DANIEL, LE PROPHÈTE (9b)
Les soixante-dix semaines (v. 24)
« Sept semaines et soixante-deux semaines » (v. 25)
« Le Messie sera retranché et n’aura rien » (v. 26)
La dernière semaine (v. 27)
Quelques remarques préliminaires prépareront le chemin pour considérer ce sujet. Il est de toute importance de noter que la révélation du propos de Dieu va bien au-delà de la prière du prophète. Jérémie avait dit : « Car ainsi dit l'Eternel : Lorsque soixante-dix ans seront accomplis pour Babylone, je vous visiterai, et j'accomplirai envers vous ma bonne parole, pour vous faire revenir en ce lieu » (Jér. 29 : 10 ; voir aussi 25 : 11-14). C'était sur ces passages, que Daniel avait découverts, qu'il avait basé son intercession, devenant ainsi, par la connaissance de la pensée de Dieu, un médiateur. C'est pourquoi aussi, comme cela a été souvent remarqué, il ne remonte pas jusqu'à l'alliance inconditionnelle de Dieu avec les patriarches ; sur le fondement de cette alliance, en vertu de la mort de Christ, Dieu rétablira finalement son peuple dans le pays pour jouir de la bénédiction sous le règne de Christ (voir Lév. 26 : 40-45). Daniel remonte seulement jusqu'à la révélation que Dieu avait faite de lui-même et aux promesses qu'il avait données à Moïse (Ex. 34) alors qu’en Exode 32, Moïse lui-même remonte à la promesse faite à Abraham, à Isaac et à Jacob, lorsqu'il est question que Dieu consume entièrement son peuple et fasse de Moïse une nation pour le remplacer.
Ce que Daniel recherchait dans ses supplications était l'accomplissement de la promesse faite par Jérémie. Conduit par l'Esprit de Dieu, il se plaçait sur le terrain approprié pour cela dans la présence de Dieu. Mais, dans la communication faite par Gabriel, il lui est révélé que Dieu avait pour son peuple des pensées de bénédiction encore plus vastes, qui trouveraient certainement leur accomplissement à la fin des soixante-dix semaines.
Il convient aussi de se souvenir que cette révélation concerne exclusivement le peuple juif et Jérusalem. Il est certes étrange de devoir insister sur ce point, vu le langage employé ; mais la tendance, dans certains milieux, d'expliquer, en les spiritualisant, les passages qui ont en vue la restauration future de la nation élue, est si forte, qu'il devient nécessaire d'affirmer et de maintenir leur application évidente. Ainsi Gabriel dit à Daniel : « Ton peuple » et ta sainte ville ». Même un enfant, s'il connaît ne fût-ce que les éléments du Nouveau Testament, comprend que les chrétiens n'ont pas de ville sainte sur la terre. Et si l'on voulait arguer que c'est la cité céleste, la nouvelle Jérusalem, qui est indiquée ici, on pourrait bien demander : Quand ses murailles ont-elles été détruites au point de devoir être reconstruites ? Non, Gabriel parle de la ville pour laquelle Daniel a prié, comme le verset 25 le montre à l'évidence ; le peuple de Daniel, ce sont les Juifs, et sa ville, la Jérusalem terrestre. Remarquez aussi que, bien que Daniel eût dit au Seigneur : « Ton peuple » et « Ta ville », Jérusalem, Gabriel lui dit : « ton peuple » et « ta ville » (comparer l'intercession de Moïse en Exode 32 : 11). Le lien avec l'Eternel avait été brisé par le péché d'Israël et Lo-Ammi (pas mon peuple), comme cela a été expliqué plus haut, avait été prononcé sur eux ; aussi dès cette époque et jusqu'à l'apparition de Christ et à la restauration de son peuple, l'expression « mon peuple » n'est jamais employée. On ne la trouve jamais en Esdras et en Néhémie ; mais lorsque le Seigneur reviendra une fois encore à Sion, Il la reprendra (voir Zach. 8 : 7, 8 ; 13 : 9 ; Osée 2 : 23).
