LA DEUXIEME EPITRE AUX CORINTHIENS (10a)
CHAPITRE 10 : Humilité et hardiesse
Dans les chapitres 10 à 13, Paul défend son apostolat. L’un des nombreux problèmes auxquels il a été confronté à Corinthe consistait dans l’attitude de personnes d’origine juive, assurément très cultivées et intelligentes, qui prétendaient être elles-mêmes apôtres et mettaient en question l’autorité et l’enseignement de l’apôtre des nations (voir 10 : 12 ; 11 : 4, 13, 20, 22). En répandant de fausses informations sur Paul et ses compagnons d’œuvre, elles tentaient d’attirer les croyants de Corinthe après elles et de les entraîner dans l’erreur. Visiblement, ceux-ci avaient déjà partiellement succombé aux procédés extrêmement rusés de ces « faux apôtres », ce qui mettait l’assemblée dans son ensemble en grand danger de s’écarter du droit chemin de la vérité divine.
Paul aborde maintenant ce grave problème qu’il a déjà effleuré dans sa première épître (1 Cor. 3 : 15-22 ; 4 : 2-5, 18-21 ; 9 : 1-3) et qu’il a aussi évoqué à plusieurs reprises déjà dans celle-ci (2 : 17 ; 3 : 1 ; 4 : 2). Il ne se réfère cependant pas à son autorité apostolique, mais il fait appel au discernement et à la bonne disposition des destinataires de sa lettre. Au vu du grand danger qui menaçait les croyants à Corinthe, il ne craint cependant pas d’appeler de tels hommes des « faux apôtres », des « ouvriers trompeurs », et même des serviteurs de Satan (11 : 13-15). Il s’applique en même temps à convaincre les croyants qu’il voulait leur bien en poursuivant le seul but de leur apporter toute la vérité de Dieu en Christ.
Dans le chapitre 10, les méthodes des adversaires de l’apôtre à Corinthe sont mises au grand jour. Ils combattent pour imposer leur influence avec les armes charnelles de l’intelligence humaine (v. 1-6) ; ils se réclament, comme Coré et son assemblée, de l’égalité de tous ceux qui appartiennent à Christ (v. 7-11 ; comp. Nom. 16 : 3) et se mettent en avant de manière indue (v. 12-18).
L’apôtre fait maintenant face à ces hommes prétentieux, non pas directement mais en adressant de sérieux appels à tous les croyants à Corinthe. Il évite ainsi tout ce qui pourrait lui attirer le reproche de ne pas se comporter mieux que ces séducteurs. Aussi s’exprime-t-il d’abord avec beaucoup de retenue et en partie par périphrase, parce qu’il ne veut blesser inutilement aucune personne. Ses déclarations reflètent son humilité personnelle et son amour profond pour le Seigneur et pour les siens.
Paul se montre un fidèle disciple de son Maître, qui avait dit : « Apprenez de moi, car je suis débonnaire et humble de cœur » (Matt. 11 : 29). Il n’exhortait pas seulement les autres à manifester cette disposition (Phil. 2 : 5-11 ; 2 Tim. 2 : 24), mais il la réalisait lui-même dans sa propre vie. C’est pourquoi il commence par ces paroles : « Moi-même, Paul, je vous exhorte par la douceur et la bonté du Christ - moi qui, au milieu de vous, suis d’une apparence réservée, mais qui, absent, use de hardiesse envers vous… » (v. 1). Les qualités mentionnées par Paul ne doivent pas être identifiées ou confondues avec la mollesse de caractère, mais elles sont des traits du « nouvel homme ». Un chrétien qui est débonnaire ne réagit pas d’une manière blessante ou méchante lorsqu’il est traité injustement, et celui qui est humble ne se met pas lui-même en avant. De plus, la douceur nous garde de paroles dures.
