. 53 : 11), et jusque dans cette mort ignominieuse qu’Il a soufferte pour les transgresseurs, au rang desquels Il a été mis. Puis, Il L’a ressuscité d’entre les morts et L’a élevé au-dessus de toute la création, comme l’exprime la suite du Psaume. C’est le sujet de l’étonnement du roi-prophète.
            « Tu l’as fait un peu moindre que les anges… » (v. 7a). Le grec indique plutôt le temps, la durée, que le degré. Jésus, par son humiliation et par sa mort, n’a pas été fait « un peu », mais beaucoup inférieur aux anges - aux Elohim, en hébreu, c’est-à-dire aux dieux (1 : 7). Les anges sont ainsi nommés à cause de l’excellence de leur nature, et de la puissance que Dieu leur a déléguée comme à ses représentants. C’est de ce mot anges, qui est encore celui des Septante, que dépend toute la force et l’argumentation de l’apôtre ; il est donc toujours plus évident qu’il a écrit en grec et non en hébreu
            « Tu l’as couronné de gloire et d’honneur… » (v. 7b). Il l’a été par sa résurrection, son ascension et sa séance à la droite de la Majesté divine. Jadis couronné d’épines sur le Calvaire, Jésus est maintenant couronné de gloire dans les lieux très hauts.
            « Et tu l’as établi sur les œuvres de tes mains… » (v. 7c). Il a été constitué de droit Seigneur souverain et Dominateur de la création, en même temps que Chef de l’Eglise qui est son corps (Eph. 1 : 20, 21 ; Col. 1 : 18).
            « Tu as tout assujetti sous ses pieds » (v. 8a). « Tout assujetti » et « assujetti le monde habité à venir » (v. 5) sont des expressions synonymes : « Nous avons perdu en Adam la domination dont parle le Psaume ; il faut que « donation » nous en soit faite de nouveau ; or la restauration de celle-ci commence par Christ comme par le Chef » (Calvin). Mais ce n’est pas seulement la terre à venir que le Père a assujettie au Fils, c’est le monde entier. Jésus, comme Fils et Médiateur, est l’Héritier « de tout » (1 : 2), les anges y compris - mais « il est évident que c’est à l’exclusion de Celui qui lui a tout assujetti » (1 Cor. 15 : 27). L’Eglise est la cohéritière de Christ (Rom. 8 : 17).
            Mais en attendant que toutes choses Lui soient réellement et finalement assujetties, et comme gage de cet effectif et universel assujettissement, la Parole annonce : « Nous voyons Jésus… couronné de gloire et d’honneur » (v. 9). Il est assis à la droite de Dieu, « à la droite de la Majesté dans les hauts lieux » (Héb. 1 : 3, 13 ; 8 : 1). Il « a été fait un peu moindre que les anges à cause de la souffrance de la mort… en sorte que, par la grâce de Dieu, il goûtât la mort pour tout ». C’est de la grâce de Dieu seule que vient notre salut (Héb. 10 : 5-10 ; Jean 3 : 16). Il a « goûté » la mort « pour tout » : Il a « livré son âme à la mort » (Es. 53 : 12), Il a connu la mort du corps, et la mort dans ce qu’elle a de plus terrible : l’abandon de Dieu. Lui seul en a éprouvé la terrible réalité ; ceux qui croient ne la connaîtront jamais. « O grâce du Père ! ô bonté du Fils ! que pouvons-nous vous rendre pour un tel amour, si vous ne nous donnez vous-même ce que nous vous devons ! » (Quesnel).
            Jésus a goûté la mort pour tout homme qui croit en Lui,  c’est-à-dire, selon le contexte, pour tout héritier du salut (1 : 14), pour tout frère (2 : 11), pour tout fils de Dieu, gentil ou juif de naissance (v. 10, 13). Nous avons donc ici la doctrine fondamentale de la substitution du Christ au pécheur (Es. 53 : 5-6 ; 1 Cor. 15 : 3 ; 2 Cor. 5 : 21 ; 1 Tim. 2 : 6 ; 1 Pier. 3 : 18, etc.). « En se mettant à notre place, dit Calvin, Il nous a délivrés de la malédiction de la mort ».