Une autre chose à déterminer est la signification du terme « semaines » - soixante-dix semaines. L'emploi courant du mot laisse supposer qu'il s'agit d'une période de sept jours ; des commentateurs ont insisté sur cette théorie. La réponse est simple et catégorique. La date du commencement des soixante-dix semaines est indiquée avec la plus grande précision (v. 25) ; et à partir de cette date, s'il s'agit de soixante-dix semaines de jours, y a-t-il eu, on peut bien le demander, un accomplissement quelconque de cette prédiction dans la période concernée ? Non. Il est donc clairement prouvé pour ceux qui croient en l'inspiration plénière des Ecritures, que les « semaines » dans ce passage ne sont pas des semaines de jours. Les citations suivantes de quelqu'un dont personne ne contestera la connaissance intime de l'hébreu, aideront à comprendre le terme. Il dit : « Le mot lui-même est, strictement quelque chose divisé en - ou composé de - sept parties... ». Et encore : « Daniel avait questionné au sujet des soixante-dix années de la captivité de Babylone. La réponse parle aussi de soixante-dix périodes, qui dans notre version sont appelées semaines. Mais le mot ne signifie pas nécessairement sept jours, mais une période de sept parties ; bien sûr, il est beaucoup plus souvent employé en parlant d'une semaine que de quoi que ce soit d'autre, parce que rien n'est si souvent mentionné qu'une semaine, qui est divisée de la même manière. Mais les Hébreux employaient une échelle septénaire pour le temps, tout comme, habituellement, nous compterions par unités de dix ; les années sabbatiques, les jubilés, tout tendait à donner à cette pensée une place permanente dans leurs esprits. La dénomination doit ici être prise d'après le sujet de la prière de Daniel. Sa prière concernant des années, il lui est répondu en périodes de sept ans, c'est-à-dire le retour des années sabbatiques ».
Ayant établi que les semaines ici sont des périodes de sept ans, notre question suivante doit se porter sur leur point de départ. Gabriel précise que c'est « depuis la sortie de la parole pour rétablir et rebâtir Jérusalem » (v. 25). Dans le livre d'Esdras, nous avons un décret de Cyrus et un autre d'Artaxerxès dans la septième année de son règne ; mais tous les deux concernent la maison de Dieu à Jérusalem et, par conséquent, ni l'un ni l'autre ne répondent aux termes mentionnés par Gabriel. Mais si nous passons à Néhémie, nous voyons que « la vingtième année du roi Artaxerxès », celui-ci écrivit, à la requête de Néhémie, des lettres le chargeant d'aller en Juda, à la ville des sépulcres de ses pères, afin de la rebâtir (Néh. 2). Voilà donc la date à laquelle Gabriel faisait allusion et, vu qu'il n'y a point d'autre « commandement » semblable quant à la restauration et la reconstruction de Jérusalem où que ce soit dans l'Ecriture, le point de départ est déterminé et certain.
Une autre question se pose, à savoir si l'on peut situer la date de ce « commencement » dans l'histoire du monde. Sans entrer dans les détails de la recherche - qui peut facilement être faite par qui le désire - on peut établir que la vingtième année d'Artaxerxès doit vraisemblablement coïncider d'aussi près que possible avec les années 454 ou 455. On verra l'application de cette date en considérant les différentes parties de la communication de Gabriel.
