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DANIEL,  LE PROPHÈTE (4)


CHAPITRE 4

            
Un nouveau songe  (v. 1-8)
            La révélation de la vision (v. 9-19)
          L’interprétation du songe (v. 20-27)
          Le jugement annoncé s’exécute (v. 28-33)
          Le roi bénit le Très-haut (v. 34-37)


            Un caractère spécial s'attache à ce chapitre du fait qu'il contient une proclamation de Nebucadnetsar lui-même, adressée à « tous les peuples, peuplades et langues, qui habitent sur toute la terre » (v. 1a). Dieu lui avait fait la faveur de lui donner plusieurs signes, d'abord par l'interprétation de son songe par Daniel dans le chapitre 2, puis par la délivrance de Shadrac, de Méshac et d'Abed-Nego de la puissance des flammes dans le chapitre 3. Ainsi, sous l'effet d'impressions passagères, il avait confessé que le Dieu de Daniel était le Dieu des dieux et le Seigneur des rois, et le révélateur des secrets, et qu'il n'y avait pas d'autre dieu qui pût sauver comme le Dieu de Shadrac, de Méshac et d'Abed-Nego. Cependant son cœur n'était pas changé ; mais dans le récit placé devant nous, qui est lui aussi à la fois historique et prophétique, il nous est accordé de voir comment ce roi idolâtre est amené finalement à louer, à exalter et à magnifier le roi des cieux (v. 37). 


                        Un nouveau songe  (v. 1-8)

            En lisant ce récit dans son contexte, on ne peut avoir aucun doute que Nebucadnetsar s'inclina véritablement, dans sa conscience et dans son cœur, devant le témoignage qui lui parvint par le prophète Daniel, et qu'il devint ainsi un serviteur du « Très-haut ». Preuve en est la communication royale faite à tous ses sujets. Il désire que chacun dans son royaume soit mis au courant de sa « conversion ». L'adresse de la lettre a déjà été relevée ; et elle est suivie par une salutation : « Que votre paix soit multipliée ! » (v. 1b) ; dans sa forme, elle est presque apostolique (comp. 1 Pier. 1 : 2).
            Dans les versets 2 et 3, Nebucadnetsar expose brièvement l'objet qui le pousse à s'adresser à ses sujets : « Il m'a semblé bon de faire connaître les signes que le Dieu Très-haut a opérés à mon égard ». Puis, lorsqu'il évoque ce que Dieu a opéré en lui, son cœur déborde d'admiration et il s'exclame : « Ses signes, combien ils sont grands ! Et ses prodiges, combien ils sont puissants ! Son royaume est un royaume éternel, et sa domination est de génération en génération ». C'est une chose bonne que l'âme soit contrainte de confesser ce que Dieu a opéré par sa grâce ; car, comme l'apôtre l'enseigne, si du cœur on croit pour la justice, c'est de la bouche qu'on en fait la déclaration pour le salut (Rom. 10 : 10). On doit à Dieu de faire confession ; et une fois faite, celle-ci devient un témoignage rendu à Sa gloire.