                        Jésus rendu parfaitement apte pour conduire ses rachetés à la gloire                   

Cet abaissement passager du Fils de Dieu ne doit pas nous étonner, « car il convenait pour Dieu… qu’il rende accompli (ou : parfait) le chef de leur salut par des souffrances » (v. 10). Il convenait, dit la Sagesse divine ; il ne convenait pas, dit la sagesse humaine qui ne comprend pas les choses qui sont de l’Esprit de Dieu et pour qui la croix de Christ est scandale ou folie (1 Cor. 1 : 18). Dans cette voie de salut aussi digne à tous égards du Dieu souverain qu’elle est admirablement appropriée à notre état de chute, « nous voyons éclater sa grandeur qui mérite un tel sacrifice ; sa justice qui reçoit une satisfaction si abondante ; sa puissance qui sait se faire rendre plus d’honneur que sa créature n’est capable de lui en ôter ; sa sagesse qui trouve un remède si excellent au plus incurable de tous les maux ; sa haine implacable contre le péché, qui éclate dans la sévérité qu’Il exerce sur son propre et unique Fils ; sa sainteté, qui ne peut laisser les péchés impunis dans Celui qui est l’innocence même et qui n’est chargé que des nôtres ; sa charité extrême pour nous qui va jusqu’à livrer à la mort l’Auteur de la vie. » (Quesnel).
            « Dieu, de qui tout procède et par qui tout subsiste », est le principe et la fin de tout ce qui existe (Rom. 11 : 36). Il amène « de nombreux fils » - les frères, les héritiers du salut, juifs et gentils, la postérité d’Abraham - et les destine à participer à la gloire du Christ (Jean 17 : 22 ; 2 Thes. 2 : 13-14). C’est le but de la souveraine élection de Dieu. En voici le moyen : « rendre accompli le chef de leur salut par des souffrances » (5 : 8-9). Rendre « accompli », c’est « rendre parfait », c’est faire tout ce qui est nécessaire pour rendre propre à remplir une fonction. Ce mot lévitique (Septante), familier aux Juifs hellénistes, revient souvent dans l’Epître ; il s’applique tantôt à la Loi, tantôt à la grâce, tantôt à Jésus Christ :
                        - D’abord, à la Loi et à son sacerdoce : elle ne rend pas parfait le pécheur ; elle ne le rend pas « accompli » devant Dieu, comme on peut l’être par le moyen d’un sacrifice ; elle n’ôte pas le péché, la conscience du péché ; elle ne procure pas un pardon réel ni n’assure un libre accès auprès de Dieu ;
                        - Ensuite, à la grâce et à son sacerdoce ; ce qui rend « accompli » le pécheur, c’est l’introduction d’une « meilleure espérance… par laquelle nous approchons de Dieu » (7 : 19) ; c’est « l’offrande par laquelle Jésus Christ a « rendu parfaits à perpétuité ceux qui sont sanctifiés » ; par elle, ils obtiennent un pardon tel, que Dieu « ne se souvient plus de leurs péchés ni de leurs iniquités » (10 : 14, 17).
                        - Troisièmement, enfin, à Jésus Christ, comme Sauveur ; et c’est ici le cas : Dieu l’a rendu propre à être le Prince du salut, et cela par les souffrances, c’est-à-dire, selon le contexte, précisément par les tentations et par la mort (v. 14, 18).