Si nous prenons le verset 24, nous avons la déclaration que « soixante-dix semaines (490 années) ont été déterminées sur ton peuple et sur ta sainte ville, pour clore la transgression, et pour en finir avec les péchés, et pour faire propitiation pour l'iniquité, et pour introduire la justice des siècles, et pour sceller la vision et le prophète, et pour oindre le saint des saints ». Toutes ces expressions indiquent clairement le plein rétablissement du peuple et de la ville de Daniel en bénédiction. La transgression sera close, la transgression pour laquelle ils ont été dispersés. Jérusalem ayant alors « reçu de la main de l'Eternel le double pour tous ses péchés », leur iniquité sera pardonnée (Es. 40 : 2) ; une justice éternelle, la justice de Dieu, sera introduite (Es. 51 : 4-8) ; les visions et les prophéties auront pris fin à toujours (voir Zach. 13), et le saint des saints sera une fois encore mis à part, sanctifié selon les exigences de la gloire de Celui qui y habitera à nouveau (voir Ex. 40 : 9).
Dans le verset 25, la période de soixante-dix semaines est divisée : « Et sache, et comprends : Depuis la sortie de la parole pour rétablir et rebâtir Jérusalem, jusqu'au Messie, le prince, il y a sept semaines et soixante-deux semaines ; la place et le fossé seront rebâtis, et cela en des temps de trouble ». Les soixante-dix semaines sont ainsi divisées en trois parties : sept semaines, soixante-deux semaines et une semaine. La première partie comprend à n'en pas douter la période employée à rebâtir Jérusalem et la muraille, car la fin du verset parle expressément « des temps de trouble » durant lesquels cela eut lieu. Dans le livre de Néhémie, on trouve la relation des obstacles et de l'opposition auxquels Néhémie et ses compagnons eurent à faire face.
Nous avons ensuite soixante-deux semaines qui vont « jusqu'au » Messie, le prince. C'est-à-dire, si nous ajoutons les quarante-neuf années que nécessita la restauration de la ville, qu'il y aurait 483 années jusqu'à Christ. Il convient de bien remarquer que l'expression est générale et que ni la naissance de Christ, ni son onction pour sa mission, ni sa mort, ne sont spécifiées. Il est simplement dit : « jusqu'au » Messie, le Prince. Certains, admettant que la date du commandement de restaurer et rebâtir Jérusalem est 454 ou 455 avant Jésus Christ, calculent que les 483 années comprises dans les soixante-neuf semaines, se terminèrent avec la mort de Christ. Cette manière de calculer considère, ce qui maintenant est communément admis, l'an 4 avant Jésus Christ comme celui de la naissance de Christ et, par conséquent, l'an 29 comme celui de sa crucifixion. Mais cette recherche de précision numérique n'apporte absolument rien, et nous croyons que l'expression « jusqu'au Messie, le Prince » est indéfinie, pour la raison que le Messie, comme cela est prédit ici, serait rejeté par ceux vers lesquels Il venait.
Si le Messie avait été reçu, la nation juive aurait été, comme nous le savons, aussitôt établie dans le royaume ; et même s'il avait été reçu par la nation après la crucifixion, des « temps de rafraîchissement », comme Pierre le déclare distinctement, seraient venus de devant la face du Seigneur ; et il aurait envoyé Jésus Christ à son peuple (Act. 3 : 19-25). Mais Dieu savait tout à l'avance et ainsi, après avoir mentionné les soixante-deux semaines, il dit : « et après les soixante-deux semaines, le Messie sera retranché et n'aura rien » (v. 26). Il faut remarquer qu'il n'est pas dit immédiatement après, mais seulement « après », laissant place, nous ne pouvons en douter, pour la demi-semaine du ministère du Seigneur.
Quoi qu'il en soit, les faits mentionnés sont divinement donnés et, par conséquent, indiscutables ; c'est-à-dire que les soixante-deux semaines, partant de la restauration de Jérusalem, sont allées jusqu'à Christ ; et que, « après » l'achèvement de cette période, Il fut rejeté, retranché et n'eut rien ; car le royaume et sa gloire furent en conséquence différés, de même que l'accomplissement de la dernière partie des soixante-dix semaines. Nous le verrons plus clairement dans la suite.