Ces conducteurs autoproclamés à Corinthe avaient persuadé les croyants de ce lieu que Paul et ses compagnons d’œuvre ne poursuivaient, comme marchant « selon la chair », que des buts personnels et charnels. Lorsque l’apôtre pense à eux, il est prêt à leur résister en face. Mais par amour pour les autres Corinthiens, il espère et supplie Dieu que cela lui soit épargné. L’expression « selon la chair » s’applique ici à la vieille nature pécheresse de l’homme (v. 2 ; comp. Rom. 8 : 3-9).
Quand il ajoute ensuite avec une fine nuance, qu’ils marchaient certes « dans la chair », mais ne combattaient pas « selon la chair », il utilise le mot « chair » dans deux sens tout à fait différents. En disant « dans la chair », il pense ici à l’existence humaine sur la terre, tandis que « selon la chair » a le même sens qu’au verset 2 (v. 3 ; comp. Phil. 1 : 24). L’expression « dans la chair » peut cependant désigner dans d’autres passages l’état du pécheur avant sa conversion (par ex. Rom. 7 : 5 ; 8 : 8).
La vie de la foi est non seulement une marche, mais aussi un combat. Ici, l’image du combat ne se réfère pas au domaine du sport (comme par ex. en 1 Cor. 9 : 25 ; Héb. 10 : 32 ; 12 : 1), mais elle se rapporte à la guerre (comme en 1 Tim. 1 : 18). Partout où la vérité divine rencontre de l’opposition, le chrétien est appelé au combat spirituel. Mais celui-ci n’est pas « contre le sang et la chair », c’est-à-dire contre des hommes, mais il est contre les puissances de méchanceté (comp. Eph. 6 : 12), c’est-à-dire en fin de compte, contre Satan lui-même. C’est pourquoi nous sommes exhortés dans le Nouveau Testament à résister au diable, afin qu’il s’enfuie de nous (Jac. 4 : 7 ; 1 Pier. 5 : 8-9). C’est un tel combat spirituel que Paul voyait devant lui aussi dans l’assemblée à Corinthe.
Mais les armes de leur combat spirituel étaient aussi peu charnelles que leur manière de combattre. Paul aurait pu mieux que tout autre battre les faux apôtres à Corinthe avec leurs propres armes. Mais il aurait alors combattu « selon la chair ». Et il évitait justement cela. Les armes qu’il utilisait, comme il l’a écrit, n’étaient pas « charnelles, mais puissantes par Dieu pour la destruction des forteresses, renversant les raisonnements et toute hauteur qui s’élève contre la connaissance de Dieu » (v. 4-5).
A la différence d’Ephésiens 6 : 11-17 et de 1 Thessaloniciens 5 : 8, l’apôtre n’énumère pas ici les différentes armes spirituelles. Il déclare seulement qu’elles sont « puissantes par Dieu ». L’expression « par Dieu » peut aussi être rendue par « selon Dieu » ou « pour Dieu » (comp. Act. 7 : 20). Ce qui est agréable et bon pour Dieu paraît le plus souvent tout à fait méprisable aux hommes. Mais il peut couvrir de honte les sages et les forts de ce monde par les choses qui, à leurs yeux, sont folles, faibles et méprisées (1 Cor. 1 : 27-28).
Au verset 4, Paul utilise une image expressive. Les forteresses se trouvaient en général sur une hauteur, entourées d’imposantes murailles. Encore maintenant, ce qui en reste impressionne souvent les visiteurs par la puissance qui s’en dégage. L’apôtre compare à ces forteresses les raisonnements ou les arguments rationnels des opposants et toute hauteur intellectuelle qui s’élève contre la connaissance de Dieu. Nous ne savons pas exactement de quoi il s’agissait, mais nous pouvons supposer que, comme en Galatie, un évangile judaïsant était annoncé (comp. 2 Cor. 11 : 4, 22 avec Gal. 1 : 6-10), et qu’en outre une suprématie astucieusement justifiée était revendiquée. Les efforts pour combiner le christianisme avec le judaïsme et les connaissances de la philosophie grecque sont très anciens.
