TOUTES SORTES DE PRIERES (6)
Cas particuliers (suite)
Des prières inconvenantes
Les Ecritures nous enseignent également que, dans certains cas, la prière peut être anormale voire même inconvenante. Bien que cela puisse paraître étrange à première vue, nous citerons quelques exemples qui établiront clairement cette réalité.
Si l'on a délibérément choisi son chemin, lequel devient celui de la propre volonté puisqu'il correspond aux aspirations de nos cœurs naturels, il est inutile de prier ensuite pour demander les directions du Seigneur ! Si la prière est une manifestation de dépendance pratiquée dans un tel état d'esprit, elle perd alors son caractère fondamental. Plus encore, elle révèle un manque de droiture, car elle a pour but l'octroi d'une liberté d'action en demandant en quelque sorte que nos dispositions soient accompagnées de l'approbation divine. Combien facilement disons-nous : J'ai la liberté de faire ceci ou cela ! Où trouve-t-on le droit de prendre une telle liberté ? Est-ce dans nos cœurs au détriment des droits du Seigneur, ou découle-t-elle d'une réelle dépendance ? Souvent, en effet, nous prenons des « décisions » sans exposer les choses au Seigneur, après quoi nous lui demandons son aide et sa bénédiction. Ainsi fit Jacob après avoir dressé son plan, alors qu'il craignait de rencontrer son frère Esaü (lire Genèse 32).
Dans le livre de Jérémie (42 ; 43 : 1-7), nous avons l'exemple remarquable d'un chemin choisi avant d'interroger l'Eternel. Ces passages nous présentent l'état d'une partie de Juda déportée, laissée dans sa terre. Sa place était d'y rester en se soumettant à Nebucadretsar. Cependant, la crainte le conduit à désirer s'enfuir en Egypte. S'adressant à Jérémie, les chefs et tout le peuple lui demandent de prier l'Eternel pour eux, afin qu'ils connaissent le chemin par lequel ils devaient marcher et ce qu'ils devaient faire. A cette requête, ils ajoutent encore ces paroles qui établissent leur responsabilité quant à la dépendance : « L'Eternel soit entre nous un témoin véritable et fidèle, si nous ne faisons selon toute la parole pour laquelle l'Eternel, ton Dieu, t'enverra vers nous ! Soit bien, soit mal, nous écouterons la voix de l'Eternel notre Dieu » (42 : 3-6). Quelle fut la réponse divine ? Pleine de grâce et de simplicité. « Ainsi dit l'Eternel... Si vous continuez à habiter dans ce pays, je vous bâtirai, et je ne vous renverserai pas, et je vous planterai, et je ne vous arracherai pas ; car je me repens du mal que je vous ai fait. Ne craignez point le roi de Babylone... car je suis avec vous pour vous sauver et pour vous délivrer de sa main » (v. 9-11). Dans sa miséricorde, Dieu place devant le peuple les deux chemins et leurs issues. Y avait-il lieu d'hésiter ? Pourtant, ces hommes manquaient de droiture en demandant à l'Eternel le chemin à suivre, car ils voulaient aller en Egypte. Jérémie le savait, c'est pourquoi il leur dit : « Vous vous êtes séduits vous-mêmes dans vos âmes quand vous m'avez envoyé vers l'Eternel... Sachez certainement que vous mourrez... dans le lieu où vous avez désiré d'aller pour y séjourner » (v. 20, 22). Leur perversité étant mise à nu, ils n'acceptent pas les déclarations de l'Eternel qui sont contraires à leurs intentions, de sorte qu'ils répondent au prophète : « C'est un mensonge que tu dis ; l'Eternel, notre Dieu, ne t'a pas envoyé pour nous dire : N'allez point en Egypte pour y séjourner » (43 : 2).
Nous avons un cas semblable dans le chapitre 18 du second livre des Chroniques (même récit en 1 Rois 22). Le mariage de Joram, fils de Josaphat avec la fille d'Achab mit en relation le pieux roi de Juda avec l'infidèle roi d'Israël. Nous les voyons assis côte à côte sur des trônes, Josaphat s'identifiant à Israël dans son mauvais état et se solidarisant avec les intentions d'Achab auquel il dit : « Moi, je suis comme toi, et mon peuple comme ton peuple ; et je serai avec toi dans la guerre ». L'association d'un croyant avec le monde le rend solidaire de l'iniquité qui s'y trouve. Elle le prive du discernement de la pensée de Dieu et lui ôte la force pour lutter contre le mal ; d'où l'importance de l'exhortation si souvent répétée : « Soyez séparés » (Nom. 23 : 9 ; Esd. 10 : 11 ; Jér. 15 : 19 ; 2 Cor. 6 : 17). Bien qu'il se trouve dans une position anormale, la piété de Josaphat le rend désireux de connaître la pensée de Dieu. Ne faisant pas confiance aux quatre cents prophètes convoqués par Achab, il demande que Michée, prophète de l'Eternel, soit entendu. En tant que serviteur fidèle, Michée avait fréquemment désapprouvé Achab, d'où la haine de ce dernier. L'ayant appelé, on lui dicte la parole qu'il devait prononcer, de sorte qu'il parle (premièrement) comme les faux prophètes. Achab discerne que ce n'est pas la vérité et lui dit : « Combien de fois t'adjurerai-je de ne me dire que la vérité au nom de l'Eternel ? » (1 Rois 22 : 16). Alors le prophète la fait connaître, mais comme elle ne s'accordait pas avec la décision prise par ces rois de monter en guerre contre Ramoth de Galaad, ils jettent Michée en prison. Pourtant, le chemin à suivre était clair. Josaphat, aveuglé, part avec Achab pour revenir seul et confus. A son retour dans sa maison, il doit entendre ces paroles : « Aides-tu au méchant, et aimes-tu ceux qui haïssent l'Eternel ? A cause de cela il y a colère sur toi de la part de l'Eternel (2 chr. 19 : 2).