En relation avec le retranchement du Messie, il est dit : « Et le peuple du prince qui viendra, détruira la ville et le lieu saint, et la fin en sera avec débordement ; et jusqu'à la fin il y aura guerre, un décret de désolations » (v. 26). Il convient de porter la plus grande attention aux termes précis employés dans ce passage, si nous voulons comprendre leur portée ; et le rappel à nos esprits d'un ou deux faits facilitera leur éclaircissement. Nous avons vu, dans les chapitres précédents, que le quatrième royaume, le successeur de celui de la Grèce, qui doit terminer le temps des Gentils, est Rome. Et nous avons vu aussi que ce quatrième royaume n’a pas de successeur terrestre, qu'il sera, en fait, remplacé par le royaume du Fils de l'homme, et que, par conséquent, bien qu'à vues humaines l'Empire romain d'Occident puisse sembler avoir disparu à jamais, il sera, selon l'enseignement de l'Ecriture, ressuscité (voir Apoc. 13 et 17), et prendra la forme de dix royaumes, confédérés sous une tête impériale - la petite corne de Daniel 7 ou la première bête d'Apocalypse 13. En outre, ce fut à l'époque du quatrième empire - fait historique bien connu et confirmé dans les Ecritures - que le Seigneur Jésus est venu dans ce monde et ce fut au tribunal de cet empire romain, avec Pilate comme juge, qu'Il fut condamné à la mort de la croix. Ces faits ont une portée très importante sur les déclarations de notre passage.
Remarquez d'abord qu'il n'est pas dit qu'un prince viendra et détruira la ville et le sanctuaire, mais que le peuple du prince qui viendra, agira ainsi. En d'autres termes, le « prince qui viendra » s'applique au futur et est en fait, comme on le verra dans le verset suivant, la tête impériale de l'Empire romain ressuscité aux derniers jours. Le « peuple » lui est identifié, car ce sont des Romains du même royaume qui doit encore réapparaître et dont ce prince sera le conducteur et le chef. Ce que nous avons donc dans ce passage, c'est la destruction de Jérusalem par les Romains après la mort de Christ, comme jugement de Dieu sur les Juifs pour avoir rejeté et crucifié leur Messie. Notre Seigneur lui-même a souvent parlé de ce triste événement et l'a toujours relié à son propre rejet (voir Matt. 22 : 7 ; Luc 19 : 41-44 par exemple).
Le caractère terrible de ce jugement est souligné dans les derniers mots du verset : « et la fin en sera avec débordement ; et jusqu'à la fin il y aura guerre » pour l'accomplissement de la volonté de Dieu dans les désolations de la ville sainte ; car comme le Seigneur lui-même l'a dit : « Ils (les Juifs) tomberont sous le tranchant de l'épée ; ils seront emmenés captifs parmi toutes les nations, et Jérusalem sera foulée aux pieds par les nations jusqu'à ce que soient accomplis les temps des nations» (Luc 21 : 24 ; voir aussi Apoc. 11 : 2).
On comprend maintenant pourquoi la dernière des soixante-dix semaines est séparée des soixante-deux précédentes. A l'exception d'une semaine (sept années), les soixante-dix semaines mentionnées par Gabriel s'étaient écoulées lorsque Christ est venu ; et si les Juifs avaient seulement reçu Jésus de Nazareth comme leur Messie promis, il aurait aussitôt établi son royaume et introduit toutes les bénédictions énumérées au verset 24 ; mais ils n'ont pas connu le temps de leur visitation (en grâce). Aussi le cours des soixante-dix semaines a été interrompu et Dieu ne compte pas le temps pendant lequel son peuple sur la terre est en dehors de son héritage et dispersé sur le globe. Il y a donc, pour ainsi dire, un « blanc » dans l'histoire juive, un intervalle durant lequel la nation, bien qu'encore surveillée, n'a pas de relation reconnue avec Dieu. Le lien entre Dieu et Israël est maintenu pendant cette période par la foi du Résidu, comme nous le montre la première partie de ce livre en Daniel et ses compagnons. Mais, béni soit son nom, « par leur chute, le salut parvient aux nations pour provoquer leur jalousie » (Rom. 11 : 11). Car il a plu à Dieu, dans la profondeur de ses richesses et de sa sagesse et de sa connaissance, de se servir de cet intervalle même dans le développement et l'accomplissement de ses conseils éternels en Christ à l'égard des saints qui doivent être cohéritiers de Christ, et former son corps et son épouse. C'est précisément cet intervalle, dans lequel le temps n'est pas compté, qui forme la période de l'Eglise. Lorsque celle-ci - l'an agréable du Seigneur - sera terminée, Dieu manifestera à nouveau sa puissance pour la bénédiction du peuple élu terrestre ; et alors ils chanteront avec des cœurs débordants : « Célébrez l'Eternel ! Car il est bon ; car sa bonté demeure à toujours. Que les rachetés de l'Eternel le disent, ceux qu'il a rachetés de la main de l'oppresseur, et qu'il a rassemblés des pays, du levant et du couchant, du nord et de la mer » (Ps. 107 : 1-3).
