REVENEZ A MOI (7)
Histoire de Jérémie le prophète et des derniers rois de Juda
L'ENTREVUE SECRETE
CE QUE JEREMIE ACHETA EN PRISON
DANS L'OBSCURITE
LE CHOIX DE JEREMIE
IL N'IMPUTE PAS LE MAL
Y AVAIT-IL UNE PLACE DANS L'HOTELLERIE ?
LES DEUX CHEMINS
ECRIT POUR NOTRE INSTRUCTION
Nebucadnetsar, vous vous en souvenez, avait battu en retraite pour rencontrer l'armée; de Pharaon-Hophra. Il ne tarda pas à revenir assiéger la ville. La population avait joui du court répit qui lui avait permis de s'approvisionner à nouveau pour tenir encore dix-huit mois.
Le triomphe de Sédécias avait été court. Il se sentait écrasé par les circonstances au delà de toute expression. Il se couchait, mais le sommeil fuyait ses paupières. Il s'agitait sur son lit. Faut-il me rendre ou faut-il résister ? se demandait-il sans cesse.
N'en pouvant plus, Sédécias envoya secrètement, une nuit, un messager à Jérérémie.
« Le roi dit à Jérémie : Je te demanderai une chose ; ne me cache rien » (v. 14b). Bien, affirma le prophète, « mais si je te le déclare, ne me feras-tu pas mourir ? » (v. 15).
« Je promets », répondit Sédécias, « que je ne le ferai pas ».
« Alors », reprit Jérémie avec franchise, « Dieu répète encore une fois : si tu te soumets à Nebucadnetsar ton âme vivra, Jérusalem ne sera pas incendiée, personne de ta famille ne périra ».
Sédécias baissa les yeux.
« Mais », continua le prophète, « si tu veux poursuivre la résistance, Jérusalem tombera aux mains de l'ennemi et tu n'échapperas pas ».
Le roi porta ses regards sur son interlocuteur : « Je ne puis me résoudre à t'obéir », dit-il d'un ton pitoyable, « j'ai peur ». Puis, se mettant à pleurer, il continua : « Si je suis tes conseils, les Juifs qui t'ont écouté en passant à l'ennemi se moqueront de moi et même me tueront. Oh non ! je ne peux pas céder ».
Alors plein de douceur, mais aussi avec fermeté, Jérémie supplia le roi d'être attentif à la voix de Dieu. Il lui indiqua à nouveau le bon chemin et lui montra les bénédictions dont il jouirait s'il voulait bien le suivre. Mais il lui parla aussi du mauvais chemin. Malheur à lui s'il s'engageait dans cette voie !
Sédécias choisissait, puis revenait sur sa décision, jusqu'au moment où, croyant entendre un pas, il mit brusquement fin à l'entrevue. Plein de crainte, il dit encore : « Pourvu qu'on ignore notre conversation. Si les princes, soupçonnant que j'ai parlé avec toi, te questionnent, dis-leur simplement : « Je suis allé implorer Sédécias de ne pas me remettre dans la fosse ».
Jérémie avait réellement formulé cette demande de sorte que, le jour suivant, il put répondre honnêtement selon le désir du roi.
Mais les hommes haut placés sont étroitement surveillés. Aussi l'entrevue nocturne fut-elle connue de tout le palais. Et toutes les paroles prononcées cette nuit où Sédécias perdit sa dernière chance de salut, furent dévoilées.
CE QUE JEREMIE ACHETA EN PRISON
Les captifs de Babylone reviendront dans leur patrie au bout de soixante-dix ans. Cette simple déclaration divine faite à Jérémie maintes et maintes fois n'avait pas assez force pour lui. Aussi avait-il besoin d'une leçon appropriée.
Chaque jour, la situation s'aggravait à Jérusalem. Les provisions diminuaient, les maladies se répandaient de plus en plus. L'ennemi avait élevé tout autour de la ville des terrasses aussi hautes que les murs d'enceinte. Sur ces plates-formes, fut installée l'artillerie la plus moderne de Babylone. Elle était prête à lancer des pierres et des flèches sur les Juifs impuissants et affamés. Seul un miracle pouvait empêcher Nebucadnetsar de prendre la ville. Jérémie savait bien qu'il ne s'en produirait aucun. Il ne priait pas pour que le siège fût levé, exécutant l'ordre de Dieu : « Ne prie pas pour ce peuple » (Jér. 7 : 16).