            Ensuite, il relate ses propres circonstances à l'époque où ce nouveau message de Dieu lui parvint. « Moi, Nebucadnetsar, j'étais en paix dans ma maison, et florissant dans mon palais » (v. 4). Il avait atteint le sommet de toute ambition humaine. Monarque de tous les royaumes de la terre, jouissant d'une autorité incontestée et prospérant dans toutes ses entreprises, rien ne venait troubler sa tranquillité, que ce soit dans ses affaires publiques ou privées ; il était en paix dans sa maison, et florissant dans son palais. Tout, en un mot, allait bien pour ce monarque puissant, de sorte qu'il aurait pu jouir – si la prospérité humaine avait pu l'offrir – d'un bonheur parfait. Et il était, semblerait-il, heureux, mais sans Dieu. Ce fut dans ce ciel pur, sans aucune prémonition de cataclysme imminent, que les avertissements de Dieu vinrent soudain réveiller le roi et le remplir d'angoisses. « Je vis un songe », dit-il, « et il m'effraya, et les pensées que j'avais sur mon lit, et les visions de ma tête, me troublèrent » (v. 5).
            Le songe ne s'effaça pas de son esprit, comme dans une occasion précédente ; et il ne comprit pas non plus ce qu'il avait vu, mais fut troublé – troublé en sentant que ce songe avait une très grave portée pour lui et pour son royaume. Il fit alors aussitôt proclamer un décret enjoignant d'amener devant lui tous les sages de Babylone pour lui faire connaître l'interprétation du songe (v. 6). Après avoir expérimenté leur incompétence au chapitre 2 et appris en même temps que Daniel seul pouvait élucider son mystère, il peut paraître étrange qu'il n'ait pas immédiatement fait venir Daniel en sa présence. Mais il n'y a pas d'affinité entre l'homme naturel et l'homme spirituel. Saül était heureux de profiter des services de David, tant par la harpe que par l'épée, et pourtant il le haïssait. Pareillement, Nebucadnetsar avait tiré profit de l'interprétation donnée par Daniel ; mais il ne pouvait pas aimer celui qui était le représentant du Dieu des cieux devant lui. Si donc il pouvait se passer de Daniel, il le ferait ; ainsi il eut d'abord recours à ses propres sages. De nouveau leur impuissance fut manifestée. La sagesse de l'homme est confinée à la terre ; mais le songe de Nebucadnetsar venait du ciel. Son sujet était en dehors de toutes les pensées des hommes, même s’il se rapportait à la terre. Pour comprendre les choses de Dieu, l'homme doit être instruit par Dieu ; et les sages de Babylone ne l'étaient pas. Frustré dans son dessein, le roi ajoute : « A la fin, entra devant moi Daniel, dont le nom est Belteshatsar, selon le nom de mon dieu... » (v. 8). Le verset suivant montre clairement que Nebucadnetsar n'avait pas oublié les capacités de Daniel comme révélateur des secrets quoiqu'il ait pu ne pas connaître la source de son inspiration, ni discerner qu'il était le vase de Dieu pour l'esprit de prophétie. Aussi ne l'envoya-t-il chercher que poussé par la nécessité, car dans toutes ses possessions il n'y avait personne d'autre qui pût interpréter son songe.