On verra qu'un immense intervalle s'intercale entre les versets 26 et 27 ; le verset 26 fait allusion à la mort de Christ et au jugement de Dieu sur Jérusalem quelque quarante ans plus tard, tandis que le verset 27 passe à un temps postérieur à la période de l'Eglise, lorsque les Juifs, bien que dans l'incrédulité, seront à nouveau dans leur propre pays. Si quelqu'un devait estimer que cette interprétation est forcée, qu'il se souvienne que des cas semblables se retrouvent souvent dans les écrits prophétiques. Pierre, par exemple, en citant le Psaume 34, dit : « La face du Seigneur est contre ceux qui font le mal », mais il n'ajoute pas ce qu'on trouve dans le Psaume : « pour retrancher de la terre leur mémoire » ; la raison en est que Dieu agit maintenant en grâce et s'il demeure vrai que sa face est contre ceux qui font le mal, Il ne retranchera pas de tels de la terre avant que le royaume de Christ soit établi. En d'autres termes, toute la période actuelle, le jour de grâce, doit être insérée entre les deux parties du même verset. En comparant Luc 4 : 18-19, avec le passage du début d’Esaïe 61 d'où la citation est tirée, on constate que le Seigneur n'a pas cité : « et le jour de la vengeance de notre Dieu », parce qu'en fait ce jour ne viendrait pas avant que « l'an agréable » - c'est-à-dire toute la période de la grâce - ait eu son cours.
Nous pouvons maintenant aborder la première déclaration du verset 27 : « Et il confirmera une alliance avec la multitude pour une semaine ». La première chose à déterminer dans cet énoncé, c'est la personne qui fait une alliance avec la multitude. Certains, adoptant la traduction anglaise « l'alliance », ont conclu hâtivement que c'est Christ lui-même, omettant de relever que l'alliance mentionnée n'est faite que pour sept ans. Il est toutefois généralement admis maintenant que les mots doivent être rendus par « une alliance » et cela montre d'emblée qu'il ne pouvait s'agir du Messie. En fait, le vrai antécédent du pronom « il » est « le prince qui viendra » ; et c'est à ce personnage qu'il est fait allusion. Ainsi ce qui est dit, c'est que le chef futur de l'Empire romain ressuscité fera une alliance avec « la multitude », c'est-à-dire avec la masse ou la majorité des Juifs qui, à cette époque, seront à nouveau dans leur propre pays ; en effet, la mention du sacrifice et de l'offrande établit sans aucun doute qu'il est question de Jérusalem et que le temple a été rebâti. Ce prince fera donc une alliance avec les Juifs, avec tous les Juifs à l'exception du Résidu pieux, prétendant embrasser leur cause et les protéger de leurs adversaires. Et il convient de bien remarquer que la durée de cette alliance est d'une semaine - c'est-à-dire pour la soixante-dixième semaine, à notre avis - et qu'elle est faite à l'égard des Juifs incrédules.