Toujours enfermé dans la cour de la prison, il persistait à affirmer : Sédécias rejoindra les captifs à Babylone ; Jérusalem sera la proie des flammes. Le roi préférait écouter les mensonges agréables de ses conseillers. Et il garda Jérémie prisonnier, lui accordant un pain par jour (37 : 21).
Dieu avertit son serviteur qu'il recevrait une visite. En effet, Hanameël, cousin du prophète, viendrait lui proposer d'acheter un champ à Anathoth. Et le prisonnier perplexe reçut l'ordre de son Maître : « Achète le champ » (32 : 7 On alla chercher Baruc pour établir le contrat.
Baruc écrivit la lettre d'achat (v. 12). Il en fit une copie ; Jérémie apposa sa signature sur les deux documents ; les témoins en attestèrent la valeur. Ensuite l'un des exemplaires fut scellé soigneusement. Seul, son propriétaire pouvait briser le cachet. Le second resta ouvert, afin qu'en tout temps le prophète pût prouver que le champ était à lui. Ensuite ces deux pièces furent déposées en lieu sûr. On les mit dans un vase de terre.
Ainsi Jérémie acheta le champ de son cousin selon le commandement et les statuts. Les témoins et les curieux s'en allèrent peu à peu ; l'homme de Dieu fut laissé seul.
« Ah seigneur Eternel », pria-t-il, « tout ce que tu as dit est arrivé, nous sommes livrés au pouvoir de l'ennemi, et voici, tu le vois : Et toi, seigneur Eternel, tu m'as dit : Achète-toi le champ à prix d'argent, et fais-le attester par des témoins... et la ville est livrée en la main des Chaldéens ! » (v. 25).
Dieu consola son serviteur : « Je suis le Dieu de toute chair ; quelque chose est-il trop difficile pour moi ? » (v. 27).
Jérémie pouvait répondre à cette question ; ne venait-il pas de dire : Aucune chose n'est trop difficile pour toi ?
Je t'ai ordonné d'acheter ce champ, reprit son Maître. Eh bien, ton acquisition doit montrer au peuple que les déportés regagneront leur pays certainement. « Je les ferai retourner en ce lieu ; et je les ferai habiter en sécurité... et on achètera des champs dans ce pays... car je rétablirai leurs captifs » (v. 37).
Le prophète savait que ce jour était bien éloigné, mais par la foi, il le vit et s'en réjouit.
La guerre durait toujours ; la détresse des assiégés était immense. « La famine se renforça dans la ville » (Jér. 52 : 6). Des enfants, trop petits pour comprendre la situation, suppliaient leurs parents de leur donner du pain. Ils criaient à leurs mères qui n'avaient rien pour les nourrir : « Où est le blé et le vin ? » Puis ils succombaient dans les places de la ville. Partout on voyait des morts et des mourants, l'enfant et le vieillard couchés par terre dans les rues ; les victimes de la famine enviaient les souffrances plus brèves des soldats tués par l'épée.
Jérusalem résista dix-huit mois aux assiégeants ; alors le Pot bouillant se renversa. Son contenu destructeur se répandit dans la cité maudite.
Avant que l'armée victorieuse pût atteindre la Maison Rouge, Sédécias, entouré d'une poignée de soldats, se glissa dans l'obscurité à travers le jardin du palais ; il emprunta un passage secret qui conduisait aux murailles de la ville. Jusque-là, leur évasion avait été facile. Mais une fois sortis du couloir, ils couraient de grands dangers. Comptant sur l'obscurité, les fugitifs s'élancèrent vers la porte.
Sédécias accomplit cet exploit d'une folle témérité, se rendant compte qu'il tenait sa dernière chance. Hélas ! son espoir resta vain. L'ennemi, sur le qui-vive, aperçut les fuyards. En un instant, une armée se lança à la poursuite du malheureux roi qui fut pris dans les plaines de Jéricho (39 : 5). Abandonné de ses soldats, il dut marcher avec ses fils comme un prisonnier ordinaire, jusqu'au camp de Nebucadnetsar à Ribla. Pendant ce voyage affreux, il regretta amèrement de n'avoir pas exécuté le conseil de Jérémie. Il avait entendu parler des cruautés commises par les Babyloniens. Elles se présentaient à son esprit dans toute leur horreur.