                        La révélation de la vision (v. 9-19)

            Chaque détail du songe était profondément enraciné dans la mémoire du roi et il se mit à le répéter à Daniel. Il se subdivise en trois parties ; d'abord, son sujet, l'arbre (v. 10-12) ; puis, le jugement sur l'arbre (v. 13-16) ; et enfin, l'objet du jugement exécuté (v. 17). Tous ces détails étant repris par Daniel, nous passerons à son interprétation, après avoir souligné préalablement l'effet que le récit du roi produisit sur Daniel.
            Lorsque Nebucadnetsar lui eut exposé ce qu'il avait vu dans les visions de sa tête, sur son lit (v. 10), « Daniel, dont le nom est Belteshatsar, fut stupéfié pour une heure environ et ses pensées le troublèrent ». La signification du songe fut révélée à son esprit à mesure qu'il l'entendait et, lorsqu'il comprit sa portée dans son application au roi, il fut stupéfié et troublé, hésitant même, semble-t-il, à lui communiquer la signification du songe. Cela ne passa pas inaperçu à Nebucadnetsar qui dit : « Belteshatsar, que le songe et son interprétation ne te troublent pas. Belteshatsar répondit et dit : « Mon Seigneur ! que le songe soit pour ceux qui te haïssent, et son interprétation pour tes ennemis » (v. 19). On peut se demander si, en parlant ainsi après avoir reçu de Dieu l'interprétation du songe, Daniel restait au niveau de son office prophétique comme messager de Dieu ; d'ailleurs on remarquera que pour la seule et unique fois, son nom n'apparaît pas dans la reproduction de cette phrase. C'est Belteshatsar, et non pas « Daniel, dont le nom est Belteshatsar », mais simplement Belteshatsar, qui répondit au roi.


