LES PARABOLES DE L’EVANGILE DE LUC (12)
Double signification de la parabole
Le Résidu juif dans l'avenir
La veuve et son adversaire
Une requête typiquement juive
Quand le Fils de l'homme viendra
Les trois paraboles du « juge inique » (Luc 18 : 1-8), du « pharisien et du publicain » (18: 9-14) et des « mines » (19 : 11-27) sont les dernières, dans cet Evangile. Le Seigneur les a prononcées immédiatement avant de monter à Jérusalem. Comme Il s’approchait de la ville et la vit, « il pleura sur elle » (19 : 41). Nous avons déjà considéré les autres paraboles qu’Il a enseignées pendant son séjour à Jérusalem.
Ces trois paraboles ont cette pensée commune que le Seigneur indique dans chacune d’elles, la raison pour laquelle il l’a prononcée :
- « pour montrer qu’il leur fallait toujours prier et ne pas se lasser » (18 : 1) ;
- parce que « quelques-uns se confiaient en eux-mêmes » (18 : 9) ;
- pour la double raison « qu’il était près de Jérusalem, et qu’ils pensaient que le royaume de Dieu allait immédiatement paraître » (19 : 11).
Bien sûr, le Seigneur, dans chacune de ses paraboles poursuivait toujours un but bien déterminé ; cependant la triple répétition de cette pensée dans ces paraboles lui confère un grand poids.
Comme souvent, cette parabole du juge inique a une double signification, morale et prophétique. Le début a une signification spirituelle et pratique : toujours prier et ne pas se lasser. Par contre la fin ne peut être comprise que de manière prophétique. Le Seigneur relie ainsi intentionnellement le temps de son absence à celui de son retour.
Le même côté moral de la parabole nous a déjà occupé dans la parabole des « trois amis » (Luc 11). C’est dans le contraste entre les motivations du juge inique et celles entièrement différentes d’un Dieu juste, que réside la force de la parabole. Il est évident que le juge n’est pas une image de Dieu. Mais par le fait que si un juge, même inique et pour de mauvais motifs, arrive à rendre justice à une pauvre veuve, le Seigneur veut encourager les siens à venir à Dieu avec persévérance pour présenter leurs demandes. Même si la réponse peut se fait attendre, et le mal sembler prendre le dessus, Dieu fera justice en son temps à ses élus, et Il l’exécutera rapidement.
Il y a plusieurs raisons pour se tourner maintenant vers le côté prophétique en détail :
- cette parabole se trouve directement dans un contexte prophétique ;
- la plupart des détails de cette parabole n’ont de sens que prophétiquement ;
- il est très important de distinguer entre les Juifs, les nations et l’assemblée de Dieu (comp. 1 Cor. 10 : 32).
Le côté prophétique de cette parabole apparaît tout de suite quand on la considère en rapport avec ce qui précède. Le Seigneur Jésus venait de parler de lui-même comme Fils de l’homme, et de « son jour » (17 : 25, 30). Auparavant, il fallait « qu’il souffre beaucoup et qu’il soit rejeté par cette génération ». Mais alors en ce jour-là, « son jour », il viendrait à eux de manière visible pour tous, afin d’amener les impies, « ceux qui seront pris », en jugement, et pour introduire les Juifs croyants, « ceux qui seront laissés » dans son royaume terrestre de paix. (17 : 34-36). Le Seigneur ne parle ici, ni de la destruction de Jérusalem par les Romains (qui sera un carnage total sans distinction entre les hommes), ni de l’enlèvement de l’Eglise ; mais Il parle de « son jour », qui sera précédé de la période courte, mais extrêmement dure, de la « détresse de Jacob », la grande tribulation. « L’aigle » (les porteurs du jugement de Dieu) atteindrait le « corps mort » (Israël dans l’état de mort) sûrement et rapidement (17 : 37).
On comprend, dès lors, l’opportunité de l’exhortation adressée au Résidu d’Israël opprimé, mais craignant Dieu, de prier en tout temps et de ne pas se lasser (18 : 1) ! Le Seigneur souligne cette exhortation, mais aussi cet encouragement, par le moyen de la parabole du « juge inique ».
