L'incrédulité (Nom. 13 : 1-4, 27-34 ; 14 : 1-11, 22-25, 36-38)
Israël est arrivé à la frontière de Canaan. L’Eternel lui a promis un pays ruisselant de lait et de miel. « Regarde, dit Moïse, l’Eternel, ton Dieu, a mis devant toi le pays : monte, prends possession, comme l’Eternel, le Dieu de tes pères, te l’a dit ; ne crains point et ne t’effraie point » (Deut. 1 : 21).
Mais le peuple ne l’entend pas de cette oreille. Il désire que des hommes soient envoyés afin d’examiner « pour nous » le pays, « s’il est bon ou mauvais », et si le peuple qui l’habite est « fort ou faible ».
Pourquoi douter de la promesse divine ? Dieu pouvait-il donner aux siens un mauvais pays ? N’avait-il pas la puissance de combattre des ennemis forts, aussi bien que des ennemis faibles ? Le manque de foi dans la promesse divine conduit le peuple à désirer l’envoi des espions ; Dieu leur donne ce qu’ils ont voulu (Nom. 13 : 3).
Le rapport des espions confirme ce que l’Eternel avait dit : Vraiment le pays est ruisselant de lait et de miel. Ils en montrent le fruit magnifique. « Seulement, ajoutent-ils, le peuple qui habite dans le pays est fort... Nous ne sommes pas capables de monter contre ce peuple » (Nom. 13 : 29, 32). Le doute fait place à l’incrédulité. On manquait de foi dans la promesse de Dieu ; maintenant on n’a pas de foi pour la conquête. L’incrédulité conduira à la révolte (14 : 4), à vouloir même lapider ceux qui insistent avec foi que l’Eternel a bien la puissance de les faire entrer dans le pays (14 : 10).
L’épître aux Hébreux met le doigt sur la plaie : « Nous voyons qu’ils ne purent y entrer (dans le repos) à cause de l’incrédulité. Craignons donc, alors qu’il reste une promesse d’entrer dans son repos, que l’un de vous paraisse ne pas l’atteindre ... la parole entendue ne leur servit de rien, n’étant pas mêlée avec de la foi chez ceux qui l’entendirent » (3 : 19 ; 4 :1-2).
Il peut malheureusement en être ainsi aux moments décisifs de la vie. Si la foi n’est pas en activité, si la confiance en Dieu n’est pas réelle, on choisira un chemin qui nous éloigne de Lui. De fait le peuple avait « murmuré » contre l’Eternel (14 : 29), « méprisé » le pays (v. 31). Quelle importance avait la hauteur des murs, s’ils devaient tomber au son d’une trompette ! Au moment crucial on n’a pas compté sur Dieu, on a redouté l’obstacle, on n’a pas surmonté la difficulté, on a cédé à l’Ennemi. Et la vie appauvrie s’écoulera sous les conséquences de l’incrédulité... jusqu’à ce que par la grâce nous revenions à Lui, et que, la discipline ayant porté son fruit, Il opère une restauration.
Il a suffi de dix espions incrédules pour faire « fondre le cœur » du peuple. Toute l’assemblée se met à jeter des cris, à pleurer toute la nuit, à murmurer contre Moïse et Aaron, et propose enfin de s’établir un chef et de retourner en Egypte. Si ces dix hommes avaient fait un rapport de foi et de confiance en Dieu, le peuple ne se serait-il pas comporté tout autrement ?
Deux hommes qui connaissaient leur Dieu, Caleb, puis Josué, insistent : « Montons hardiment... Si l’Eternel prend plaisir en nous, il nous fera entrer dans ce pays-là et nous le donnera » (Nom. 13 : 31 ; 14 : 8). Pour l’instant ils ne recueillent que la menace d’être lapidés. Bien des années après, Josué deviendra le conducteur du peuple à la conquête du pays, et Caleb pourra lui-même s’emparer de l’héritage que Dieu lui accorde (Josué 14 : 6-15).
Dans une assemblée, dans une région, la présence de deux ou trois hommes de foi peut être décisive en bénédiction, comme parfois il suffit de peu pour qu’une influence pernicieuse amène beaucoup de ruines. Il est facile de « décrier le pays », de décourager les chrétiens vivants, de parler des difficultés, des renoncements, de l’opposition, plus que des secours divins et des joies ; l’incrédulité de quelques-uns contamine les autres.