                        L’interprétation du songe (v. 20-27)

            Daniel commence à donner au roi l'interprétation de son songe : « L'arbre que tu as vu, qui croissait et devenait fort, et dont la hauteur atteignait jusqu'aux cieux, et qu'on voyait de toute la terre, et dont le feuillage était beau et le fruit abondant, et qui avait de la nourriture pour tous, sous lequel habitaient les bêtes des champs, et dans les branches duquel demeuraient les oiseaux des cieux : c'est toi, ô roi, qui t'es agrandi et est devenu puissant ; et ta grandeur s'est accrue et atteint jusqu'aux cieux, et ta domination, jusqu'au bout de la terre » (v. 20-22). L'image d'un arbre pour désigner les hommes dans leur grandeur terrestre est souvent employée par les prophètes. Ainsi Ezéchiel dit : « Voici, Assur était un cèdre sur le Liban, beau par sa ramure, et touffu, donnant de l'ombre, et de haute taille, et sa cime était au milieu des rameaux feuillus... Tous les oiseaux des cieux faisaient leurs nids dans ses rameaux, et toutes les bêtes des champs faisaient leurs petits sous ses branches, et toutes les nations nombreuses habitaient sous son ombre… » (31 : 3-9). Cette analogie frappante aide beaucoup à comprendre le symbolisme des songes de Nebucadnetsar, et nous permet de percevoir combien c'est une illustration appropriée de l'exaltation dans le gouvernement de la terre, dans la protection étendue et rassurante qu'elle offre aux hommes de tous rangs et de toutes conditions. Les bêtes des champs et les oiseaux des cieux sont introduits parce que tous les deux avaient été placés entre ses mains (voir  2 : 38) ; et, par conséquent, eux, comme les fils des hommes, sont considérés comme soumis à son autorité, entretenus et protégés par elle. Daniel peut bien alors dire au roi : « Ta grandeur s'est accrue et atteint jusqu'aux cieux, et ta domination, jusqu'au bout de la terre ».
            Il convient de relever une différence entre la tête d'or du chapitre 2, et l'arbre ici, dans leur application respective. Tous deux concernent Nebucadnetsar, comme cela est clairement dit ; mais le premier inclut sa dynastie, tandis que le second est un symbole de Nebucadnetsar lui-même, comme nous le voyons dans le jugement exécuté. Seulement il faut ajouter que sa dégradation est en réalité, comme cela sera expliqué plus loin, typique du caractère de la puissance gentile en gouvernement jusqu'à son remplacement à l'apparition de Christ pour établir son royaume.
            Après avoir donné l'application du symbole, Daniel poursuivit son interprétation : « Et quant à ce que le roi a vu un veillant, un saint, descendre des cieux et dire : Abattez l'arbre et détruisez-le ; toutefois laissez dans la terre le tronc de ses racines, avec un lien de fer et d'airain autour de lui, dans l'herbe des champs, et qu'il soit baigné de la rosée des cieux, et qu'il ait sa part avec les bêtes des champs jusqu'à ce que sept temps passent sur lui – c'est ici l'interprétation, ô roi, mon seigneur : On te chassera du milieu des hommes, et ta demeure sera avec les bêtes des champs, et on te fera manger l'herbe comme les bœufs, et tu seras baigné de la rosée des cieux, et sept temps passeront sur toi, jusqu'à ce que tu connaisses que le Très-haut domine sur le royaume des hommes, et qu'il le donne à qui il veut. Et quand à ce qu'on a dit de laisser le tronc des racines de l'arbre, ton royaume te demeurera, quand tu auras connu que les cieux dominent » (v. 23-26).
            Rien ne saurait être plus précis que cette interprétation, et elle est reproduite ici dans son entier afin que le lecteur puisse voir combien son accomplissement a été exact dans chaque détail. Il ne pouvait pas en être autrement, vu que c'était, par le moyen de Daniel, une exposition divine de la vision de Nebucadnetsar. On comprendra maintenant pourquoi Daniel fut tenté de dire, lorsque le jugement imminent sur le roi se dessinait devant lui : « Que le songe soit pour ceux qui te haïssent ». Seul le courage que lui donnait le sens de sa mission de Dieu, lui permit de déployer ainsi sans crainte le rouleau de l'avenir du roi ; et il fallait du courage au prophète captif juif pour se tenir devant le monarque du monde et dépeindre un désastre aussi accablant. Daniel lui-même semble avoir été saisi ; car il adressa au roi des paroles de solennelle supplication : « C'est pourquoi, ô roi, que mon conseil te soit agréable ; et romps avec tes péchés par la justice, et avec ton iniquité, par la compassion envers les affligés, si ce peut être un prolongement de ta paix » (v. 27). Comme Paul avec Félix, Daniel plaça devant Nebucadnetsar la justice, la maîtrise de soi et le jugement à venir (Act. 24 : 25) ; mais nous ne lisons pas que le roi fut effrayé comme le gouverneur romain ; le message avait néanmoins été délivré et l'appel adressé ; et l'importante entrevue entre le prophète et le monarque prit fin.