Ainsi Jésus est un Sauveur parfait, un Souverain Sacrificateur accompli :
                        - d’abord, par les tentations, et nous venons de voir comment : placé comme nous devant les conséquences de la chute qu’Il était venu réparer, Jésus a connu par expérience toutes nos épreuves physiques et morales - d’où sa réelle et profonde sympathie pour nous dans tous nos combats, et sa disposition constante à nous secourir (v. 17-18) ;
                        - puis, par la mort qu’Il a goûtée à notre place (v. 9 et 14) et par laquelle Il a expié nos péchés. Il y a probablement ici une allusion à des circonstances lévitiques : le souverain sacrificateur était installé dans sa charge, il était « rendu accompli » par l’aspersion du sang des victimes immolées dans ce but, et par l’offrande de la chair de l’une d’elles - un bélier appelé littéralement en hébreu, le bélier du « remplissement »  ou bélier « de consécration », ou « de la plénitude » (Ex. 29 : 26 ; Lév. 8 : 22), en grec (Septante), le bélier de la perfection ou consommation ; c’était un bélier dont la graisse intérieure et l’épaule droite devaient remplir les mains du souverain sacrificateur et de ses fils, et leur conférer ainsi l’investiture, ou le droit d’entrer dans le sanctuaire et d’y exercer le sacerdoce ; de là son nom tel que nous venons de l’indiquer. Installer un Souverain Sacrificateur dans sa charge, le mettre en état d’officier pour ses frères dans le tabernacle, c’est donc en hébreu « remplir ses mains » (Ex. 29 : 33), en grec le « consommer » ou le perfectionner. Paul adopte encore ici le mot des Septante. Jésus a été « consommé » Souverain Sacrificateur, Prince du salut, par les choses que préfiguraient ces symboles lévitiques, c’est-à-dire par la chair et par le sang de son propre sacrifice ; ce sang, d’une valeur infinie, Lui a ouvert, à Lui, et à nous en Lui et par Lui, le sanctuaire céleste. Il lui a donné le droit d’y comparaître et d’y officier devant Dieu pour nous. Il lui en a pareillement fourni le moyen : Jésus a maintenant quelque chose à offrir pour nous (Héb. 8 : 3) : ce qu’il y a de plus excellent au monde, la chair du mystique bélier de consécration dont ses mains sont remplies devant Dieu, et le « sang d’aspersion qui parle mieux qu’Abel » (12 : 24).
            Il y a d’ailleurs, dans le verset 10, une corrélation manifeste entre ces deux expressions « chef » de notre salut et « amenant à la gloire », en même temps peut-être qu’une allusion à l’épreuve de la course dans les jeux publics de la Grèce et de l’Asie (voir 12 : 1-2). Les fils sont ici les coureurs ; Jésus Christ est le Chef ou le Prince qui les conduit à la gloire, selon la volonté de Dieu ; après leur en avoir montré le chemin par ses enseignements et par son exemple, Il le leur a frayé par ses souffrances, comme leur Souverain Sacrificateur.

                        « Il n’a pas honte de les appeler frères »