Nebucadnetsar, le roi au visage dur, s'assit et prononça son jugement. Féroce à la vue de son ennemi dont la rébellion lui avait coûté si cher, il lui cria : « Regarde ». Sédécias recula. Ses yeux s'ouvrirent sur un spectacle terrible. Ses oreilles entendirent un cri, le cri de ses fils mourants égorgés devant ses yeux (v. 6). Ce fut la dernière image qu'il vit sur la terre ; comme il se couvrait la figure avec les mains, il fut saisi, jeté sur le sol et, sur l'ordre de Nebucadnetsar, on lui creva les yeux.
Voici la fin de l'histoire de Sédécias. On lia ses mains avec des chaînes d'airain (v. 7) ; il fut emmené à Babylone et enfermé jusqu'au jour de sa mort.
Ainsi, comme Dieu l'avait dit, il vint à Babylone sans contempler cette ville de ses yeux.
Enfermé dans sa prison (Jér. 39 : 15), Jérémie vivait à l'écart des horreurs de ces journées terribles.
Une députation de chefs babyloniens se rendit auprès de lui. Nebucadnetsar avait commandé que Jérémie ne subisse aucun mal et recouvre une liberté totale.
Par mégarde cependant, le prophète fut lié de chaînes au milieu de tous les captifs ; mais bientôt, Nébuzaradan, le chef des gardes, le découvrit, le délivra de ses liens et s'entretint amicalement avec lui. Il lui proposa de venir à Babylone, lui donna des provisions et un présent. Mais il le laissa entièrement libre (40 : 2-6).
Si Jérémie avait pris une décision selon ses goûts, peut-être aurait-il fini ses jours en exil avec les « bonnes figues ». Nebucadnetsar n'avait-il pas promis de le protéger ? Beaucoup d'amis fidèles, Daniel en particulier, l'auraient accueilli. S'il restait en Palestine, il ne jouirait d'aucune autre compagnie que celle de pauvres paysans ignorants et superstitieux. Les exhorter était une tâche ardue. Pendant les quarante ans de son ministère, n'avait-il pas constaté chez eux indifférence et même hostilité à son égard ? Mais Jérémie ne prit pas le parti le plus aisé. Dieu voulait qu'il restât fidèlement à son poste. Il obéit.
Un gouvernement fut établi sur le pays. Nebucadnetsar nomma Guédalia (v. 11), petit-fils de Shaphan ; ce fut un choix des plus heureux.
Guédalia mena Jérémie avec joie à la maison. Ces deux hommes selon le cœur de Dieu se réconfortèrent l'un l'autre dans les terribles circonstances qu'ils durent traverser. Peut-être se rendaient-ils chaque matin à la maison de Dieu. Mais un jour, les Chaldéens se répandirent dans la ville sainte et mirent le feu à tous les bâtiments (2 Rois 25 : 9).
Quand Jérémie vit le temple qu'il aimait tant s'écrouler dans les flammes, il ne contint presque plus son chagrin. Que dire ? Que faire ? Ces ruines noircies étaient-elles vraiment celles de la ville dont on disait : « La parfaite en beauté ? » (Lam. 3 : 15).
« Qui aurait cru que l'ennemi entrerait un jour dans les portes de Jérusalem ? Oh ! pourquoi mon peuple n'a-t-il jamais cherché le secours auprès de Dieu ? Pourquoi leurs yeux se détournaient-ils toujours de Lui pour regarder à une nation qui ne sauvait pas ? « A cause de ces choses je pleure ; …mon œil se fond en eau ; car il est loin de moi, le Consolateur qui restaurerait mon âme » (Lam. 1 : 16).
Ainsi se lamentait le prophète. Il n'avait devant les yeux que les flammes dévorant sa ville aimée.