                        Le jugement annoncé s’exécute (v. 28-33)

            Nous avons ensuite l'accomplissement historique de l'interprétation de Daniel. « Tout cela », dit-il, « arriva au roi Nebucadnetsar » (v. 28) ; puis viennent les circonstances dans lesquelles le jugement annoncé s'exécuta. Douze mois s'étaient écoulés, et il n'est pas dit que le roi ait même été troublé par l'avertissement qu'il avait reçu. Le ciel était encore clair, sans un nuage au lointain horizon. C'est vraiment étrange, mais n'avons-nous pas devant nos yeux chaque jour le spectacle de pécheurs impassibles à la veille du malheur éternel ? La mort doit venir et le jugement suivra, et pourtant les hommes sont indifférents et insouciants. Il en allait de même avec Nebucadnetsar, et c'est ainsi que nous lisons : « Au bout de douze mois, il se promenait sur le palais du royaume de Babylone » (v. 29). Et quel était le sujet de ses méditations ? Sa grandeur, sa puissance et sa majesté ! « Le roi prit la parole et dit : N'est-ce pas ici Babylone la grande, que j'ai bâtie pour être la maison de mon royaume, par la puissance de ma force et pour la gloire de ma magnificence ? » (v. 30). Tout ceci était la glorification de lui-même, l'orgueil pleinement épanoui du cœur humain, fruits de son exaltation et de sa prospérité – « l'orgueil qui va devant la ruine » (Prov. 16 : 18). La source de sa puissance lui avait été communiquée (chap. 2) ; mais cela il l'avait tout à fait oublié en s'attribuant à lui-même toute la gloire de son royaume. A la vue de la magnificence de son palais et de sa capitale, son cœur bouillonnant d'orgueil et d'exultation attribuait tout à la force de sa propre puissance, et se plaisait à proclamer la gloire de sa propre magnificence. Dieu n'était dans aucune de ses pensées, pas plus d'ailleurs que ses propres faux dieux ; sa vision était circonscrite à lui-même – lui comme la source de toute sa gloire, et lui comme l'objet de toutes ses œuvres. Quel tableau du cœur humain ! Il nous est ainsi donné de voir la condition morale de cet arbre gigantesque avant qu'il ne fût abattu selon le décret divin.
            Un rapprochement s'impose avec la parabole de l'homme riche dont les terres avaient beaucoup rapporté. Alors que cet homme se félicitait de sa prospérité et se proposait d'agrandir ses greniers, comptant sur des années de jouissance égoïste, le jugement tomba : « Insensé ! Cette nuit même, ton âme te sera redemandée » (Luc 12 : 16-20). Pareillement, tandis que Nebucadnetsar donnait libre cours à l’orgueil de son cœur dans sa folle vanterie, alors même que « la parole était encore dans la bouche du roi... une voix tomba des cieux : Roi Nebucadnetsar, il t'est dit : Le royaume s'en est allé d'avec toi » (v. 31-32) ; et alors le jugement prononcé par Daniel est répété par la voix et aussitôt exécuté. Car « au même instant la parole s'accomplit sur Nebucadnetsar : il fut chassé du milieu des hommes, et il mangea de l'herbe comme les bœufs, et son corps fut baigné de la rosée des cieux, jusqu'à ce que ses cheveux fussent devenus longs comme les plumes de l'aigle, et ses ongles, comme ceux des oiseaux » (v. 33). Lorsque Dieu parle, l'accomplissement suit, et ce qu'Il commande demeure toujours assuré.
            Penchons-nous maintenant sur la signification de ce jugement ; nous verrons qu'elle est de trois ordres : personnelle, morale et prophétique.
            Considérons d'abord la signification personnelle. Elle réside dans le fait que ce qui fut infligé à Nebucadnetsar était un jugement direct de Dieu sur son orgueil personnel, sur ce qu'on pourrait appeler la déification de soi-même. L'orgueil de l'homme est l'un des objets particuliers de la haine de Dieu ; et à cause de son expression sous une forme extrême dans le roi de Babylone, celui-ci tomba sous la main judiciaire de Dieu. Certains cherchent à expliquer sa condition d'une manière naturelle comme une espèce de folie. Même ainsi la question se pose : d'où cette folie venait-elle ? Le récit biblique fournit la réponse - une réponse rapportée par le roi lui-même : elle venait de la main de Dieu comme un juste jugement sur l'orgueil présomptueux et la vaine gloire de Nebucadnetsar. Menacé une année avant l'exécution de celui-ci, et ayant eu ainsi du temps pour la repentance, il entend les paroles mêmes de Daniel rappelées à son esprit par une voix venue des cieux, au moment précis où le coup allait s'abattre. Le gouvernement de la terre lui ayant été confié, Dieu le tenait pour responsable et le punissait en conséquence, et pourtant en grâce autant qu'en justice, puisque le but était de lui apprendre « que le Très-haut domine sur le royaume des hommes et qu'il le donne à qui il veut » (v. 32).