La foi peut considérer le ministère du Seigneur, pendant qu'Il était ici-bas, comme étant la première moitié de cette dernière semaine, et passer au temps où le prince rompt son alliance avec les Juifs pour le commencement de la dernière moitié. Tandis que, pour l'incrédulité, la soixante-dixième semaine est celle pour laquelle l'alliance est conclue. D'autres passages font allusion à cette alliance. Ainsi nous lisons en Esaïe 28 : « C'est pourquoi, écoutez la parole de l'Eternel, hommes moqueurs, qui gouvernez ce peuple qui est à Jérusalem. Car vous avez dit : Nous avons fait une alliance avec la mort, et nous avons fait un pacte avec le shéol : si le fléau qui inonde passe, il n'arrivera pas jusqu'à nous ; car nous avons fait du mensonge notre abri, et nous nous sommes cachés sous la fausseté » (v. 14, 15). Il semblerait donc que ce sera la peur d'un autre adversaire, « le fléau qui inonde » (qui n'est autre que l'Assyrien, ou le roi du nord), qui jettera ces « hommes moqueurs » dans les bras du chef impérial de l'Empire romain. Il faut aussi se souvenir, comme nous le verrons en arrivant au chapitre 11, que l'Antichist aura, à cette époque, son siège et sa domination à Jérusalem, et qu'il agira comme « prophète », le faux prophète, pour le prince de l'empire (Apoc. 13). C'est ainsi que, comme conduits par lui, ils accepteront le traité d'alliance proposé par le chef de l'Empire romain, par crainte de leur terrible adversaire, l'Assyrien.
Au début, comme nous l'avons vu en Esaïe, tout s'annoncera bien et les Juifs se tromperont eux-mêmes en croyant s'être mis à l'abri de tout danger possible. Rejetant Dieu, ils s'appuieront sur le bras du monarque le plus puissant du monde. Qui donc devraient-ils craindre ? Mais celui-là même en qui ils se confient devient leur ennemi ; car, infidèle à son alliance, « au milieu de la semaine » (c'est-à-dire à la fin de trois ans et demi), « il fera cesser le sacrifice et l'offrande » et davantage encore, car « à cause de la protection (litt : « aile ») des abominations il y aura un désolateur, et jusqu'à ce que la consomption et ce qui est décrété soient versés sur la désolée ». Sans essayer de démêler les dédales de ce verset reconnu difficile, on peut affirmer que son sens général est très clair, d'autant plus que d'autres passages jettent de la lumière sur celui-ci pour nous guider.
Non seulement ce prince romain fera cesser les sacrifices continuels, mais l'Antichrist, outre le fait qu'il dressera la propre image de ce prince, laquelle sera vraisemblablement dotée de pouvoirs miraculeux (Apoc. 13), s'assiéra lui-même, comme nous l'apprenons par 2 Thessaloniciens 2, dans le temple de Dieu, se présentant lui-même comme étant Dieu (v. 4). Le Seigneur se réfère à ce fait effroyable en Matthieu 24 où Il mentionne l'abomination de la désolation, dont il a été parlé par le prophète Daniel, établie dans le lieu saint, faisant allusion au chapitre 12 : 11.
Les Juifs, à cette époque, seront retournés dans leur pays ; même si, pour la majorité, c’est dans l'incrédulité, ils auront rebâti le temple et restauré les services du temple. L'Antichrist, selon la prédiction du Seigneur, étant venu en son propre nom, sera reçu comme leur roi. Sous sa direction, lorsqu'ils seront menacés par la puissance de l'Assyrien, ils concluront une alliance et feront un traité avec le chef de l'Empire romain d'Occident. Ce prince rompt son alliance, comme nous l'avons vu et « au milieu de la semaine » fait cesser les services du temple ; et, profanation audacieuse, l'Antichrist, comme son prophète, fait dresser une image de lui-même dans le saint des saints et exige que les honneurs divins soient rendus à lui-même plutôt qu'à l'Eternel.