Caleb était « animé d’un autre esprit » (14 : 24). Il appréciait le don de Dieu, il engageait ses frères à se l’approprier. Ne voulons-nous pas montrer par notre vie, par toute notre attitude, le prix qu’a pour nous l’héritage céleste qui seul demeure ?
Après les plaintes du peuple, le feu de l’Eternel ravage le camp (Nom. 11 : 1). Après la convoitise, la corruption se répand et aboutit aux sépulcres (v. 34). Marie devient lépreuse (12 : 10). Les dix hommes qui ont fait murmurer toute l’assemblée, en décriant le pays, meurent de plaie devant l’Eternel (14 : 37) ; et tout le peuple qui s’est lamenté et rebellé, devra se consumer dans le désert : « Vos cadavres tomberont dans ce désert. Et tous ceux d’entre vous qui ont été dénombrés… vous qui avez murmuré contre moi » (v. 29). Pendant quarante ans, il faudra errer dans ces solitudes désolées ; l’une après l’autre, les tombes des hommes de l’exode en jalonneront les étapes.
Répétons-le : « On ne se moque pas de Dieu ; car ce qu’un homme sème, cela aussi il le moissonnera » (Gal. 6 : 7).
Le peuple veut se soustraire aux conséquences de sa faute. Légèrement ils disent : « Nous voici ; nous monterons au lieu dont l’Eternel a parlé ; car nous avons péché » (Nom. 14 : 40). Moïse cherche à les dissuader, leur montrant qu’ils transgressent le commandement de l’Éternel, qu’il faut se soumettre et humblement accepter les conséquences de ses inconséquences. Ils ne veulent rien entendre, et s’obstinent à monter sur le sommet de la montagne (v. 44). Les Amalékites et les Cananéens… les taillèrent en pièces jusqu’à Horma » (v. 45).
Il est difficile de se courber sous la discipline divine, mais n’est-ce pas la vraie preuve d’une humiliation réelle ?
Cette étape décisive du désert n’a-t-elle pas un profond enseignement pour nous, croyants ? La Pâque et la traversée de la mer Rouge correspondent à l’expiation de nos péchés et à la délivrance de la puissance de Satan par la rédemption. La conversion, par la foi au Seigneur Jésus, nous libère de la domination de l’ennemi et du monde, et nous amène au désert dans le chemin de Dieu. L’âme y fait l’expérience de ses soins, de sa bonté et de sa puissance, mais apprend aussi à se connaître. Toutefois la vie chrétienne ne doit pas se passer continuellement avec des hauts et des bas, des chutes et des regrets ; elle se passe aussi en Canaan, de l’autre côté du Jourdain (notre mort avec Christ), sur le terrain de la résurrection avec Lui, dans la conscience de notre pleine acceptation en Lui devant Dieu, et du fait, merveilleux mais réel pour la foi, qu’Il est en nous (Jean 14 : 20 ; Gal. 2 : 20).
C’est l’expérience de Romains 6 à 8 ; elle nous amène à « marcher par l’Esprit », « affranchis du péché et asservis à Dieu », « mis à mort à la Loi par le corps du Christ, pour appartenir à un autre, à celui qui est ressuscité d’entre les morts, afin que nous portions du fruit pour Dieu » (7 : 4). Cette vie de foi suppose le renoncement à soi-même : « Livrez-vous vous-mêmes à Dieu, comme d’entre les morts étant faits vivants » (6 : 13) ; c’est la mise à disposition de l’être tout entier entre les mains du Seigneur. Et là, souvent, on recule, on redoute les sacrifices, et... tournant le dos au « pays », on retourne au désert, perdant la bénédiction qui était à notre portée. Serons-nous des sarments qui portent beaucoup de fruit, ou de ceux qui n’en portent pas ou peu, selon que pratiquement nous réaliserons ou non ce qu’implique demeurer en Lui ? (Jean 15 : 1-8).
L’orgueil est « la faute du diable » (1 Tim. 3 : 6). « Toi, tu as dit dans ton cœur : Je monterai aux cieux, j’élèverai mon trône au-dessus des étoiles de Dieu... Je monterai sur les hauteurs des nues, je serai semblable au Très-haut » (Es. 14 : 13-14).
L’Ennemi savait très bien d’avance qu’en insufflant l’orgueil dans le cœur de Coré, il allait semer des ravages parmi le peuple. Coré était fils de Kehath, fils de Lévi ; il « s’éleva dans son esprit » (Nom. 16 : 1) ; insatisfait d’être Lévite et d’avoir l'insigne privilège de servir dans le tabernacle, il recherche aussi la sacrificature (v. 10). Il veut une place que Dieu ne lui a pas donnée. Dans notre chapitre, Aaron représente Christ comme sacrificateur. Désirer une telle fonction, c’était en type vouloir prendre la place de Christ.