            La signification morale de ce qui frappa Nebucadnetsar est même plus importante, si cela est possible. Il fut chassé du milieu des hommes, devint comme une bête de la terre, car il mangeait de l'herbe comme les bœufs, et dans sa condition physique, il était même inférieur aux bêtes des champs. Tout cela ne fait qu'exprimer son état moral, et le caractère de la puissance qu'il détenait en tant que séparé de Dieu. Voici ce qu’un autre a écrit : « Le dépositaire du pouvoir est réduit à l'état des bêtes qui ne connaissent pas Dieu et manquent d'intelligence humaine. Le seul vrai privilège de l'homme, ce qui l'élève, c'est qu'il peut regarder en haut vers Dieu et le reconnaître. Autrement, il regarde en bas, il est dégradé, car il ne peut se suffire à lui-même... L'orgueil et l'indépendance séparent l'homme de Dieu : il devient une  bête, privé d'intelligence réelle ».
            L'état physique de ce monarque est par conséquent une image morale, et une image qui devrait nous faire réfléchir, en tant qu'elle révèle la condition de l'homme selon l'estimation de Dieu, lorsqu'il se vante de sa propre force, cherche sa propre gloire et fait état de sa propre indépendance. Mais cela va plus loin que le roi lui-même et s'étend aussi au caractère de sa domination et de son royaume. Si donc le premier royaume confié à la main de l'homme se montre idolâtre au chapitre 3, il devient bestial au chapitre 4. Cela signifie qu'il est dénué de toute intelligence puisque séparé de Dieu, et regardant en bas pour se nourrir seulement de motifs et d'objets de la terre. Car lorsque l'homme dans son exaltation bannit Dieu de ses pensées et fait de lui-même son centre et son objet, il n'est moralement pas supérieur à une bête. Comme le dit le psalmiste : « L'homme qui est en honneur et n'a point d'intelligence, est comme les bêtes qui périssent » (Ps. 49 : 20).
            Il y a enfin l'aspect prophétique. « Sept temps » devaient passer sur le roi dans sa dégradation avant qu'il soit restauré. Il n'est pas dit « années », bien qu'il soit possible que ces « temps » aient été des « années », mais il est dit « temps ». L'expression est vague, tandis que le terme « sept » lui donne une signification très précise ; c'est une période parfaite, une période comprenant toute la durée des temps des Gentils. Nous apprenons d'abord que les quatre royaumes - et ceux-ci, souvenons-nous-en, embrassent toute la période de la domination gentile - auront le même caractère moral devant Dieu. Ensuite que toute la puissance exercée en eux laissera Dieu de côté et sera déployée pour le moi, pour l'homme et pour des objets terrestres, sans considération pour les pensées de Dieu, ou pour la responsabilité envers Celui de qui la puissance a été tirée. C'est une pensée très solennelle, et à plusieurs points de vue. Elle montre qu'il n'y a aucun progrès à attendre dans les gouvernements de la terre et, par conséquent, qu'il est plus qu'inutile pour le chrétien - pour ne rien dire de l'incompatibilité avec son appel céleste - de s'embarquer sur la mer de l'agitation politique dans l'espoir de parvenir à une amélioration décisive de l'état des choses. Nous ne nions pas du tout que la condition de l'homme dans ce monde puisse être améliorée par des  lois justes et bonnes. Mais la question demeure : Des changements politiques ou des actes législatifs pourront-ils jamais changer le caractère moral soit des gouvernements humains, soit de leurs sujets ? Notre chapitre, ainsi qu'une quantité d'autres passages, proclame que le caractère du premier royaume se répétera dans ses successeurs, et comme nous l'apprenons par le livre de l'Apocalypse, il se manifestera sans aucun déguisement dans la forme finale du dernier des quatre royaumes prophétiques. Si quelqu'un devait douter de cette déclaration, qu'il trace le cours des gouvernements humains dès les jours du royaume de Babylone jusqu'à aujourd'hui. Qu'il étudie l'histoire des conquêtes, des guerres et des dynasties et qu'il se demande ensuite s'il pourrait nommer une période quelconque où la puissance du trône a été tenue par Dieu et exercée pour Dieu. Il découvrira sans doute que quelques monarques ont été personnellement des hommes pieux ; mais il devra confesser que, quelle qu'ait été leur piété, ils n'ont pas pu changer le cours ou le caractère de leurs gouvernements. Les puissances établies sont ordonnées de Dieu, aussi le chrétien est-il tenu de leur rendre tout l'honneur et toute la soumission qui leur sont dus ; mais cela n'infirme nullement le fait que la condition de Nebucadnetsar dans son aspect moral, telle qu'elle est donnée dans notre chapitre, dépeint le caractère des royaumes qui remplissent les temps des Gentils.