 « Il convenait pour Dieu… ». Il faut le répéter : La convenance divine des souffrances du Messie résultait nécessairement de la relation que Dieu le Père a lui-même établie entre le Fils et les fils que Jésus devait racheter et conduire à la gloire. « En effet, et celui qui sanctifie et ceux qui sont sanctifiés sont tous d’un » (v. 11a). Jésus Christ les purifie du péché par son sacrifice (10 : 10 ; 13 : 12) et les affranchit du péché par son Esprit. Et « ceux qui sont sanctifiés », ce sont les chrétiens (Jean 17 : 19). Il y a encore ici peut-être une allusion à une autre circonstance lévitique : Aaron et ses fils (Ex. 29) ont été sanctifiés ou consacrés le même jour, par les mêmes sacrifices et la même onction.
            Ils « sont tous d’un », d’un même père, puisque la relation exprimée ensuite est celle de frères. Or, ce Père, si nous remontons à l’origine de la chose, c’est Dieu, le Père de la nouvelle famille créée en Jésus Christ selon l’élection éternelle - ou, si nous la voyons dans son accomplissement, c’est Abraham, le père de tous les croyants, à qui les promesses ont été faites, ainsi qu’à sa descendance (Matt. 12 : 49-50 ; 25 : 40 ; 28 : 10 ; Jean 20 : 17 ; Rom. 4 : 16 ; Gal. 3 : 16, 26, 29). C’est l’unité du Christ et des siens, privilège et gloire de son Corps. Etre « membre » du corps de Christ est une dignité supérieure à celle des anges eux-mêmes.
            « C’est pourquoi il n’a pas honte de les appeler frères » (v. 11b). Lui, le Seigneur de gloire, ne désavoue pas le plus pauvre d’entre les siens, le plus chétif de ceux qui croient en son Nom. Et nous, indignes et misérables que nous sommes, combien de fois ne nous arrive-t-il pas d’avoir honte de Lui et de ses frères !
            Jésus dit : « J’annoncerai ton nom à mes frères » (v. 12a ; Ps. 22 : 22). Il l’a fait quand Il a le premier publié l’Evangile. Il le fait encore aujourd’hui par le ministère de sa Parole et de ses serviteurs.
            « Au milieu de l’assemblée je chanterai tes louanges » (v. 12b). Il l’a fait de même dans son ministère personnel. Il le fait encore aujourd’hui par sa Parole et son Esprit ; c’est Lui qui inspire le culte de ses frères, qui le dirige et le présente à Dieu. Il le fera jusqu’à la fin : « Il chante le premier, et donne, pour ainsi dire, le ton pour nous faire psalmodier après lui » (Calvin).
            « Et encore : Moi, je me confierai en lui » (v. 13a). Jésus Christ, un homme semblable à nous, un fils d’Abraham, a dû s’appuyer sur le bras de Dieu. Il nous a laissé le plus parfait modèle de confiance en Dieu dans l’épreuve et dans le péril (Ps. 40 : 1-4 ; 56 : 3-4, 11...).
            Le passage que Paul cite ici, au début du verset 13, serait tiré, selon certains, du Psaume 18 (v. 3). Ce psaume est incontestablement messianique : sous le type de David victorieux, le Seigneur est vu ressuscité d’entre les morts par la gloire du Père. Il célèbre Celui qui l’a rendu vainqueur de tous ses ennemis, qui L’a constitué Chef des nations, et l’a solennellement investi de la domination universelle. C’est en particulier l’opinion de Calvin. Mais je crois plutôt qu’il s’agit d’une citation tirée du chapitre 8 d’Esaïe (v. 17) ; Paul va citer ensuite le verset suivant de ce même chapitre. La version grecque des Septante présente également les mêmes mots, et les présente aussi dans le même ordre, ce qui n’est pas le cas pour le Psaume 18 (v. 3).
            « Et encore : Me voici, moi, et les enfants que Dieu m’a donnés » (v. 13b ; Es. 8 : 18). C’est toujours le Messie qui parle ; c’est Emmanuel pendant les jours de sa chair, Emmanuel entouré des enfants que Dieu lui a donnés pour les conduire à la gloire (Jean 6 : 37, 39 ; 17 : 2). Ce sont ses frères, ses disciples, ceux qui font la joie de son cœur au sein de l’incrédulité générale, et à qui il est accordé de comprendre les mystères du royaume des cieux voilés aux autres.
            « Le Père qui les a destinés à vie, les confie à son Fils, afin qu’Il les conserve (Jean 6 : 37) ; quand donc nous nous assujettissons à Dieu par l’obéissance de la foi, apprenons à attribuer le tout à sa miséricorde. En outre, cette doctrine nous fournit une singulière matière de confiance : car qui tremblerait encore sous la protection et la sauvegarde de Christ ? » (Jean 10 : 28) (Calvin).