Dans le christianisme, tous les croyants sont sacrificateurs, mais un seul est notre Souverain sacrificateur, médiateur entre les hommes et Dieu, l’homme Christ Jésus. Aucun croyant ne doit s’élever au-dessus de ses frères et prétendre être un intermédiaire entre le peuple de Dieu et Dieu lui-même. La gravité de la faute de Coré se mesure à la rigueur du châtiment qui a suivi.
Il entraîne à sa suite deux cent cinquante hommes, princes, hommes de renom. Moïse fait tous ses efforts pour lui montrer son erreur ; il parle à ceux qui s’attroupent contre lui et contre Aaron ; il va s’entretenir personnellement avec Coré (v. 8), mais tout cela ne sert à rien. Moïse reçoit la grâce de remettre les choses entre les mains de Dieu et de le laisser décider, par l’épreuve de l’encens (v. 7), quel est l’homme qu’Il a choisi.
Simultanément à la révolte de Coré, révolte religieuse, se produit une rébellion « civile » chez Dathan, Abiram et On, des Rubénites, qui s’élèvent contre l’autorité de Moïse - ici, un type de Christ, non comme sacrificateur, mais comme Seigneur.
Plus hautains encore que Coré, Dathan et Abiram refusent même tout entretien avec Moïse (v. 12), l’accusant de se faire « absolument dominateur » sur eux (v. 13). Ils lui imputent l’échec de l’entrée en Canaan (v. 14), et, rejetant toute obéissance, en viennent jusqu’à narguer le peuple, se tenant avec leurs enfants et leurs femmes à l’entrée de leurs tentes (v. 27).
Il n’y avait plus de remède. Seul convenait le châtiment de Dieu et combien il fut terrible !
Coré avait réuni contre Moïse et Aaron toute l’assemblée à la tente d’assignation ; à cet instant décisif, la gloire de l’Eternel apparaît. Celui-ci engage Moïse et Aaron à se séparer de toute l’assemblée qu’Il va consumer ! Les deux frères intercèdent avec intelligence pour le peuple : « Un seul homme péchera et tu seras courroucé contre toute l’assemblée ? » (v. 22). Le principe est solennel, car si l’assemblée couvrait la rébellion de Coré, elle serait tout entière entraînée dans le jugement. Les Israélites obéissent à la parole de l’Eternel : « Retirez-vous d’autour de la demeure de Coré, de Dathan et d’Abiram » (v. 24). Moïse, tentant un dernier effort, se lève et va vers ces hommes rebelles. Tandis que le peuple fait un grand cercle autour de leurs demeures, soudain le sol ouvre sa bouche et les engloutit avec tout ce qui est à eux (v. 32). Dans le sanctuaire « il sortit du feu de la part de l’Éternel, et il consuma les deux cent cinquante hommes qui présentaient l’encens » (v. 35).
Au lieu de recevoir instruction par un tel châtiment, pas plus tard que le lendemain, Israël se rebelle à nouveau et murmure contre Moïse et Aaron, les accusant d’avoir mis à mort le peuple de l’Eternel (v. 41). Une plaie s’ensuit. Seule l’intervention d’Aaron, sacrificateur portant l’encens, se tenant debout entre les morts et les vivants, magnifique type de Christ, arrête la plaie et épargne le reste des rebelles. Encore une fois la grâce brille, non sans que la sainteté de Dieu ait été revendiquée.
« L’orgueil va devant la ruine, et l’esprit hautain devant la chute » (Prov. 16 : 18).
Pourtant, au milieu de cette scène terrible, un rayon de grâce brille : « Les fils de Coré ne moururent pas » (Nom. 26 : 11). Pourquoi furent-ils épargnés ? Nous l’ignorons, et ne pouvons que répéter la parole d’Abraham : « Le juge de toute la terre ne fera-t-il pas ce qui est juste ? » (Gen. 18 : 25). Plus tard, les fils de Coré pourront composer des psaumes, qui restent à travers les âges pour la consolation et l’édification des croyants et pour la gloire de Celui dont ils peuvent dire : « Tu es plus beau que les fils des hommes ; la grâce est répandue sur tes lèvres : c’est pourquoi Dieu t’a béni à toujours » (Ps. 45 : 2). Objets d’une grâce particulière, ils ont appris à connaître Celui qui en est la seule source.
D’après G. André