Il y avait donc dans la ville une veuve qu’un adversaire avait spoliée de son bien. Cette veuve s’adresse à un juge, pour demander qu’il lui soit fait justice contre son adversaire, et que son bien lui soit rendu. Mais ce juge est inique ; il ne se soucie pas des intérêts de la veuve, et ne fait rien pour elle. Finalement, ce n’est que parce qu’elle le tourmente par ses requêtes incessantes, qu’il l’aide à obtenir justice ; il veut qu’elle cesse de l’importuner.
La veuve est une image d’Israël souffrant sous l’emprise de son adversaire. Autrefois, le peuple était en relation avec l’Eternel en tant que fiancée, et épouse (Jér. 2 : 2) ; l’Eternel était son mari (Es. 54 : 5). Mais suite à son infidélité, elle était devenue vis-à-vis de lui une veuve (Lam. 1 : 1). Et maintenant, même dans l’incrédulité, elle crie à Dieu. Il en fut de même autrefois, quand les fils d’Israël, opprimés en Egypte, crièrent à l’Eternel ; et l’Eternel se révéla à eux. Comme autrefois, Il dira d’Israël : « Je connais son affliction » (Ex. 3 : 7). Et quand le temps prédéterminé par Dieu sera venu, Il se tournera de nouveau avec miséricorde vers Jérusalem - cette « ville » nommée deux fois dans la parabole. Il sera irrité contre les nations insouciantes et orgueilleuses, avec une grande colère parce qu’elles ont « aidé au mal » (Zach. 1 : 14-17).
Quand la veuve demande qu’il lui soit fait justice, cela vise au premier chef qu’on lui rende sa propriété. Deux autres veuves, la Sunamite (2 Rois 8 : 3, 6) et Ruth (Ruth 4 : 1-12) sont aussi des figures du résidu juif futur désirant retrouver les bénédictions dont il a été privé. Les élus de Dieu, qui crient à lui nuit et jour, le font selon une triple relation : comme avec leur roi (la Sunamite), comme avec leur rédempteur (celui qui rachète : Boaz) et comme avec leur juge (la parabole). Leurs cris seront entendus.
Dans le Nouveau Testament, l’assemblée de Dieu n’est jamais vue comme une « veuve ». Par contre « Babylone », la chrétienté apostate, se vante dans son cœur en disant : « Je ne suis point veuve et je ne verrai jamais de deuil » (Apoc. 18 : 7). L’assemblée est l’épouse céleste, la femme de l’Agneau (Apoc. 19 : 7 ; 21 : 2, 9 ; 22 : 17). Même si elle subit la tribulation dans le monde, elle a quand même la paix dans le Seigneur Jésus (Jean 16 : 33). Il ne nous a pas laissé orphelins (Jean 14 : 18), mais Il a envoyé l’autre Consolateur (ou : agent d’affaires), l’Esprit de vérité qui nous conduit dans toute la vérité (Jean 14 : 16, 26 ; 15 : 26 ; 16 : 7, 13). Etre déjà aujourd’hui enfants de Dieu et fils de Dieu, héritiers de Dieu et cohéritiers de Christ (Rom. 8 : 14-17), est-ce là la part d’une veuve ?
Qui est l’adversaire de la veuve ? Selon Apocalypse 12, c’est « le grand dragon, le serpent ancien, qui a nom diable et Satan… l’accusateur de nos frères, qui les accusait devant notre Dieu jour et nuit » (Apoc. 12 : 10). L’expression « nos frères » représente en premier lieu les Juifs croyants du Résidu. Ce sont eux que le diable accuse continuellement devant Dieu. C’est le diable qui se tient caché derrière tous les autres ennemis d’Israël et qui les incite contre ce peuple.
La requête de la veuve porte un caractère strictement juif : qu’il lui soit fait justice, qu’elle soit vengée de ses ennemis. Cela confirme que dans cette parabole, nous avons à faire avec les Juifs des jours à venir.