                        Jésus est devenu homme pour pouvoir mourir

« Ainsi, puisque les enfants ont eu part au sang et à la chair, lui aussi, de la même manière, y a participé… » (v. 14a). Ces enfants, ce sont ceux que Dieu Lui a donnés pour les amener à la gloire. Paul retient encore ici le mot des Septante : « enfants », et non celui de « fils » (v. 10). Ils ont eu part « au sang et à la chair », c’est-à-dire à la nature humaine, mais à cette nature telle qu’elle est depuis la chute, assujettie aux souffrances et à la mort. Jésus, Lui aussi, y a participé : « La Parole devint chair et habita au milieu de nous » (Jean 1 : 14).
            Jésus a participé à la nature humaine afin de pouvoir mourir, « afin que, par la mort, il rende impuissant celui qui avait le pouvoir de la mort, c’est-à-dire le diable » (v. 14b). La mort que nous avions méritée, Il l’a subie à notre place ! Il a rendu Satan impuissant. Il l’a  détruit, non quant à sa personne, mais quant à ses œuvres (1 Jean 3 : 8). Le diable avait le pouvoir de la mort, non pas qu’il ait un empire souverain sur elle et qu’il puisse l’infliger à volonté ; mais, en introduisant le péché dans le monde, il a par cela même introduit la mort qui règne maintenant sur tout le genre humain (Rom. 5 : 12, 17). Le diable est l’un des noms donnés à Satan ; le terme grec signifie « accusateur », et plus spécifiquement « calomniateur ». Jamais nom n’a été mieux donné ; Satan ne vit, en effet, que pour calomnier Dieu, ses desseins, son œuvre, son Livre, son peuple ; il n’a fait que cela dès le commencement.
            « Et qu’il délivre tous ceux qui, par la crainte de la mort, étaient, pendant toute leur vie, tenus en esclavage » (v. 15). Avant de connaître l’Evangile ou d’en avoir acquis une claire intelligence, les enfants de Dieu - ceux que Jésus nomme ses frères, Gentils et Juifs -, étaient assujettis à la crainte servile provenant d’une mauvaise conscience et de l’appréhension du déplaisir divin. « La crainte de la mort, dit Quesnel, est comme la prison, où le Prince de la mort tient le pécheur enchaîné durant cette vie ». Mais par sa mort à la croix, Jésus a expié le péché et ôté la malédiction. Il a dépouillé la mort de ses terreurs. Il a racheté ceux qui étaient « sous la Loi », afin qu’ils reçoivent l’adoption », la position de fils comme don (Rom. 8 : 15-16 ; Gal. 4 : 6-7). C’est là une grâce toute particulière qu’Il a faite au genre humain, « car, assurément, il ne prend pas les anges, mais il prend la descendance d’Abraham » (v. 16). Les anges déchus n’étant pas susceptibles de salut, et les anges fidèles n’en ayant pas besoin, Il prend la postérité spirituelle d’Abraham, les fils, les frères, les élus. C’est à eux qu’Il porte secours ; Il les prend comme par la main (8 : 9), pour les délivrer (v. 15) et pour les conduire à la gloire (v. 10). Il les saisit et les arrache à l’éternelle perdition. « Dieu ne s’est pas fait ange pour sauver l’ange, et Il s’est fait homme pour sauver l’homme. Quelle miséricorde ! » (Quesnel).