Mais le Consolateur l'assistait tout le temps. Il rappela à la mémoire de Jérémie la fidélité de Dieu. « Mais, s'il afflige, il a aussi compassion, car ce n'est pas volontiers qu'il afflige et contriste les fils des hommes » (Lam. 3 : 32-33), put alors s'écrier le prophète. Jérusalem est détruite, mais « Toi, ô Eternel ! tu demeures à toujours » (Lam. 5 : 19).
Guédalia était aimé de tous. En sa présence, personne n'osait médire de son prochain ; le gouverneur ne prêtait aucune attention aux calomnies. Il s'efforçait toujours d'ôter le fétu de son œil, sans se préoccuper de la poutre dans l’œil d'autrui (Matt. 7 : 3-5).
On estime toujours celui qui considère son prochain comme supérieur à lui-même (Phil. 2 : 3). Les Juifs qui avaient cherché refuge dans d'autres pays, apprenant la nomination de Guédalia, revinrent peu à peu en Juda (Jér. 40 : 7-8).
C'était l'été ; le soleil brillait ; les fruits mûrissaient ; beaucoup de travail restait à faire dans les champs et les vignes. Récoltez des fruits (v. 10), disait le bon gouverneur ; servez le roi de Babylone, et vous vous en trouverez bien.
La situation de ceux qui acceptaient leur sort s'améliorait. Mais tout à coup un nouveau malheur, causé par la jalousie d'un seul homme, fondit sur le peuple.
Parmi ceux qui s'étaient réfugiés dans le pays des fils d'Ammon, se trouvait un prince royal du nom d'Ismaël (41 : 1. Il avait eu la chance de s'enfuir quand la captivité le menaçait. Il avait peut-être rendu de grands services au roi des fils d'Ammon. Tenu en haute estime par son protecteur, il avait une si bonne opinion de lui-même qu'il ne pouvait supporter la supériorité d'autrui. La jalousie, cruelle comme la mort, se cachait dans son cœur.
Loin de se réjouir à la nouvelle que l'aimable fils d'Akhikam gouvernait le pays de Juda, il se mit à penser : C'est moi et non pas lui qui devrais être gouverneur, car je suis prince et lui n'a pas de titre.
Le roi des fils d'Ammon vit le visage d'Ismaël s'assombrir. Bientôt il en découvrit la cause. Mais il se rendit compte qu'il pourrait se servir de la jalousie de son protégé. Il le flattait, l'encourageait dans ses mauvaises pensées, jusqu'à ce que le jeune prince écoutât ses conseils et prît le parti d'assassiner son rival.
Un matin, il partit accompagné de dix hommes dans l'intention de perpétrer son forfait. Rarement un complot aboutit sans que le secret en soit trahi. Ismaël parla-t-il trop haut à Mitspa ? L'un de ses serviteurs prit-il la victime en pitié ? Nous l'ignorons. Mais Jokhanan, un brave soldat, apprit l'odieux projet d'assassinat ; il se rendit en hâte, avec ses compagnons, auprès de Guédalia.
« Sais-tu que le prince Ismaël se trouve dans le pays ? » demanda Jokhanan.
« Oui », répondit le gouverneur. En effet, il avait même souhaité la bienvenue à celui qui voulait le tuer, lui donnant le conseil de servir le roi de Babylone. A la fin de l'entretien, il l'avait invité à prendre un repas chez lui.
Jokhanan considéra avec effroi les visages de ses auditeurs. « Ismaël est venu ici pour vous massacrer », dit-il avec effort. Il regarda son maître, s'attendant à le voir pâlir de terreur.
Mais Guédalia sourit paisiblement : « N'as-tu pas appris à te méfier des « on dit » ? Nous ne devons pas avoir une si triste opinion d'Ismaël ».
Jokhanan et ses amis eurent beau affirmer que leurs soupçons étaient justifiés, « Guédalia... ne les crut point » (40 : 14). Ils se retirèrent désespérés, parlant de la menace qui planait sur le Gouverneur, louant le beau caractère de leur chef bien-aimé. Ils se posaient cette question : Que nous arrivera-t-il s'il est mis à mort au moment où tous les Juifs regagnent leur pays et où les circonstances sont plus heureuses ?