Il en est de même lorsque la volonté de Dieu nous est connue. En effet, si l'enseignement des Ecritures nous fait discerner la pensée de Dieu à l'égard d'une voie à suivre ou à fuir, il est inutile et anormal de prier pour requérir les directions divines. Et pourtant, nous devons reconnaître combien facilement nous faisons de certaines circonstances un « sujet de prières », alors que si nous sommes droits devant Dieu, nous connaissons fort bien sa volonté ! De telles prières n'ont pas pour but la gloire du Seigneur mais proviennent d'une lutte entre le désir nourri par nos cœurs naturels et la crainte des conséquences qui pourraient résulter d'actes contraires à Sa pensée. Ainsi par exemple, nous ne saurions demander dans nos prières si notre participation aux associations de ce monde, qu'elles soient religieuses ou politiques, est approuvée de sa part, puisque la Parole est formelle à cet égard. Toute alliance avec le monde est en opposition au Seigneur, selon ce que la Parole nous dit : « Ne savez-vous pas que l'amitié du monde est inimitié contre Dieu ? Ainsi, Quiconque voudra être ami du monde se constitue ennemi de Dieu » (Jac. 4 : 4). Israël en a fait la douloureuse expérience avec les Gabaonites, et combien plus encore par la suite. C'est dans la mesure où nous serons séparés du monde que nous pourrons être des témoins dans le monde. Que disent les hommes de Sodome à Lot qui habitait parmi eux : « Cet individu est venu pour séjourner ici, et il veut faire le juge ! » (Gen. 19 : 9). Certes, n'est-ce pas humiliant de constater que ce sont souvent les incrédules qui font remarquer au croyant qui se trouve avec eux qu'il n'est pas à sa place ? Or, Lot était un juste qui tourmentait jour après jour son âme juste à cause de leurs actions iniques (2 Pier. 2 : 8).
Quant aux premières associations citées, nous lisons dans l'épître de Jacques : « Le service religieux pur et sans tache devant Dieu le Père, le voici : visiter les orphelins et les veuves dans leur affliction, se conserver pur du monde » (1 : 27), c'est-à-dire séparé des souillures qui s'y trouvent, tout dans ce monde étant contraire à la nouvelle nature. En ce qui concerne le monde politique, il en est de même. Dieu maintiendra l'autorité tant que l'Eglise est ici-bas. Notre rôle consiste à nous y soumettre et à prier pour elle et non pas à y collaborer, ne serait-ce que par l'apport de nos suffrages. Pour l'enfant de Dieu, le monde est crucifié et lui-même l'est pour le monde (Gal. 6 : 14). « Notre cité à nous se trouve dans les cieux, d'où aussi nous attendons le Seigneur Jésus Christ comme Sauveur » (Phil. 3 : 20). Renier ces caractères en ayant nos affections liées aux choses terrestres, c'est être des ennemis de la croix de Christ.