Actuellement, les dangers intellectuels qui menacent les croyants viennent plutôt du côté de la science, et cela non par des connaissances scientifiques irrécusables, mais en s’appuyant sur des théories non confirmées. On peut citer deux exemples dans des domaines tout différents : les théories du « big-bang » et de l’évolution, et la théologie moderne critique historique. Toutes deux partent de l’hypothèse qu’il ne peut pas y avoir un Dieu qui dirige ce qui se produit dans l’univers et la nature et intervienne. La théorie de l’évolution veut expliquer l’origine et le développement de la vie par le hasard et la sélection naturelle, et s’oppose ainsi au récit de la création dans la Parole de Dieu. Selon la méthode d’interprétation critique historique, la Bible doit être étudiée et expliquée en tenant compte de toutes les sources utiles comme tout autre livre de l’Antiquité et non pas comme un document unique inspiré par le Saint Esprit de Dieu. Dans la pratique, de telles « interprétations » partent souvent de la pensée qu’il ne peut en aucun cas en avoir été comme cela est dit dans la Bible ! Celui qui défend un point de vue différent, n’est pas pris au sérieux dans le monde scientifique. Ainsi ont été construites des forteresses et hauteurs intellectuelles qui s’élèvent contre la connaissance de Dieu. Elles sont fondées sur l’hypothèse qu’il n’y a pas de Dieu qui se soit révélé dans la Bible, et rejettent la pensée que l’homme soit pécheur par nature et coupable par ses actes et ait besoin d’un Sauveur. Mais la Parole de Dieu dit à l’avance : « L’insensé a dit en son cœur : Il n’y a point de Dieu » (Ps. 14 : 1), et encore « Confie-toi de tout ton cœur à l’Eternel, et ne t’appuie pas sur ton intelligence » (Prov. 3 : 5). Il serait facile de compléter par d’autres exemples la liste de ces « forteresses, raisonnements et hauteurs ».
La connaissance de Dieu, contre laquelle s’élèvent les forteresses et toute hauteur intellectuelle (v. 5) n’est pas une simple compréhension ou une acceptation rationnelle, mais de même que la foi, elle est une affaire de cœur (comp. Rom. 10 : 10). Il est évident que notre intelligence est nécessaire. Nous ne pouvons assimiler et utiliser les paroles et les pensées - aussi sur le plan spirituel - que par l’activité de notre cerveau. Mais la connaissance spirituelle ne se limite pas au domaine de l’intelligence. Elle est le canal par lequel la connaissance atteint notre cœur et notre conscience.
Connaître Dieu signifie en tout premier lieu le reconnaître par la foi comme Celui qui s’est révélé dans la Bible. Cette connaissance demeure inaccessible à l’intelligence de l’homme naturel malgré toute sa sagesse (1 Cor. 1 : 21). La connaissance de Dieu ne découle donc pas de notre mérite, car c’est Dieu qui nous a d’abord connus, et même préconnus dès l’éternité, et qui nous rend capables, par la nouvelle naissance, de Le connaître (1 Cor. 8 : 3 ; Gal. 4 : 9). La vraie connaissance de Dieu n’est donc jamais théorique, mais est toujours une réalité saisie avec le cœur, et qui se manifestera dans la vie pratique (comp. 1 Cor. 1 : 10 ; 2 Pier. 1 : 2 ; 1 Jean 4 : 8). Elle s’appuie sur ce que la Parole de Dieu révèle et se soumet à cette révélation. Elle repoussera tout ce qui n’est pas en accord avec cette Parole.
Nous avons un exemple instructif dans le combat de David contre Goliath. Quand Saül voulut lui donner sa propre armure, David dut reconnaître : « Je ne puis marcher avec ces choses, car je ne l’ai jamais essayé » (1 Sam. 17 : 39). L’immense « forteresse » humaine, cette « hauteur » de six coudées et un empan (1 Sam. 17 : 4-7), devant laquelle tout le peuple d’Israël tremblait, ne devait pas être abattue avec « des armes charnelles », mais par l’humble et puissante confiance en Dieu d’un jeune homme d’apparence faible et méprisable. Goliath venait avec son épée, sa lance et son javelot, mais David venait au nom de l’Eternel des armées et il remporta la victoire !