Jokhanan ne pouvait tolérer ce meurtre. « Cela n'arrivera pas », cria-t-il. Puis, inaperçu, il quitta ses camarades. Il retourna tout seul auprès de Guédalia. « Ecoute, je t'en supplie ; nous t'avons dit la pure vérité ; tu dois nous faire confiance ; Ismaël est résolu à te tuer ; il faut que moi-même, j'aille l'assassiner. Personne ne me soupçonnera de cet acte. Permets-moi donc de l'accomplir ». Les yeux du Gouverneur étincelèrent d'indignation quand ils fixèrent Jokhanan. « Ne fais pas cette chose-là, car c'est un mensonge que tu dis à l'égard d'Ismaël ».
Au jour fixé, Ismaël, le prince jaloux, vint dîner avec l'homme respecté qui avait pleine confiance en lui. Jokhanan ne participait pas au repas.
Les convives arrivèrent. Le gouverneur, dégagé de tout soupçon, leur souhaita la bienvenue. Ils s'assirent et mangèrent ensemble, conversant agréablement (41 : 1).
Soudain, au signal convenu, Ismaël et ses dix hommes se levèrent. Personne ne ressortit du festin sauf les meurtriers (v. 2-3).
A la tombée de la nuit, les corps des victimes furent traînés hors de la maison et jetés dans une fosse. Personne n'en sut rien. Ismaël s'installa dans la demeure de Guédalia et attendit.
Le second jour, il regardait par la fenêtre ; un long cortège attira son attention. Quatre vingts hommes, les vêtements déchirés et la barbe rasée, apportaient une offrande et de l'encens à la maison de Dieu ; ils se lamentaient amèrement sur le sort de leur temple magnifique.
En un clin d’œil, Ismaël prit une décision. Il se composa un visage aussi triste que possible, se couvrit la tête et, faisant des gestes pour exprimer sa douleur, il sortit à la rencontre de la procession s'en allant et pleurant.
« Venez », dit-il dans un sanglot hypocrite. « Venez vers Guédalia ». Il prit la tête du cortège et le conduisit à travers la ville, jusqu'à la maison du Gouverneur. Tout à coup, il rejeta ses habits de deuil ; aidé de ses dix meurtriers, il se jeta sur les quatre-vingts hommes et les égorgea l'un après l'autre ; dix seulement eurent la vie sauve. Il mit les cadavres dans la fosse où Guédalia gisait depuis deux jours (v. 7).
Voici comment il les mena auprès du gouverneur !
Ismaël ne s'arrêta pas à ce crime ; il emmena captif tout le reste du peuple qui était à Mitspa et s'en alla pour passer vers les fils d'Ammon. Fut-il récompensé pour ses forfaits ? On l'ignore, mais nous pouvons être certains que tout l'argent du monde ne lui donna jamais entière satisfaction.
Les projets de son voyage de retour furent quelque peu modifiés.
Jokhanan ne savait rien à ce moment-là du malheur qui avait atteint son peuple ; tout avait été accompli en secret. La nouvelle lui fut annoncée alors qu'Ismaël avait parcouru plusieurs lieues. Sans perdre un instant, il rassembla ses dernières troupes et se lança à sa poursuite (v. 12).
Il rejoignit les captifs près des grandes eaux qui sont à Gabaon. Quand le peuple qui était avec Ismaël vit Jokhanan, ils se réjouirent. Ils savaient qu'il était venu pour les délivrer. Tous coururent se mettre sous sa protection.
Ismaël, sans tarder, s'enfuit avec huit compagnons (v. 15). Il regagna en hâte le pays des fils d'Ammon. On n'entendit plus jamais parler de cet homme qui, dès lors, s'imagina avoir un ennemi à ses trousses. Car il est écrit : « Le méchant se sauve quand personne ne le poursuit » (Prov. 28 : 1).
Y AVAIT-IL UNE PLACE DANS L'HOTELLERIE ?
Tous les rescapés retournèrent avec Jokhanan dans une auberge, appelée « hôtellerie de Kimham » (Jér. 41 : 17), près de Bethléhem sur la route d'Egypte.