Mais revenons à l'objet de nos lignes et considérons l'exemple que nous fournit Balaam dans le chapitre 22 du livre des Nombres. Cet homme cupide, dont le mauvais état est rappelé dans les épîtres de Pierre et de Jude, est sollicité par Balaak, roi de Moab ennemi d'Israël, afin qu’il vienne maudire le peuple de Dieu. Attiré par la récompense, il désirait accepter de le faire mais il craignait les conséquences ; il aurait voulu acquérir cet argent d'une façon religieuse. Si son cœur avait été droit, il n'aurait pas reçu de tels messagers chez lui. Dans sa grâce, Dieu lui fait connaître le chemin à suivre, venant à lui par ces paroles : « Tu n'iras pas avec eux ; tu ne maudiras pas le peuple, car il est béni » (v. 12). Balaam est alors contraint de dire aux envoyés de Balak : « L'Eternel refuse de me laisser aller avec vous ». Dieu connaissait le cœur de Balaam et Satan connaissait aussi le point vulnérable, l’amour de l'argent. Aussi, l'invitation est renouvelée, avec plus d'insistance encore, d'une part afin que Balaam soit manifesté à sa propre confusion et d'autre part afin que Dieu soit glorifié en fermant la bouche à l'accusateur. Le prophète tenté à nouveau, reçoit les messagers de Balak, les retient et leur dit : « Demeurez ici, vous aussi, cette nuit, et je saurai ce que l'Eternel aura de plus à me dire » (v. 19). La première communication de Dieu ne donnait lieu à aucune équivoque. Toutefois, bien que feignant de mépriser l'honneur, Balaam désirait tant en être comblé que l'Eternel lui dit : « Lève-toi, va avec eux ; seulement, la parole que je te dirai, tu la feras » (v. 20). C'est-à-dire : Puisque tu veux aller, va ! toutefois tu ne pourras dire que les paroles que je mettrai dans ta bouche, et cela à ta honte ! Dieu s'est servi de ces circonstances pour proclamer, par les quatre remarquables prophéties contenues dans les chapitres 23 et 24 du livre des Nombres, la position bénie du peuple d'Israël ; celui-ci est choisi d'entre les nations en vertu des dons de grâce et de l'appel de Dieu, qui sont irrévocables (Rom. 11 : 29). C'est une chose merveilleuse ; toutefois, elle ne peut amoindrir en quoi que ce soit la totale responsabilité de Balaam. Il connaissait la volonté de l'Eternel et devait par conséquent s'y soumettre humblement et sans raisonnement. Il avait désiré mourir « comme les hommes droits » (23 : 10), mais il fut atteint par l'épée du gouvernement de Dieu, et mis à mort comme les autres ennemis d'Israël (Nom. 31 : 8 ; Jos. 13 : 22).
Bien qu'il ne soit pas textuellement parlé de prière de la part de Balaam, son attente répétée à la suite de laquelle l'Eternel vient à lui revêt ce caractère.
De telles circonstances mettent bien l'accent sur l'importance de la soumission et de la droiture de cœur dans la prière. Le désir de connaître la volonté de Dieu doit nécessairement être accompagné de celui de s'y conformer. David pouvait écrire : « La bonté de l'Eternel est de tout temps et à toujours sur ceux qui le craignent.. ; et qui se souviennent de ses préceptes pour les faire » (Ps. 103 : 17-18). Le Seigneur, enseignant ses disciples par le lavage des pieds leur dit : « Si vous savez ces choses, vous êtes bienheureux si vous les faites » (Jean 13 : 17).
Remarquons encore un dernier point. Dans la première épître de Pierre, nous lisons : « De même, vous, maris, vivez avec elles selon la connaissance, ayant égard à leur nature plus délicate, féminine, leur portant honneur, comme étant aussi ensemble héritiers de la grâce de la vie, pour que vos prières ne soient pas interrompues » (3 : 7). Dans ce passage, l'apôtre s'adresse aux maris croyants, les exhortant quant à leur attitude à l'égard de leur épouse croyante, attirant leur attention sur le fait que tous deux jouissent d'un privilège commun. De cette précieuse réalité, il doit résulter de la piété. Cet attachement au Seigneur, réalisé dans l'intimité des liens du mariage, était certainement la part de Prisca et Aquilas, tous deux compagnons d'œuvre de l'apôtre Paul.
Ce n'est pas sans motifs que l'interruption des prières est mentionnée en rapport avec la vie domestique. En effet, à cause de nos natures et des manifestations charnelles, le climat familial peut nuire à la prière, voire même l'interrompre momentanément. Prenons garde de ne pas demeurer dans un tel état, mais qu'au contraire la privation que nous pourrions passagèrement éprouver nous conduise à juger sans tarder les pensées de nos cœurs et les mobiles de nos dispositions fâcheuses afin d'être ramenés à une même pensée, à un même sentiment, pour vaquer à nouveau ensemble à la prière.
Les différents cas particuliers auxquels nous avons fait mention placent devant nous des circonstances souvent regrettables, parfois même très affligeantes dans lesquelles le croyant peut se trouver. En raison des infirmités qui nous caractérisent et des faux-pas que nous sommes exposés à commettre jusqu'au terme de notre pèlerinage, mais aussi en vertu de l'amour divin qui désire sans cesse nous bénir, nous demeurons à l'école de Dieu. En tant que fils qu'il agrée (Héb. 12 : 5-6), Il nous discipline pour nous faire du bien à la fin. Nous ne sommes pas laissés sans ressources et si l'Eternel a jadis donné à Israël l'assurance de son puissant secours alors qu'il lui restait un très grand pays à posséder, combien plus l'accordera-t-Il maintenant à toute âme dépendante et confiante.
P. C – « Messager évangélique » (1968)
A suivre