                        Le roi bénit le Très-haut (v. 34-37)

            Après avoir considéré les significations de la dégradation de Nebucadnetsar, voyons maintenant son effet sur lui. Les « sept temps » peuvent également se référer à cet effet. La période était arrêtée par Dieu et avait sans doute trait au changement qui devait s'opérer dans son âme. En d'autres mots, sa dégradation devait se poursuivre pendant une période parfaite, comme l'indique le nombre sept, jusqu'à ce que l'œuvre voulue de Dieu soit accomplie dans son âme. Aussi il dit : « Et à la fin de ces jours, moi, Nebucadnetsar, j'élevai mes yeux vers les cieux, et mon intelligence me revint, et je bénis le Très-haut, et je louai et magnifiai celui qui vit éternellement, duquel la domination est une domination éternelle, et dont le royaume est de génération en génération ; et tous les habitants de la terre sont réputés comme néant, et il agit selon son bon plaisir dans l'armée des cieux et parmi les habitants de la terre ; et il n'y a personne qui puisse arrêter sa main et lui dire : Que fais-tu ? » (v. 34-35). L'objet des voies de Dieu à son égard était atteint ; car le roi avait maintenant appris la leçon qui lui était destinée : que le Très-haut domine sur le royaume des hommes et qu'il le donne à qui il veut (v. 25, 32).
            Examinons néanmoins sa confession d'un peu plus près. Dans le jugement par lequel il avait été visité, il était comme une bête de la terre ; et, nous l'avons fait remarquer, la caractéristique d'une bête est qu'elle regarde en bas et qu'elle ne possède pas l'intelligence de l'homme. Il est, par conséquent, extrêmement intéressant de noter que du moment où Nebucadnetsar éleva ses yeux vers les cieux, son intelligence lui revint. Nous voyons la même chose chez le fils prodigue qui s'en était allé en un pays éloigné ; son « retour à lui-même » (Luc 15 : 17) et son retour à la maison de son père sont liés. La crainte de l'Eternel est le commencement de la sagesse, et cette déclaration est illustrée dans l'expérience du roi de Babylone. En regardant en haut vers la main qui l'avait frappé, il commença à comprendre, car il apprenait pour la première fois sa responsabilité envers Dieu.
            Et remarquez que le premier usage qu'il fait de son intelligence retrouvée, c'est de bénir le Très-haut, de le louer et de le magnifier comme le Dieu éternel et comme le Dominateur souverain tant dans les cieux que sur la terre. C'est de toute beauté ; et c'est la preuve assurée de ce que nous appelons une œuvre de grâce dans l'âme. Le caractère sous lequel il bénit Dieu, « le Très-haut », est aussi significatif. Nous trouvons ce titre pour la première fois en relation avec Melchisédec, qui est appelé sacrificateur du Dieu Très-haut et qui, bénissant Abram à son retour de la bataille des rois, déclare : « Béni soit Abram de par le Dieu Très-haut, possesseur des cieux et de la terre » (Gen. 14 : 19). Cela indique clairement, comme on peut aussi le déduire d'autres passages, que c'est le titre que Dieu prendra dans le siècle à venir lorsque, de fait, Il possédera la terre comme les cieux. Outre la signification de l'emploi du titre par Nebucadnetsar, qui reconnaissait par là que Dieu, bien qu'Il lui ait confié la souveraineté sur la terre, agissait néanmoins selon sa volonté sur la terre comme dans les cieux, il y a donc aussi une signification prophétique. Nous avons déjà attiré l'attention sur le fait que la dégradation de Nebucadnetsar préfigurait le caractère de la domination des nations jusqu'à la fin. Nous apprenons maintenant que ce sera par le jugement que les nations seront amenées à reconnaître Dieu. C'est ainsi que nous lisons dans le prophète Sophonie : « Car ma détermination c'est de rassembler les nations, de réunir les royaumes pour verser sur eux mon indignation, toute l'ardeur de ma colère ; car toute la terre sera dévorée par le feu de ma jalousie. Car alors, je changerai la langue des peuples en une langue purifiée, pour qu'ils invoquent tous le nom de l'Éternel pour le servir d'un seul cœur » (3 : 8-9).