Six cents ans plus tard, il y avait aussi une hôtellerie au bord du chemin à Bethléhem, où d'autres voyageurs ne trouvèrent pas de place (Luc 2 : 7). C'est en pensant avec émotion à l'Un d'eux que nous voulons nous arrêter un instant à cette hôtellerie de Kimham. Y donnerait-on une place au Roi de gloire ? Au même Sauveur qui aujourd'hui frappe à la porte des cœurs fermés (Apoc. 3 : 20) ?
Jérémie espérant toujours découvrir quelque signe de repentance descendit à l'auberge. « Prie pour nous », dit le peuple allant à sa rencontre, « et que l'Eternel, ton Dieu, nous montre le chemin par lequel nous devons marcher, et ce que nous devons faire » (42 : 2-3).
Le prophète, tout heureux, promit de demander à son Maître de diriger leurs pas. Nous ferons tout ce qu'Il nous dira cette fois-ci, que cela nous plaise ou non, affirmèrent-ils (v. 6). De fait, ils avaient déjà pris la résolution de se rendre en Egypte.
Et ces hommes qui venaient de dire « nous écouterons la voix de l'Eternel », s'écrièrent : « Non, mais nous irons dans le pays d'Egypte… et nous habiterons là » (v. 14).
Ainsi Israël, toujours le même, s'arrêta à l'endroit où se croisaient deux chemins et, délibérément, choisit la route défendue. Ils entrèrent dans le pays d'Egypte, car ils « n'écoutèrent point la voix de l'Eternel » (Jér. 43 : 4). Jérémie, fidèle serviteur, toujours soumis à son Maître, se joignit à eux.
Et le Dieu dont l'amour ne change jamais leur parla d'une manière si touchante, que tout cœur de chair et non de pierre se serait attendri. Comme autrefois, le prophète répéta : « Mon peuple… ils m’ont abandonné » (Jér. 2 : 13). Il est semblable à une famille insensée quittant une belle demeure près d'une fontaine où coulent nuit et jour des eaux rafraîchissantes. Par amour du changement, il s'en va dans un pays où il devra « creuser des citernes crevassés qui ne retiennent pas l'eau ». Là, les petits enfants mourront de soif à cause de la désobéissance de leurs parents.
O mon peuple, mon trésor particulier, qu'as-tu affaire d'aller en Egypte pour boire les eaux limoneuses du Nil ? Pourquoi êtes-vous les exilés d'un pays découlant de lait et de miel ? « N'est-ce pas toi qui t'es fait cela » (v. 17), en m'abandonnant, moi la source des eaux vives ? Et chacun de vous dit encore : Ce n'est pas ma faute, je suis innocent.
Ecoute ma voix, mon peuple : Tu ne tiens aucun compte de mes paroles ; tu dis obstinément : Je n'ai point péché. Alors je plaide avec toi pour que tu reviennes à moi. Voici, tu as parlé, et tu as fait les choses mauvaises et tu as su les accomplir... « Ne me crieras-tu pas désormais : Mon père ! tu es le conducteur de ma jeunesse ? » (3 : 4).
Malgré l'indifférence et même la rébellion de son peuple, Dieu continua à lui envoyer des messages d'amour. Jérémie suppliait toujours ses compatriotes de « revenir ». L'Eternel était prêt à pardonner, à les secourir dans leur détresse.
Au début de notre histoire, nous avons parlé de l'amour de Dieu. Et l'amour de Dieu en est encore la conclusion ; cet amour demeure le même aujourd'hui. Il ne change jamais. Ces récits de jadis, qui ne vieillissent pas, ont été écrits pour notre instruction (Rom. 15 : 4).
Chacun des discours, chacune des paroles de Jérémie, sont destinés aussi bien à nous qu'aux auditeurs d'autrefois. Tout ce que Dieu a fait pour Jérémie, Il le fait aujourd'hui pour ses serviteurs.
Cette patience dont Dieu usa à l'égard de son peuple indifférent ou rebelle, il la manifeste encore pour attirer à Lui ceux qui résistent aux appels de sa grâce.
Puissions-nous, par la puissance du Saint Esprit, entendre sa voix, contempler sa face et toujours mieux L'appeler : Père (Rom. 8 : 15).
D’après Lettice Bell – « The boiling cauldron »