Pour les Juifs croyants oppressés par leurs ennemis, l’appel à la vengeance est tout à fait selon la volonté du Seigneur. Dans l’Apocalypse, nous entendons les âmes des martyrs juifs appeler cette vengeance (6 : 10). Une telle demande, venant de bouches juives, exprime la pensée de Dieu pour ce peuple. C’est pourquoi il satisfera cette demande, et il viendra en aide au Résidu. Ce n’est que par le jugement de ses ennemis, que d’une part le peuple d’Israël trouvera salut et repos et parviendra à la bénédiction terrestre du royaume, et que d’autre part la gloire du Seigneur pourra être répandue sur cette terre. En harmonie avec cela, nous trouvons le « jusques à quand ? » poignant d’un peuple souffrant (Ps. 90 : 13 ; 94 : 1-3 ; 119 : 84) qui désirera la venue du Seigneur comme juge de la terre.
Pour nous, rachetés du temps de la grâce, une telle demande de vengeance serait absolument hors de place. Nous n’avons pas à revendiquer des droits ici-bas (1 Cor. 6 : 7), et à appeler la vengeance sur nos ennemis ; nous devons plutôt les aimer, prier pour ceux qui nous font du tort ou nous persécutent (Matt. 5 : 44). Etienne, le premier martyr chrétien, en est un exemple ; il ressemblait à son Maître (Actes 7 : 60). Nos bénédictions se situent dans le ciel, et notre salut (Rom. 13 : 11) ne découle pas de la destruction de nos ennemis par la venue du Seigneur, mais du fait qu’Il nous arrachera complètement de cette scène terrestre, et qu’Il nous prendra auprès de Lui dans la gloire (1 Thes. 4 : 15-18). C’est ainsi que nous serons gardés « de l’heure de l’épreuve (hors de cette époque) qui va venir sur la terre habitée tout entière, pour éprouver ceux qui habitent sur la terre » (Apoc. 3 : 10). Bienheureuse certitude ! C’est pour cela que nous ne demandons pas la vengeance de Dieu sur nos ennemis, mais que nous supplions : « Amen ; viens, Seigneur Jésus ! » (Apoc. 22 : 20).
Nous avons déjà vu que le Seigneur Jésus, dans son explication ou son application, ne parle pas nécessairement des mêmes personnes que dans la parabole elle-même. C'est le cas ici. Dans cette parabole, Il parle de la « veuve » et dans l'explication de « ses élus ». La veuve représente Israël, et ses élus le Résidu d'Israël qui a la crainte de Dieu - ces « frères » que le diable accuse continuellement devant Dieu. Dans la parabole, la veuve vient avec ses requêtes incessantes auprès du juge inique. Dans l'explication, ce sont les élus de Dieu qui crient à Dieu nuit et jour.
A la fin, le Seigneur pose encore une question qui doit nous faire réfléchir : « Le fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il de la foi sur la terre ? » (v. 8). Il la laisse à ses auditeurs sans donner la réponse, mais la forme de la question laisse deviner une réponse négative. Cette question ne peut être comprise qu’au sens prophétique, en rapport avec Israël. Pour l’Eglise, le Seigneur Jésus reviendra comme Epoux, car « l’Esprit et l’épouse disent : viens ! » (Apoc. 22 : 17). Mais sa venue future comme Fils de l’homme est en relation avec Israël et avec le jugement sur toutes les injustices. C’est ainsi que le Résidu croyant d’Israël l’attendra.
Il est pourtant étrange que, quand Il viendra, le Seigneur aura pour ainsi dire de la peine à trouver de la foi sur la terre.
Mais d’un autre côté, même la foi des élus dans ces jours difficiles sera bien faible. N’avons-nous pas aussi vécu cela nous-mêmes ? Nous avons crié à Dieu dans la détresse, et nous ne comptions même pas sur une intervention si opportune de sa part ? On peut faire appel à Dieu dans l’amertume de l’âme, et pourtant manquer de la confiance vraie et calme qui résulte de la communion avec Lui. Cette question du Seigneur nous interpelle aussi.
Cette parabole fait la transition entre ce que le Seigneur avait dit auparavant (17 : 22-36), et la parabole suivante du « pharisien » et du « publicain » (18 : 9-14). L’objet des deux paraboles est le même : la prière. La prière persévérante sera la ressource du Résidu juif souffrant des jours qui viennent ; c’est aussi déjà la ressource des croyants aujourd’hui, et de fait c’est la ressource des croyants de tous les temps.