                        Il est devenu souverain sacrificateur

« C’est pourquoi il dut, à tous égards, être rendu semblable à ses frères, afin qu’il soit un miséricordieux et fidèle souverain sacrificateur… » (v. 17). Sacrificateur et non Prêtre ; le mot hébreu et le mot grec désignent l’un et l’autre un homme qui offre des sacrifices. Le prêtre (altération ou abréviation du grec presbytère et du latin presbyter) est l’ancien ou évêque, le conducteur d’une église particulière, d’une communauté chrétienne.
            Pour être sacrificateur, Jésus a dû être un homme, participant à la nature de ceux qu’Il venait sauver et en faveur de qui Il devait officier. Et pour être un Sacrificateur, « miséricordieux et fidèle », Il a dû connaître personnellement leurs faiblesses et leurs tentations (4 : 15-16).
            Jésus devait être sacrificateur « dans tout ce qui concerne Dieu », le service et la gloire de Dieu, et c’était « en vue de faire propitiation pour les péchés du peuple ». Il y a ici une allusion au service annuel des expiations (Lév. 16), comprenant deux actes successifs : le sacrifice dans le parvis du tabernacle et l’intercession (ou comparution) devant Dieu dans le lieu très saint : c’est ce dernier acte que l’apôtre semble avoir plus spécialement en vue dans ce verset. Après avoir accompli sur la croix le sacrifice expiatoire, le Seigneur en fait maintenant prévaloir auprès de Dieu la perpétuelle efficace, en faveur, non plus d’Israël seulement, mais du peuple, de tout le peuple de Dieu.
            « Car, du fait qu’il a souffert lui-même, étant tenté, il est à même de secourir ceux qui sont tentés » (v. 18). Il est à même de le faire, ayant connu toutes nos épreuves et toutes nos tentations, à part le péché - le mot tenté comprend les deux choses. Il a souffert dans son corps, dans son âme, dans son cœur et ses affections les plus intimes. Il a souffert de la part de ses amis et de ses proches, de la part de Satan ; Il a souffert sous la main de Dieu lui-même. Plein de charité, le Substitut des pécheurs peut secourir maintenant ceux qui sont tentés.
            « Toutes les fois que nous sommes pressés de quelque sorte de mal que ce soit, souvenons-nous aussitôt que rien ne nous advient que le Fils de Dieu n’ait expérimenté, afin d’avoir compassion de nous » (Calvin).
            La puissance ou capacité dont il s’agit dans notre verset, n’est donc pas celle que Jésus possède comme Dieu ; ce n’est pas le simple pouvoir de délivrer, mais la disposition,  l’inclination constante à le faire. C’est une puissance ou capacité qui appartient à l’humanité de Christ ; elle naît de la communauté de nature et d’expériences (4 : 15 ; 5 : 2). Jésus ne la possédait pas avant de s’être incarné. Maintenant, loin de vouloir punir sévèrement la faiblesse ou le manque de courage de ses frères qui sont tentés, Jésus est toujours prêt à les secourir par la tendre sympathie qui l’unit à eux et par toute la puissance de son intervention auprès de Dieu. Il accomplit ainsi jusqu’au bout son ministère sacerdotal dans la plénitude de la miséricorde et de la fidélité. Cette parole avait directement rapport à la situation particulière des Hébreux, mais elle répond également à la nôtre.

Quel tableau que celui que nous ont montré les versets 10 à 18 de ce chapitre ! C’est le Père qui a préconnu les fils, perdus et ruinés en Adam, qui les a élus en Christ, les a prédestinés à la gloire, et qui, pour les y conduire, a donné son Fils unique et l’a livré à la mort. C’est le Fils, le Premier-né parmi beaucoup de frères, le Prince du salut, qui, se plaçant devant lui dans la même relation qu’eux, et acceptant toutes les conséquences de la chute pour les en affranchir, descend les chercher ici-bas, dans le sombre royaume du Prince de la mort, pour les conduire, à travers l’ignominie et la douleur, au royaume éternel de la lumière, de la vie et de la félicité.
            Maintenant Jésus poursuit dans le ciel l’œuvre qu’Il avait commencée ici-bas. Du sanctuaire éternel où Il est entré comme notre précurseur, et où Il officie actuellement pour nous, Il nous soutient de toute la puissance de son intercession. Parfaitement à même - comme Fils de l’homme, notre grand Sacrificateur - de nous secourir dans l’épreuve et la tentation, Il est aussi comme Fils de Dieu, tout-puissant pour le faire ; Josué dans la plaine en même temps que Moïse sur la montagne (Ex. 17), Il protège de son bras sur la terre ceux pour qui son sang parle dans les cieux. Il les conduit pas à pas dans le désert de ce monde ; puis, à l’heure marquée dans ses décrets, Il les introduira tous ensemble dans la céleste Canaan. Quel moment pour l’Eglise et pour les saints anges - quel moment surtout pour le cœur de Jésus ! - que celui où le Fils de Dieu, maintenant glorifié, nous présentera à son Père et à notre Père, en lui disant comme tout à nouveau : « Me voici, moi, et les enfants que tu m’as donnés » !

 

D’après E. Guers

A suivre