L’application spirituelle est simple. S’il ne pouvait être répondu aux attaques intellectuelles qu’avec des arguments de même nature, bien peu d’enfants de Dieu en seraient capables. Mais notre Dieu et Père abandonnerait-Il les « petits de son troupeau » sans protection devant de telles attaques ? Jamais ! Ses puissantes armes divines sont à la disposition de tous ses enfants, et non pas de quelques-uns seulement. De même que le jeune David, inexpérimenté et faible d’apparence, vainquit le géant Goliath aguerri et bien armé par la foi, avec une arme à première vue totalement impropre au combat, de même aussi les humbles armes du combat spirituel peuvent paraître méprisables à ceux qui aiment les controverses intellectuelles. Mais elles sont à la disposition de tout enfant de Dieu et se manifestent tout aussi puissantes pour la destruction des forteresses que la fronde de David pour tuer Goliath.
Paul mentionne encore au verset 5 une autre arme qui est également à la disposition de tous les croyants : « amenant toute pensée captive à l’obéissance du Christ ». Au sens propre, il s’agit non pas d’une arme, mais d’un acte dans le combat : il s’agit de « capturer » nos pensées, afin que notre propre volonté soit remplacée par l’obéissance à Christ. Un proverbe populaire dit que les pensées sont libres. Paul nous montre cependant ici que les pensées et les raisonnements qui s’élèvent contre la connaissance de Dieu sont des péchés. Nos pensées, dans leurs divagations, peuvent s’engager dans des chemins tout à fait impies. Elles deviennent alors comme des partisans ou des alliés de l’ennemi de nos âmes, le diable ; ces pensées font du tort à notre vie spirituelle, mais si elles sont « capturées », elles deviennent inoffensives. Prenons donc garde aux pensées qui ne sont pas en accord avec la Parole de Dieu !
Les pensées qui doivent être amenées captives à l’obéissance du Christ ne sont donc pas celles des opposants, mais celles des croyants qui sont exposés à se laisser séduire. Ainsi seulement les enfants de Dieu seront protégés des mauvaises suggestions et des attaques rusées du diable. Les « forteresses » et toute « hauteur » intellectuelle sont pratiquement « détruites » du moment qu’il n’y a personne qui s’y soumet.
Par l’expression « l’obéissance du Christ », il faut entendre notre obéissance envers Christ, bien que Son obéissance soit évidemment en toutes choses notre modèle parfait (comp. Phil. 2 : 5-8). Paul espérait que les Corinthiens retrouveraient le chemin de l’obéissance. Nous ne pouvons être gardés des influences de raisonnements impies et de leurs conséquences perverses sur notre vie personnelle et sur celle de l’assemblée, que si nous soumettons nos pensées à la Parole de Dieu et par là même à l’obéissance de Christ. Lui qui comme le bon berger marche devant ses brebis, dit d’elles : « Les brebis le suivent, car elles connaissent sa voix. Mais un étranger, elles ne le suivront pas ; au contraire elles s’enfuiront loin de lui, parce qu’elles ne connaissent pas la voix des étrangers » (Jean 10 : 4-5).
Si, comme Paul l’espérait, la majorité des Corinthiens revenait à une entière obéissance à leur Seigneur, la désobéissance des autres serait mise en évidence et aurait sa punition (grec : ekdikeo, signifie en fait : « punir de juste manière »). Mais il n’est pas dit de quelle façon cette punition s’exercerait (v. 6 ; comp. 3 Jean 10). La grâce de Dieu conduisait Paul à espérer et à attendre que les Corinthiens obéissent pleinement à la volonté de Dieu, mais d’un autre côté, la justice et la sainteté de Dieu le conduisaient à rejeter tout ce qui s’opposait volontairement à Sa volonté. N’oublions jamais que la sainteté sied à sa maison (Ps. 93 : 5) !
D’après A. Remmers