            Daniel avait dit à Nebucadnetsar que le royaume lui demeurerait ; après cela le roi avait appris que les cieux dominent. Cette prédiction fut aussi vérifiée ; il ajoute : « Dans ce temps-là, mon intelligence me revint, et, pour la gloire de mon royaume, ma magnificence et ma splendeur me revinrent, et mes conseillers et mes grands me cherchèrent, et je fus rétabli dans mon royaume, et ma grandeur fut extraordinairement augmentée » (v. 36). Dieu accomplissait ainsi sa parole qu'Il avait fait entendre par la bouche de son serviteur ; pas un seul trait de lettre ne devait tomber en terre. Nebucadnetsar confesse et rapporte avec joie la fidélité divine. Et ce n'est pas un mince encouragement, face à l'orgueil de puissance partout manifesté et au sein de toute la confusion de la terre, de voir que Dieu fait travailler toutes choses à l'accomplissement de ses propres desseins, et que, à la fin, toutes les nations, comme aussi son ancien peuple, seront amenés dans une soumission librement consentie à Christ lorsqu'Il établira son royaume et étendra sa domination sur toute la terre.
            Le chapitre se termine sur une autre note de louange : « Maintenant, moi, Nebucadnetsar, je loue et j'exalte et je magnifie le roi des cieux, dont toutes les œuvres sont vérité, et les voies, jugement, et qui est puissant pour abaisser ceux qui marchent avec orgueil » (v. 37). En comparant le Nebucadnetsar qui rend cet hommage à Dieu, au Nebucadnetsar qui avait dit, en considérant la magnificence de sa ville : « N'est-ce pas ici Babylone la grande, que j'ai bâtie… » (v. 30), nous ne pouvons que nous exclamer : « Qu'est-ce que Dieu a fait ? » (Nom. 23 : 23). Il avait en effet montré sa puissance pour abaisser celui qui marchait dans l'orgueil. Plus que cela, en l'abaissant, Il avait totalement changé le cœur du monarque ; celui-ci se tournait dans la soumission vers la main qui l'avait frappé, et confessait que toutes les œuvres de Dieu sont vérité, et ses voies, jugement. Il justifiait ainsi Dieu, un signe sûr et évident de conversion, et tout en le justifiant, ses lèvres étaient pleines de louange et d'adoration. C'est une belle image des voies de Dieu tant en jugement qu'en grâce.
            Ajoutons un mot sur le caractère dans lequel il confesse ici Dieu. Il parle maintenant de Lui comme du Roi des cieux ; et c'est une preuve qu'il a été divinement enseigné. Lorsque l'Eternel avait son trône à Jérusalem, Il était le Dieu de la terre aussi bien que des cieux, mais lorsqu'Il eut abandonné son trône dans cette ville et eut remis la souveraineté du monde au monarque gentil, Il était connu comme le Dieu des cieux, et c'est à Lui comme tel que Daniel avait rendu témoignage devant le roi (2 : 37-44). Mais si Dieu avait maintenant pris ce titre, Il n'abandonnait en aucune manière ses droits sur la terre, ni les voies présentes de son gouvernement ; car son but dans le châtiment judiciaire qui s'abattit sur Nebucadnetsar était, comme nous l'avons vu, de lui enseigner « que le Très-haut domine sur le royaume des hommes, et qu'il le donne à qui il veut ». Nebucadnetsar avait confessé cette vérité ; mais avant de conclure le récit des voies de Dieu envers lui, il fait un pas de plus, et Le reconnaît comme le Roi des cieux.
            Il est très intéressant de suivre, dans l'histoire de Nebucadnetsar, les diverses étapes qui l'ont amené à cette conclusion. Au chapitre 2, il a confessé à Daniel : « En vérité, votre Dieu est le Dieu des dieux et le Seigneur des rois, et le révélateur des secrets, puisque tu as pu révéler ce secret » (v. 47) ; au chapitre 3, il a décrété que personne, sous peine des sanctions extrêmes de la loi, ne devait parler mal du Dieu de Shadrac, de Méshac et d'Abed-Nego, reconnaissant qu'il n'y avait pas d'autre Dieu « qui puisse sauver ainsi » (v. 29) ; et enfin, dans notre chapitre, il reconnaît Dieu comme le Très-haut et comme le Roi des cieux. Ainsi, Dieu dans sa grâce, a soumis le cœur orgueilleux de ce puissant monarque, et l'humiliant devant Lui, l'a amené à confesser Son nom devant tous les habitants de son vaste empire. Si nous avons là un récit de jugement, c'est néanmoins une page de l'histoire de la grâce illimitée de Dieu.


                                                                            D’après E. Dennett

A suivre