Nous avons répété ces faits parce que, à partir de ce point, l'établissement de l'abomination de la désolation dans le lieu saint, commence la dernière moitié de la soixante-dixième semaine prophétique. C'est le début des « un temps et des temps et une moitié de temps » du chapitre 7 : 25 et les quarante-deux mois ou des 1260 jours du livre de l'Apocalypse, à savoir des trois années et demie - la dernière moitié de la soixante-dixième semaine. C'est de cette période que notre Seigneur parle en Matthieu 24 comme d'un temps de détresse sans pareille. Il annonce qu’« il y aura une grande tribulation, telle qu'il n'y en a pas eu depuis le commencement du monde jusqu'à maintenant, et qu'il n'y en aura jamais plus. Si ces jours-là n'avaient pas été abrégés, personne n’aurait été sauvé » (v. 21-22), car c'est pendant ces jours que les jugements annoncés par les trompettes et les « coupes du courroux de Dieu », desquels il est parlé dans l'Apocalypse, sont déversés sur la terre. C'est à ces jugements, affectant Jérusalem et les Juifs, qu'il est fait allusion dans le verset de Daniel que nous considérons.
Il est donc d'abord dit : « à cause de la protection des abominations il y aura un désolateur ». Le désolateur est ici sans aucun doute « le fléau qui inonde » (Es. 28) ; car, comme nous l'avons déjà vu, les Juifs sont conduits par l'Antichrist à conclure un traité avec le chef de l'Empire romain pour se protéger de leur adversaire du nord ; les « hommes moqueurs » qui gouvernent « ce peuple qui est à Jérusalem » se vantent de leur sécurité. Mais dit le prophète, « votre alliance avec la mort sera abolie, et votre pacte avec le shéol ne subsistera pas. Lorsque le fléau qui inonde passera, vous serez foulés par lui » (Es. 28 : 18 ; voir aussi v. 19-22). En fait, Dieu se sert de l'Assyrien comme d'une verge (Es. 10 : 5) pour briser le peuple coupable, doublement coupable - de rejeter Christ et d'accepter de nouveau l'idolâtrie après que la maison a été balayée et ornée.
Il y a cependant davantage : « et jusqu'à ce que la consomption et ce qui est décrété soient versés sur la désolée ». Il y a eu beaucoup de discussions pour savoir si ce mot « désolée » ne devrait pas être traduit par « désolateur ». Il est admis qu'il peut avoir les deux significations, bien que la première soit la traduction la plus commune. Quelle que soit celle qui est adoptée, le sens reste en gros le même, sauf que si l'on retient « désolée » il s'agit de Jérusalem, tandis que si l'on opte pour « désolateur » son adversaire est désigné. Dans l'un et l'autre cas, la signification est que, à partir du moment mentionné, un jugement croissant sera déversé, jusqu'à « la consomption et ce qui est décrété ».
Commençant donc par le fléau qui inonde, les Juifs seront les objets de jugements continuels et Jérusalem sera livrée à la furie de ses oppresseurs. Comme l'a dit un autre : « Ce mot : consomption décrétée, est une expression usitée pour les derniers jugements qui fondent sur les Juifs (voir Es. 10 : 22 ; 28 : 22) ». Comme ceux-ci nous seront présentés à la fin du livre, nous les considérerons plus tard, nous bornant à remarquer qu'à la fin de cette nuit de tribulation, leur Messie apparaîtra et « il détruira en cette montagne (Sion) la face du voile qui couvre tous les peuples, et la couverture qui est étendue sur toutes les nations. Il engloutira la mort en victoire ; et le Seigneur, l'Eternel, essuiera les larmes de dessus tout visage, et il ôtera l'opprobre de son peuple de dessus toute la terre ; car l'Eternel a parlé » (Es. 25 : 7-8).
D’après E. Dennett